Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

D. R., appelant

Alexandra Victoros, représentante juridique de l’appelant

T. R., témoin (conjointe de l’appelant)

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité au titre du

Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant le 30 septembre 2013. Il a refusé la demande au stade initial ainsi qu’au terme d’un nouvel examen. L’appelant a interjeté appel de la décision en réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience dans le cadre de cet appel a été tenue par vidéoconférence pour les motifs suivants :

  1. les audiences peuvent être tenues par vidéoconférence à une distance raisonnable de la région où habite l’appelant;
  2. il y avait de l’information manquante ou il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  3. ce mode d’audience satisfait à l’obligation, énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de procéder de façon aussi informelle et rapide que possible dans la mesure où les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC établit les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une pension d’invalidité, un demandeur doit :

  1. a) avoir moins de soixante‑cinq ans;
  2. b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être considérée comme étant invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] La PMA n’est pas en litige, car les parties s’entendent à cet égard; le Tribunal conclut que la date qui marque la fin de la PMA est le 31 décembre 2013.

[7] Dans la présente affaire, le Tribunal doit déterminer si l’appelant était vraisemblablement atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de la PMA ou avant cette date.

Preuve

Preuve documentaire

[8] Le 17 octobre 2013, l’appelant a rempli le questionnaire à l’appui de sa demande. Il a déclaré qu’il a une douzième année et qu’il a travaillé dans un bureau entre le 1er août 2009 et le 13 août 2013. Il a cessé de travailler en raison d’un accident. Il était travailleur autonome et exploitait une agence de recouvrement des comptes à recevoir de tierces parties. En raison de ses douleurs, il était incapable de travailler pendant de longues heures et il a donc fermé les portes de l’entreprise. Il était le propriétaire et exploitant et il n’avait aucun employé. Il avait travaillé auparavant pour VFC Inc. du 5 décembre 1997 au 21 juillet 2009. Il est atteint d’une déficience visuelle en raison d’une intervention qu’il a subie au cerveau, il souffre d’épilepsie et il est incapable de conduire. Il a une assurance privée auprès de la Financière Manuvie. Il a affirmé qu’à compter du 31 mars 2012, il ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé. Il a ajouté que, le 19 février 1978, il s’était fait enlever une tumeur au cerveau, avait perdu la vision et était devenu épileptique. Il est encore traité pour des crises épileptiques. Il a subi un [traduction] « accident vasculaire cérébral lors d’une intervention chirurgicale et pourrait avoir subi d’autres accidents vasculaires cérébraux lors d’une blessure subie le 31 mars 2012. Il ne peut passer des tests en raison de l’intervention subie au cerveau par le passé. Il n’a aucune mémoire à court terme. » D’après l’appelant, en raison de ses douleurs, il est incapable de se tenir debout ou de travailler pendant plus d’une heure. Il habite dans une région éloignée où les transports en commun sont limités. Il ne peut franchir de longues distances à pied. Il souffre d’une déficience visuelle en raison d’une intervention subie au cerveau, car il a fallu rompre le nerf optique pour lui enlever une tumeur. Il n’a aucune mémoire à court terme en raison de cette intervention subie au cerveau et il reçoit des traitements pour épilepsie. Il souffre aussi d’une légère dyslexie en raison de l’intervention chirurgicale. Il n’a eu d’autre choix que d’arrêter de nager et de marcher en raison de la gravité des douleurs qu’il ressent à la jambe droite. Il peut s’asseoir et se tenir debout pendant une heure au plus. Il peut franchir au plus un kilomètre à pied et doit s’arrêter fréquemment en raison des douleurs ressenties. Il ne peut grimper dans des échelles en raison de ses problèmes d’équilibre. Il peut se pencher, mais il se sent étourdi s’il effectue un mouvement brusque. Il peut subvenir à ses besoins personnels et effectuer de légers travaux d’entretien ménager sur une certaine période. Il est aveugle dans une proportion de plus de 50 % en raison d’une déficience visuelle aux deux yeux. Son élocution est parfois confuse en raison d’un possible accident vasculaire cérébral (AVC). Sa mémoire est très limitée en raison de l’absence de mémoire à court terme. Sa famille l’a informé qu’il devient confus très facilement. Son sommeil est correct. Il ne conduit pas en raison de sa déficience visuelle. Il se faire prescrire de l’Apo-Metoprolol, de la Carbamazepine, de la Paroxetine, du Telmisartan et du Pravastatin, de la Pms- Indapamide, de l’ASA et de l’Oxycocet au besoin (il prend cinq ou six comprimés par jour). Il a suivi une physiothérapie en 2012, mais celle‑ci n’a donné aucun résultat. Il consultera un autre spécialiste en janvier 2014 pour déterminer s’il est un candidat au remplacement d’une cheville. Il utilise une canne, un appareil orthopédique pour la cheville et des chaussures orthopédiques.

[9] Dans l’avis d’appel, la représentante juridique de l’appelant soutient que ce dernier souffre d’une déficience grave en raison de l’épilepsie qui a été diagnostiquée, de maux de tête, de perte de mémoire, de problèmes de colère, de déficience visuelle et d’une fracture à la cheville, pour laquelle il devra subir une fusion ou une arthroplastie. La combinaison de la perte de mémoire, des maux de tête et des problèmes de colère, de même que les déficiences physiques causées par la gravité de la fracture à la jambe droite, pour laquelle il a dû subir trois interventions chirurgicales et devra à un moment donné se faire remplacer la cheville, l’ont forcé à arrêter de travailler comme agent de recouvrement à son compte en 2012. Il est incapable de reprendre un emploi véritablement rémunérateur depuis qu’il a arrêté de travailler et avant la date marquant la fin de sa PMA en 2013. Son médecin a indiqué que sa perte de mémoire s’aggravera probablement et que ses problèmes de colère demeureront les mêmes. Il est limité sur le plan physique en raison de sa fracture à la cheville.

[10] Le 20 octobre 2013, la Dr Cole, médecin de famille, a rempli le questionnaire médical du RPC. Elle a déclaré qu’elle connaissait l’appelant depuis 12 ans et qu’elle avait commencé à le traiter pour ses problèmes de mémoire en septembre 2011. Elle a posé le diagnostic de perte de mémoire – a consulté le DrBruni; de maux de tête – a consulté le Dr Bruni; de problèmes de colère; de fracture à la cheville (pourrait avoir besoin d’un appareil orthopédique), arthroplastie à la cheville; et de crises épileptiques contrôlées par des médicaments. Il a subi une intervention chirurgicale pour tumeur bénigne au cerveau en 1989. Il en a résulté des crises épileptiques et une perte totale de sa vision périphérique. Il se fait prescrire du Tegretol pour les crises épileptiques (contrôlées) et, pour les maux de tête, il prend du Tylenol 3. Sous la rubrique Pronostic, la Dr Cole a écrit : Il est probable que sa mémoire se détériore. Il n’y aura probablement aucun changement au niveau de ses maux de tête. La colère demeure la même et pourrait être ou ne pas être liée à la tumeur au cerveau. Il souffre aussi d’hypertension et d’hyperlipidémie. Il se fait prescrire du Paxil, du Pravachol, du Tegretol, de l’Indapamide Metoprolol et du Micardis.

[11] Le 21 mai 1998, l’appelant a consulté le Dr Chepesiuk, neurologue, qui a indiqué que l’appelant avait manifesté une amélioration spontanée de ses maux de tête. Il lui arrivait encore à l’occasion d’éprouver un mal de tête qui lui martelait le côté gauche lorsqu’il était stressé.

[12] Le 14 octobre 2011, le Dr Bruni, neurologue, a reçu l’appelant en consultation, et il a noté à l’égard de ce dernier qu’il avait par le passé souffert de crises épileptiques après l’ablation d’un méningiome vers 1978. Il a reçu l’appelant en consultation pour la dernière fois en 2006; ce dernier éprouvait alors du côté gauche des maux de tête qui duraient depuis plusieurs semaines. Il n’a fait mention d’aucune crise épileptique. Un tomodensitogramme n’a révélé aucune pathologie grave. Ses maux de tête se sont par la suite résorbés. Il n’a eu aucune autre crise épileptique et il a cessé de prendre du Dilantin en 2006. Il continue d’éprouver des maux de tête intermittents depuis 2006 environ. Depuis que ses maux de tête sont réapparus récemment, l’appelant a mentionné qu’il a des crises épileptiques récurrentes pendant son sommeil. Ses maux de tête n’ont rien à voir avec sa posture et ne le réveillent pas. Il n’y a aucune phonophobie associée à ces maux de tête, ni nausée, ni vomissement. Il a dit des douleurs qu’elles étaient semblables à un serrement qui est presque constant. De manière générale, elles sont cotées six sur une échelle d’intensité de zéro à dix. Il continue d’oublier. Il affirme que, depuis l’intervention chirurgicale initiale, il éprouve des problèmes d’équilibre. Un deuxième tomodensitogramme n’aurait démontré l’existence d’aucune pathologie grave. L’appelant ne conduit pas et il continue d’exploiter sa propre entreprise. Un examen du nerf crânien a révélé un léger nystagmus au niveau de l’hémianopsie homonyme du côté droit. Aucun examen de l’état mental n’a été effectué en bonne et due forme. Le Dr Bruni a recommandé une IRM (tomodensitogramme). L’appelant ne voulait pas prendre d’autres médicaments pour ses maux de tête. Le Dr Bruni a recommandé un médicament autre que le Dilantin pour les crises épileptiques récurrentes si l’appelant n’était pas satisfait de son ancien médicament en raison de l’hyperplasie. Le Dr Bruni a commencé à prescrire 20 mg de Tegretol par jour, laquelle dose devait être portée à 200 mg, deux fois par jour.

[13] D’après une note clinique datée du 30 novembre 2011, l’appelant a pris des médicaments antiépileptiques jusqu’à 21 ans, a arrêté de les prendre en 2006 et a recommencé à les prendre en raison d’absences épileptiques. Il a lui‑même décidé de cesser de les prendre et a recommencé à les prendre en 2010. Il doit continuer de prendre ses médicaments indéfiniment. Ses maux de tête sont constants, comme un talonnement ennuyeux, et sont pires en avant‑midi et moins pires en fin de journée. Ses maux de tête ne sont pas accompagnés de nausées ou de vertige. Ils sont continus depuis le mois d’août.

[14] D’après une note clinique datée du 15 décembre 2011, les maux de tête de l’appelant ne se sont pas améliorés. L’appelant devait rencontrer le Dr Bruni. Il ne prenait rien pour atténuer ses douleurs. Il a utilisé du Tylenol 3, qui ne lui a apporté aucun soulagement. Les maux de tête sont quotidiens. Il ressent encore des bourdonnements dans la tête.

[15] D’après une note clinique datée du 5 mars 2012, l’appelant avait encore des maux de tête et des bourdonnements. [traduction] « Encore des MT 24 heures par jour, sept jours par semaine ». [traduction] « Il les bloque mentalement ».

[16] Le 23 juillet 2012, l’appelant a subi une intervention chirurgicale en raison de l’absence de soudure d’une fracture du pilon tibial distal du tibia droit. L’intervention consistait à retirer une vis de la partie latérale de la cheville, à procéder à une arthrotomie de l’articulation de la cheville, assortie d’une capsulectomie et d’une synovectomie et du retrait de la fixation – la plaque et les vis – du tibia distal dans la région médiale, avec réparation de l’absence de soudure, ostéotomie et allogreffe. Le diagnostic postopératoire était une absence de soudure de la fracture du pilon tibial distal du tibia distal droit.

[17] Un rapport sur l’imagerie de la cheville daté du 19 octobre 2012 a fait état d’une difformité modérée en varus de l’articulation du tibia droit. Il y avait d’anciennes fractures présumées mettant en cause l’aspect médial du tibia distal et de la fibule distale.

[18] Le 20 octobre 2012, le Dr Quinn a reçu l’appelant en consultation à la clinique de traitement des fractures. Il a signalé que ce dernier avait par le passé éprouvé beaucoup de problèmes au niveau de ses extrémités inférieures droites. En 1999, il s’est fracturé le tibia et s’est fait installer une fixation au moyen de vis. Or, comme ces vis ne restaient pas en place, il les a ensuite fait enlever. Il a été reçu en consultation le 31 mars 2012, lorsqu’il est tombé du grenier chez lui; il s’est rendu à l’urgence. Les médecins ont alors procédé à une réduction chirurgicale et à une fixation interne, mais il y a eu absence de soudure des fractures malléolaires médiales et latérales de l’appelant. Des radiographies ont démontré une absence de soudure de la fibule distale et de la malléole médiale, laquelle est déplacée vers la région médiale et supérieure. L’aspect médial de son pilon était endommagé. Un examen physique a révélé qu’il avait une faible impulsion dans la région dorsale du pied et un tissu de granulation dans les plaies médiales et latérales en voie de guérison. D’après le Dr Quinn, l’appelant n’était pas un candidat à l’arthroplastie. À 49 ans, il était trop jeune. La seule option de reconstruction chirurgicale que le Dr Quinn était disposé à offrir était une arthrodèse de la cheville étant donné les dommages au pilon, la perte du contrefort médial et latéral de la malléole, et le jeune âge de l’appelant. Le Dr Quinn a indiqué que sa liste d’attente pour une arthrodèse était de plus de deux ans.

[19] D’après une note clinique datée du 7 mars 2013, l’appelant devait consulter le Dr Daniels pour sa cheville en janvier 2014. Il se débrouillait alors grâce à son appareil orthopédique pour la cheville et prenait de l’Oxycodone. Il [traduction] « se rendait alors au travail à pied et retournait dîner à la maison ».

[20] D’après une note clinique datée du 9 septembre 2013, l’appelant n’avait plus de crise épileptique depuis 2002.

[21] Le 6 juin 2013, le Dr McCall, chirurgien orthopédique, a fait rapport de son évaluation de l’appelant faite le 4 juin 2013. Il portait un appareil orthopédique pour la cheville, qui semblait lui être utile. Il s’est récemment tordu la cheville et il a eu une enflure de certains tissus mous latéralement. Des radiographies ont révélé que son tibia distal et sa fibule distale avaient bien guéri. Il y avait un signe de bascule de l’astragale. Le Dr McCall a expliqué qu’aux fins d’un traitement futur, il continuait de privilégier le port d’un appareil orthopédique à la cheville, une arthrodèse de la cheville, de même qu’une arthroplastie de la cheville. L’appelant devait voir le Dr Daniels en janvier pour examiner la possibilité de subir une arthroplastie de la cheville. Le Dr McCall a écrit ceci : [traduction] « ... mais à le regarder se déplacer aujourd’hui, je constate qu’il marche très bien et que ses douleurs semblent être raisonnables et bien contrôlées au moyen d’un comprimé ou deux de Percocet par jour, ce qui permet de penser qu’il devrait probablement poursuivre une gestion sans intervention chirurgicale, mais nous allons voir ce qui va se produire ».

[22] Le 10 octobre 2013, le Dr McCall a déclaré que l’appelant devait consulter le Dr Daniels en janvier, qu’il prenait environ quatre comprimés de Percocet par jour pour contrôler ses douleurs chroniques, ce qui semblait être très raisonnable. Le Dr McCall a prescrit 100 comprimés de Percocet et déclaré que l’on avait pris les mesures de l’appelant pour lui fabriquer une chaussure orthopédique munie d’un support.

[23] Le 20 janvier 2014, le Dr Daniels a fait rapport de son examen de l’appelant. Il a indiqué qu’il avait eu une tumeur au cerveau lorsqu’il était enfant et qu’il avait été en réadaptation pendant une longue période. Depuis, il avait eu deux fractures importantes à la cheville droite et dans la région du pilon, en raison desquelles il souffrait d’arthrite posttraumatique au stade ultime à l’articulation de la cheville droite. En ce qui concerne la fracture la plus récente, il y a eu absence de soudure, de sorte que les médecins ont dû installer une nouvelle plaque. En bout de ligne, le matériel a été retiré – environ un an plus tard. L’appelant s’est plaint principalement de difformité continue et de douleurs constantes à l’arrière‑pied droit. Il était incommodé lorsqu’il marchait, et prenait du Percocet pour atténuer les douleurs. Il souffrait aussi d’hypertension, qu’il traitait au moyen de médicaments. L’examen a permis de constater une légère difformité en varus lorsque l’appelant se tenait debout, ce qui causait une douleur dans la région latérale du pied droit. Des radiographies ont révélé qu’il souffrait d’arthrite au stade ultime à la cheville droite avec possibilité de cal vicieux de la malléole médiale ayant entraîné une inclinaison en varus vers le talus au niveau de la mortaise tibiale. Ils ont discuté des avantages et des inconvénients d’une fusion comparativement à un remplacement. Le Dr Daniels a indiqué que la fusion était une bonne opération, qui aide à atténuer les douleurs. Les patients constatent une raideur, mais ils peuvent habituellement s’adapter. Si l’intervention est bien faite, la difformité en varus est corrigée au moment de la fusion chirurgicale. Le Dr Daniels a déclaré qu’il obtiendrait un tomodensitogramme et discuterait d’autres options de traitements après celui‑ci.

[24] Le 27 janvier 2014, le Dr Daniels a fait rapport de son examen du tomodensitogramme subi par l’appelant une semaine auparavant. Le test a révélé des changements avasculaires au tibia distal. L’articulation sous‑astragalienne paraissait être assez bien préservée. D’après le Dr Daniels, l’opération la plus fiable tenait en une arthrodèse de la cheville, le remplacement de la cheville étant peut‑être trop risqué. L’appelant a accepté les risques et a été inscrit sur une liste d’attente d’intervention chirurgicale.

[25] Le 9 avril 2015, B. C. a écrit une lettre. Il a déclaré qu’il connaissait l’appelant à titre professionnel et à titre personnel. Lorsqu’ils se sont rencontrés la première fois, l’appelant travaillait comme représentant juridique pour une entreprise financière à Toronto. À mesure qu’ils ont appris à se connaître, les effets secondaires sont devenus de plus en plus évidents chez l’appelant. Au cours des cinq dernières années, sa mémoire à court terme s’est détériorée considérablement. Pendant une conversation téléphonique, il lui arrive de répéter quelque chose qu’il vient de dire. Monsieur B. C. a remarqué également un changement remarquable au niveau de son écriture pour ce qui est de l’orthographe et de l’ordre des mots. Il a dit ceci : [traduction] « Ce changement, combiné à ses déficiences physiques, l’a laissé (l’appelant) dans une position qui le rend inapte à occuper un emploi à mon avis. Je ne suis pas un médecin, mais il n’en faudrait pas beaucoup, au cours d’une entrevue, pour en arriver à cette conclusion ».

[26] Le 17 avril 2015, la conjointe de l’appelant a écrit une lettre. Elle a déclaré que, lorsqu’elle a rencontré l’appelant, il était un employé actif qui était en mesure de compenser pour la perte de sa vision périphérique et les problèmes de mémoire à court terme causés par l’ablation d’une importante tumeur au cerveau. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Il est incapable de lire et de retenir des renseignements immédiatement après en avoir fait la lecture, et il ne peut prononcer les mots plus compliqués. Il éprouve beaucoup de difficulté à retenir des informations et à les stocker dans sa mémoire à long terme. Il éprouve souvent de la difficulté à suivre une conversation et à donner une réponse attendue ou raisonnable. Il n’est pas capable de répéter ou de transmettre de l’information dans l’ordre ou dans son intégralité. Il lui arrive de se sentir confus. Lorsqu’il est dans l’auto, il est incapable d’indiquer son emplacement ou l’endroit où il se trouve. Il prend à l’heure actuelle une quantité importante de médicaments pour des problèmes passés et présents, qui rehaussent son manque de capacités mentales. Il souffre en outre de crises épileptiques, lesquelles sont le résultat direct de l’intervention chirurgicale qu’il a subie au cerveau. Ces crises se produisent surtout la nuit, de sorte qu’il est épuisé physiquement et mentalement. En raison d’un accident qu’il a subi, il est incapable de se tenir debout ou de franchir une distance à pied, quelle qu’elle soit, malgré le support pour cheville. Même compte tenu de la possibilité d’une intervention chirurgicale à venir, les problèmes de mobilité ne s’aggraveront pas. Du fait du nombre élevé d’agrafes qu’il a sur le crâne, les médecins sont incapables d’obtenir une image claire de ce qui se produit ou un diagnostic juste, si ce n’est une compréhension que les tissus cicatriciels augmentent. Sans une médication particulière, il est sujet à des accès de colère. Il s’en remet beaucoup à son épouse pour obtenir des précisions.

[27] Le 24 avril 2015, Gail Korol a écrit une lettre. Elle est infirmière autorisée depuis 40 ans (elle a récemment pris sa retraite). Elle a déclaré qu’elle connaissait l’appelant depuis trois ans. Au cours de cette période, elle a remarqué un changement au niveau de sa mémoire. Lorsqu’elle lui parle, il peut mentionner un ami ou un voisin, puis changer de sujet. Si elle revient sur le même ami ou voisin, l’appelant lui jette un regard vide. Depuis qu’il s’est blessé à la cheville, il a moins d’endurance. La distance qu’il peut franchir à pied est réduite. La plupart des gens du quartier savent maintenant et comprennent qu’il perd la mémoire lorsqu’ils lui parlent, et répètent les noms et les récits au besoin. Étant donné ses antécédents professionnels, elle comprend que les gens qui souffrent de perte de mémoire apprennent souvent à dissimuler celle‑ci, et ce n’est que lorsqu’une personne passe du temps avec eux qu’elle réalise et comprend leurs lacunes. Elle peut voir qu’il a moins de mémoire et qu’il est moins mobile. Pour cette raison, la situation est difficile pour lui et son épouse.

[28] Janet Duffenais, conseillère en orientation, École secondaire Glenforest, a écrit une lettre le 1er mai 2015. Elle a déclaré que l’appelant était son ami et son voisin depuis quelques années. Elle a écrit cette lettre en sa qualité d’éducatrice comptant plus de 25 années d’expérience. Les troubles de l’appelant ont pris naissance lorsqu’il s’est fait enlever une tumeur à l’adolescence. Il a perdu sa vision périphérique par suite de cette intervention, ainsi que sa mémoire à court terme et sa capacité de se concentrer. Il a passé trois autres années à l’école à réapprendre et à travailler avec des enseignants spécialisés. Le temps et l’aide supplémentaires obtenus à l’école lui ont permis d’acquérir des stratégies d’adaptation en préparation de la vie après l’école secondaire. Avec les années, et en raison de multiples accidents, ces stratégies d’adaptation se sont révélées insuffisantes. En plus des maux de tête, de sa perte de mémoire et de ses accès de colère, il doit maintenant s’accommoder de douleurs aux chevilles, aux jambes et aux pieds. Il doit porter un appareil orthopédique en tout temps. Il est incapable de se tenir debout pendant de longues périodes et de franchir plus de quelques pâtés de maison à pied, et il a de la difficulté à monter des escaliers et des terrains en pente. Il en ressent de la fatigue, des raideurs le matin, et des douleurs aux articulations, qui contribuent toutes à son invalidité. Il éprouve des douleurs chroniques pour lesquelles il prend des médicaments, ce qui compromet sa capacité de se concentrer. Il faut lui rappeler d’arroser les plantes; il a de la difficulté à se rappeler les noms des gens – même des amis de longue date. Il se sent confus et mélange les détails et les instructions même les plus simples dans divers contextes, professionnels ou sociaux. Il est en proie à des déboursements émotifs qui ne sont pas appropriés. Il est incapable de se tenir debout pendant de longues périodes. Il éprouve toujours visiblement des douleurs et un inconfort.

Témoignage de vive voix

[29] L’appelant a d’abord fréquenté l’école secondaire à temps plein, puis il a dû quitter l’école en 1979 en raison d’une intervention visant à lui enlever une tumeur au cerveau. Il était alors âgé de 15 ans. Les médecins lui ont enlevé sa tumeur. Il a manifesté des symptômes post‑chirurgicaux et se traînait la jambe. Il a dû réapprendre à marcher. Il a perdu 50 % de sa vision après que son nerf optique eut été rompu. Il n’a aucune vision périphérique droite dans les deux yeux. Il a en outre commencé à avoir des crises épileptiques et des maux de tête. Il a dû réapprendre à marcher, à parler et à communiquer. Il a dû réapprendre son alphabet et réapprendre à lire et à écrire. Il est ensuite retourné à l’école à temps partiel afin d’achever sa douzième année. Il a obtenu les services d’un tuteur personnel. Il éprouvait toujours des étourdissements lorsqu’il marchait et il s’est fait dire d’être prudent. Après l’intervention chirurgicale, il a utilisé une canne pendant une longue période, a cessé d’utiliser celle‑ci pendant dix ans environ, puis a recommencé à l’utiliser. Il lui a fallu six ans et demi au total pour obtenir son diplôme d’études secondaires.

[30] Il a fréquenté un collège à temps partiel et a fait des études en affaires générales. Il a obtenu un certificat. Il s’agissait d’un programme d’un an. Il lui a fallu quatre ans et demi pour achever le programme à temps partiel. Le personnel du collège Humber s’est montré très patient. Il lui a donné plus de temps pour faire ses tests, c.‑à‑d. trois heures plutôt qu’une. Il a dû s’en remettre à un programme d’aide des étudiants de Humber (d’autres étudiants) pour certains cours, comme les cours d’économie.

[31] Lorsque l’appelant a rejoint le marché du travail, les employeurs l’ont envoyé suivre des cours de formation.

[32] Après le collège, il a obtenu un emploi à titre de gérant d’une entreprise de nettoyage à sec. En raison de sa perte de vision, il lui arrivait de frapper des objets, et il a quitté cet emploi. Il a essayé de travailler dans le commerce au détail (Canadian Tire, Simpson Sears), mais il se butait à des objets dans l’entrepôt.

[33] Il a travaillé au sein du service de recouvrement (communications téléphoniques) d’une banque; il appelait des gens pour exiger un paiement. Il a fait ce travail pendant approximativement 25 ans. La banque TD a acheté la banque pour laquelle il travaillait et il a obtenu une indemnité de départ.

[34] Il a ensuite lancé sa propre entreprise de recouvrement. Initialement, il se rendait au travail tous les jours. Il pouvait choisir ses heures de travail et aller et venir à sa guise. Son bureau était situé à un pâté de maisons de chez lui. Au départ, il était l’unique employé, mais il a ensuite embauché son épouse, qui s’est occupée de toute la paperasserie. Son travail consistait « à appeler les gens et à se faire payer ». Si son client lui demandait de poursuivre un débiteur, il se chargeait de préparer la documentation nécessaire pour le tribunal des petites créances.

[35] Lorsqu’il a rencontré son épouse, il occupait un autre emploi dans le domaine du recouvrement, et elle passait son travail en revue. Il éprouve des difficultés avec l’orthographe et la grammaire en raison de l’intervention qu’il a subie au cerveau. Ils se sont ensuite mariés. Elle a continué de vérifier son travail après qu’il a lancé sa propre entreprise.

[36] Il a subi des blessures au mois de mars 2012. Il était monté dans une échelle jusque dans le grenier de leur nouvelle maison pour installer un ventilateur de plafond. Il a perdu l’équilibre, est tombé de l’échelle et du grenier, et s’est cassé la jambe. Les médecins croient qu’il a subi un accident vasculaire cérébral lorsqu’il était dans l’échelle. À l’hôpital, il a mentionné qu’il avait des maux de tête. Les médecins lui ont fait passer un tomodensitogramme (ils n’ont pu lui faire passer une IRM en raison de la présence d’agrafes chirurgicales au cerveau découlant de l’intervention subie, et les médecins ignoraient si ces agrafes contenaient de l’acier inoxydable).

[37] Il s’est fracturé la jambe droite dans la région de la cheville. Il pouvait voir la fibule et le tibia qui lui sortaient de la jambe. Il a subi trois tentatives d’interventions chirurgicales. Il s’était déjà fracturé la même jambe en traversant la rue (en raison de sa déficience visuelle, il s’est fait frapper par une auto) et il avait subi deux interventions chirurgicales. Il souffre maintenant d’usure osseuse et d’arthrite. Les vis ne cessent de tomber. Il porte un appareil orthopédique spécial à la cheville pour empêcher que le pied lui sorte de la cavité articulaire. Il se sert d’un support également pour marcher. Les médecins lui ont dit qu’il ne peut se faire remplacer la cheville en raison de son jeune âge. Ils recommandent une fusion de la cheville. Il figure depuis trois ans sur une liste d’attente pour subir une intervention chirurgicale à l’hôpital St. Michael’s.

[38] Il éprouve des douleurs constantes. Il prend de l’Oxycodone le matin et vers la fin de la journée. Il peut franchir un‑demi kilomètre à pied, utilise une canne et porte des chaussures spéciales. Il lui a fallu deux heures et demie pour se rendre à l’audience. Rester assis pendant une si longue période dans l’auto lui a fait mal. Chez lui, il doit s’asseoir dans un fauteuil La‑Z‑Boy pour élever la jambe. Après une crise épileptique, il ressent de la fatigue et devient plus sensible à la douleur.

[39] L’appelant est devenu épileptique après l’intervention qu’il a subie au cerveau. Il a pris du Dilantin et du Phenobarbital, mais le Dilantin a provoqué l’accroissement des tissus de ses gencives, de sorte qu’il a dû consulter un dentiste pour les faire couper. Il prend maintenant un nouveau médicament qui prévient ce problème. Toutefois, il a encore de nombreuses crises épileptiques la nuit. Il le sait car, le matin, sa femme a des ecchymoses sur les jambes, ce qui témoigne des coups de pied qu’il lui donne dans son sommeil. Comme il est profondément endormi, il ne s’en rend pas compte. Il croit qu’il a des crises épileptiques de trois à cinq fois par semaine. Il s’en ressent épuisé. Il dort 10 heures la nuit, se réveille très fatigué, et fait la sieste en mi‑journée. Il se sent fatigué tous les jours. Il avait des crises épileptiques la nuit et se sentait fatigué en 2013, à la date marquant la fin de sa PMA.

[40] Il a eu une absence épileptique pendant la journée il y a environ 10 jours. Ces crises sont légères et ne durent pas longtemps. Il le sait lorsqu’il est sur le point d’avoir une crise, car il a alors une sensation de picotement dans le bout des doigts.

[41] Au cours des dernières années, il n’a pas souvent quitté sa maison seul. Il est toujours avec son épouse, T. R.. Cette dernière travaille à la maison la plupart du temps.

[42] Il n’a jamais conduit en raison de sa déficience visuelle.

[43] Il a cessé par le passé de prendre le médicament antiépileptique parce que le Dilantin provoquait l’accroissement des tissus de ses gencives, de sorte qu’il a dû subir une procédure dentaire douloureuse. Comme il n’avait pas de crise épileptique, il a décidé d’interrompre le Dilantin. Il n’en a pas pris pendant près de 10 ans.

[44] Il souffre de maux de tête constants. Il a dit au Dr Bruni qu’il se couche et qu’il se réveille avec un mal de tête. Ses maux de tête durent toute la journée. Les analgésiques qu’il prend pour la cheville aident, mais ils ne règlent pas les maux de tête. La consommation d’une quantité modérée d’alcool – comme un verre de vin tous les jours – aide aussi à atténuer les maux de tête.

[45] Il a aussi des problèmes de mémoire. Ils ont déménagé dans un nouveau secteur en janvier 2012. Il s’est procuré un nouveau téléphone cellulaire. Il a réalisé que les choses n’étaient pas parfaites, car lorsqu’il a dû appeler le 911 après être tombé de l’échelle, il n’a pu se rappeler son numéro de téléphone cellulaire. Il s’est aussi frappé la tête lorsqu’il est tombé de l’échelle. Sa perte de mémoire s’est aggravée. Le médecin qui l’a opéré à la jambe après la chute lui a fait passer un tomodensitogramme. Les médecins ont réalisé qu’il a beaucoup de tissus cicatriciels au cerveau. Ils ont communiqué avec le Dr Bruni. Des amis ont remarqué sa perte de mémoire et le fait qu’il se répète. Son épouse, T. R., remarque la répétition et le fait qu’il raconte constamment la même histoire.

[46] Il a fermé les portes de son entreprise parce qu’il ne pouvait pas s’acquitter de ses fonctions. Il avait deux clients dans le secteur automobile. Il ne pouvait se rappeler les noms de certaines personnes. Il avait des dépenses fixes, mais les choses ne se passaient pas bien pour l’entreprise. Il ne rentrait plus au travail tous les jours. À un moment donné, T. R. a travaillé avec lui, mais elle a dû se chercher un autre emploi, car il n’avait plus les moyens de l’employer.

[47] L’appelant a ensuite fermé les portes de son entreprise et il a postulé un emploi au centre d’appels de Pizza Hut, car il pourrait alors travailler à la maison. Il a fait des tests en ligne pour déterminer s’il possédait les compétences requises. Il a à peine réussi le test de frappe. Il a en outre dû passer un test dans le cadre duquel il devait demander à un client s’il voulait autre chose. Étant donné qu’il ne pouvait voir la moitié de l’écran en raison de sa déficience visuelle, il a lu ce qu’il a vu et non ce qui paraissait sur l’écran d’ordinateur. Il ne s’est pas fait offrir cet emploi.

[48] Il ne peut travailler chez Home Depot parce qu’il ne peut se tenir debout pendant quatre heures. Il ne peut non plus travailler comme caissier et rester debout pendant quatre heures.

[49] Le Tribunal a souhaité posé quelques questions à l’appelant. Ce dernier a précisé que le Dr Bruni lui avait dit qu’il a des crises épileptiques la nuit, mais que le médecin ne l’avait pas envoyé dans une clinique du sommeil pour faire confirmer le diagnostic. Le Dr Bruni lui a dit qu’étant donné la quantité de tissus cicatriciels qu’il avait au cerveau, il était normal qu’il ait une certaine réaction. Le Dr Bruni lui a expliqué que les tissus cicatriciels expliqueraient également ses maux de tête. Il lui a prescrit de nouveau des médicaments antiépileptiques. L’appelant ne consulte plus le Dr Bruni. Il consulte maintenant la Dr Perez, une neurologue pratiquant dans un autre hôpital. Il la consulte depuis six mois environ maintenant.

[50] Bien que les médicaments que le Dr Bruni a prescrits pour les crises épileptiques ne causent pas l’accroissement des tissus de ses gencives, il a quand même des crises épileptiques la nuit.

[51] Un médecin du Collingwood Marine Hospital a dit être d’avis que l’appelant avait subi un accident vasculaire cérébral lorsqu’il était tombé de l’échelle. Les médecins sont arrivés à cette conclusion après avoir procédé à des tests de base et lui avoir demandé, par exemple, de se toucher le nez, après avoir pris en considération le tissu cicatriciel présent dans le cerveau, et après avoir parlé avec le Dr Bruni.

[52] L’appelant a essayé du Tylenol 3 pour apaiser ses maux de tête, mais cela n’a donné aucun résultat. Il prend de nombreux autres médicaments, notamment des comprimés qui doivent l’aider à maîtriser sa colère.

[53] Son entreprise était située près de chez lui lorsqu’il vivait à X – à une distance d’un demi mile environ. Après qu’il eut déménagé là où il habite à l’heure actuelle en janvier 2012, son nouveau bureau était situé à moins d’un kilomètre de sa nouvelle maison, ou à une distance d’un pâté de maisons et demi.

[54] Il prend entre quatre et six comprimés de Percocet par jour, ce qui atténue ses douleurs, mais ne les élimine pas complètement. Le matin, ses douleurs ne sont pas graves parce qu’il est resté allongé toute la nuit. Lorsqu’il se lève, il ressent une douleur lancinante à laquelle il donnerait une cote de 10 sur une échelle allant de 0 à 10. Il prend ses médicaments du matin, lesquels incluent deux Percocet. Il prend un autre comprimé de Percocet à l’heure du dîner, selon la mesure dans laquelle il a été actif physiquement, ce qui peut ramener ses douleurs à une cote de six. Son seuil de tolérance à la douleur est élevé. Il donne une cote de six à la douleur, une fois atténuée, mais une autre personne pourrait lui donner une cote de dix.

[55] Dans les années 2010 et 2011, son revenu était inférieur à celui qu’il avait gagné antérieurement parce qu’il travaillait alors à lancer une nouvelle entreprise. La première année, il a travaillé à commission, mais il devait payer le loyer.

[56] Son relevé des gains n’a fait état d’aucun revenu pour 2012 ou 2013. Il n’a produit ses déclarations de revenus pour ces années qu’il y a six mois environ, et ces déclarations sont examinées par l’Agence du revenu du Canada à l’heure actuelle. Ses frais de loyer posent problème. Il ne peut se rappeler quel revenu son entreprise a généré en 2012 ou 2013. Il croit que celui‑ci pourrait avoir correspondu au revenu que l’entreprise a généré en 2010 et 2011. Toutefois, il se rappelle qu’il a dû encaisser ses RÉER pour boucler les fins de mois.

[57] Entre le mois de mars 2012 (la chute du grenier) et le mois d’août 2013 (date de la fermeture de l’entreprise), il est très rarement entré au travail. Il payait un loyer pour une entreprise en déclin. Il avait des obligations envers le propriétaire. Son rendement était minime. Il ne peut préciser exactement combien de jours par semaine il s’est présenté au travail au cours de cette période, mais il peut préciser qu’il est allé au travail moins souvent qu’il ne le faisait avant l’accident. En outre, pendant au moins six semaines après l’accident, il n’est allé nulle part; une infirmière venait chez lui pour voir à ses points de suture. Puis il a dû suivre une physiothérapie.

[58] Il ne peut préciser le revenu que l’entreprise a généré en 2013. Il sait qu’il avait des frais qu’il devait déduire du revenu.

[59] Il a postulé un emploi chez Pizza Hut à la fin de 2013 ou au début de 2014 environ. Il a fait le test à la maison et a réussi le test de frappe. Puis il a dû faire un test « échantillon » en ligne, auquel il a échoué. Il a expliqué à la personne qui l’a reçu en entrevue qu’il avait une déficience visuelle et qu’un écran plus grand lui aurait été utile. La compagnie a refusé de lui offrir des mesures d’adaptation. Il est d’avis qu’il a échoué au test parce qu’il ne pouvait voir l’écran au complet, sur lequel il aurait pu lire ce qu’il devait dire au client.

[60] Il a de la difficulté à maîtriser ses accès de colère. Il a toujours eu de la difficulté à cet égard. Son épouse, T. R., a indiqué qu’il « explosait » facilement. Plutôt que de divorcer, ils ont consulté la Dr Cole, médecin de famille, qui a déclaré que le problème de colère de l’appelant était attribuable à la présence de tissus cicatriciels au cerveau. La Dr Cole lui a prescrit des comprimés pour contenir sa colère. Ces médicaments l’ont aidé à maîtriser sa colère, mais il est d’accord avec Janet Duffenais, qui a écrit dans sa lettre qu’il avait des débordements émotifs inappropriés. Il se fâche assez facilement. Il pourrait avoir de la difficulté à interagir avec d’autres personnes sur le marché du travail et à maintenir un emploi.

[61] L’appelant estime qu’il ne pouvait plus travailler au mois de mars 2012 ou vers cette date, lorsqu’il est tombé, et non pas au mois d’août 2013, lorsqu’il a fermé les portes de son entreprise. Il a fait un effort pour ce qui est de l’entreprise, mais cela n’a pas fonctionné. Ce n’était pas logique de continuer de jeter le dernier de ses RÉER dans un « navire qui coule » pour subvenir à ses besoins. Il ne pouvait plus faire le travail ni en tirer un revenu.

[62] Lors du réinterrogatoire, l’appelant a précisé qu’il a tenté de maintenir les activités de l’entreprise entre le mois de mars 2012 et le mois d’août 2013, mais qu’il a échoué. Il était lié par un contrat de location. Il se rendait normalement à son travail à pied. Après sa chute, il lui a fallu plus de temps pour s’y rendre à pied. L’entreprise comptait deux clients. Après l’accident, il a pu les conserver pendant une brève période. Ils se sont montrés très patients. À un moment donné, l’appelant n’a eu d’autre choix que d’utiliser ses RÉER. Son épouse a dû se trouver un autre travail, et elle a cessé de l’aider. Sans son aide, il n’aurait pu exploiter l’entreprise seul.

[63] L’épouse de l’appelant, T. R., a témoigné. Elle connaît l’appelant depuis plus de 15 ans. Ils ont travaillé ensemble par le passé. Lorsqu’il a lancé sa propre entreprise, elle était celle qui supervisait. Elle s’occupait de l’administration, s’assurait que tout était correct et prenait part aux négociations. Elle faisait « partie intégrante » de l’entreprise. Elle vérifiait ce qu’il écrivait avant tout envoi. Elle ne croit pas qu’il aurait pu exploiter l’entreprise sans elle. Il ne peut épeler correctement ou se rappeler ce qu’il vient de lire ou d’écrire. Il confondait des questions et des problèmes, et les gens pouvaient rapidement réaliser que quelque chose n’allait pas. Elle s’occupait de l’entreprise pour ainsi dire tous les jours.

[64] Dans le cadre de son travail actuel, elle peut généralement travailler à la maison et garder un œil sur l’appelant. C’est un peu comme surveiller un enfant dans la maison.

[65] Depuis l’accident de 2012, l’appelant a besoin que quelqu’un le surveille. Il lui arrive de se perdre. Il laisse des objets sur la cuisinière et oublie des gens, des choses et des obligations. Son épouse lui envoie des courriels et lui confie des tâches, et elle s’en remet à un réseau d’amis du quartier, qui offrent leur aide.

[66] L’appelant a des crises épileptiques la nuit. Il lui arrive de s’agiter et ainsi de tomber du lit. Son épouse a dû s’installer dans une autre chambre parce que dormir dans le même lit que lui se révèle trop chaotique. Cela lui arrive toutes les nuits. Même lorsqu’il tombe du lit, il n’en garde aucun souvenir, et elle est incapable de le réveiller. Il avait ces épisodes en 2013. L’appelant et son épouse sont entrés en contact avec un nouveau neurologue pour tenter de trouver une nouvelle solution ou calmer les choses.

[67] Tous les jours, l’appelant dort beaucoup. Son épouse le réveille et le fait sortir avec le chien. En outre, il passe du temps avec elle dans le bureau qu’elle a au sous‑sol. Il doit s’asseoir dans un fauteuil La-Z-Boy et élever la jambe. Il fait la sieste tous les jours.

[68] Il a des pertes de mémoire. Son épouse a toujours su qu’il avait un problème au niveau de sa mémoire à court terme, mais la situation s’est aggravée au point où il ne se rappelle pas avoir eu une conversation donnée. Il se perdait et ne pouvait se rappeler la rue sur laquelle il avait marché précédemment. La situation a empiré après l’accident. Il a de bonnes journées et de mauvaises journées. Sur une période d’une semaine, il peut avoir deux bonnes journées en moyenne.

[69] Il lui arrive d’être en proie à des accès de colère, lesquels sont de plus en plus physiques. Il prend des médicaments – peut‑être du Lorazepam, mais l’épouse n’en est pas certaine. Ces médicaments le calment. Ses accès de colère sont aussi dirigés vers des personnes qu’il connaît au sein de la communauté. Il était par le passé en mesure de maîtriser ces accès de colère, mais c’est de plus en plus difficile depuis l’accident de 2012.

[70] Après l’accident, il n’a pu retourner travailler immédiatement. Il devait se faire réparer le pied afin de pouvoir être plus mobile. En outre, il prenait beaucoup d’analgésiques. Il a fait un effort pour rentrer au travail, et son épouse a eu de plus en plus de difficulté à gérer tout cela. Elle effectuait de plus en plus de travail. Bien qu’il ait été le visage de l’entreprise en tant propriétaire, il devenait évident que ce n’était pas le cas. Les gens appelaient l’épouse de l’appelant et lui demandaient s’il y avait un problème.

[71] Elle a entendu parler de l’entrevue chez Pizza Hut et du fait qu’il avait eu besoin d’aide. Elle croit comprendre qu’ils ont refusé de lui permettre d’utiliser un écran d’ordinateur différent et qu’il a été incapable de répéter les commandes. Cela ne s’est pas bien passé.

[72] Depuis l’accident qu’il a subi en 2012, l’appelant ne peut détenir un emploi régulier. Il ne peut rester debout pendant une longue période, il n’a aucune vision périphérique, et il serait incapable de placer des produits sur les tablettes chez Home Depot. Il ne conduit pas, ce qui constitue un problème sur le plan du transport. Il deviendrait évident, s’il devait travailler dans un bureau, qu’il a des problèmes, c.‑à‑d. les fautes d’orthographe, les problèmes de mémoire, les confrontations, les siestes qu’il prend le jour. Lorsqu’il avait son entreprise, il pouvait lui‑même fixer ses heures de travail. En outre, elle était là pour surveiller les choses et corriger les erreurs.

[73] En réponse aux questions du Tribunal, le témoin a précisé qu’entre l’accident survenu en 2012 et la fermeture de l’entreprise en 2013, les clients de l’entreprise l’appelaient et lui demandaient pourquoi l’appelant oubliait des choses, ne répondait pas de manière appropriée ou ne suivait pas leurs conversations.

Observations

[74] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. Il était âgé de 51 ans à la date marquant la fin de la PMA. Il a achevé sa douzième année (avec l’aide d’une enseignante spécialisée) et a fréquenté un collège pendant quatre ans. Il a travaillé la dernière fois comme propriétaire exploitant autonome du Debt Resolution Group, une entreprise de recouvrement de créances pour des tierces parties. Il a fermé les portes de cette entreprise au mois d’août 2013.
  2. Ses problèmes de santé remontent à 1979 (tumeur bénigne au cerveau). Par suite de l’intervention chirurgicale, il a perdu sa vision périphérique et il a ensuite commencé à avoir des crises épileptiques.
  3. Depuis 2011, il souffre de maux de tête, et un tomodensitogramme du cerveau a révélé la présence d’une quantité énorme de tissus cicatriciels. Des amis et membres de la famille ont indiqué dans des lettres qu’au cours des cinq dernières années (depuis 2010), la mémoire à court terme de l’appelant s’est considérablement détériorée, et ce dernier est incapable de retenir des renseignements ou de suivre une conversation. En outre, il est enclin à des débordements émotifs, que ses amis et ses anciens collègues de travail jugent inconvenants.
  4. En plus de ses problèmes cognitifs, l’appelant a subi une grave fracture à la cheville droite en 2012, après être tombé du grenier. Cette grave fracture ouverte à la cheville a nécessité trois interventions chirurgicales. L’appelant ne s’est jamais rétabli complètement. Il éprouve maintenant des douleurs chroniques et il peut marcher et se tenir debout de façon restreinte. La marche était l’un de ses principaux moyens de transport, car il n’a jamais été titulaire d’un permis de conduire (en raison de son épilepsie et de son absence de vision périphérique). Ses médecins traitants ont discuté de la nécessité de lui remplacer la cheville. Cette intervention ne peut cependant être pratiquée à ce moment‑ci en raison de son âge.
  5. L’appelant continue d’éprouver des douleurs, de l’inconfort et des engourdissements dans la région du site opératoire. Compte tenu de sa capacité limitée de marcher et de se tenir debout, de ses maux de tête, de sa vision périphérique, de ses débordements émotifs incontrôlés, de sa perte de mémoire à court terme et de ses douleurs chroniques, il ne pourra probablement pas régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur.
  6. Il y avait et il y a de nombreux éléments de preuve médicale expliquant son incapacité de travailler. Ils confirment la gravité et la complexité de ses nombreuses déficiences et de ses douleurs chroniques, lesquelles l’empêchent d’exécuter quelque type de travail que ce soit.
  7. L’observation examine ensuite en profondeur les rapports médicaux.
  8. Compte tenu de la jurisprudence (énoncée dans le détail dans les observations écrites), il incombe au membre du Tribunal, aux fins de déterminer si l’appelant est atteint d’une invalidité grave et prolongée, non seulement de prendre en considération l’affaire Villani et les facteurs qui y sont énoncés, mais aussi de veiller à appliquer ces facteurs à la situation de l’appelant. Le membre doit prendre en considération tous les problèmes dans leur ensemble, notamment le témoignage de l’appelant sur ses limitations et l’impact qu’elles auraient sur son employabilité dans la « réalité ». Dans les cas où une preuve documentaire se rapporte à l’un des critères de l’invalidité, le membre doit discuter de la preuve s’il tire une conclusion contraire à celle‑ci.
  9. L’appelant est incapable de détenir son propre emploi ou tout autre emploi en raison de ses déficiences physiques, dont l’existence est amplement documentée, notamment l’épilepsie, les graves maux de tête, la perte de sa vision périphérique et sa blessure à la cheville, qui s’est détériorée au point où il souffre maintenant de douleurs chroniques. En raison de ces déficiences, il est maintenant assujetti à des restrictions et à des limitations pour ce qui est de se tenir debout et de marcher. Il n’a jamais été capable de conduire en raison de sa déficience visuelle et de son épilepsie. En outre, il souffre de perte de mémoire à court terme, il est incapable de se concentrer ou de suivre une conversation, et il est enclin à des débordements émotifs et à des accès de colère inappropriés.
  10. L’appelant a été totalement incapable d’occuper son propre emploi ou tout autre emploi en raison de ses symptômes physique et cognitifs depuis le mois d’août 2013. Son pronostic d’un rétablissement et d’un retour à un emploi rémunérateur est extrêmement sombre. Il a tenté de travailler à une capacité réduite au cours de sa dernière année d’emploi, mais il n’a pu exécuter constamment les fonctions essentielles de son emploi en raison des douleurs de plus en plus graves à la tête, de sa fatigue, de ses douleurs chroniques et de sa perte de mémoire. Il devrait être jugé invalide à compter du mois de mars 2012, date à laquelle il a été pour la dernière fois capable de régulièrement détenir un emploi rémunérateur.
  11. Dans ses observations orales, la conseillère juridique de l’appelant soutient que ce dernier satisfait au critère de l’invalidité grave et prolongée.
  12. Au cours des deux premières années d’existence de son entreprise, son revenu d’emploi était assez peu élevé. Son épouse, T. R., a témoigné qu’elle se considérait comme étant celle qui supervisait l’entreprise et examinait les documents qui devaient être inspectés. L’on pourrait dire que l’appelant ne pouvait exploiter sa propre entreprise sans son aide, même avant l’accident survenu en 2012.
  13. Lors de l’accident de 2012, l’appelant s’est blessé à la cheville et a dû subir de nombreuses interventions chirurgicales. Il est possible en outre qu’il ait subi un accident vasculaire cérébral. L’on ne peut le confirmer avec certitude, bien que le tomodensitogramme révèle la présence de nombreux tissus cicatriciels. Depuis, il est devenu évident qu’il ne pouvait plus exploiter l’entreprise. Les deux clients de cette entreprise ont appelé T. R. pour lui faire part de leurs inquiétudes à l’égard de l’appelant. Elle a déclaré que ses symptômes se sont beaucoup aggravés au chapitre de sa mémoire à court terme et de sa capacité de se rappeler certaines choses. Il est arrivé à l’appelant de se perdre, au point où elle n’aimait pas le laisser seul. Son emploi actuel lui permet de rester beaucoup à la maison. Elle s’en remettait aussi à un réseau de voisins qui gardaient un œil sur l’appelant.
  14. Étant donné sa déficience, l’appelant ne peut marcher ni se tenir debout pendant une longue période. Il a perdu sa vision périphérique et il souffre maintenant d’une perte de mémoire à court terme et d’épilepsie, d’où sa fatigue extrême le jour, et il a des problèmes de colère.
  15. Il a essayé de se trouver du travail. L’on pourrait soutenir que sa propre entreprise était le fruit de cette tentative. Si l’on élimine cette entreprise à titre d’option, il devient extrêmement difficile de trouver quelque emploi que ce soit pour lequel l’appelant pourrait suivre une formation en raison de sa fatigue, de ses maux de tête quotidiens et de sa perte de mémoire à court terme.
  16. La situation de l’appelant relève de la portée de l’affaire Inclima. L’appelant a incontestablement tenté de travailler au sein de son entreprise compte tenu de sa capacité de travailler. Depuis 2012, il n’y a aucune preuve d’une capacité de travailler en dépit de ses efforts pour tenir son entreprise à flots. C’était impossible sur le plan financier. Son épouse a dû prendre la relève pour la maintenir en vie.
  17. Il est satisfait aux facteurs énoncés dans l’affaire Villani. Il serait extrêmement difficile voire même impossible de trouver dans un contexte réel un emploi que l’appelant pourrait régulièrement détenir et qui serait véritablement rémunérateur.
  18. L’appelant n’était plus capable de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur au mois de mars 2012. Il a dû encaisser des RÉER pour maintenir son entreprise.

[75] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. L’intimé reconnaît que l’appelant pourrait avoir eu des limitations liées à un trouble épileptique et une perte de vision à la suite de l’ablation d’une tumeur bénigne au cerveau en 1978, mais la preuve médicale montre que le trouble épileptique est contrôlé au moyen de médicaments. Si l’appelant a perdu sa vision périphérique à l’œil droit, ni sa déficience visuelle ni son trouble épileptique ne l’empêchaient cependant de détenir un emploi lui convenant au cours des années qui ont suivi cet événement. Il n’y a aucune preuve de détérioration de l’une ou l’autre déficience.
  2. Bien que l’appelant estime être atteint d’une invalidité en raison de ses problèmes de mémoire, dans son rapport du mois d’octobre 2011, le Dr Bruni a indiqué que, bien qu’il ait continué d’avoir des oublis, l’appelant a continué à exploiter sa propre entreprise. Aucune preuve médicale de détérioration de son fonctionnement cognitif n’a été versée au dossier pour examen.
  3. Bien qu’il affirme être atteint d’une invalidité en raison d’un AVC subi au mois de mars 2012, aucune preuve médicale n’a encore été reçue à cet égard à ce jour.
  4. Bien qu’il y ait au dossier une preuve d’une blessure subie à la cheville, il ne considère pas celle‑ci comme causant une invalidité. Le Dr Daniels, chirurgien orthopédique, a indiqué dans son rapport du mois de janvier 2014 que l’appelant était inscrit à une liste d’attente aux fins d’une intervention chirurgicale qui corrigerait ce problème. Dans un rapport daté du mois de juin 2013, le Dr McCall, chirurgien orthopédique, a noté que l’appelant portait un appareil orthopédique à la cheville et qu’il marchait très bien et contrôlait raisonnablement bien ses douleurs. L’appelant est en attente d’une intervention chirurgicale, mais sa blessure à la cheville ne paraît pas avoir pour effet de le limiter grandement.
  5. Il est entendu que l’appelant pourrait être limité en ce qui a trait aux types d’emploi qu’il est en mesure d’occuper. Toutefois, la preuve médicale ne fait état d’aucune pathologie ou déficience grave l’empêchant de faire un travail lui convenant. Les séquelles découlant de l’ablation d’une tumeur bénigne au cerveau en 1978 ne l’ont pas empêché de détenir et de maintenir un emploi par le passé, et il n’y a aucune preuve d’une récente détérioration. Aucune preuve médicale n’a été reçue non plus concernant l’affirmation qu’il a subi un AVC au mois de mars 2012. En outre, il y a lieu de noter qu’il a travaillé jusqu’au mois d’août 2013, plus d’un an après l’incident allégué. Aucune preuve quantifiable d’une déficience cognitive grave n’a été reçue à ce jour.
  6. Des lettres d’appui de ses amis et collègues ont été soumises pour examen. Or, aucune nouvelle preuve médicale pertinente n’a été produite relativement à la PMA. Pour cette raison, l’intimé n’est pas justifié de modifier sa position.

Analyse

[76] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2013 ou avant cette date.

Invalidité grave

[77] Le Tribunal n’est pas convaincu qu’en raison de sa déficience visuelle ou de ses crises épileptiques, considérées isolément, l’appelant était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[78] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a commencé à éprouver ces problèmes il y a de nombreuses années, après avoir subi une intervention chirurgicale visant à lui retirer une tumeur au cerveau, et qu’il a travaillé pendant de nombreuses années malgré ces problèmes, à savoir entre le 5 décembre 1997 et le 21 juillet 2009, pour VFC Inc., et entre le 1er août 2009 et le 13 août 2003, en tant que travailleur autonome et propriétaire d’une agence de recouvrement des comptes à recevoir de tierces parties. Le Tribunal n’a été saisi d’aucune preuve médicale confirmant une détérioration de ces problèmes à la date marquant la fin de la PMA.

[79] Par ailleurs, le Tribunal note que l’appelant a témoigné qu’il a recommencé à avoir des crises épileptiques. Son épouse a donné un témoignage crédible et non contesté, selon lequel l’appelant dort d’un sommeil agité et qu’il tombe du lit. Elle a dû s’installer dans une autre chambre pour dormir. Dans son rapport daté du 14 octobre 2011, le Dr Bruni, neurologue, a signalé que l’appelant lui avait dit que, depuis que ses maux de tête avaient repris récemment, il avait commencé à avoir des crises épileptiques récurrentes dans son sommeil. Le Dr Bruni a recommandé des médicaments autres que le Dilantin pour ses crises épileptiques récurrentes.

[80] L’appelant a témoigné qu’il se sent extrêmement fatigué le jour et qu’il doit faire la sieste tous les jours. Il attribue cette fatigue à ses crises épileptiques nocturnes. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, l’épouse de l’appelant a témoigné que ce dernier avait un sommeil agité, ce qui pourrait témoigner de crises épileptiques nocturnes. Elle a aussi confirmé qu’il doit faire la sieste le jour.

[81] En ce qui concerne la question de savoir si l’appelant souffre effectivement de crises épileptiques la nuit ou d’une autre pathologie causant son agitation pendant son sommeil, et en ce qui concerne la question de savoir si ces crises épileptiques ou cette autre pathologie provoquent son sentiment de fatigue quotidien, le Tribunal accepte la preuve non contestée de l’appelant selon laquelle il souffre de fatigue considérable le jour et doit faire une sieste tous les jours. Le Tribunal accepte en outre qu’une fatigue considérable le jour est un facteur qui contribue à l’existence d’une invalidité grave au sens du RPC.

[82] L’appelant n’a pas non plus de vision périphérique, ce qui explique qu’il n’est pas titulaire d’un permis de conduire. Étant donné qu’il a toujours été incapable de conduire en raison de problèmes de santé et compte tenu de son immobilité au mois de mars 2012 et de la fermeture en août 2013 de son entreprise, jusqu’où il pouvait se rendre à pied à partir de chez lui, le Tribunal est convaincu que l’appelant doit faire face à un obstacle supplémentaire pour obtenir et occuper un emploi à l’extérieur de chez lui. Son manque de mobilité et sa vision réduite ne sont pas des problèmes gravement invalidants s’ils sont considérés isolément, mais leur interaction fait en sorte que, dans la réalité, il est manifestement plus difficile pour l’appelant d’obtenir et d’occuper un emploi dans les locaux d’un employeur, à l’extérieur de chez lui. Le Tribunal est convaincu que, si l’appelant disposait dans sa région géographique d’un moyen de transport en commun, il ne pourrait en réalité s’en servir pour se rendre au travail et en revenir, étant donné sa mobilité limitée.

[83] Le Tribunal est convaincu que l’appelant souffre d’importantes restrictions ambulatoires continues qui découlent de son problème à la cheville. Il est à l’heure actuelle sur une liste d’attente pour subir une intervention chirurgicale. Il est sur cette liste depuis trois ans environ. La date à laquelle il subira cette intervention et le résultat de cette intervention sont incertains à ce moment‑ci. Le Tribunal est convaincu que l’appelant n’était pas régulièrement en mesure d’occuper un travail ambulatoire à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date en raison de ses problèmes de santé.

[84] Se pose donc la question de savoir si l’appelant est capable d’accomplir un travail sédentaire à la date marquant la fin de la PMA ou avant cette date.

[85] Le Tribunal est convaincu que l’appelant est incapable de régulièrement détenir un emploi sédentaire à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date étant donné l’impact cumulatif de ses nombreux problèmes.

[86] Bien que le problème de l’appelant à la cheville ne l’empêcherait pas en lui‑même d’accomplir un travail sédentaire, l’appelant a témoigné qu’il doit tenir la jambe élevée en raison des douleurs. Chez lui, il doit s’asseoir dans un fauteuil inclinable La-Z-Boy et élever la jambe. Il doit aussi prendre tous les jours des analgésiques puissants, comme du Percocet, pour atténuer ses douleurs. Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, il ressent aussi de la fatigue le jour, quelle qu’en soit la cause, et il doit faire la sieste. Ces facteurs présenteraient des obstacles importants dans la recherche d’un emploi rémunérateur sur un marché du travail compétitif.

[87] Le Tribunal est convaincu que l’appelant souffre également d’autres symptômes. Dans le rapport médical du RPC, la Dr Cole a établi que l’appelant souffrait de perte de mémoire, de maux de tête et de problèmes de colère.

[88] Pour ce qui est de la perte de mémoire, le Tribunal aurait préféré que l’appelant soumette des tests neuropsychologiques mesurant la nature, la portée et la gravité de sa perte de mémoire, ce qui lui aurait été plus utile, mais il accepte la preuve de l’appelant et de son épouse, ainsi que les lettres de soutien soumises à l’appui de son appel, rédigées par des personnes qui décrivent leurs observations leurs interactions directes avec l’appelant, selon lesquelles l’appelant éprouve des problèmes considérables de perte de mémoire.

[89] Bien que le Tribunal n’ait été saisi d’aucune preuve médicale reliant directement le début de la perte de mémoire de l’appelant ou la détérioration importante de celle‑ci à un AVC qui a provoqué sa chute de l’échelle en mars 2012, le Tribunal a aussi pris en considération le fait que, pour évaluer la gravité d’une invalidité, la facteur important n’est pas un diagnostic médical en soi, mais l’impact du problème ou du symptôme sur la capacité fonctionnelle. Le diagnostic de perte de mémoire établi par la Dr Cole offre un certain fondement médical à ce problème ou symptôme. Elle a écrit qu’il [traduction] « est probable que sa mémoire se détériore », ce qui indique qu’elle a pris ce problème ou ce symptôme au sérieux.

[90] Étant donné le témoignage non contesté de l’appelant, corroboré par celui de son épouse, le diagnostic posé par la Dr Cole et les lettres déposées par l’appelant, rédigées par des personnes qui le connaissent et qui ont eu l’occasion de l’observer et d’interagir avec lui, le Tribunal est convaincu que l’appelant devrait faire face à un obstacle considérable pour obtenir et maintenir un emploi véritablement rémunérateur sur le marché du travail compétitif en raison de sa perte de mémoire.

[91] La Dr Cole a posé aussi le diagnostic de maux de tête. Le dossier médical renvoie à des maux de tête dans de nombreuses notes cliniques. La preuve indique qu’ils sont quotidiens. Le Tribunal est convaincu que les maux de tête quotidiens contribueraient également à une invalidité grave au sens du RPC.

[92] La preuve permet de conclure en outre que l’appelant éprouve des problèmes de colère consistant en des débordements émotifs inappropriés. Dans son rapport médical du RPC daté du mois d’octobre 2013, la Dr Cole a indiqué que la colère pourrait ou non être liée à la tumeur qu’il a eue au cerveau. Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, ce que le Tribunal doit prendre en considération est non pas le diagnostic comme tel, mais la question de savoir si la personne qui demande des prestations d’invalidité est déficiente sur le plan fonctionnel dans la mesure où elle est incapable de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur. D’après l’épouse de l’appelant, ce dernier ne réussit pas aussi bien à gérer ses débordements émotifs depuis l’accident de 2012. Le Tribunal est convaincu que ces débordements, ainsi que tous ses autres problèmes et symptômes, poseraient un obstacle important pour ce qui est de détenir un emploi véritablement rémunérateur sur un marché du travail compétitif.

[93] Étant donné la fatigue que l’appelant ressent le jour et son besoin de faire la sieste, ses problèmes de perte de mémoire, ses maux de tête chroniques, ses problèmes de colère assortis de débordements émotifs, son manque de mobilité, ses douleurs à la cheville, la nécessité de tenir la jambe élevée lorsqu’il est assis et son incapacité de conduire en raison de son champ visuel réduit, le Tribunal est convaincu que l’appelant est incapable de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur.

[94] Le Tribunal est convaincu que l’appelant a souffert d’un début d’invalidité grave au mois de mars 2012, date à laquelle il est tombé de l’échelle et du grenier et s’est fracturé la cheville. Compte tenu de l’ensemble de la preuve, le Tribunal est convaincu, tout bien considéré, que vers cette date, l’appelant a commencé à éprouver de graves problèmes de mémoire à court terme. Si l’on tient compte également de la fatigue qu’il ressent le jour, des maux de tête dont il souffre tous les jours, de ses problèmes de colère, de son manque de mobilité, de ses douleurs et de son incapacité de conduire en raison de sa déficience visuelle, l’appelant était atteint d’une invalidité grave au sens du RPC. Le Tribunal conclut qu’il n’avait pas la capacité résiduelle requise pour occuper un autre emploi et qu’il n’était pas un candidat à un recyclage. Pour cette raison, il s’est acquitté de l’obligation énoncée dans l’affaire Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117.

[95] Bien que l’appelant ait continué d’exploiter sa propre entreprise entre le mois de mars 2012 et le mois d’août 2013, compte tenu de la preuve qui a été produite, le Tribunal n’est pas convaincu que les efforts de l’appelant pour travailler ont témoigné d’une capacité de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur.

[96] D’après l’appelant, après l’accident du mois de mars 2012, il n’a presque plus travaillé. Il payait un loyer pour quelque chose qui ne fonctionnait pas. Bien qu’il ait eu une obligation envers son propriétaire, son rendement était minimal. Il n’a pu préciser le revenu que l’entreprise a généré, mais il affirme qu’il a dû commencer à encaisser ses RÉER afin de boucler les fins de mois. Cela permet au Tribunal de penser que l’entreprise générait peu de revenus ou aucun revenu, et qu’elle ne générait certainement pas un revenu véritable.

[97] À l’appui également de la conclusion du Tribunal selon laquelle les efforts de l’appelant au sein de son entreprise n’ont pas témoigné de la capacité de l’appelant de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur, le Tribunal a pris en considération le témoignage crédible et non contesté de l’épouse de l’appelant. Cette dernière a témoigné qu’elle supervisait les activités de l’entreprise de l’appelant. Elle n’avait pas le choix, car il ne pouvait épeler, ne pouvait se rappeler ce qu’il venait de lire ou d’écrire, et avait tendance à confondre les questions ou les problèmes. Bien qu’il ait été le propriétaire et le visage public de la compagnie, il était de plus en plus évident pour autrui que ce n’était plus le cas. Les gens l’appelaient et lui demandaient s’il y avait un problème. Par exemple, les clients de l’appelant appelaient son épouse et lui demandaient pourquoi il oubliait des choses, pourquoi il ne répondait pas à leurs demandes de renseignements et pourquoi il ne suivait pas leurs conversations.

[98] Étant donné que l’appelant a dû encaisser ses RÉER pour subvenir financièrement à ses besoins et étant donné le témoignage de son épouse sur la manière dont la perte de sa mémoire à court terme et sa confusion ont compromis sa capacité d’interagir avec les clients, le Tribunal est convaincu que l’exploitation par l’appelant de son entreprise à compter du mois de mars 2012 n’a pas témoigné d’une capacité de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur.

Invalidité prolongée

[99] Le Tribunal est convaincu que l’invalidité de l’appelant est prolongée. En dépit du fait qu’il a été traité au moyen de médicaments et du fait qu’il a consulté divers spécialistes, l’appelant continue de souffrir de maux de tête chroniques, de fatigue le jour, de perte de mémoire à court terme, de confusion et de débordements émotifs inappropriés.

[100] Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, l’appelant est inscrit sur une liste d’attente pour se faire opérer à la cheville. À ce moment‑ci, il demeure en attente d’une date et le résultat de l’intervention chirurgicale est inconnu.

[101] Le Tribunal accepte le pronostic que la Dr Cole a posé dans son rapport médical du RPC daté du 20 octobre 2013 : [traduction] « Il est probable que sa mémoire se détériore. Il n’y aura probablement aucun changement au niveau de ses maux de tête. La colère demeure la même et pourrait être ou ne pas être liée à la tumeur au cerveau ».

Conclusion

[102] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée au mois de mars 2012. Aux fins des paiements, une personne ne peut être déclarée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé reçoive la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2) b) du RPC). La demande a été reçue en septembre 2013; par conséquent, l’appelant est réputé avoir été atteint d’une invalidité en juin 2012. Conformément à l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date réputée de déclaration de l’invalidité. Les paiements commenceront au mois d’octobre 2012.

[103] L’appel est accueilli.

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