Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Comparutions

  • Représentant du demandeur : Patrick Castagna
  • Représentante du défendeur : Vanessa Luna

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Introduction

[2] L'appelant a présenté une demande de pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC). L'intimé a rejeté la demande lors de sa présentation initiale puis après révision. L'appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). En date du 13 août 2015, la division générale du Tribunal a rejeté l'appel. L'appelant a présenté une demande de permission d'en appeler de la décision de la division générale. Elle lui a été accordée par un membre différent de la division d'appel qui a conclu que l'appelant avait proposé des moyens d'appel qui avaient potentiellement des chances raisonnables de succès.

Question(s) en litige

[3] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle tiré des conclusions de fait erronées en lien avec l'état de la douleur au dos de l'appelant après qu'il se soit blessé au genou ?
  2. La division générale a-t-elle ignoré le témoignage et la preuve documentaire présentés devant elle en concluant que l'appelant s'était retiré, sans justification, du programme de réintégration au travail de la CSPAAT ?

Questions préliminaires

Degré de retenue

[4] Le représentant de l'appelant n'a présenté aucune observation au sujet de la norme de contrôle ou du degré de retenue dont la division d'appel doit faire preuve à l'égard de la décision de la division générale. Pour sa part, la représentante de l'intimé a présenté des observations détaillées sur la question. Après avoir exposé les grandes lignes historiques de certaines dispositions de la Loi sur le Ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la représentante de l'intimé a comparé les dispositions législatives pertinentes aux pouvoirs de l'ancien Bureau du juge-arbitre et de la division d'appel, en appel. Elle a fait valoir que le modèle de la division d’appel s’appuie sur celui des anciens et devrait donc pratiquer, à l'égard des décisions de la division générale, un degré de retenue similaire à celui de l'ancien Bureau du juge-arbitre à l'égard des décisions de l'ancien conseil arbitral.

[5] Dans ses observations, la représentante de l’intimé soutient que la division d’appel devrait faire preuve de déférence vis à vis de la division générale en ce qui a trait aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit, et d'aucune déférence à l'égard des questions de droit. Les questions faisant l'objet du présent appel étant des questions de fait, la division d'appel devrait montrer de la déférence à l'égard de la décision de la division générale.

[6] La division d’appel est consciente de récentes décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale qui vont à l’encontre de la position que défend la représentante de l’intimé.

Ces décisions exigeraient que la division d’appel se limite à déterminer si la division générale a enfreint l’une des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sans tenir compte des principes ou du libellé de contrôle judiciaireNote de bas de page 1. Selon ce qui ressort de ces décisions, il s'agissait de l’intention du législateur lorsqu’il a créé la division d’appel, et l’intention du législateur est d'une importance première.

[7] La Cour fédérale d'appel a souligné cette position dans l'arrêt Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Huruglica et al 2016 FCA 93. Dans les décisions Jean, Maunder et Tracey, les cours ont eu de la difficulté à délimiter précisément la compétence de la division d’appel, ce qui excluait le « contrôle judiciaire ». La division d'appel est liée par les décisions de la Cour fédérales et de la Cour d'appel fédérale. Cependant, le statut et l’applicabilité de l'abondante jurisprudence accumulée sous l’ancien régime doivent être clarifiés.

Dispositions législatives applicables

[8] Les appels à la division d'appels ont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le MEDS. Les moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) sont les suivants :

58(1) Moyens d’appel

  1. a. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Aux termes du paragraphe 58 (2), la division d’appel accorde la demande de permission d’en appeler seulement si elle est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. La division d'appel a accordé la permission d'en appeler en ce qui concerne les trois arguments suivants :

  • La division générale peut avoir commis une erreur en concluant qu’il n’y avait aucune preuve de l’existence d’un quelconque problème de santé avant sa blessure au genou droit en février 2003, qui se serait aggravé après février 2003 et avant la fin de la période minimale d'admissibilité de l'appelant [décision au paragraphe 51]
  • La division générale peut avoir commis une erreur de fait en déterminant que l'appelant s’était retiré d’un programme de retour sur le marché du travail de la CSPAAT sans justification.

Analyse

La division générale a-t-elle tirée des conclusions de fait erronées au sujet de la douleur au dos de l'appelant ?

[10] Sur cette question le représentant de l'appelant est d'avis que la division générale a accordé peu d'attention à la douleur au dos de l'appelant alors que, selon la preuve, l'appelant présentait deux types de trouble invalidant, y compris la blessure au genou de 2003 et la douleur préexistante au dos. Selon le représentant, tandis que la division générale concluait qu'aucune preuve ne démontrait que les douleurs au dos de l'appelant s'étaient aggravées à la suite de sa blessure au genou en 2003, une preuve documentaire volumineuse permettait de conclure à l'aggravation de la douleur. Le représentant de l'appelant indique à cet effet, le rapport médical rédigé par le médecin de famille de l'appelant en 2012 et le rapport de 2003 du Dr Annisette, chirurgien orthopédique. Le représentant ajoute que le Dr Annisette et le médecin de famille ont tous les deux identifié les douleurs au dos comme étant des conditions invalidantes, et que les contraintes auxquelles est soumis l'appelant l'empêchent de trouver un emploi. Le représentant de l'appelant demande à la division d'appel de reconnaître que la blessure au genou de l'appelant, à elle seule, était suffisante pour permettre de tirer la conclusion, que sa douleur au dos s’est nécessairement aggravée.

[11] La représentante du ministère a réfuté cette affirmation. Selon elle, les paragraphes 10, 11 et 12 de la décision démontrent clairement que la division générale était au courant de la blessure au dos de l'appelant.

[12] Après avoir examiné les arguments des parties et le dossier de la cour, la division d'appel a conclu que la division générale a bel et bien tenu compte de la preuve et du témoignage au sujet de la blessure au dos de l'appelant et de l'intervention chirurgicale qu'il a subie (décision au paragraphe 51).

[13] De l'avis de la division d'appel, le représentant de l'appelant conteste réellement la portion de la conclusion, au paragraphe 51, selon laquelle aucune preuve ne démontre que les conditions préexistantes de l'appelant se sont aggravées de façon importante après qu'il se fut blessé au genou droit. On en déduit par le fait que le représentant a souligné le mot « aucune » en citant le paragraphe 51 dans ses observations jointes à sa demande de permission, et qui se lit comme suit :

[51] [traduction] Aucune preuve ne démontre que des conditions existaient avant la blessure au genou droit de l'appelant en février 2003, qui se serait aggravée de façon importante après février 2003 et avant la fin de la période minimale d'admissibilité de l'appelant. À cet égard, l'appelant n'a pas consulté pour ses douleurs au dos et n'a reçu aucun traitement pour celles-ci ni pour ses douleurs à l'avant-bras gauche, au poignet ou au pouce droit, à la suite de sa blessure au genou en 2003, ou de façon contemporaine à sa période minimale d'admissibilité, ou depuis plusieurs années par la suite. De plus, les seuls traitements qu'a subis l'appelant pour atténuer la douleur après son opération au genou en août 2005, consistent en de la médication et une attelle au genou.

[14] Selon la représentante du ministre, les mots à retenir sont : « aggravée de façon importante ». Elle fait la différence entre « comme il n'y a pas de preuve » et « comme il n'y a pas de preuve d'une aggravation importante des affections préexistantes ». Non pas que la division générale estimait qu'il n'y avait pas de preuve d'aggravation des problèmes au dos de l'appelant, mais plutôt qu'elle estimait qu'il n'y avait pas d'aggravation importante. Selon le représentant de l'appelant, l'importance de cette nuance réside dans l'incapacité de l'appelant d'établir qu'il était incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La représentante du ministre, en s'exprimant de façon plus détaillée, a souligné que la preuve médicale qui précédait la période minimale d'admissibilité démontrait que les consultations médicales de l'appelant portaient principalement sur l'état de son genou et non sur l'état de son dos. Les consultations en 2003 avec le Dr Annissette portaient elles aussi sur l'état de son genou et non de son dos. Elle a fait valoir que le manque d'information médicale au sujet de l'état du dos de l'appelant avant la fin de sa période minimale d'admissibilité appuyait les conclusions de la division générale.

[15] La division d’appel souscrit à ce point de vue. Du point de vue de la division d'appel, il est logique que les déclarations de la division générale mettent l'accent sur l'absence de preuve d'une aggravation importante des affections préexistantes de l'appelant plutôt que sur une « absence de preuve » d'aggravation. De plus, la division d’appel considère que la documentation médicale produite avant la fin de la période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2005, se concentrait essentiellement sur les genoux de l'appelant. Dans les circonstances, si les problèmes au genou étaient si dominants, la division d'appel estime qu'il aurait été raisonnable de s'attendre à ce qu'une une preuve médicale à l'égard du genou soit présentée de façon simultanée pour appuyer les faits.

[16] La division d'appel n'est pas convaincue que la déclaration du Dr Yovanovich, dans son rapport médical de septembre 2003, selon laquelle l'appelant avait commencé à utiliser « des timbres de Fentanyl contre une douleur lombaire chronique de nature mécanique » signifie qu'il était invalide en raison de douleurs lombaires le 31 décembre 2005, ou avant cette date. La division d'appel n'est pas non plus convaincue du rapport médical de septembre 2013 du Dr Annissette (GT1-98/99 &335) dans lequel le médecin déclare que l'appelant souffre d'une grave discopathie dégénérative de la colonne lombaire et d'arthrose au genou droit. Le Dr Annissette confirme que l'appelant a commencé à souffrir de cette maladie en décembre 2005 ou avant (GT1- 99). Cependant, des radiographies, prises en novembre 2005, qui montraient chez l'appelant une discopathie légère à modérée, sont venues saper cette conclusion.

[17] En raison de ce qui précède, la division d'appel est d'avis que les conclusions de la division générale au sujet de la douleur au dos dont souffrait l'appelant avant la fin de la période minimale d'admissibilité n'étaient pas fondées sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

La division générale a-t-elle commis une erreur en tirant ses conclusions au sujet des démarches de l'appelant en matière de recyclage ?

[18] Le représentant de l'appelant a fait valoir que la division générale avait ignoré le témoignage de l'appelant et la preuve documentaire présentés devant elle en concluant que l'appelant s'était retiré, sans justification, du programme de réintégration au marché du travail de la CSPAAT. La division d'appel estime que cette observation n'est pas fondée.

[19] La division d'appel est d'avis que la preuve figurant au dossier du Tribunal était suffisante pour appuyer les conclusions de la division générale. Par exemple, dans une lettre du 15 avril 2004 (GT1-464), le conseiller de l'appelant à la CSPAAT donne des détails au sujet de l'absence de l'appelant aux séances de formation d'appoint et lui rappelle ses obligations aux termes de la politique de la CSPAAT. Le conseiller de l’appelant a donné des détails sur des questions relatives à une absence de collaboration, notamment :-

"À la lumière des récents événements, j'ai remarqué des cas concret d'absence de collaboration :

  • Ne pas être retourné au centre de formation ou s’être retiré volontairement du programme le 11 décembre 2006;
  • Ne pas avoir assisté à la réunion de suivi du 20 décembre 2006 dans le cadre du programme de réintégration au marché du travail;
  • Ne pas avoir communiqué avec le soussigné et avec votre chargé de dossier du programme de réintégration au travail pour nous informer a) de votre retrait du centre de formation le 11 décembre 2006, et b) des motifs qui justifiaient votre décision à ce jour;
  • Ne pas avoir appelé votre chargé de dossier du programme de réintégration au travail pour lui expliquer votre absence à la réunion du 20 décembre 2006.

Comme il est mentionné précédemment, vos gestes témoignent d'une absence de collaboration de votre part dans le cadre de votre plan de réintégration au marché du travail. Si vous ne communiquez pas immédiatement avec moi pour discuter de ce qui s’est passé, nous prendrons les mesures suivantes à votre égard :

  • Le plan de réintégration au marché du travail sera interrompu et vos prestations seront modifiées pour tenir compte de la rémunération pour un emploi et un domaine convenables, qui ont été déterminés dans l'évaluation de réintégration au marché du travail (l'emploi et le domaine convenables figurant au plan correspondent au code 2162 de la Classification nationale des professions).
  • Vous n'aurez plus droit à aucun service de réintégration au marché du travail (c'est-à-dire une nouvelle l'évaluation ou un nouveau plan de réintégration au marché du travail, ou la réactivation d'une évaluation ou d'un plan interrompu).

Entre-temps, j'ai suspendu vos prestations à compter du 11 décembre 2006. Le dernier chèque que vous avez encaissé vous a été émis le 14 décembre 2006. Le montant de 1445,84 $ couvrait la période de paie du 27 novembre 2006 au 11 décembre 2006. Vous ne recevrez aucune prestation jusqu'à ce que vous expliquiez les faits et que tout problème s'y rapportant soit résolu ( GT1-464, 465-483).

[20] Il appert que le dossier de formation de l'appelant a été fermé en raison de sa non-participation au programme de formation qui avait été conçu pour lui (GT1-636-639). Le 23 janvier 2007, le conseiller en réadaptation professionnelle a écrit à l'appelant pour l'informer de l'interruption de son programme de recyclage en raison de son absence de participation. Le représentant de l'appelant a soutenu que l'appelant ne s'était pas retiré volontairement du programme. Il était plutôt incapable de poursuivre le programme de formation. La division d'appel ne souscrit pas à cette observation, soulignant que l'appelant avait toujours eu la possibilité de discuter de sa situation avec les conseillers de la CSPAAT et de modifier, au besoin, ses conditions (GT1- 465). Pour ces motifs, la division d'appel n'est pas convaincue que la division générale a fondé ses conclusions au sujet du retrait de l'appelant du programme de réintégration au marché du travail.

[21] De plus, la division d'appel rejette les observations du représentant de l'appelant selon lesquelles les contraintes de l'appelant le rendaient régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice La division générale retient que l'appelant n'a pas accepté l'emploi modifié que l'employeur lui a offert. Il n'a pas non plus cherché du travail après que le programme de réintégration eut été interrompu (paragraphes 13 -14).

[22] Dans l'affaire A.P. c. MHRSD (15 décembre 2009) CP 26308 (CAP), la Commission d'appel des pensions a déclaré que « [p]our être admissible à une pension d’invalidité, une personne doit faire la preuve qu’elle a fourni de sérieux efforts pour améliorer sa situation. ». Une proposition qui s'est traduite dans plusieurs autres causes dont Klabouch c. Canada (Ministre du Développement social), 2008 CAF 33.D'après le dossier du Tribunal présenté à la division générale, l'appelant ne semble pas avoir fait d'efforts sérieux pour s'aider lui-même. Par conséquent, la division d’appel conclut que la division générale n’a pas commis d’erreur en concluant que l'appelant ne s'était pas déchargé du fardeau d'établir qu'il était admissible à une pension d'invalidité du RPC.

Conclusion

[23] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.