Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 15 juillet 2013. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 22 mai 2014.

[2] L’audience du présent appel a été tenue au moyen de questions et réponse pour les motifs suivants :

  1. ce mode d’audience permet d’accommoder les parties ou les participants;
  2. ce mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] Le Tribunal estime que, selon la version mise à jour du registre des gains imprimée le 7 mars 2016 (GD9-2), la date de fin de la PMA de l’appelante est le 31 décembre 2018.

[7] Étant donné que cette date se situe dans le futur, le Tribunal doit déterminer s’il est probable que l’appelante avait une invalidité grave et prolongée à la date de la présente décision ou avant cette date.

Documents relatifs à la demande

[8] Dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC signé le 11 juillet2013, l’appelante a déclaré avoir une treizième année ainsi qu’un grade universitaire en musique obtenu au moyen d’un programme de trois ans. Elle a souligné avoir travaillé la dernière fois comme instructrice de musique itinérante pour le Conseil scolaire du district de Toronto du 12 janvier 1999 au 7 décembre 2012. Elle a déclaré avoir cessé de travailler pour des raisons médicales qui ont affecté son chant et sa voix. Elle a déclaré qu'elle est invalide depuis le 10 décembre 2012 et qu’une laryngite chronique et un muscle hyperactif au cou l’empêchaient de travailler. Elle a également déclaré qu’elle n’était pas du tout capable de chanter et qu’elle n’est pas capable de parler pendant des périodes prolongées sans souffrir de douleurs et sans affecter sa voix. Elle n’a énuméré aucune difficulté ou limitation fonctionnelle. Ses traitements comprenaient la prise de médicaments et la consultation d’un phoniatre, d’un massothérapeute pour son cou et sa gorge et d’un spécialiste de la voix.

Preuve médicale

[9] La demande de prestations du RPC était accompagnée du rapport du 16 juillet 2013 du Dr Windsor, médecin de famille de l’appelante. Le diagnostic inscrit dans le rapport est une dysphonie. Le Dr Windsor a décrit les antécédents médicaux pertinents/importants de l’appelante de la façon suivante : l’appelante travaille comme professeure de chant/musique; elle a développé un enrouement et une faiblesse à la voix après une maladie virale en décembre 2012; elle a conservé un enrouement qui s’est soudainement détérioré en février 2013 en raison d’une demande accrue sur le plan vocal au travail; sa voix ne s’est pas améliorée grâce à l’orthophonie ou à la massothérapie. Le rapport souligne également que l’appelante est incapable de parler pendant des périodes supérieures à cinq minutes. Le diagnostic est inconnu. Le rapport conclut que l’appelante n’a montré aucune amélioration grâce à la thérapie et qu’elle est incapable de continuer à travailler comme enseignante.

[10] L’appelante a initialement été évaluée par le Dr Davids, oto-rhino-laryngologiste, en mars 2012 en raison du début soudain d’une voix parlée râpeuse en février 2012. Le 1er mars 2012, le Dr Davids a constaté à l’examen du larynx un léger érythème (rougeur) de la corde vocale droite avec une compression à la bande ventriculaire droite, mais aucune lésion de masse évidente. Le 7 mai 2013, le Dr Davids a souligné que la voix de l’appelante s’était détériorée après une grave sinusite en octobre 2012 et que sa voix est [traduction] « râpeuse, a un registre réduit, et est faible […] perte d’endurance vocale, à savoir faible voix endolorie à la fin de la journée ». Le Dr Davids était d’avis que la dysphonie de l’appelante a été causée par une tension musculaire et un phonotraumatisme, et il a recommandé l’utilisation d’un microphone au travail.

[11] La série de clichés du tube digestif supérieur prise le 27 mai 2013 était normale, à l’exception d’un reflux.

[12] Selon les formulaires de détermination des capacités fonctionnelles remplis par le Dr Windsor du 20 mars 2013 au 11 juillet 2013, l’appelante souffre d’une laryngite chronique, elle est incapable de parler pendant plus de cinq minutes et elle n’est pas du tout capable de chanter. Selon les formulaires, l’appelante est absente du travail et elle fera l’objet d’un examen mensuel.

Autres documents

[13] Le 11 janvier 2015, Sun Life a informé l’appelante qu’elle correspond actuellement à la définition d’une invalidité totale relativement à toute occupation conformément à sa police d’assurance-invalidité de longue durée.

[14] Dans une lettre adressée au Tribunal et datée du 13 décembre 2015, l’appelante a informé le Tribunal que sa laryngite chronique a causé une perte de volume et de projection, plus particulièrement dans le registre aigu de sa voix, ce qui affecte sa voix parlée et plus particulièrement sa voix chantée, qu’elle souffre encore d’une perte totale de la voix chantée ainsi que d’une perte de son registre aigu et d’endurance, que, après trois ans d’invalidité, elle essaie encore de chanter, qu’elle ressent de la douleur au cou après cinq minutes, et que ce qui lui donnait du plaisir lui crée maintenant des difficultés et de la douleur. Elle a déclaré qu’elle a consulté le Dr Davids à quatre reprises en 2015 et son médecin de famille à six reprises, et que sa voix fait l’objet d’une discussion chaque fois qu’elle consulte son médecin.

[15] La lettre de l’appelante fait également état de ce qui suit :

[traduction]
Ma voix est non existante dans certaines tonalités, ce qui signifie que la voix coupe tout simplement! Absolument AUCUN SON ne sort, seulement de l’air! Il n’y a absolument rien que je puisse faire et, comme je l’ai expliqué précédemment, il n’y a aucune solution garantie pour cette laryngite chronique (par exemple, GEL ou chirurgie). Cela est en raison d’années de surutilisation en raison de mon emploi de musicienne itinérante dans le cadre duquel je me déplaçais d’une école à une autre pour enseigner la musique à des élèves instrumentistes débutants et en raison de l’autre partie de mon emploi dans le domaine du perfectionnement du personnel où j’enseignais à des enseignants à enseigner le chant à leurs élèves. Je projetais toujours ma voix (en enseignant à 45 élèves de sixième année dans un gymnase avec des instruments élémentaires) ou je parlais ou je chantais cinq fois par jour. Le but n’est pas de jeter tout le blâme sur mon emploi, car, comme tout le monde, j’utilise ma voix quotidiennement dans le cadre des activités de tous les jours. La musique a toujours fait partie de ma vie. Je possède un baccalauréat en musique de l’Université Western Ontario et j’ai travaillé comme musicienne professionnelle pendant 12 ans avant les 15 années où j’ai enseigné au sein du Conseil scolaire du district de Toronto (de 1999 à 2012).

Questions

[16] Dans l’avis d’audience daté du 14 janvier 2016, le Tribunal a demandé à l’appelante les questions suivantes :

[traduction]
Veuillez préciser la raison pour laquelle vous n’êtes pas capable de trouver un autre travail (comprenant des tâches demandant de parler peu ou pas du tout) adapté à vos limitations.

Veuillez indiquer les mesures prises, le cas échéant, pour vous recycler en vue de trouver un autre travail adapté à vos limitations ou en trouver un. Si vous n’avez pris aucune mesure, veuillez justifier votre choix.

Veuillez fournir de plus amples renseignements sur vos gains de 51 098 $ en 2013. Ces gains représentent-ils un revenu d’emploi? Veuillez également préciser si vous avez touché des gains en 2014 et en 2014 et, le cas échant, fournir de plus amples renseignements à leur égard.

[17] Le 29 janvier 2016, l’appelante a répondu aux questions. Elle a déclaré que, en raison de la nature continue et ininterrompue de son invalidité, elle est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et qu’elle est incapable d’effectuer tout type de travail, et non seulement son emploi régulier. Elle a joint la lettre datée du 11 juin 2015 de Sun Life où il est mentionné qu’elle répond actuellement à la définition d’invalidité totale pour tout type d’occupation. Elle a également affirmé se concentrer sur sa santé et essayer d’améliorer sa voix en suivant les ordres du médecin et en cherchant à obtenir un avis médical. Elle a également déclaré qu’il n’y a aucun signe selon lequel sa voix s’améliore malgré un recours minimal étant donné qu’elle est à la maison, que son incapacité d’utiliser sa voix l’empêche d’occuper son emploi actuel ou tout autre emploi, et qu’elle ne recherche pas un emploi. Elle a répondu ce qui suit : [traduction] « Mon invalidité persiste depuis plus de trois années continues sans interruption. J’ai complètement perdu ma voix chantée, mon registre aigu et mon endurance. Même après plus de trois ans, toute tentative de chant cause des douleurs. Je ne suis pas capable de projeter ma voix et le fait de parler pendant une période prolongée est très difficile, et ce même après plus de trois ans de recours minimal à ma voix. »

[18] Dans sa réponse, elle a également déclaré qu’aucun gain touché en 2013, en 2014 et en 2015 ne constituait un revenu d’emploi. Elle a joint des documents confirmant que tous ces gains constituaient des prestations d’invalidité.

Observations

[19] L’appelante a soutenu qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle est absente du travail depuis décembre 2012 et elle souffre encore de douleurs au cou en raison d’un muscle hyperactif qui limite sa capacité de parler et qui l’empêche complètement de chanter;
  2. elle souffre de laryngite chronique, et le muscle dans le côté de son cou lui cause des douleurs et des problèmes vocaux prolongés;
  3. son invalidité est grave et prolongée.

[20] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. bien que l’appelante ne puisse pas être capable d’occuper son emploi habituel à titre qu’instructrice de musique itinérante, la preuve médicale ne démontre aucune pathologie ou déficience grave qui l’empêcherait de détenir un emploi adapté à ses limitations;
  2. l’appelante possède une instruction et des compétences transférables excellentes et elle n’a pas tenté de trouver un autre emploi adapté à ses capacités;
  3. le fait que l’appelante reçoit actuellement des prestations d’invalidité de sa compagnie d’assurance n’est pas pertinent étant donné que les critères d’admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC sont très différents.

Analyse

[21] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de la décision ou avant cette date.

Caractère grave

[22] Les exigences légales auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent au paragraphe 42(2) du RPC, où il est mentionné qu’une invalidité doit être à la fois « grave et prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse faire. Une invalidité n’est « prolongée » que si on considère qu’elle va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[23] Il incombe à l’appelante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que, avant ou à la date de l’audience, elle était invalide au sens de la définition. Le critère de gravité doit être analysé selon une approche réaliste : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie, au moment de déterminer l’« employabilité » d’une personne à l’égard de son invalidité.

[24] L’appelante doit non seulement démontrer qu’elle a un grave problème de santé, mais, lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, elle doit également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117. Cependant, dans le cas où il y a incapacité de travailler, il n’y a aucune obligation de démontrer les efforts fournis pour trouver un emploi. L’incapacité peut être démontrée de diverses manières. Ainsi, elle peut être établie au moyen d’une preuve que l’appelante serait incapable d’accomplir toute activité liée à un emploi : C.D. c. MDRH (18 septembre 2012) CP27862 (CAP).

[25] Il est évident que, en raison de sa laryngite chronique, l’appelante est incapable de retourner occuper son emploi précédent à titre d’instructrice de musique itinérante. Cependant, afin de satisfaire aux critères en matière d’invalidité du RPC, l’appelante doit non seulement être incapable de retourner occuper son emploi précédent, mais elle doit également être incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[26] L’appelante a reconnu n’avoir déployé aucun effort pour trouver un autre emploi. Elle était âgée de 55 ans lorsqu’elle a travaillé pour la dernière fois, et nous convenons avec l’intimé qu’elle possède une excellente instruction et des compétences transférables importantes. Le Tribunal a également souligné que, dans le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC, l’appelante a déclaré n’avoir aucune difficulté ou limitation fonctionnelle autre que sa déficience relative à la voix.

[27] Il ne fait aucun doute que le recours limité à la voix limite l’employabilité de l’appelante. Cependant, le Tribunal n’est pas convaincu que, étant donné son instruction et son expérience professionnelle, sa déficience la rend incapable de détenir régulièrement toute forme d’occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal est convaincu qu’il existe des emplois pour lesquels l’exigence en matière de communication orale continue est minime et moins importante et dans lesquels l’appelante pourrait fonctionner de façon satisfaisante.

[28] Le Tribunal reconnaît que l’appelante a été autorisée à recevoir des prestations d’invalidité de longue durée par sa compagnie d’assurance-invalidité et que la compagnie d’assurance a conclu qu’elle répond actuellement à la définition d’invalidité totale pour toute occupation conformément à sa politique d’assurance-invalidité de longue durée. Cependant, le Tribunal convient avec l’intimé que cela n’est pas pertinent étant donné que les critères d’admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC sont différents. De plus, il incombe au Tribunal de rendre sa propre décision relative à l’invalidité grave selon la preuve dont il dispose.

[29] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, et le Tribunal a conclu qu’elle n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffre d’invalidité grave selon les critères du RPC.

Caractère prolongé

[30] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[31] L’appel est rejeté.

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