Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Essentiellement, cette demande a pour but de déterminer si la demanderesse exerçait ou était apte à exercer une « occupation véritablement rémunératrice ». La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale le 23 novembre 2015. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car elle a constaté qu’elle exerçait une occupation véritablement rémunératrice en 2015, et que par conséquent, son invalidité ne pouvait pas être grave d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité, c’est-à-dire, d’ici le 31 décembre 2014.

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler auprès du Tribunal de la sécurité sociale le 9 mars 2016, après avoir déposé sa demande par erreur au bureau de Service Canada de sa région le 3 mars 2016 à St. John’s, Terre-Neuve. La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé qu’elle exerçait une occupation véritablement rémunératrice après la fin de sa période minimale d’admissibilité et soutient qu’elle a également commis une erreur de droit en ne tenant pas plus compte d’un des rapports médicaux.

[3] Compte tenu du fait que la demande de permission d’en appeler semble avoir été déposée en retard, je dois tout d’abord déterminer s’il est approprié que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire afin de prolonger le délai prescrit pour présenter la demande de permission d’en appeler. Si je décide de prolonger le délai pour présenter la demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[4] Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Dois-je exercer mon pouvoir discrétionnaire afin de proroger le délai prévu pour la présentation de la demande de permission d’en appeler ? et si tel en est le cas ;
  2. Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Bref historique des procédures

[5] Aux fins de la présente demande, les dates importantes sont les suivantes :

  1. 3 décembre 2015 - la demanderesse a reçu la décision de la division générale ;
  2. 3 mars 2016 - la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler à la division d’appel ;
  3. 9 mars 2016 - La demanderesse a déposé à nouveau la demande de permission d’en appeler à la division d’appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

Observations

[6] La demanderesse n’a présenté aucune observation au sujet du retard possible de sa demande de permission d’en appeler. La demanderesse reconnaît volontiers qu’elle est retournée travailler à temps partiel en 2015. Elle reconnaît également qu’elle a tenté de retourner travailler en 2012, et qu’elle avait des quarts de travail de 4 heures par jour, et cela, deux à trois jours par semaine. Elle indique qu’elle a fait une tentative ratée de retour au travail, mais il n’est pas clair dans ses observations si cela fait référence uniquement à sa tentative de 2012 ou si cela comprend également sa tentative de 2015.

[7] La demanderesse soutient que la division générale a omis de tenir compte pleinement du rapport médical provenant de son médecin de famille. Elle soutient que son médecin de famille était le mieux placé pour fournir un avis sur son invalidité, car elle a été suivie par ce médecin depuis plus de 30 ans et ce dernier a fourni un rapport plus exhaustif que ceux d’autres médecins.

[8] La demanderesse indique qu’elle souffre de douleurs chroniques quotidiennement et qu’elle s’est exposée à un risque plus élevé de blessures en retournant travailler en 2015.

[9] Le Tribunal de la sécurité sociale a fourni au défendeur une copie des documents relatifs à la demande de permission d’en appeler, mais le défendeur n’a déposé aucune observation.

Analyse

a) Dépôt tardif d’une demande

[10] La demanderesse a déposé sa demande de permission d’en appeler avec environ une semaine de retard. Le paragraphe 57(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) indique que « [l]a division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler ».

[11] Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale énonce les quatre critères que le Commissaire des tribunaux de révision pour le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse devrait soupeser et prendre en considération pour déterminer s’il y a lieu de proroger au-delà des 90 jours la période de temps au cours de laquelle un appelant a droit d’interjeter appel auprès d’un tribunal de révision. Les critères sont les suivants :

  1. il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel ;
  2. la cause est défendable ;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué ;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[12] Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Larkman, (2012) CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a conclu que la raison primordiale était de servir la justice ; cependant, elle a également conclu que les quatre questions portant sur l’exercice de la discrétion pour se prononcer sur une prorogation de délai n’avaient pas toutes à être tranchées en faveur du demandeur.

[13] En soupesant chacun de ces quatre facteurs, on constate qu’une prorogation du délai ne cause aucun préjudice au défendeur en l’espèce. La demanderesse a d’abord présenté sa demande auprès de Service Canada ; cela indique son intention constante de poursuivre l’appel. L’erreur de destinataire lors du déport de la demande donne également une explication raisonnable de la semaine de retard. Afin de déterminer s’il y a lieu de proroger le délai imparti pour déposer la demander, je ne me suis pas penchée sur la question de savoir si la cause est défendable. Cependant, il est bien établi que le demanderesse n’a pas à satisfaire aux quatre critères énoncés dans l’affaire Gattellaro et qu’il n’est pas nécessaire d’accorder le même poids à chacun de ces critères, du fait que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice. Dans l’intérêt de la justice et à la lumière des faits entourant la présente affaire, je suis disposée à proroger le délai prévu pour présenter une demande de permission d’en appeler.

b) Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

[14] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS prévoit que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Pour que la permission soit accordée, la demanderesse doit me convaincre que les moyens d’appel correspondent à l’un des motifs précités et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[16] Pour qu’une conclusion de fait soit considérée comme étant erronée aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur cette conclusion de fait erronée et que cette conclusion de fait erronée ait été tirée par la division générale de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

i. Occupation véritablement rémunératrice

[17] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a appliqué le critère « d’occupation véritablement rémunératrice ». Elle indique que [traduction] « 12 heures par semaine n’est pas considéré comme étant une occupation véritablement rémunératrice selon les prestations d’invalidité du Canada [sic] ». Il semblerait que la mention des 12 heures par semaine fait référence à sa tentative ratée de retour au travail en 2012 plutôt qu’à son emploi en 2015. Il n’est pas tout à fait clair si la demanderesse conteste les conclusions relatives à son emploi à temps partiel en 2015.

[18] La division générale semble avoir déterminé si la demanderesse exerçait une occupation véritablement rémunératrice en se fondant sur la jurisprudence datant de 1994 à 2006.

[19] L’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, lequel est entrée en vigueur le 29 mai 2014, définit l’expression « véritablement rémunératrice » aux termes du sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime de pensions du Canada. Le sous-alinéa est ainsi libellé :

68.1 (1) Pour l’application du sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi, véritablement rémunératrice se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité, calculée selon la formule suivante :

(A × B) + C

où :

  1. A représente 25 % du maximum moyen des gains ouvrant droit à pension ;
  2. B 75 % ;
  3. C le montant de la prestation à taux uniforme, calculé conformément au paragraphe 56(2) de la Loi, multiplié par 12.

[20] La division générale ne semble pas avoir tenu compte du tout de l’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada.Malgré les observations vagues de la demanderesse pour déterminer si elle conteste que son emploi en 2015 était une « occupation véritablement rémunératrice », je suis convaincue que la division générale a pu commettre une erreur de droit lorsqu’elle a établi le critère applicable pour une « occupation véritablement rémunératrice » et que par conséquent, elle aurait alors commis une erreur dans son analyse lorsqu’elle a tenté de déterminer si l’emploi à temps partiel de la demanderesse en 2015 était un « emploi véritablement rémunérateur ».

ii. Poids de la preuve

[21] La demanderesse soutient que la division générale a omis de tenir compte pleinement du rapport médical provenant de son médecin de famille. Elle soutient que son médecin de famille était le mieux placé pour fournir un avis sur son invalidité, car elle a été suivie par ce médecin depuis plus de 30 ans et ce dernier a fourni un rapport plus exhaustif que ceux d’autres médecins.

[22] Essentiellement, la demanderesse soutient que la division générale aurait dû accorder une plus grande importance à l’avis de son médecin de famille. Cependant, la question de l’importance à accorder à la preuve ne fait pas partie de l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La Cour d’appel fédérale a refusé d’intervenir sur la question du poids qu’accorde un décideur à la preuve, estimant que cette prérogative « relève du juge des faits » : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82. D’une manière similaire, je m’en remets à la révision de la preuve effectuée par la division générale. La division générale, en tant que juge des faits, est la mieux placée pour apprécier la preuve qui lui est présentée et pour déterminer le poids qu’elle doit lui accorder. La division d’appel n’instruit pas les appels de novo et n’est pas placée pour évaluer le poids de la preuve. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Je ne peux pas conclure que la division générale aurait dû accorder plus de poids ou plus d’importance au rapport médical du médecin de famille de la demanderesse.

iii. Révision

[23] La demanderesse indique qu’elle souffre de douleurs chroniques quotidiennement et qu’elle s’est exposée à un risque plus élevé de blessures en retournant travailler en 2015.

[24] Essentiellement, la demanderesse demande une révision sur ce point en particulier. Comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel de réviser les éléments de preuve ou l’importance des facteurs considérés par la division générale lors qu’elle détermine si une permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Ni la permission ni l’appel n’autorise à intenter de nouveau un recours en justice. Je ne suis donc pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Il n’est pas approprié que je fasse une révision de la preuve.

Conclusion

[25] La demande de permission d’appeler est accordée au seul motif que la division générale a peut-être commis une erreur d’identification du critère applicable pour une « occupation véritablement rémunératrice ».

[26] J’invite les parties à présenter des observations concernant également le mode d’audience (c.-à-d. déterminer si l’audience devrait avoir lieu par téléconférence, par vidéoconférence, à l’aide d’autres moyens de télécommunication, par comparution en personne ou à l’aide de questions et réponses écrites). Si l’une des parties souhaite demander une forme d’audience autre que par questions et réponses écrites, je la prierais de fournir une estimation du temps nécessaire pour présenter la plaidoirie. Il pourrait également être utile à l’intimé de présenter un relevé des gains courant.

[27] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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