Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 6 octobre 2015. La division générale a tenu une audience en personne le 2 octobre 2015 et a établi que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC)après avoir conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la date de la période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2012. Le 17 décembre 2015, le représentant du demandeur a présenté une longue demande de permission d’en appeler, il a avancé de nombreux moyens d’appeler et il s’est fondé sur diverses sources juridiques. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[2] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission. »

[3] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

Question en litige

[4] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

Manquement à un principe de justice naturelle

[5] Le représentant du demandeur soutient que, en rendant sa décision, la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle et qu’elle a excédé sa compétence :

  1. a) elle n’a pas tenu compte de la preuve très pertinente, particulièrement la lettre du Dr Greenstone d’octobre 2012;
  2. b) elle n’a pas fourni les motifs adéquats pour justifier la raison pour laquelle une partie de la preuve, y compris la lettre du Dr Greenstone, a été exclue;
  3. c) elle a tenu compte de renseignements non pertinents des façons suivantes :
    1. (i) en discutant de déclarations non crédibles tout en insistant qu’aucune conclusion n’a été tirée quant à la crédibilité du demandeur,
    2. (ii) dans le même ordre d’idées, en tirant une conclusion explicite quant à la crédibilité sans tenir compte des aptitudes limitées du demandeur en anglais,
    3. (iii) dans le même ordre d’idées, en fondant une conclusion implicite quant à la crédibilité sur une interprétation [traduction] « basée sur des formules et irréaliste » des déclarations du demandeur.

Erreurs de droit

[6] Le représentant du demandeur soutient que, en rendant sa décision, la division générale a erré en droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier :

  1. a) elle a incorrectement cloisonné la discussion sur les facteurs « réalistes » afin qu’ils deviennent seulement un facteur transitoire au lieu d’un facteur sur lequel repose l’ensemble de l’analyse quant à la gravité;
  2. b) elle a tiré des conclusions déraisonnables en ce qui concerne les compétences transférables.

Conclusions de fait erronées

[7] Le représentant du demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance :

  1. a) Médicaments
    1. (i) Elle a incorrectement conclu que des narcotiques n’avaient pas été prescrits au demandeur.
    2. (ii) Elle a incorrectement conclu que des narcotiques n’étaient généralement pas prescrits dans les cas de douleurs chroniques.
  2. b) Autres problèmes de santé
    1. (i) Elle a incorrectement conclu que le demandeur n’avait pas présenté de preuve concernant l’incidence des problèmes de santé secondaire sur sa capacité de fonctionner.
    2. (ii) Dans le même ordre d’idées, si la déclaration ci-dessus a été simplement mal exposée et que la preuve du demandeur a été prise en considération, mais écartée, la division générale a manqué à sa compétence en ne fournissant pas les motifs adéquats permettant à la cour d’appel d’examiner le facteur.
  3. c) Incapacité de travailler
    1. (i) Elle a incorrectement conclu que le demandeur n’était pas capable de travailler en occupant quelconque emploi.
    2. (ii) Elle a incorrectement conclu que la preuve médicale n’a pas écarté tous les emplois.
    3. (iii) Dans le même ordre d’idées, la conclusion précédente a révélé une erreur de droit.
  4. d) Amplification de la douleur
    1. (i) Elle a paraphrasé les commentaires du Dr Telfer sur les douleurs du demandeur de manière à ce que ses propos soient présentés de manière inexacte et abusive.
    2. (ii) Elle a soulevé la question de l’amplification de la douleur sans informer le demandeur, ce qui contrevient aux principes de justice naturelle.

Analyse

[8] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. n o 1252 (CF). Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si le défendeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Ministre du Développement social), 2010 CAF 63.

[9] En vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Manquement aux principes de justice naturelle

Ignorer la lettre du Dr Greenstone

[11] Le demandeur prétend que la division générale a injustement ignoré la lettre d’octobre 2012 du Dr Greenstone qui déclarait le demandeur incapable de travailler. Il a invoqué la déclaration de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Oakwood Development Ltd. c. St‑François Xavier (municipalité rurale), [1985] 2 RCS 164 en soutenant que l’omission d’un organe de décision administrative de tenir compte d’un élément très important constitue une erreur au même titre que la prise en considération inappropriée d’un facteur extrinsèque.

[12] Une question importante en l’espèce est celle de savoir si la lettre du Dr Greenstone est [traduction] « très pertinente ». Il est véridique que la division générale n’a pas mentionné cette preuve dans sa décision, mais il est établi en droit qu’un tribunal administratif n’a pas besoin de mentionner chaque élément de preuve porté à sa connaissance dans ses motifs, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82). Par conséquent, le fait d’omettre le renvoi à un document n’équivaudra pas en soi à un manquement à un principe de justice naturelle, étant donné que le juge des faits conserve le droit d’évaluer la qualité de la preuve et de lui accorder le poids approprié.

[13] Il faut souligner que la lettre du Dr Greenstone est en fait une note d’information écrite à la main sur une feuille d’ordonnance. Elle ne fait guère plus que mentionner une [traduction] « pathologie persistante de l’épaule droite empêchant le demandeur de travailler ». Bien que cela puisse être rapide et facile à omettre, il s’agit néanmoins d’une déclaration non équivoque du médecin de famille selon laquelle le demandeur n’était plus capable de travailler qui a été déposée trois moins avant la date de fin de sa PMA. Il est également véridique que la division générale a semblé avoir fondé sa décision, du moins en partie, sur une conclusion selon laquelle les autres rapports médicaux n’écartaient pas la possibilité de travailler. En l’espèce, il peut y avoir une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en omettant de tenir compte du seul rapport qui écartait la possibilité de travailler.

Tenir compte de renseignements non pertinents
(i) en discutant de déclarations non crédibles tout en insistant qu’aucune conclusion n’a été tirée quant à la crédibilité du demandeur

[14] Le représentant du demandeur fait valoir que la déclaration de la division générale selon laquelle elle n’a tiré aucune conclusion quant à la crédibilité l’empêchait de constater des incohérences dans le témoignage du demandeur. Plus particulièrement, le représentant du demandeur fait valoir que cette déclaration et le [traduction] « choix du mode d’audience fait par le membre » a mené la division générale à outrepasser sa compétence lorsqu’elle a attiré l’attention sur la divergence apparente entre le témoignage du demandeur selon lequel il ne pouvait [traduction] « rien » faire à la maison et sa déclaration antérieure dans la demande de prestations selon laquelle il était capable de magasiner et d’effectuer des travaux légers.

[15] J’estime que cet argument est entaché. Le représentant du demandeur a cité un cas avertissant les décideurs d’exclure la preuve non pertinente concernant le caractère d’un demandeur, mais j’estime que rien ne démontre que la division générale tenait compte de facteurs extrinsèques. En fait, il semble plus probable que la division générale, en éliminant explicitement l’accent sur la [traduction] « crédibilité », tentait d’assurer aux lecteurs que le caractère du demandeur n’était pas en litige. Le fait de simplement souligner des incohérences dans le témoignage ne signifie pas nécessairement qu’un juge des faits entache le caractère d’un demandeur ou met en doute l’honnêteté de ce dernier. En concluant que certaines déclarations du demandeur n’étaient pas fiables, la division générale ne faisait qu’exercer son droit et son devoir d’apprécier la preuve testimoniale.

[16] Je ne suis pas convaincu que la cause est défendable en l’espèce ou qu’un appel fondé sur ce moyen d’appel précis aurait une chance raisonnable de succès.

(ii) en tirant une conclusion quant à la crédibilité sans tenir compte de l’anglais limité du demandeur

[17] Dans le Formulaire de renseignements en matière d’audience, rempli le 11 avril 2014, le demandeur a précisé qu’il souhaitait avoir recours aux services d’un [traduction] « interprète médical hindi ». Par conséquent, les services d’un interprète professionnel d’hindi ont été retenus pour l’audience. Un examen de l’enregistrement de l’audience permet démontre que l’interprète a informé le membre de la division générale (à 00:35) que le demandeur avait exprimé plus tôt qu’il souhaitait renoncer à la traduction mot à mot. Le membre a confirmé avec le demandeur que la disposition proposée était acceptable pour lui, et celui-ci a répondu par l’affirmative. L’audience a continué, et le demandeur a présenté son cas en parlant couramment l’anglais et peu de difficulté apparente en expression ou en compréhension de la langue. Je n’ai entendu aucun signe de contrainte ou de pression dans un des passages que j’ai écoutés et je suis convaincu que, si le demandeur ne pouvait pas suivre l’instance, il a eu la chance de s’exprimer à cet égard.

[18] Le représentant du demandeur laisse également entendre que la division générale était incorrecte lorsqu’elle a conclu que le demandeur n’avait aucune difficulté à comprendre une partie de l’audience. [Traduction] « Rien ne démontre la façon dont le membre a tiré cette conclusion. Il peut être conclu que le comportement du demandeur à l’audience doit avoir été un facteur dans cette décision. » Je conteste l’allégation selon laquelle la division générale n’avait aucun fondement pour conclure que le demandeur comprenait la procédure. Le membre se trouvait dans la même salle que le demandeur et elle a eu plusieurs échanges avec lui. Elle était la personne la mieux placée pour évaluer la capacité du demandeur à parler et à comprendre l’anglais et, après avoir écouté des parties de l’enregistrement, je ne vois aucune cause défendable sur ce moyen d’appel.

(iii) en fondant la crédibilité sur une interprétation « basée sur des formules et irréaliste »

[19] Le représentant du demandeur soutient que, lorsque celui-ci a témoigné, il ne pouvait [traduction] « rien » faire et que son témoignage n’aurait pas dû être pris tel quel. [Traduction] Il existe une signification familière à des mots absolus comme “rien” qui comme une disposition implicite [traduction] “[…] qui est importante” ». S’il était fait autrement, cela créerait une norme presque impossible à satisfaire.

[20] Je n’accueillerais pas l’appel en me fondant sur ce moyen, car il n’a aucune chance raisonnable de succès. Le membre de la division générale a précisé à deux reprises qu’elle accordait peu de poids à la déclaration du demandeur selon laquelle il ne pouvait « rien » faire pour lui-même ou à la maison, ce qui laisse entendre qu’elle était bien au courant qu’une déclaration si inadmissible ne devait pas être prise au sens propre. La division générale a préféré la preuve du demandeur selon lequel il était capable d’effectuer de légères tâches ménagères et elle a exercé sa compétence en tant que juge des faits pour rendre cette décision. Elle a fait remarquer l’incohérence entre le témoignage du demandeur et les déclarations antérieures de celui-ci, mais, comme il a été mentionné précédemment, elle n’a tiré aucune conclusion large sur son honnêteté et son caractère. Quoi qu’il en soit, la lecture de l’ensemble de la décision démontre qu’elle repose sur beaucoup de facteurs, principalement les rapports médicaux, autres que la fiabilité du témoignage du demandeur.

Erreurs de droit

Cloisonner les facteurs « réalistes » établis dans l’arrêt Villani

[21] Le représentant du demandeur semblait laisser entendre que la division générale a commis une erreur de droit en abordant les facteurs établis dans l’arrêt Villani au cours d’une différente discussion, alors qu’ils auraient dû être pris en considération à toutes les étapes de l’analyse relative à la gravité. De plus, il a déclaré ce qui suit:

[traduction]
[...] le membre a cloisonné l’analyse de façon à ce que l’examen de facteurs contextuels a altéré l’employabilité sans influer sur d’autres facteurs. Le membre avait conclu que le demandeur avait des compétences qu’il pourrait appliquer dans d’autres domaines que les travaux de dur labeur, et cette conclusion a altéré les examens ultérieurs.

[22] Je ne peux pas convenir que l’arrêt Villani a mal été appliqué en l’espèce. Toute d’abord, on ne fait aucunement mention dans l’arrêt Villani qu’une discussion sur les facteurs contextuels (ou un examen de ceux-ci) doit être étendue dans l’ensemble de l’analyse. Le paragraphe d’ouverture de la décision de la division générale contient une discussion sur l’âge, la scolarité, les aptitudes linguistiques et l’expérience professionnelle du demandeur. Si les facteurs établis dans l’arrêt Villani ont fait l’objet d’une discussion dans un paragraphe discret, cela ne signifie pas qu’ils n’ont pas été pris en considération pour évaluer les incapacités médicales prétendues du demandeur et leur incidence sur sa fonctionnalité professionnelle.

[23] Ensuite, rien ne laisse entendre dans la décision que la division générale n’a pas tenu compte des répercussions possibles des facteurs établis dans l’arrêt Villani sur la capacité du demandeur à effectuer des tâches non physiques. Le membre a fait mention de la formation postsecondaire du demandeur, de son expérience de supervision et de sa facilité à parler anglais pour conclure qu’il serait capable de s’adapter à un autre milieu de travail. Le membre a passé une grande partie du rester de l’analyse à examiner si les incapacités physiques du demandeur l’empêcheraient de fonctionner dans un emploi sédentaire. Le membre était en droit d’appliquer les facteurs établis dans l’arrêt Villani au problème de santé du demandeur et de conclure que celui-ci était capable d’effectuer un autre travail. Dans la décision, il est évident que le membre était au courant que le demandeur n’avait pas terminé son cours d’affaires immobilières ou que sa recherche d’emploi n’avait pas été fructueuse, mais rien ne démontre qu’elle a écarté l’arrêt Villani en concluant qu’il n’y avait aucun motif médical pour l’une des deux issues.

[24] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen d’appel.

Tirer des conclusions déraisonnables sur les compétences transférables

[25] Le représentant du demandeur prétend que la division générale a inscrit le programme d’affaires immobilières comme une réalisation en matière d’instruction, mais il a reconnu à un autre moment que le demandeur n’a pas été capable de terminer la formation en raison de douleurs. Cependant, ce n’est pas ce qui est dit dans la décision. Elle ne décrit pas le cours d’affaires immobilières comme une réalisation ou rien qui s’apparente à ces termes et elle ne fait rien d’autre que transmettre la preuve du demandeur selon laquelle il n’a pas terminé le cours en raison de douleurs. Bien que le membre souligne le témoignage du demandeur en l’espèce, il est évident qu’elle ne l’accepte pas entièrement.

[26] Le représentant du demandeur prétend également que la division générale a présenté des faits erronés concernant l’expérience du demandeur en matière de scolarité et de travail tout en ne les mettant pas dans leur contexte approprié. J’estime que ces moyens prétendus sont plus correctement classés comme des conclusions de fait erronées et qu’ils correspondent à une demande de réévaluation de la preuve concernant la scolarité du demandeur et de ses compétences professionnelles, ce qui va au-delà de la portée d’une demande de permission d’en appeler.

[27] Je ne vois aucune chance raisonnable de succès pour ce moyen d’appel.

Conclusions de fait erronées

Médicaments

[28] Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale a conclu, à l’égard de la preuve dont elle disposait, qu’on n’avait pas prescrit de narcotiques au demandeur. La division générale aurait également déclaré à tort que les narcotiques ne sont pas habituellement prescrits dans les cas de douleurs chroniques.

[29] Le membre a déclaré au paragraphe 24 qu’il n’y a [traduction] « aucune preuve selon laquelle un docteur avait recommandé qu’il consomme des médicaments narcotiques ». Un examen des références citées par le représentant du demandeur démontre que, dans deux cas (Dr Telfer et Dr Gittens), le médecin examinateur a simplement documenté l’historique du demandeur et n’a pas prescrit ni recommandé des Tylenol no 3 lui-même. Deux autres documents cités par le représentant du demandeur (le questionnaire relatif à l’invalidité au titre du RPC et la présentation à GT8) ont été produits par le demandeur, qui a signalé sans confirmation indépendante qu’il consommait du Tylenol no 3. Finalement, la copie du rapport de soins ambulatoires, qui aurait prescrit du Percocet au demandeur, est complètement illisible dans le dossier de documents et il n’offre aucune preuve.

[30] De plus, d’autres documents, y compris le rapport médical au titre du RPC rempli par le médecin de famille, ont énuméré les médicaments du demandeur, mais ils n’ont mentionné aucun narcotique. Par conséquent, j’estime que la division générale était correcte lorsqu’elle a déclaré qu’il n’y a aucune preuve médicale objective d’une recommandation selon laquelle des narcotiques avaient été prescrits au demandeur.

[31] Néanmoins, après avoir remarqué une absence de preuve selon laquelle des narcotiques avaient été recommandés au demandeur, la division générale a semblé (sur papier) tiré une conclusion négative de ce fait en se fondant sur son utilisation fréquente dans les cas de douleurs chroniques. À l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS, il existe une exigence implicite selon laquelle une erreur de fait, une fois cernée, doit être importante, c’est-à-die qu’il faut prouver qu’elle a grandement influé la décision finale. La question de savoir si les narcotiques sont fréquemment consommés ou prescrits dans les cas de douleurs chroniques est ouverte, et il y a au moins une cause défendable selon laquelle la division générale a tiré une conclusion de fait erronée sans consulter les éléments portés à sa connaissance.

Autres problèmes de santé

[32] Le représentant du demandeur soutient que la division générale a conclu à tort que le demandeur n’avait pas présenté une preuve concernant l’effet de ses problèmes de santé secondaires sur sa capacité de fonctionner. Il était [traduction] « manifestement faux » de laisser entendre qu’aucune preuve n’a été présentée sur l’effet débilitant du diabète, de l’arthrite, du trouble de la thyroïde, parmi tant d’autres troubles.

[33] Bien qu’il soit véridique que la division générale a traité les autres problèmes de santé du demandeur par curiosité seulement, cela n’a fait que rendre compte de la preuve médicale, qui est largement axée sur la maladie musculosquelettique. Lorsqu’il y a des renvois aux autres problèmes de santé du demandeur, ils sont habituellement sous la forme de listes de diagnostics et ils n’offrent qu’un bref aperçu de l’incidence de ces diagnostics sur son aptitude à travailler. Le rapport médical au titre du RPC du Dr Greenstone et la sobre lettre du Dr Ham appartiennent tous deux à cette catégorie.

[34] Le représentant du demandeur cite également le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC, le formulaire relatif aux limitations fonctionnelles et d’autres lettres et observations présentées par le demandeur. Bien qu’il n’y a ait aucun doute que ces documents constituent une [traduction] « preuve », il est impossible de déclarer de manière équitable qu’ils sont admissibles à titre de [traduction] « preuve médicale », car ils n’ont pas été produits par des praticiens neutres et indépendants. En ce sens, il a été raisonnable de la part de la division générale de souligner que le demandeur n’a présenté aucune preuve selon laquelle les autres problèmes de santé ont eu une influence sur sa capacité de fonctionner. Un appel fondé sur ce moyen n’aurait aucune chance raisonnable de succès.

[35] Il a également été soutenu que, s’il advenait qu’il était conclu que la preuve du demandeur concernant ses autres problèmes de santé était prise en considération, mais écartée, la division générale aurait dû le mentionner et justifier sa décision. En ne faisant pas cela, elle n’a pas observé un principe de justice naturelle en ne fournissant pas de motifs adéquats permettant à l’organe d’appel de revoir l’examen.

[36] Encore une fois, je ne trouve pas cet argument convaincant. Que la division générale ait pu ne pas présenter une analyse et un examen exhaustifs de la preuve et ne pas faire mention de diverses opinions ou plaintes ne signifie pas qu’elle ait omis de tenir compte de la preuve. Selon l’arrêt Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, le décideur est présumé avoir pris en compte toute la preuve qui lui est soumise. Cette présomption peut certes être réfutée, mais je ne suis pas convaincue que l’on peut l’écarter sur le fondement des observations qui m’ont été présentées. Il n’est pas nécessaire à un décideur de mentionner chaque rapport ou dossier médical qu’on lui a produit, contrairement à ce que soutient le représentant de la demanderesse quant à ce que la division générale aurait dû faire.

[37] Je fais également observer que rien n’oblige légalement un décideur de rédiger des motifs exhaustifs abordant l’ensemble des questions qui lui sont soumises. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses Union c. Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a souligné ce qui suit :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Association, [1975] 1 R.C.S. 382, à la p. 391).

Incapacité de travailler

[38] Le représentant du demandeur prétend que la division générale a erré en concluant ce qui suit : (i) le demandeur était incapable d’occuper quelconque emploi; (ii) la preuve médicale n’a pas écarté tout travail; (iii) dans le même ordre d’idées, la conclusion précédente a révélé une erreur de droit.

[39] J’estime que ces prétendus moyens d’appel sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l’ensemble de la demande. À mon avis, le demandeur a décrit inadéquatement ces questions comme étant des conclusions de fait alors qu’elles font plus précisément partie des processus employés par le tribunal administratif pour rendre sa décision. Le demandeur n’a pas bien fait la distinction entre les conclusions de fait et la décision finale qui devait être prise. La division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait qui n’était pas étayée par la preuve, mais le demandeur doit cerner précisément la conclusion de fait qui est prétendument non étayée. Il ne suffit pas de dire que la division générale aurait dû tirer une conclusion différente fondée sur les éléments de preuve présentés.

[40] Un tribunal administratif a la liberté de passer en revue les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, de choisir, le cas échéant, ceux qu’il accepte ou rejette, puis de décider de l’importance à leur accorder. Un demandeur doit néanmoins indiquer quelles sont, selon lui, les conclusions de fait erronées. Puisqu’il ne l’a pas fait, il m’est impossible d’accorder la permission d’interjeter appel sur ce motif.

Amplification de la douleur

[41] Le représentant du demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en paraphrasant les commentaires du Dr Telfer sur la douleur du demandeur d’une façon qui a exposé de façon abusive et incorrecte sa signification. En laissant entendre que le Dr Telfer a détecté une [traduction] « amplification du symptôme » sur la partie du demandeur, la division générale a déformé les mots réels du chirurgien orthopédique, qui mentionnait seulement un [traduction] « comportement douloureux important et anormal avec une sensibilité à des endroits non organiques » et [traduction] « un réflexe et des verbalisations anormaux » qui correspondent au comportement attendu d’une personne éprouvant de la douleur chronique. Le représentant du demandeur prétend également que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle en soulevant la question de l’amplification de la douleur sans en aviser le demandeur.

[42] S’il faut déterminer si la division générale a mal présenté le Dr Telfer, il faut d’abord tenter de comprendre ce qu’il voulait dire. En soulignant un « comportement douloureux important et anormal avec une sensibilité à des endroits non organiques » et « un réflexe et des verbalisations anormaux », je crois qu’il est juste de déclarer que le Dr Telfer documentait son observation selon laquelle le demandeur a réagi à son examen d’une façon à laquelle un clinicien averti ne s’attendrait pas. Sa mention à une sensibilité [traduction] « non organique » laisse entendre qu’il a constaté un élément psychosomatique au niveau de douleur du demandeur. Dans le jargon médical, des symptômes non organiques désignent des constatations physiques qui n’ont pas une cause anatomique directe et qui sont présumées avoir un élément psychologique. Le Dr Telfer n’a pas utilisé le mot [traduction] « amplification », mais il a bel et bien laissé entendre que l’expression et peut-être l’expérience de la douleur du demandeur ne correspondait pas aux pathologies observables. Je ne constate aucun signe selon lequel la division générale a mal compris ou mal présenté les remarques du Dr Telfer de façon abusive ou arbitrairement, ou autrement.

[43] J’estime également que, étant donné l’interprétation régulière et naturelle des remarques du Dr Telfer par le membre de la division générale, une question raisonnable a été soulevée à savoir si la réponse accrue à la douleur du demandeur comprenait un élément de tromperie intentionnelle. Le membre de la division générale a fort probablement posé cette question au demandeur à l’audience, et celui-ci a donné une réponse. L’objectif d’une audience devant la division générale est d’étudier l’invalidité d’un demandeur et d’enquêter à cet égard afin de déterminer si cette invalidité respecte la norme juridique. Il s’agit d’une tribune dans le cadre de laquelle il est entendu que des questions désagréables, mais pertinentes, pourraient être soulevées, y compris la question de savoir si un demandeur est susceptible d’exagérer ses symptômes. Cela concerne la crédibilité d’un demandeur, ce qui constitue un facteur important pour déterminer de l’invalidité. Peu importe si le rapport du Dr Telfer a été mal interprété (et j’estime que ce n’est pas le cas), la division générale exerçait sa compétence pour prendre en considération la question de l’amplification de la douleur sa juste valeur et pour soulever cette question à l’audience. Le fait de soutenir qu’un tribunal administratif doit donner un préavis sur son intention de poser des questions sur des questions potentiellement litigieuses irait à l’encontre de l’objectif principal de l’audition orale et alourdirait les appels d’un niveau de procédure supplémentaire et inutile.

[44] J’estime que ce moyen d’appel n’a aucune chance de succès raisonnable.

Appel

[45] J’accorde la permission d’en appeler en me fondant sur deux motifs : (i) la division générale pourrait ne pas avoir observé un principe de justice naturelle en ne tenant pas compte de la note d’octobre 2012 du Dr Goldstone; (ii) la division générale pourrait avoir tiré des conclusions de fait erronées sans avoir consulté les éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que les narcotiques sont couramment prescrits pour les cas de douleurs chroniques.

[46] J’invite les parties à présenter des observations concernant également le mode d’audience (c.-à-d. déterminer si l’audience devrait avoir lieu par téléconférence, par vidéoconférence, à l’aide d’autres moyens de télécommunication, par comparution en personne ou à l’aide de questions et réponses écrites). Les parties peuvent également aborder le degré de déférence qu’il croit que la division d’appel est tenue d’observer à l’égard de la division générale.

Conclusion

[47] La demande est accordée pour les moyens d’appel mentionnés ci-dessus.

[48] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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