Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Comparutions

Appelant - B. T.

Représentante de l’appelant - Julie Ellery

Représentante du défendeur - Sylvie Doire

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] L’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). Le défendeur a rejeté sa demande et a maintenu son refus après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision relative à la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), et le 25 mai 2015, la division générale du Tribunal a rejeté l’appel. Il a ensuite présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Un membre différent de la division d’appel a accordé la demande, indiquant que l’appelant a présenté des moyens d’appel qui ont potentiellement une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[3] Les questions en litige qui ont été soulevées sont les suivantes :

  1. Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’analyser des éléments de preuve dont elle disposait ?
  2. Est-ce que la division générale a commis des erreurs de droit en n’appliquant pas les principes énoncés dans la jurisprudence aux faits de l’affaire de l’appelant ?

Questions préliminaires

Degré de déférence

[4] La représentante de l’appelant n’a présenté aucune observation sur la question de norme de contrôle ou de degré de déférence que devrait accorder la division d’appel à la décision de la division générale. Cependant, la représentante du défendeur a présenté de longues observations sur la question. Après avoir exposé l’historique législatif des articles pertinents de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la représentante du défendeur a comparé les dispositions législatives régissant les pouvoirs en appel de l’ancien Bureau du juge-arbitre à ceux de la division d’appel actuelle. Elle a fait valoir que le modèle de la division d’appel s’appuie sur celui de l’ancien Bureau et que, par conséquent, ses pouvoirs doivent être exercés de façon similaire à ceux de l’ancien Bureau du juge-arbitre lorsqu’elle révise des décisions des anciens conseils arbitraux. La division d’appel devrait donc faire preuve de déférence à l’égard de la division générale en ce qui a trait aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit, mais ne devrait faire preuve d’aucune déférence à l’égard de celle-ci en ce qui a trait aux questions de droit. La division d’appel devrait faire preuve de déférence à l’égard de la division générale en ce qui concerne les questions en litige dans cet appel, car elles comportent des questions de fait.

[5] La division d’appel est consciente de récentes décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale qui vont à l’encontre de la position que la représentante du défendeur défend. Ces décisions exigeraient que la division d’appel se limite à déterminer si la division générale a enfreint l’une des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sans tenir compte des principes ou du libellé de contrôle judiciaireNote de bas de page 1. Ces décisions ont comme position que cela était l’intention du législateur lorsqu’il a créé la division d’appel, et que l’intention du législateur passe avant tout.

[6] Dans les décisions Jean, Maunder et Tracey, les cours ont eu de la difficulté à délimiter précisément la compétence de la division d’appel, ce qui excluait le « contrôle judiciaire ». La Cour d’appel fédérale a souligné cette position dans la récente décision du Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Huruglica et al 2016 CAF 93. La division d’appel est liée par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale, malgré l’ambiguïté spécifique du statut et de l’applicabilité de la jurisprudence abondante accumulée sous l’ancien régime.

Dispositions législatives applicables

[7] Les appels à la division d’appel sont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le MEDS. Les moyens d’appel sont énoncés au paragraphe 58(1) et sont les suivants :

58(1) Moyens d’appel –

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Un appel est accueilli si l’appelant est capable d’établir que la division générale a enfreint l’une des dispositions législatives susmentionnées.

Analyse

Fondement justifiant que la permission d’en appeler a été accordée

[9] La division d’appel a accordé la permission d’en appeler pour les motifs suivants :

  1. Bien que la décision de la division générale contenait un résumé de la preuve, la division générale n’a pas analysé la preuve et n’a pas non plus expliqué comment elle a soupesé la preuve afin d’en arriver à sa décision. 
  2. La division générale a correctement énoncé les principes de l’affaire Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117 et de l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34, mais elle n’a pas appliqué les principes aux faits de l’affaire de l’appelant (paragraphes 38 et 39).
  3. Il n’était pas clair pourquoi la division générale a rendu cette décision.

Est-ce que la division générale a omis d’analyser la preuve dont elle disposait ?

[10] Au début de l’audience, la représentante de l’appelant a tenté de mieux définir la portée de l’appel. Elle a identifié le paragraphe 40 de la décision comme étant la source du problème, plus particulièrement l’omission apparente de tenir compte du fait que, en plus des prestations régulières d’assurance-emploi (AE), l’appelant a également reçu des prestations de maladie d’AE après que les versements des prestations régulières ont pris fin. La plupart des arguments de la représentante de l’appelant portaient sur ce point. Elle a reconnu que bien que l’appelant recevait des prestations d’AE, il devait être considéré comme étant régulièrement apte à exercer une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, elle soutient que ce n’était pas le cas après qu’il commence à recevoir des prestations de maladie d’AE. Elle est d’avis que le fait qu’il recevait des prestations de maladie d’AE aurait dû donner lieu à une analyse différente de la part de la division générale. Ainsi, le manquement de la division générale à cette obligation était une erreur de droit, car la division générale a sauté à la conclusion que puisque l’appelant était apte à travailler en avril 2010, il était également apte à travailler en décembre 2012.

[11] La représentante de l’appelant a cité d’autres exemples où, selon elle, la division générale a ignoré des éléments de preuve. Ceux-ci comprennent les tentatives de l’appelant de travailler avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) de décembre 2012 ; la preuve médicale ; les résultats d’une évaluation des limitations fonctionnelles ; et le fait que l’appelant a été hospitalisé en juillet 2009 pour des maux de dos sévères.

[12] En réponse aux arguments de la représentante de l’appelant, la représentante du défendeur a fait valoir que la division générale n’a pas ignoré les prestations de maladie d’AE de l’appelant, mais a délibérément choisi de ne pas en tenir compte dans son analyse. Ainsi, aucune erreur n’a été commise dans cette décision.

[13] La division d’appel a tenu compte des observations des parties sur la question à savoir si le fait d’omettre ou non que l’appelant recevait des prestations de maladie d’AE lors de la prise de décision est une erreur. Avec égard, la division d’appel n’est pas convaincue qu’un lien direct peut être fait ou aurait dû être fait entre les prestations de maladie d’AE reçues par l’appelant d’avril à juillet 2010 et la constatation qu’en date du 31 décembre 2012, l’appelant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division d’appel en arrive à cette conclusion en tenant compte des objectifs et des principes de la Loi sur l’assurance-emploi tels qu’identifiés par la Cour suprême du Canada (CSC), dans le Renvoi relatif à la Loi sur l’assurance-emploi (Can), art. 22 et 23, 2005 CarswellQue 9127. La CSC décrit le régime d’assurance-emploi de la façon suivante :

Il s’agit d’un programme public d’assurance fondé sur la notion de risque social visant à préserver la sécurité économique des travailleurs et le rattachement au marché du travail par le versement d’indemnités temporaires de remplacement du revenu en cas d’interruption d’emploi.

[14] Le fait que la notion de temporalité est essentielle au régime d’AE est souligné par la CSC lorsqu’elle fait mention de « rattachement au marché du travail » et de « versement d’indemnités temporaires de remplacement du revenu ». À l’opposé, le RPC envisage le versement d’une pension d’invalidité lorsqu’il y a une incapacité totale de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur. Ces deux concepts sont idéologiquement opposés, un point qui a été souligné dans l’affaire Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Henderson, 2005 CAF 309 où la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit [traduction] :

 [...] une invalidité ne peut être « prolongée » si elle n’est pas déclarée devoir durer pendant une période « indéfinie ». […] Le texte restrictif de l’article 42 montre que le Régime a pour objet de rendre admissibles à une pension ceux qui sont, pour cause d’invalidité, incapables de travailler pour une longue période, et non de dépanner des réclamants au cours d’une période temporaire où des ennuis médicaux les empêchent de travailler.

[15] Par conséquent, le fait que l’appelant ait reçu des prestations de maladie immédiatement après une période où il recevait des prestations régulières d’AE ne permet pas, selon la division d’appel, de déterminer sa capacité de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur. Par conséquent, la division d’appel conclut que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a omis de sa discussion le fait que l’appelant avait reçu des prestations de maladie d’AE pendant deux mois avant la fin de sa PMA.

[16] En ce qui concerne les autres éléments de preuve dont, selon la représentante de l’appelant, la division générale n’a pas tenu compte, la division d’appel conclut que la division générale a particulièrement noté les efforts de l’appelant de recyclage et de recherche d’emploi. Ce qui ressort de la décision est que l’appelant n’a pas cherché un autre emploi et qu’il a [traduction] « lui-même limité » ses efforts en se fondant sur l’évaluation subjective de ce qu’un employeur potentiel exigerait et des difficultés qu’il aurait à se trouver un emploi en raison de son âge (paragraphes 25-27). Malgré le témoignage de l’appelant, la division d’appel n’est pas convaincue que la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve relatifs aux efforts qu’il a déployés pour se trouver un emploi. Bien au contraire, la division générale a explicitement abordé cet aspect du témoignage de l’appelant au paragraphe 40 de la décision, lorsqu’elle a noté ce qui suit [traduction] :

L’appelant a indiqué qu’il n’a pas déployé d’efforts pour se trouver un emploi, car il ne pouvait pas travailler à temps plein et croyait que même un emploi à temps partiel nécessiterait au moins de travailler pendant quatre heures. Le Tribunal estime que l’appelant était capable de travailler lors de sa PMA, mais qu’il n’a pas déployé d’efforts pour se trouver un emploi convenable.

[17] La représentante de l’appelant a fait valoir que la division générale a sauté à la conclusion que puisque l’appelant était apte à travailler au cours de la période où il recevait des prestations régulières d’AE, il était également apte à travailler à la fin de sa PMA. La division d’appel n’est pas d’accord. Selon la division d’appel, la division générale n’a sauté à aucune conclusion. La chronologie des événements peut être décrite de la façon suivante : l’appelant a arrêté de travailler en juin 2009 ; il a présenté une demande de prestations régulières d’AE ; ces prestations lui ont été versées jusqu’en avril 2010. Pendant qu’il recevait ces prestations régulières d’AE, il a indiqué qu’il était prêt, disposé et apte à travailler. D’avril à août 2010, l’appelant a reçu des prestations spéciales d’AE, à savoir des prestations de maladie. La division d’appel déduit qu’il recevait ces prestations, car une maladie l’empêchait de travailler. La PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2012. Cependant, entre le moment où il a arrêté de recevoir les prestations de maladie d’AE et la fin de sa PMA, l’appelant ne s’est pas cherché un autre emploi et ne s’est pas recyclé.

[18] La recherche d’un autre emploi est, selon l’affaire Inclima, une obligation pour les personnes qui présentent une demande de pension d’invalidité du RPC. Le demandeur doit démontrer que ses efforts pour trouver et conserver un emploi se sont avérés futiles en raison de son état de santé. Il incombait à l’appelant d’établir qu’il a déployé des efforts pour obtenir et conserver un autre emploi, mais qu’il a été incapable de s’en trouver un en raison de ses problèmes de santé. Pour ce qui est du témoignage de l’appelant selon lequel il a [traduction] « lui-même limité » ses efforts et ne s’est jamais cherché un autre emploi, la division d’appel estime que la division générale a correctement appliqué les principes énoncés dans l’affaire Inclima et dans l’affaire Scott. Par conséquent, la division d’appel estime également que la division générale n’a pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelant était capable de travailler.

[19] De même, la division d’appel estime que la division générale n’a pas omis de tenir compte du fait que le Dr Gordon a avisé l’appelant de se trouver un emploi moins exigeant physiquement. Selon la division d’appel, ce conseil est qualitativement différent d’une recommandation qui indiquerait que l’appelant doit cesser de travailler. La division d’appel estime que la même conclusion peut être tirée en ce qui concerne l’hospitalisation et le résultat d’un FAA de l’appelant.

[20] En ce qui concerne l’argument sur l’affaire Inclima, la représentante de l’appelant a fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte du fait que l’appelant a commencé à recevoir des prestations de maladie d’AE immédiatement après avoir reçu les prestations régulières. Elle soutient que ce fait suggère que l’appelant était incapable de travailler. En ce qui concerne les arguments de la représentante de l’appelant, la division générale a commis deux erreurs. Premièrement, elle a ignoré un fait substantiel, c’est-à-dire, le fait que l’appelant recevait des prestations de maladie d’AE. Deuxièmement, la division générale n’a pas expliqué de façon adéquate comment elle en est venue à la conclusion que l’appelant était apte à travailler avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA).

[21] La division d’appel estime que sa discussion au sujet du traitement de la division générale des prestations de maladie d’AE de l’appelant répond ou a répondu à la plupart de ces arguments. Selon la division d’appel, sa discussion a mené à la conclusion que la division générale n’a pas ignoré un fait substantiel lorsqu’elle n’a pas formulé de commentaire ni tenu compte du fait que l’appelant recevait des prestations de maladie d’AE. La division d’appel n’estime pas non plus que la division générale a omis d’appliquer les principes énoncés dans les affaires Inclima et Scott. Selon la division d’appel, la division générale a élaboré sur ces principes au paragraphe 40 de la décision. Il aurait peut-être été préférable pour la division générale d’expliquer son processus décisionnel de façon plus exhaustive. Cependant, la division d’appel n’est pas convaincue que son analyse sommaire indique que la décision de la division générale a enfreint l’un des moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Cette position est étayée dans l’affaire Giannaros c. Canada (Développement social), 2005 CAF 187 où la Cour d’appel fédérale indique ce qui suit [traduction] :

[…] elle ne devrait pas intervenir sous prétexte qu’elle estime que la CAP ne s’est pas exprimée d’une manière qui lui paraît acceptable. Les motifs soumis au contrôle judiciaire doivent être examinés équitablement [...] On ne devrait pas accéder à une demande de contrôle judiciaire sur ce motif, lorsque la Cour peut distinguer le raisonnement suivi par la CAP du langage qu’elle a employé, bien qu’il soit évident que la CAP aurait pu expliquer son raisonnement plus à fond.

Conclusion

[22] Compte tenu de tous les motifs susmentionnés, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.