Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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[1] Cette affaire vise à déterminer si la division générale a enfreint un principe de justice naturelle lorsqu’elle a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelant sans considérer les arguments fondés sur la Charte qu’il a soulevés.

Contexte factuel

[2] Les faits essentiels aux fins de cet appel sont présentés ci-dessous.

[3] Le 15 avril 2015, la division générale a rejeté de façon sommaire la demande de l’appelant pour un prolongement de la période de rétroactivité d’un paiement de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, sur la foi que le moment le plus tôt où l’appelant aurait été réputé invalide est survenu 15 mois avant sa demande de pension d’invalidité au Régime de pensions du Canada la plus récente. La division générale a rejeté son appel de façon sommaire parce qu’elle était convaincue qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[4] Bien que l’appelant allègue que ses droits en vertu des articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés ont été violés, la division générale n’a considéré aucun des arguments de l’appelant liés à la Charte et n’a pas déterminé si l’appelant s’était conformé à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale en signifiant un avis de question constitutionnelle.

Questions en litige

[5] Cet appel soulève plusieurs questions, entre autres à savoir si la division générale pourrait avoir manqué à un principe de justice naturelle lorsqu’elle n’a pas considéré les arguments liés à la Charte de l’appelant. Pour les motifs qui suivent, je dois considérer cette seule question en litige à savoir si la division générale a manqué à un principe de justice naturelle.

Observations

[6] Les observations de l’appelant du 6 novembre 2015 indiquent qu’il souhaite contester la constitutionnalité de certaines dispositions du Régime de pensions du Canada.

[7] Le représentant de l’intimé a déposé des observations le 21 août 2015. Dans les observations supplémentaires déposées le 9 novembre 2015, le représentant concède qu’il est apparent que l’appelant n’a pas eu l’occasion de déposer un avis selon l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale en ce qui a trait aux  arguments qu’il a faits et qui sont liés aux articles 7 et 12 de la Charte. Le représentant de l’intimé affirme qu’il n’y a pas de fondement probatoire pour l’argument sur la Charte qui ait été déposé à la division d’appel, ni de preuve dans la correspondance de la division générale que l’appelant ait demandé un tel avis.

[8] Le représentant de l’intimé soutient que, de manière plus importante, tandis que la division générale indiqua que l’appelant souhaitait faire une contestation en vertu de la Charte à la division générale, il n’y a pas de preuve que la division générale considéra cet argument lorsqu’elle rejeta de manière sommaire l’appel de l’appelant. Comme ceci soulève une question potentielle de justice naturelle et d’équité procédurale, l’intimé est d’avis que la présente affaire devrait être renvoyée à la division générale.

[9] Le représentant de l’intimé soutient que la division d’appel n’est pas le tribunal approprié pour plaider une contestation en vertu de la Charte une première fois, à cause de son champ d’application, de la nature des appels entendus par la division d’appel, et ici, le manque de données probantes. Le représentant de l’intimé affirme que si l’appelant à l’intention de faire une contestation de constitutionnalité, la présente affaire devrait être renvoyée à la division générale.

[10] Le représentant de l’intimé soutient que, comme solution de rechange, si la division d’appel n’accepte pas ces observations, la décision de la division générale est raisonnable, les arguments fondés sur la Charte n’ont aucune chance de succès et l’appel doit être rejeté.

Analyse

[11] Le Tribunal de la sécurité sociale a mis en place plusieurs directives et procédures générales qui peuvent s’appliquer lorsque la validité, l’applicabilité ou l’effet, sur le plan constitutionnel, d’une disposition du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi sur l’assurance-emploi, de la partie 5 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social ou des règlements découlant de n’importe laquelle de ces lois sont en cause devant le Tribunal. Jusqu’à maintenant, celles-ci incluent les suivantes :

  • le Tribunal de la sécurité sociale donnera l’occasion à l’appelant de se conformer aux dispositions de l’avis en vertu de l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale;
  • la division générale avisera un appelant que, s’il ou elle ne s’est pas conformé aux dispositions de l’avis selon l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le Tribunal de la sécurité sociale peut considérer de rejeter de façon sommaire l’affaire;
  • généralement, la division générale ne rejettera pas de façon sommaire une affaire liée à la Charte, car une partie peut déposer une preuve et des observations durant l’audience de l’appel : J.C. c. Ministre de l’Emploi et Développement des compétences, 13 mai 2015, AD-15-74 (décision en français non publiée), paragr. 2 à 4, 22 à 26, 30 à 36;
  • une fois que le Tribunal est convaincu que l’appelant s’est conformé aux dispositions de l’avis selon l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, le Tribunal de la sécurité sociale invitera généralement les parties à de fournir leurs « dossiers complets, lesquels doivent comprendre leurs éléments de preuve et observations, ainsi que la jurisprudence et la doctrine sur lesquels ils ont l’intention de se fonder » : G.B. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences et J.B., 2014 TSSDGSR 28, au paragr. 48;
  • si le fondement factuel des observations relatives à la Charte est insuffisant, la division générale devrait ordonner à l’appelant de déposer un dossier modifié d’observations : G.B., supra;
  • la division d’appel n’exerce généralement pas sa discrétion et prend en compte les arguments fondés sur la Charte pour la première fois à l’étape de l’appel si ces arguments n’ont pas été soulevés ou examinés par la division générale, et particulièrement lorsqu’il n’y a pas de preuve documentée ou d’éléments à sa connaissance en lien avec les questions en litige soulevées par l’appelant : C.F. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social Canada (24 février 2016), AD-15-992 (TSSDA) (pas encore publiée).

[12] La division générale n’a pas suivi les pratiques et procédures générales du Tribunal de la sécurité sociale. L’appelant avait soumis des observations à la division générale voulant que, lorsque la demande d’invalidité d’un individu est « injustement rejetée », les articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés sont violés, car cet individu est privé de « vie, liberté et sécurité » et est soumis à un traitement ou une peine cruels et inusités. Bien que ces observations ont été faites en réponse à l’avis d’intention de rejet sommaire de la division générale, la division générale malgré cela :

  1. n’a pas déterminé si l’appelant s’était conformé aux exigences de l’avis en vertu de l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale;
  2. n’a pas invité les deux partis à déposer de « dossiers complets », et
  3. n’a pas demandé de clarifications à savoir quelles dispositions spécifiques du Régime de pensions du Canada violaient présumément des droits individuels selon les articles 7 ou 12 de la Charte.

[13] Je ne commente pas le caractère raisonnable des observations de l’appelant en lien avec la Charte – en effet, la nature des questions constitutionnelles soulevées est peu claire – toutefois, la division générale aurait premièrement dû déterminer si l’appelant s’était conformé à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, inviter les parties à déposer un « dossier complet », et dans le cas de l’appelant, des observations modifiées en lien avec la Charte, et ensuite examiner et considérer les arguments de l’appelant liés à la Charte.

[14] J’accepte les observations du représentant de l’intimé voulant qu’en négligeant de considérer les arguments de l’appelant liés à la Charte, la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et ne s’est pas assurée que l’appelant obtienne une audience juste et une occasion de présenter équitablement sa cause. La réparation appropriée dans ces circonstances est de renvoyer cette affaire à la division générale pour qu’elle prenne une nouvelle décision.

[15] Le représentant de l’intimé demande aussi à la division d’appel d’envisager de donner des directives qui permettront à l’appelant de se conformer à l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et, s’il ne se conforme pas, que la division générale considère le rejet sommaire de l’appel comme étant une réparation appropriée. Je laisse à la division générale le soin de déterminer la décision appropriée relativement à l’affaire dont elle est saisie, mais je demanderais qu’elle conseille l’appelant quant aux exigences de l’avis selon l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale pour lui donner la chance de s’y conformer.

Conclusion

[16] L’appel est accueilli et le dossier est renvoyé à un autre membre de la division générale pour qu’une nouvelle décision soit rendue, avec la directive voulant que l’appelant soit conseillé quant aux exigences de l’avis selon l’alinéa 20(1)a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale et qu’on lui donne la chance de s’y conformer.

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