Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Essentiellement, cette affaire concerne le caractère approprié d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel auprès de la division générale, quand le délai prévu par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) est dépassé.

[2] La division générale a rendu une décision le 26 février 2016. La décision concluait que le demandeur avait présenté un appel plus d’un an après avoir reçu la décision rendue par l’intimé au terme d’une révision. Il n’avait donc pas respecté les délais. Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de cette décision. Il soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et a commis une erreur de droit. Il avance même que le paragraphe 52(2) de la LMEDS va à l’encontre du paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Pour accorder cette permission, je dois être convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[3] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Observations

[4] Le paragraphe 58(1) de le la LMEDS prévoit que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le représentant du demandeur, un auxiliaire juridique communautaire, a identifié deux moyens d’appel principaux. Le premier fait référence au fait que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Le demandeur mentionne qu’il croyait que son représentant avait présenté un appel en son nom le 25 mars 2014, en respectant le délai prévu par la LMEDS. Il soutient que la division générale aurait dû considérer son appel comme ayant été présenté le 25 mars 2014. Il soutient que, comme le Tribunal de la sécurité sociale traversait une période transitoire à ce moment, il n’a pas trouvé anormal le fait de ne pas avoir reçu d’accusé de réception de son appel de la part du Tribunal de la sécurité sociale. Il aurait pu être alerté de présenter un appel s’il s’attendait à ce que le Tribunal de la sécurité sociale accuse réception des appels de façon immédiate.

[6] Deuxièmement, le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit, qu’elle aurait dû conclure que le délai d’une année du paragraphe 52(2) de la LMEDS va à l’encontre de ses droits en tant que personne invalide.

[7] Le demandeur prétend avoir eu l’intention constante de poursuivre l’appel, avoir une explication raisonnable pour le retard de présentation de l’appel, avoir une cause défendable, et qu’aucun préjudice n’est causé à l’intimé.

[8] Le demandeur soutient aussi que la division d’appel a la compétence d’accorder la permission d’en appeler en vertu de la règle 55 des Règles des Cours fédérales et de l’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21.

[9] Le Tribunal de la sécurité sociale a fourni une copie des documents portant sur la demande de permission au défendeur. L’intimé n’a toutefois pas remis d’observations.

Analyse

[10] Avant d’accorder la permission d’en appeler, le demandeur doit me convaincre que les motifs correspondent à l’un des moyens d’appel énumérés dans le paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

a) Justice naturelle

[11] Il n’est pas clair sur quoi le demandeur se fonde pour avoir cru que l’appel avait été présenté en son nom le 25 mars 2014 et donc, que la division générale devrait considérer sont appel comme ayant été déposé à cette date plutôt que le 17 juillet 2015. Bien que regrettable, l’omission de présenter en temps opportun ne relève pas de la division générale, et aucune action ou inaction de la part de la division générale ne résulte en une violation des principes de justice naturelle donnant droit au demandeur à une audience équitable et l’opportunité de présenter sa cause de façon équitable.

[12] Même si j’accepte qu’il y eût des délais de la part du Tribunal de la sécurité sociale pour accuser réception des appels, le recours à ce fait par le demandeur est mal placé. Le fardeau de confirmer la présentation d’un appel incombe au demandeur ou à son représentant, sans tenir compte d’une confirmation remise ou non par le Tribunal de la sécurité sociale.

[13] De toute façon, la division générale n’a pas la compétence d’accorder la réparation recherchée par le demandeur. Aucune disposition de la LMEDS ou du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale ne permet à un appel d’être réputé interjeté à un certain moment dans le passé, bien avant que l’appel ne soit réellement présenté au Tribunal de la sécurité sociale.

[14] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen présente une chance raisonnable de succès.

b) Charte canadienne des droits et libertés

[15] Le demandeur soutient que le paragraphe 52(2) de la LMEDS va à l’encontre de ses droits en tant que personne invalide. Il prétend que c’est inconstitutionnel d’exiger qu’une personne invalide respecte une courte période de présentation ou d’être limité à une prolongation d’une année pour présenter l’appel.

[16] La division d’appel n’exerce normalement pas sa discrétion et ne prend pas en compte les arguments constitutionnels pour la première fois à l’étape de l’appel si ces arguments n’ont pas été soulevés ou examinés par la division générale, et particulièrement lorsqu’il n’y a pas de preuve documentée ou d’éléments à sa connaissance en lien avec les questions en litige soulevées par un appelant : C.F. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social Canada (24 février 2016), AD-15-992 (TSSDA) (pas encore publiée). J’ai examiné les observations du demandeur concernant la présentation tardive de l’appel (GD1 et GD3), et je ne considère pas qu’il a soulevé de questions relatives à la Charte en lien avec le paragraphe 52(2) de la LMEDS devant la division générale. Le demandeur ne peut pas présenter d’autres arguments constitutionnels sur cette question, puisqu’il ne l’est a pas présentés dans son appel devant la division générale.

c) Prorogation du délai – facteurs à considérer

[17] Le demandeur demande une prorogation du délai pour présenter un appel devant la division générale. Il a abordé les facteurs généralement évalués par la division générale pour accorder une prorogation du délai en vertu du paragraphe 52(2) de la LMEDS. Ces facteurs ne me concernent pas, parce qu’ils ne se rapportent pas à l’un des moyens d’appel du paragraphe 58(1) de la LMEDS. Si le demandeur suggère que je devrais considérer ces facteurs et déterminer si une prorogation du délai est appropriée, il faudrait alors demander une réévaluation des questions présentées à la division générale. Comme la Cour fédérale l’a établi dans Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Je ne suis pas convaincue que le demandeur ait une chance raisonnable de succès et réussisse à prouver qu’une nouvelle évaluation est appropriée.

d) Compétence de la division d’appel

[18] Le demandeur soutient finalement que la division d’appel a la compétence d’accorder la permission d’en appeler en vertu de la règle 55 des Règles des Cours fédérales et de l’article 12 de la Loi d’interprétation, L.R.C. (1985), ch. I-21. Il semble que le demandeur prétend que la division générale avait la compétence d’accorder la permission en vertu des Règles des Cours fédérales et de la Loi d’interprétation, et qu’elle aurait dû le faire.

[19] Les Règles des Cours fédérales ne sont pas applicables aux instances devant la division générale, puisque les Règles sont applicables seulement à la Cour d’appel fédérale et à la Cour fédérale. La division générale ainsi que la division d’appel possèdent la compétence qui leur est accordée en vertu de la LMEDS.

[20] Rien ne suggère que le paragraphe 52(2) est ambigu ou flou, de sorte que je dois recourir à la Loi d’interprétation pour déterminer ce qui était prétendu par le paragraphe.

[21] Je ne constate pas que les Règles des Cours fédérales ou la Loi d’interprétation habilitent la division générale à accorder une permission d’en appeler. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[22] La demande de permission d’en appeler est refusée.

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