Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Introduction

[2] La demande de pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada du demandeur a été rejetée au stade initial et au stade de la révision. La décision découlant de la révision était datée du 22 octobre 2013. Le 19 décembre 2014, le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal) a reçu un avis d'appel de la décision découlant de la révision. Dans une décision du 30 septembre 2015, un membre de la division générale du Tribunal a conclu que l'appel n'avait pas été introduit dans le délai prescrit. Le membre a refusé de proroger le délai pour permettre d'interjeter appel. Le demandeur souhaite maintenant obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale.

Motifs de la demande

[3] Le représentant du demandeur a fait valoir qu'en refusant la demande de prorogation de délai, la division générale a commis un manquement aux principes de justice naturelle. Ses arguments sont les suivants :

[traduction] Dans une lettre du 21 juin 2013, ce cabinet a écrit au Tribunal pour lui confirmer l'existence de son mandat de représentant de M. S. F. et pour confirmer plus tard la demande de révision de la décision du 2 avril 2013, de la part de notre client.

À la suite de cette confirmation de la participation du cabinet dans cette affaire, tous les avis et les communications futurs devraient lui être envoyés. Monsieur Kelly croyait que le Tribunal prenait le processus de révision en charge, ce qui prend habituellement un certain temps.

Dans sa lettre du 22 octobre 2013, le Tribunal a rendu sa décision portant sur la demande de révision qui a été rejetée. Même si le Tribunal était au courant de l'avance payée à monsieur Kelly, la lettre n'a pas été envoyée à notre cabinet. Elle a seulement été envoyée directement à monsieur S. F., qui tenait pour acquis qu'une copie de la lettre avait aussi été envoyée à notre cabinet et qu'on se chargeait de l'appel, conformément aux avances que nous avions déjà reçues.

Par pure coïncidence, notre cabinet a transmis au Tribunal une lettre de suivi datée du 23 octobre 2013 (une journée après la date de la décision qui rejetait la demande de révision).

Une fois de plus, le Tribunal n'a pas répondu à notre lettre du 23 octobre 2013. Selon cette lettre, il était clair que nous n'avions reçu aucune décision et que nous étions toujours les avocats au dossier de monsieur S. F..

Le Tribunal n'a jamais expliqué pourquoi il n'avait jamais répondu à nos lettres du 21 juin 2013 et du 23 octobre 2013. Rien ne justifie que le Tribunal ne communique pas avec le représentant du demandeur. Le manque de courtoisie (sans compter la négligence) dans l'absence de réponse du Tribunal est décourageant.

À la suite de notre lettre du 23 octobre 2013, l'affaire est venue à l'ordre du jour dans l'agenda interne du cabinet, mais a été reportée puisque nous n'avions reçu aucune réponse de la part du Tribunal au sujet de nos lettres du 21 juin 2013 et du 23 octobre 2013. Dans sa décision du 30 septembre 2015, le Tribunal a attribué à monsieur S. F. l'entière responsabilité de s'assurer que son représentant était informé, alors que c'est le Tribunal qui a complètement omis de respecter les bonnes pratiques en matière de communication avec le représentant du demandeur.

Le 24 juillet 2014, notre cabinet a de nouveau écrit au Tribunal pour confirmer qu'il n'avait reçu aucune décision et pour obtenir des informations au sujet du statut de l'affaire. Notre cabinet a alors été informé, pour la première fois, que la décision avait été rendue le 22 octobre 2014. Le Tribunal n'a jamais dit pourquoi il n'avait pas répondu à nos lettres du 21 juin 2013 et du 23 octobre 2013.

Il est tout à fait insensé que le Tribunal attribue la totalité de la faute à monsieur S. F. dans cette affaire alors que c'est le Tribunal qui, à plusieurs occasions, a reçu des avis selon lesquels la communication était inadéquate avec le représentant du demandeur.

Il convient en outre de noter que l'autre partie ne subirait pas le moindre préjudice en raison de la prorogation de délai demandée.

Après avoir appris l'existence de la décision du 22 octobre 2013, ce cabinet s'est empressé d'aviser le Tribunal de la rupture des communications et de demander une prorogation de délai afin que l'appel puisse être introduit comme il aurait dû l'être si les échanges entre le représentant du demandeur et le Tribunal avaient été adéquats.

Il est clair qu'en tout temps monsieur S. F. se fiait sur son représentant pour gérer le dossier en son nom. Qu'un demandeur se fit sur son représentant est tout à fait dans l'ordre des choses. Monsieur S. F. ne savait pas du tout que nous n'avions pas reçu la décision du 22 octobre 2013 et qu'en conséquence nous ne procédions pas au règlement de l'affaire.

Même si la faute pourrait être attribuée à ce cabinet, ce que nous refusons catégoriquement d'admettre étant donné les trois lettres (ci-jointes) que nous avons transmises au Tribunal, il serait tout à fait inapproprié, et contraire aux principes de droit canadiens, de condamner un innocent pour des questions découlant de l'inattention de son représentant. Ce qui est particulièrement le cas lorsque l'autre partie ne subit aucun préjudice.

Droit applicable

[4] Les appels interjetés à l’encontre de décisions de la division générale sont régis par les articles 55 à 59 de la Loi sur le ministère de lEmploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Il n’existe aucun droit d’appel automatique. L'article 56 de la Loi sur le MEDS prévoit qu'un demandeur doit d'abord obtenir la permission d'en appeler.

  1. 55. Appel - Toute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel par toute personne qui fait l’objet de la décision et toute autre personne visée par règlement.
  2. 56. Permission - (1) Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. (2) Exception - Toutefois, il n’est pas nécessaire d’obtenir une permission dans le cas d’un appel interjeté au titre du paragraphe 53(3) (rejet sommaire par la division générale).

[5] Les moyens d’appel sont énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Il s'agit de l'erreur de droit, de l'erreur de fait ou du manquement à la justice naturelle, ou des erreurs relatives à la compétence de la division générale.Note de bas de page 1

Appels devant la division générale

Délai

[6] L'article 52 de la Loi sur le Ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) traite des appels interjetés devant la division générale du Tribunal dans les délais mentionnés ci-après :

52. Modalités de présentation – (1) L’appel d’une décision [du ministre] est interjeté devant la division générale selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :

  1. a) dans le cas d’une décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;
  2. b) dans les autres cas, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[7] Le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS permet à la division générale de proroger le délai pour interjeter appel, mais dans aucun cas un appel ne peut être interjeté plus d’un an suivant la date où l’appelant a reçu communication de la décision.

[8] Les appels formés à l'encontre d'une décision refusant une pension d'invalidité du RPC sont considérés comme étant en retard s'ils sont introduits plus de 90 jours après la date à laquelle l'appelant a reçu communication de la décision. En l'espèce, le demandeur a déclaré avoir reçu la décision découlant de la révision le 29 octobre 2013 ou vers cette date (GD1-A2). Il disposait donc, à partir du 29 octobre 2013, de 90 jours pour présenter sa demande de prorogation de délai. La division générale a reçu la demande le 19 décembre 2014, ce qui correspond à environ 13 mois et demi après que le demandeur ait reçu copie de la décision découlant de la révision (GD1). De prime abord, l'appel a été reçu en retard.

Question en litige

[9] La division d'appel doit décider si elle doit accorder la permission d'appeler de la décision de la division générale qui refuse de proroger le délai pour interjeter appel.

Analyse

[10] Pour accorder une demande de permission d'appeler, la division d'appel doit appliquer le critère juridique qui consiste à déterminer si l'appel a une chance raisonnable de succès. Tracey c. Canada (Procureur général) 2015 CF 1300. Afin de formuler sa décision et décider si la division générale a commis les erreurs alléguées, la division d'appel a pris en compte la décision de la division générale, les documents déposés dans le cadre de l'audience devant la décision générale, le droit applicable et les observations du demandeur.

Allégations de manquements aux principes de justice naturelle

[11] Le demandeur a fait valoir qu'il y avait eu manquement aux principes de justice naturelle découlant des difficultés du Tribunal à communiquer avec son représentant. Pour appuyer ses prétentions, le représentant du demandeur a joint les trois lettres qu'il a envoyées à Service Canada au sujet du demandeur. La première lettre, datée du 21 avril 2013, est adressée à S. Booker RN. Elle indique à Service Canada que le représentant agit au nom du demandeur. Elle ne contient pas d'autorisation du demandeur à divulguer des renseignements. La lettre se termine par les propos suivants : [traduction] « Nous vous demandons de revoir votre décision concernant l'admissibilité de M. S. F. et de nous aviser ensuite de votre position. »

[12] Service Canada a reçu cette lettre le 2 juillet 2013 et a écrit au demandeur le 12 août 2013 (GD2-13) pour l'informer qu'elle avait reçu une demande de révision de la part du cabinet d'avocats et de conseillers juridiques McNeely, Kelly. Dans cette même lettre, Service Canada demande au demandeur de remplir le formulaire d'autorisation, annexé à la lettre, qui permettrait à Service Canada de communiquer avec les avocats. Elle lui demande aussi de renvoyer le formulaire, rempli, à Service Canada (GD2-12).

[13] La deuxième lettre adressée à Service Canada est datée du 23 octobre 2013. Elle provient du représentant du demandeur, qui y mentionne que :

  • Il a joint l'autorisation signée du demandeur;
  • Le demandeur lui a donné une copie de la lettre de Service Canada datée du 12 aout 2013;
  • Service Canada a informé le demandeur qu'elle procédait à la révision de sa précédente décision.

[14] Dans une lettre du 29 juillet 2014, le représentant du demandeur a écrit à Service Canada pour signaler qu'il n'avait pas reçu de réponse à sa lettre du 23 octobre 2013. Il a demandé d'être informé de l'état de la demande de révision du demandeur.

[15] La décision découlant de la révision est datée du 22 octobre 2013. Elle est adressée uniquement au demandeur et contient une note selon laquelle Service Canada [traduction] « n'est pas en mesure de transmettre à votre avocat une copie de cette lettre parce que nous ne disposons d'aucune autorisation de votre part dans nos dossiers. » La décision découlant de la révision est datée du jour précédant la date de la deuxième lettre du représentant.

[16] La lettre comportant la décision découlant de la révision contient elle aussi des renseignements concernant la façon de procéder que doit respecter le demandeur s'il est en désaccord avec la décision. Ces renseignements figurent à la rubrique « Si vous êtes en désaccord avec la décision » (GD2-10).

[traduction] « Vous avez le droit d'interjeter appel de cette décision à la section de la sécurité du revenu de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Si vous décidez d’en appeler, vous devez présenter, dans les 90 jours suivant la date à laquelle vous recevez la présente lettre, un avis d'appel contenant tous les renseignements requis. Pour obtenir une copie du formulaire d'avis d'appel, les instructions sur la façon de le remplir et les détails sur la façon d'interjeter appel d'une décision, veuillez consulter notre site web à l'adresse suivante : www.canada.gc.ca/sst-tss, ou téléphoner sans frais au 1 877 227-8577. Pour que votre avis d'appel soit accepté, vous devez fournir tous les renseignements demandés et joindre tous les documents requis, et poster le tout à l'adresse suivante :

Tribunal de la sécurité sociale
À l’attention de la division générale (IS)
C.P. 9812, STN T CSC
Ottawa ON K1G 6S3

(Adresse telle quelle apparaît dans la lettre)

[17] Le demandeur a fait valoir qu'en faisant abstraction de son représentant ou en omettant de communiquer avec lui, le Tribunal avait commis un manquement à un principe de justice naturelle. Le représentant a avancé qu'il s'agissait d'un motif valable pour accueillir la demande de prorogation du délai pour introduire un appel devant la division générale. Selon le représentant du demandeur, puisque le Tribunal avait été avisé du mandat de représentant du demandeur, le Tribunal était lié par la pratique et se devait d'aviser le représentant de toutes les décisions prises au sujet du demandeur.

[18] L'ennui avec cette position c'est que a) ce n'est pas le Tribunal qui a "omis de communiquer" avec le représentant du demandeur; b) au moment d'envoyer la décision découlant de la révision, Service Canada n'avait pas l'autorisation de la divulguer à qui que ce soit d'autre que le demandeur; Il se peut fort bien que la décision découlant de la révision se soient croisé dans le courrier. Cependant, le fait est que Service Canada ne pouvait pas transmettre de copie de la décision découlant de la révision sans l'autorisation expresse du demandeur, qu'elle n'avait pas au moment de l'envoi. Service Canada a envoyé, au représentant du demandeur, une copie de la décision découlant de la révision, mais l'a envoyée près d'un an après que la décision ait été rendue.

[19] Le représentant du demandeur a donc interjeté appel au Tribunal. Le Tribunal a reçu l'avis de demande le 19 décembre 2014 (GD-1). Comme je l'ai déclaré précédemment, la division générale a conclu que l'appel avait été introduit en retard et ne pouvait être examiné parce que le délai permis pour demander une prorogation de délai était déjà expiré.

[20] Le représentant du demandeur s'oppose aux conclusions de la division générale selon lesquelles le demandeur n'a pas fourni d’explications suffisantes pour justifier le retard dans l'introduction de l'appel. La division d'appel n'est pas convaincue que les faits de la cause soutiennent sa position. Il est vrai que Service Canada n'a pas envoyé, au moment opportun, de copie de la décision découlant de la révision au représentant de l'appelant. Cependant, de l'avis de la division d'appel, le demandeur aurait dû savoir depuis la fin octobre 2013 que Service Canada avait envoyé à lui seul la décision, et pourquoi il en était ainsi. En conséquence, de l'avis de la division d'appel, il serait raisonnable de s'attendre à ce que, au moment de la réception de la décision défavorable découlant de la révision, il y ait eu des certains échanges entre le demandeur et son représentant pour discuter de la décision et des étapes à venir.Note de bas de page 2

[21] Dans les circonstances, la division d'appel n'est pas convaincue que le demandeur a fourni une explication satisfaisante du retard en disant qu'il avait supposé que son représentant s'occupait de déposer son avis d'appel. Par extension, la division d'appel estime également que la division générale n'a pas commis de manquement à un principe de justice naturelle.

La division générale a-t-elle commis une erreur en refusant de proroger le délai pour introduire l'appel ?

[22] Au moment d'examiner une demande de prorogation de délai pour déposer un appel, la division générale tient habituellement compte de :

  1. La question de savoir si le demandeur a démontré une intention persistante de poursuivre le processus d’appel;
  2. La question de savoir si la cause est défendable;
  3. La question de savoir si le demandeur a fourni des explications raisonnables pour justifier le retard;
  4. La question de savoir si l’intimé subirait un préjudice si le Tribunal prorogeait le délai applicable au dépôt de l’appel;
  5. L'intérêt de la justice.

[23] Dans les circonstances de l'espèce, la division générale devait aussi prendre en considération le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS. Le paragraphe de la Loi sur le MEDS régit les délais prévus pour interjeter appel à la division générale. Le paragraphe se lit comme suit :

52. Modalités de présentation (1) L’appel d’une décision est interjeté devant la division générale selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :

  1. a) dans le cas d’une décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;
  2. b) dans les autres cas, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.

[24] L'article prévoit également la possibilité de proroger le délai. Cependant, ce délai ne peut être prorogé de plus d'un an.

(2) Délai supplémentaire La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

[25] Ayant connaissance du paragraphe 52(2), la division générale a conclu que l'appel n'avait pas été formé en temps opportun et, par conséquent, ne pouvait être instruit. La division d’appel ne trouve aucune erreur dans les conclusions de la division générale. L'appel a été introduit plus d'un an après la date à laquelle le demandeur a reçu communication de la décision. Par conséquent, aux termes de l'alinéa de la Loi sur le MEDS, l'appel était prescrit. Le demandeur aurait pu introduire l'appel au plus tard le 28 octobre 2013, mais l'a fait après cette date. Bien que cet article puisse représenter une contrainte excessive pour le demandeur, il ne mène pas pour autant à une erreur de droit ni à un manquement à un principe de justice naturelle. Il ne s'agit pas d'une situation où la division générale pourrait rendre une décision en vertu d'une compétence en équité. Le caractère contraignant de la disposition législative refuse à la division générale toute compétence à l'égard d’une prorogation de délai pour introduire un appel au-delà du délai prévu d'un an. Par conséquent, même si l'appelant avait pu expliquer son retard de façon satisfaisante, et même si la division générale avait conclu de façon positive à l'égard de chacun des éléments mentionnés précédemment, la demande serait refusée.

Conclusion

[26] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale. L'appel à la division générale a été introduit plus d'une année après que le demandeur eut reçu communication de la décision découlant de la révision. Aux termes du paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS, l'appel est prescrit. En conséquence, la division d’appel est convaincue que l’appel n'a aucune chance raisonnable de succès.

[27] La demande est rejetée.

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