Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

Appelante : A. P.

Représentants de l’appelante : Stephen Yormack/Adele Clewlow

Représentante de l’intimé : Penny Brady

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). L’intimé a rejeté sa demande et a maintenu son refus après révision. L’appelante a porté en appel la décision de la révision au Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), et le 2 septembre 2015, un membre de la division générale du Tribunal a rendu sa décision de rejeter l’appel.

[3] La division générale a conclu que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée conformément au sous-alinéa 42(2)a)(i) du RPC. L’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale, et celle-ci a été accueillie.

Questions en litige

[4] Plusieurs questions interdépendantes ont été soulevées aux fins d’analyse, notamment à savoir si la division générale :

  1. a omis de tenir compte du niveau subjectif de douleur de l’appelante.
  2. a l’obligation générale d’évaluer le niveau subjectif de douleur d’un demandeur. Et si tel est le cas, est-ce que ce manquement constitue une erreur de droit ?
  3. a mal interprété et mal cité le témoignage oral de l’appelante, et par le fait même commis une erreur de fait.
  4. a pris hors contexte la preuve médicale, et a ainsi commis une erreur de fait.
  5. a commis des erreurs de droit et des erreurs mixtes de fait et de droit, notamment en appliquant incorrectement le droit applicable à la formation de recyclage et en n’abordant pas la question de la crédibilité de l’appelante.

Questions préliminaires

[5] Le représentant de l’appelante a soulevé deux questions préliminaires sur lesquelles la division d’appel a rendu une décision de vive voix au cours de l’audience. Premièrement, le représentant de l’appelante a fait valoir qu’il devrait y avoir une audience de novo pour laquelle la division d’appel accepterait et tiendrait compte de nouveaux éléments de preuve. Deuxièmement, il a fait valoir que puisque le syndrome de la douleur chronique était un élément de l’affaire de l’appelante, la division générale devait tirer des conclusions quant à la crédibilité de son témoignage au sujet de son niveau subjectif de douleur. Le représentant de l’appelante a soutenu que puisque la division générale n’a pas tiré de conclusions quant à la crédibilité, elle a commis une erreur et la seule solution appropriée est que la division d’appel renvoie l’affaire à la division générale pour que celle-ci tranche sur cette question.

[6] La représentante de l’intimé, bien qu’elle soit d’accord que l’audience auprès de la division d’appel n’était pas de la nature d’un contrôle judiciaire, n’était pas d’accord que celle-ci ou que toute autre audience auprès de la division d’appel devrait donner lieu à une audience de novo.La représentante de l’intimé a cité l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300 et a fait valoir que « des nouveaux éléments de preuve » ne faisaient pas partie des moyens d’appel aux termes des lois qui régissent le Tribunal. Donc, de nouveaux éléments de preuve ne sont pas admissibles en appel devant la division d’appel. Outre, la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit un processus particulier par lequel « de nouveaux éléments de preuve » peuvent être présentés, notamment, une demande d’annulation ou de modification d’une décision conformément à l’article 66 de la Loi sur le MEDS. La représentante de l’intimé a également présenté l’observation selon laquelle l’audience devrait avoir lieu comme prévu en excluant les nouveaux éléments de preuve.

[7] Sur la question de crédibilité, la représentante de l’intimé a soutenu qu’une évaluation de crédibilité n’était pas toujours nécessaire.

Jugement

[8] Après avoir entendu les observations des deux représentants, la division d’appel a conclu ce qui suit :

  1. Les compétences de la division d’appel sont définies par le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. De récentes décisions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale ont précisé la portée de la compétence et de l’enquête de la division d’appel, indiquant clairement que la division d’appel se limite à enquêter seulement si la division générale a enfreint l’une des dispositions énoncées dans ce paragraphe.
  2. Dans l’affaire Tracey, le membre a précisé que la nature de l’appel devant la division d’appel n’était ni un contrôle judiciaire ni une audience de novo.
  3. Dans l’affaire Tracey, le membre a également précisé que de nouveaux éléments de preuve ne sont habituellement pas présentés lors d’une audience à la division d’appel. Puisque la division d’appel a conclu qu’il n’y avait aucun fondement rationnel pour admettre les nouveaux éléments de preuve proposés, ceux-ci seront exclus et l’audience aura lieu sur ce fondement.
  4. La question de crédibilité et l’obligation d’évaluer sont également une question de droit qui était présente lors de l’audience.

[9] Le représentant de l’appelante a exprimé son désaccord avec le jugement émis par la division d’appel et a soutenu que l’appelante devrait avoir droit de présenter des éléments de preuve lors d’un témoignage oral.

Norme de contrôle

[10] La seule discussion au sujet de la « norme de contrôle » provenait de l’intimé. Dans ses observations écrites, la représentante de l’intimé a fait valoir que la division d’appel devrait faire preuve de déférence à l’égard de la division générale en ce qui concerne les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit. En ce qui concerne les questions de droit, la division d’appel n’est pas tenue de faire preuve de déférence à l’égard de la division générale. Elle a soutenu qu’il s’agissait là de l’intention du Parlement lorsqu’il a créé la division d’appel.

[11] La représentante de l’intimé a également présenté l’observation selon laquelle la décision de la division générale, prise en compte dans son intégralité, est fondée en droit, et pour ce qui est de la preuve de l’appelante et du droit applicable, la décision de la division générale est [traduction] « compréhensible, transparente et raisonnable ».

[12] La division d’appel est consciente de récentes décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale qui vont à l’encontre de la position que la représentante de l’intimé défend. Ces décisions exigeraient que la division d’appel se limite à déterminer si la division générale a enfreint l’une des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sans tenir compte des principes ou du libellé de contrôle judiciaireNote de bas de page 1. Ces décisions ont comme position que cela était l’intention du législateur lorsqu’il a créé la division d’appel, et que l’intention du législateur passe avant tout. Cette position a été soulignée dans la récente décision de la Cour d’appel fédérale, c’est-à-dire, dans l’affaire Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Huruglica et al 2016 CAF 93. Dans les affaires Jean, Maunder et Tracey, les cours se sont efforcées de délimiter spécifiquement la portée de la division d’appel en excluant le « contrôle judiciaire ». La division d’appel est liée par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Cependant, le statut et l’applicabilité de la jurisprudence abondante accumulée sous l’ancien régime restent à être clarifiés.

Dispositions législatives applicables

[13] Les appels à la division d’appel sont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le MEDS. Les moyens d’appel sont énoncés au paragraphe 58(1) et sont les suivants :

58(1) Moyens d’appel –

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Selon le paragraphe 58(2), la permission d’en appeler est accordée seulement lorsque la division d’appel est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. La division d’appel a accordé la demande de permission d’en appeler selon les arguments suivants :

  • La division générale avait le devoir d’évaluer le niveau subjectif de douleur de l’appelante et de tirer des conclusions quant à la crédibilité.
  • La division générale a commis des erreurs de fait ou des erreurs mixtes de droit et de fait en interprétant mal et en citant mal la preuve de l’appelante et en prenant la preuve médicale hors contexte.
  • La division générale pourrait avoir appliqué incorrectement le droit applicable à la formation.

Analyse

Est-ce que la division générale avait le devoir d’évaluer le niveau subjectif de douleur de l’appelante et de tirer des conclusions quant à sa crédibilité ?

[15] Le représentant de l’appelante a présenté deux observations interdépendantes relatives à ce point. Premièrement, il a avancé que l’appelante souffrait du « syndrome de la douleur chronique » qu’il décrit comme étant une [traduction] « condition inorganique ». Il a fait valoir que la législation reconnait la condition comme étant une affection entraînant une incapacité, et il a également présenté l’observation selon laquelle la division générale, en ne considérant pas si l’appelante était ou non invalide en raison du syndrome de la douleur chronique, s’est mal orientée et a mal appliqué le droit. La deuxième observation du représentant était que la division générale avait à la fois une obligation générale d’évaluer la crédibilité et un devoir précis d’évaluer la crédibilité de l’appelante afin de déterminer s’il y avait lieu ou non d’accepter les éléments de preuve de l’appelante en ce qui concerne la façon dont elle est affectée par son syndrome de douleur chronique.

[16] En réponse, la représentante de l’intimé a répliqué que la division générale n’avait pas l’obligation générale ni spécifique d’évaluer la crédibilité. La représentante de l’intimé était également d’avis que l’appelante n’avait pas établi qu’elle souffrait du syndrome de la douleur chronique et que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a préféré la preuve médicale au témoignage de vive voix de l’appelante.

[17] Dans l’arrêt Nouvelle-Écosse (Worker’s Compensation Board) c. Martin, (2003) 2 RCS 504, la Cour suprême du Canada (CSC) suggère la définition suivante de « syndrome de la douleur chronique ».

Depuis quelques années, tant au Canada qu’à l’étranger, les régimes d’indemnisation des accidentés du travail sont aux prises avec l’un des dossiers les plus épineux, celui du syndrome de la douleur chronique et des problèmes de santé connexes. Aucune définition de la douleur chronique ne fait autorité. Toutefois, l’on considère généralement qu’il s’agit d’une douleur qui persiste au-delà de la période normale de guérison d’une lésion ou qui lui est disproportionnée, et qui est caractérisée par l’absence, à l’emplacement de la lésion, de signes objectifs permettant d’attester l’existence de cette douleur au moyen des techniques médicales actuelles.

[18] Dans l’arrêt Martin, dans lequel il était question des droits à l’égalité, la CSC a conclu que l’exclusion générale de la douleur chronique du champ d’application du régime d’indemnisation des accidentés du travail de la Nouvelle-Écosse a enfreint le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, et il s’agissait d’une infraction qui n’était pas justifiable aux termes de l’article 1 de la Charte.

[19] La représentante de l’intimé a fait valoir que l’appelante devait établir qu’elle souffrait du syndrome de la douleur chronique. Elle a signalé l’absence de mention de cette condition dans la documentation médicale. La difficulté avec cette position est que bien que la documentation ne fait pas mention de « syndrome de la douleur chronique », elle fait mention de « douleur chronique », et il n’apparaît pas clair à la division d’appel si dans l’arrêt Martin, une distinction est faite entre « syndrome de la douleur chronique » et « douleur chronique ». Par exemple, le rapport médical du RPC fait mention de « douleurs chroniques au bas du dos » et fait un lien avec le diagnostic médicalNote de bas de page 2 de l’appelante. (GT1-40) De plus, l’appelante a été décrite comme souffrant de discopathie dégénérative chronique ; (GT1-493) et de [traduction] « maux de dos chroniques dus à une hernie discale L4-L5 en 2006 ». (GT2-3)

[20] Même si la documentation médicale ne fait pas mention du « syndrome de la douleur chronique », la division d’appel est d’avis que dans cette affaire, l’enquête ne peut pas prendre fin ainsi, car la documentation médicale faisait expressément référence au fait que l’appelante souffrait de douleurs chroniques comme indiqué précédemment. Cela étant dit, la jurisprudence indique clairement que dans les cas de douleur chronique ou du syndrome de douleur chronique, une personne demanderesse doit démontrer que la douleur l’a empêchée de chercher une occupation régulière et véritablement rémunératrice : Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), (2008) CAF 33.

[21] Le représentant de l’appelante a soutenu que la division générale a commis une erreur de droit, car elle a entendu les éléments de preuve de l’appelante au sujet de ses douleurs chroniques, mais ne s’est pas penchée sur le sujet dans la décision. Il a fait valoir que cette omission a entraîné une situation critique, et par conséquent, porte un coup fatal à la décision. Pour sa part, la représentante de l’intimé a répliqué que la division générale a tenu compte du témoignage de la demanderesse au sujet de ses douleurs chroniques au dos, mais qu’elle a préféré la preuve médicale.

[22] Avec égard, la division d’appel n’est pas convaincue que la division générale n’a fait plus qu’enregistrer le témoignage de l’appelante au sujet de ses douleurs chroniques et de ses niveaux subjectifs de douleur en ce qui concerne son dos, car elle n’en fait pas mention dans la section « Analyse » de la décision. Par ailleurs, pour les motifs exposés ci-dessous, la division d’appel n’est pas convaincue que cela était une erreur de droit qui a donné un coup fatal à la décision de la division générale.

[23] Il est clair que la division générale a fondé sa décision sur ses conclusions selon lesquelles aucun élément de preuve médical indépendant n’indiquait que l’appelante était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Sur ce point, la division générale a écrit ce qui suit [traduction] :

[33] Aucun dossier ne fait état qu’un médecin ou un professionnel de la santé aurait conseillé à l’appelante de ne pas exercer aucun emploi. Plutôt, et l’intimée accepte ceci, l’appelante a été avisée de ne pas exercer un emploi qui nécessite de lever plus de 10 kg, de se pencher ou de pivoter de façon répétitive ou encore de se tenir debout ou en position assise pendant des périodes prolongées sans pouvoir changer de position au moins brièvement. Son propre médecin de famille, dans son dernier rapport se trouvant dans le dossier fourni par l’appelante, a indiqué que celle-ci était capable d’exercer un travail de bureau/travail administratif et a conclu que l’état de l’appelante était prolongé, mais n’était pas graveNote de bas de page 3.

[24] Le dossier du Tribunal appuie les conclusions de la division générale. Le rapport du médecin de famille auquel s’est référée la division générale est daté du 13 décembre 2013. Dans le rapport, le Dr McKay indique ce qui suit au sujet de l’appelante [traduction] :

Elle souffre de douleurs chroniques au dos dues à une hernie discale L4-L5 en 2006. Selon ses antécédents médicaux, elle a eu une laminectomie isolée L4-L5 à l’âge de 18 ans. Elle s’est blessée à nouveau en 2008 à la suite d’une chute. Elle a souffert d’une petite hernie discale récurrente au niveau L4-L5 en 2011 selon l’IRM. Elle est en mesure de travailler, mais elle ne peut pas lever plus que 75 lb, ce qui est requis pour son emploi actuel chez Purolator. Elle est capable d’exercer un travail de bureau/travail administratif. Son diagnostic est : lombalgie de nature mécanique et chronique. Sa condition est grave, mais elle n’est pas prolongée. (GT2-3)

[25] La division d’appel conclut que dans l’absence d’éléments de preuve documentaire pouvant réfuter le diagnostic du médecin de famille de l’appelante, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en ne faisant pas mention des douleurs lombaires chroniques de l’appelante ainsi que son évaluation subjective de ces douleurs. De plus, des découvertes de la division générale faites ultérieurement lui ont évité de devoir évaluer de façon plus détaillée les douleurs lombaires de l’appelante.

Est-ce que la division générale avait le devoir d’évaluer la crédibilité de l’appelante ?

[26] Le représentant de l’appelante a affirmé que la division générale avait à la fois une obligation générale de tirer des conclusions quant à la crédibilité et un devoir précis de tirer des conclusions quant à la crédibilité en ce qui concerne l’évaluation subjective et la description de l’intensité des douleurs de l’appelante. Il a cité la décision rendue par la Commission d’appel des pensions dans l’affaire MSNBS c. Densmore (1er juin 1998), CP 2389 pour appuyer sa position.

[27] La représentante de l’intimé a répliqué que la division générale n’a aucune obligation générale d’évaluer la crédibilité et qu’aucune obligation de la sorte ne découle de la jurisprudence ou de la loi qui régit. Elle a fait valoir que bien que la Loi sur le MEDS exige que la division générale fournisse des raisons pour justifier ses décisions, et que ces raisons doivent être transparentes, intelligibles et doivent démonter leur bien fondé, la Loi sur le MEDS n’a manifestement pas imposé l’obligation générale de tenir compte de la crédibilité. La représentante de l’intimé a également affirmé que la division générale n’avait pas le devoir précis d’effectuer une évaluation quant à la crédibilité de la preuve de l’appelante.

[28] Tel que mentionné précédemment, le représentant de l’appelante a cité l’affaire Densmore pour appuyer sa position concernant la division générale et son obligation d’évaluer la crédibilité de l’appelante. Dans l’affaire Densmore, la CAP a conclu que l’appelante était une témoin crédible. Cependant, compte tenu de ce qui suit, la division d’appel est d’avis que la CAP n’a pas fondé sa décision uniquement sur ses conclusions quant à la crédibilité.

[traduction]
Mme Densmore nous a semblé être une personne authentique désirant mener une vie normale et active. Ses antécédents de travail rapportés par son mari écartent toutes affirmations selon lesquelles elle se fait passer pour malade. Tous les médecins à qui elle a eu affaire n’ont jamais douté de sa sincérité. Plus particulièrement, les deux médecins impliqués, l’un pour le ministre et l’autre sur l’instance de l’intimé, sont d’accord sur le diagnostic de douleurs chroniques.

[29] La CAP a indiqué clairement qu’une preuve médicale objective était souhaitable et a émis l’avis suivant [traduction] :

Nous devons également souligner qu’il appartient à la personne qui présente une demande de prestations de démontrer qu’elle a cherché un traitement et qu’elle a déployé des efforts pour gérer la douleur. En conséquence, bien que ce soit loin d’être essentiel dans tous les cas, il serait souhaitable pour un demandeur et utile au conseil qu’un élément de preuve de nature psychiatrique, psychologique ou physiatrique soit fourni par un médecin, qui en vertu de son expérience et de son expertise dans ce domaine difficile de la médecine, est apte à venir en aide au conseil.

[30] Par conséquent, la division d’appel n’est pas convaincue que, comme l’a fait valoir le représentant de l’appelante, le rapport Densmore vient appuyer la proposition selon laquelle une évaluation de la crédibilité est toujours requise dans des cas de douleurs chroniques. Le représentant de l’appelante n’a pas référé la division d’appel à la jurisprudence pertinente pouvant corroborer une telle conclusion, et la division d’appel n’en a pas connaissance. Selon la division d’appel, ce qui ressort à la lecture du rapport Densmore est la déclaration selon laquelle, dans les cas de syndrome chronique de la douleur, une évaluation de la crédibilité peut s’avérer nécessaire selon les circonstances de chaque casNote de bas de page 4. Il semble à la division d’appel que le besoin se fait sentir uniquement en l’absence d’éléments de preuve justificateurs et objectifs tels qu’il est exigé dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248. Dans l’affaire de l’appelante, la division générale avait des éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée. Cependant, ces éléments de preuve n’étaient pas à l’appui de la position de l’appelante.

[31] Pour ce qui est de la question à savoir si la division générale avait le devoir précis de déterminer la crédibilité et de se prononcer sur la crédibilité de l’appelante, compte tenu de cette discussion, la division d’appel n’est pas convaincue par les arguments du représentant de l’appelante. Quoi qu’il en soit, la division générale a formulé des commentaires au sujet de la crédibilité de l’appelante. Elle a fourni des commentaires précis au sujet des éléments de preuve de l’appelante concernant le conseil du Dr Taylor ainsi qu’au sujet du fait qu’elle a nié avoir avisé la CSPAAT qu’elle était prête à retourner au travail. Selon la division générale, elle avait amplement raison de douter et de rejeter son témoignage. Elle fait référence à cela aux paragraphes suivants de la décision [traduction] :

[34] Les éléments de preuve de l’appelante indiquant que le Dr Taylor lui aurait dit de ne pas travailler du tout si elle commence à avoir des sensations d’engourdissement dans son pied ou dans sa jambe est une restriction qui n’est pas formulée dans son rapport. L’appelante a consulté le Dr Taylor à la demande de son représentant légal dans le but précis de documenter ses restrictions pour la CSPAAT. Le Tribunal n’accepte pas qu’une restriction aussi importante ayant des conséquences aussi graves, selon le témoignage de l’appelante, aurait été exclue du rapport du Dr Taylor lorsque celui-ci l’aurait rédigé et que cela n’aurait pas été corrigé au cours des cinq ans qui ont suivis. Le Tribunal trouve inconcevable que cette restriction n’aurait été documentée à aucune reprise dans les centaines de pages présentées à l’appui de la demande de l’appelante. Les éléments de preuve de l’appelante n’étaient pas crédibles sur ce point, et elle n’a pas démonté, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle avait une telle restriction.

[35] Devant la CSPAAT en janvier 2014, l’appelante a exprimé sa volonté de retourner travailler en exécutant des tâches modifiées. Lorsqu’elle a été questionnée à ce sujet au cours de l’audience, elle a témoigné que la CSPAAT doit être [traduction] « folle » pour penser qu’elle pouvait exercer un emploi sédentaire. L’appelante a témoigné que si elle obtenait un emploi, elle pourrait seulement garantir qu’elle rentrerait travailler une fois par semaine. Le Tribunal n’accepte pas ses éléments de preuve à ce sujet. Elle note que l’appelante a été en mesure de terminer un cours de perfectionnement de quatre mois de septembre 2014 à décembre 2014. C’était de 9 h à 12 h, cinq jours par semaine.

[32] À titre de juge des faits, c’est à la division générale d’entendre la preuve des parties, de la soupeser et de rendre des décisions fondées sur les faits et le droit. En l’absence d’erreur, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, ce n’est pas le rôle de la division d’appel de soupeser à nouveau la preuve dans le but d’en venir à une conclusion qui convient mieux à l’appelante. À la lumière de la conclusion de la division générale selon laquelle la preuve médicale n’appuie pas la position de l’appelanteNote de bas de page 5, la division d’appel n’est pas convaincue que la division générale a commis une erreur soit de droit ou de fait ou une erreur mixte de droit et de fait concernant les conclusions qu’elle a tirées quant à la crédibilité.

Est-ce que la division générale a mal cité et mal interprété la preuve, et a pris la preuve hors contexte ?

[33] Le représentant de l’appelante a fait valoir que la division générale avait commis des erreurs de fait en interprétant mal et en citant mal la preuve de l’appelante et en prenant la preuve médicale hors contexte. Il s’est référé notamment à ses conclusions concernant l’omission, dans le rapport du Dr Taylor, de la mention que l’appelante devrait arrêter de travailler si elle ressentait des engourdissements dans son pied ou dans sa jambe. Comme mentionné précédemment, la division d’appel n’est pas convaincue que les conclusions de la division générale au sujet du rapport médical du Dr Taylor comportaient des erreurs.

Est-ce que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelante pouvait régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice ?

[34] Le représentant de l’appelante a également fait valoir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelante ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer qu’elle n’était pas en mesure de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. En plus de ses conclusions au sujet de l’absence de preuve médicale objective, la division générale a tiré des conclusions au sujet de la conformité de l’appelante aux soins médicaux prescrits et de ses efforts pour se recycler. Le représentant de l’appelante, dans la demande de permission d’en appeler, a cité l’affaire Romanin c. MDRH (18 novembre 2004), CP 21597 pour appuyer le fait que la division générale a commis une erreur en assimilant sa participation à un programme de recyclage professionnel à sa capacité de travailler. La division d’appel estime que la référence ou l’application de la législation pertinente de la division générale sur ces points ne comportent aucune erreur.

[35] La division d’appel note que la division générale n’a pas assimilé l’assiduité scolaire ou la participation à un programme de recyclage à la capacité de travailler de l’appelante, mais a plutôt noté la brièveté de la tentative de l’appelante de se recycler et que c’était insuffisant pour déterminer si l’appelante était incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division d’appel ne relève aucune erreur de cette conclusion.

Conclusion

[36] La division d’appel a accordé la permission d’en appeler du fait que l’appelante a soulevé une cause défendable. Après avoir entendu les arguments des parties, et compte tenu de la discussion qui précède, la division d’appel rejette l’appel.

[37] L’appel est rejeté.

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