Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) accorde la permission d’en appeler.

Introduction

[2] Dans une décision datée du 15 octobre 2015, la division générale (DG) du Tribunal a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (Loi).

[3] Le 14 janvier 2016, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler. La DA a reçu la demande dans les délais prescrits.

Droit applicable

[4] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission, et la DA accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. Si elle est un premier obstacle que doit franchir le demandeur, celui-ci est moins important que l’obstacle auquel il devra faire face lors de l’instruction de l’affaire sur le fond. Au stade de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[8] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Observations

Conclusions de fait erronées

[9] Le demandeur soutient que la DG a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Voici plus précisément les conclusions alléguées :

  1. La DG n’a pas décrit avec exactitude les médicaments d’ordonnance du demandeur et leurs dosages;
  2. Elle a déformé des renseignements relatifs aux médicaments du demandeur en les qualifiant de généraux, génériques et non spécifiques;
  3. Elle a ignoré le fait que les effets secondaires de narcotiques sont réels pour quiconque en prend;
  4. Elle n’a pas tenu compte d’éléments de preuve voulant que le demandeur était incapable de travailler ou de se recycler;
  5. Elle a ignoré des éléments de preuve voulant que les effets secondaires des narcotiques et des médicaments contre la dépression et l’anxiété ressentis par le demandeur sont cumulatifs et l’empêchent de détenir une occupation véritablement rémunératrice;
  6. Elle a conclu à tort que le demandeur avait [traduction] « subi toutes les chirurgies oculaires nécessaires ».
  7. Elle a écarté à tort la déclaration du demandeur selon laquelle il ne pouvait pas demeurer assis pendant plus de 15 minutes à la fois.

Erreurs de droit

[10] Le demandeur soutient que la DG a commis une erreur de droit en rendant sa décision, puisqu’elle n’a pas appliqué les principes juridiques énoncés dans Leduc et Villani et n’a pas évalué l’invalidité du demandeur dans un contexte « réaliste ».

Manquement aux principes de justice naturelle

[11] Le demandeur soutient que la DG, en rendant sa décision, n’a pas observé des principes de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence, et ce des façons suivantes :

  1. En concluant qu’il n’existait aucune preuve à l’appui de l’incapacité du demandeur à travailler ou à se recycler, elle n’a pas admis qu’aucun employeur n’embaucherait une personne affectée par les effets d’antidouleurs narcotiques;
  2. Elle a reconnu que le demandeur souffrait de lésions nerveuses, mais n’a pourtant pas conclu qu’il était incapable de travailler, et ce probablement parce qu’elle a refusé d’admettre un élément de preuve documentaire touchant la douleur causée par la neuropathie diabétique.

Analyse

[12] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu'il existe un motif défendable pouvant donner éventuellement gain de cause à l'appel : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines), [1999] ACF no 1252 (CF). La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

[13] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincu que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusions de fait erronées

Dosages

[14] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a affirmé que la DG avait, au paragraphe 13 de sa décision, décrit les dosages de ses antidouleurs comme suit : [traduction] « Endocet 5 mg oxycodone/325 mg acétaminophène 2 comprimés 4 fois par jour ». Il allègue que ces dosages n’étaient pas exacts à la PMA et que sa véritable ordonnance était la suivante : [traduction] « Endocet 5 mg oxycodone/325 mg acétaminophène 2 comprimés 3 fois par jour et 12 mg Hydromorph Cotin [sic] une fois par nuit ». Il allègue que cela correspond à 100 mg de morphine ou à 12 comprimés de Percocet par jour.

[15] Au paragraphe 13 de sa décision, la DG a noté que le demandeur [traduction] « a indiqué aujourd’hui dans son témoignage qu’il prend une quantité considérable de médicaments d’ordonnance pour traiter ses problèmes de santé », puis a ensuite fait état d’une longue liste de médicaments et de dosages. Il est vrai, conformément à l’allégation du demandeur, que la liste de la DG n’était pas conforme à la liste préparée par le demandeur figurant à GD1A-8 (qui a été préparée tout juste après la date de la PMA, le 2 janvier 2014), mais il se peut que la liste de la DG reflétait simplement les changements apportés aux médicaments du demandeur dans les 20 mois qui ont suivi. Cependant, un examen rapide de l’enregistrement de l’audience révèle (à environ 1 minute 4 secondes) que le demandeur a déclaré (en réponse à une question posée par le membre de la DG) que la liste figurant à GD1A-8 était toujours exacte qu’il n’y avait pas eu de changements dans ses ordonnances.

[16] J’estime donc qu’il existe au moins une cause défendable au motif que la DG a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus précisément, il se peut qu’elle n’ait pas tenu compte du 12 mg de Hydromorph Contin que le demandeur prétend prendre la nuit. Une telle omission pourrait avoir une incidence considérable, étant donné que le demandeur avait principalement fondé sa cause sur l’allégation voulant qu’il est constamment confus sous l’influence des antidouleurs narcotiques.

Renseignements « génériques » sur les médicaments

[17] Le demandeur conteste la conclusion de la DG voulant que la documentation concernant les effets secondaires de ses médicaments d’ordonnance (GD1A-21 à GD1A-51) était [traduction] « générique » et non spécifique à son cas. Il soutient que les renseignements au dossier lui ont été fournis par le pharmacien et que son nom et son adresse y figuraient – ils étaient donc spécifiques au demandeur.

[18] Je ne conçois aucune cause défendable au motif que la DG ait erré à ce sujet. Si le nom et l’adresse du demandeur se trouvent sur les documents en question, il est flagrant qu’ils ont été générés par la base de données d’une pharmacie Rexall fournissant les usages et les effets secondaires de différents médicaments. En affirmant qu’ils étaient non spécifiques au demandeur, la DG a simplement fait état d’un truisme, à savoir que tout médicament peut entraîner des effets variés; certaines personnes peuvent ressentir des effets néfastes considérables, alors que d’autres ne ressentent que peu d’effets secondaires. Il semble que la DG a simplement souligné que les copies imprimées par Rexall ne révélaient aucunement où se trouvait le demandeur sur cette échelle.

Effets secondaires des narcotiques

[19] Le demandeur conteste la déclaration de la DG figurant au paragraphe 29 de sa décision, dans laquelle elle parle des effets secondaires [traduction] « potentiels » des narcotiques. Le demandeur soutient avec insistance que [traduction] « les effets secondaires des narcotiques sont réels pour tous et régis très sérieusement par la loi ».

[20] Encore une fois, je ne conçois pas que ce motif confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Rien ne montre que la DG ait nié les symptômes néfastes causés par les antidouleurs narcotiques. Il y a seulement une description de la nature et de l’objectif des renseignements figurant sur les copies imprimées par Rexall.

Absence de preuve à l’appui de l’incapacité à travailler ou à se recycler

[21] Le demandeur nie l’absence d’une preuve, hormis son témoignage, montrant que ses problèmes de santé le rendent incapable de travailler. Il souligne que sa demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi a été approuvée et qu’il souffre de TDAH, ce qui nuit à sa concentration et à sa mémoire.

[22] À mon avis, ce motif revient à me demander que je réexamine et réévalue la preuve pour rendre une décision favorable au demandeur. Je ne suis pas en mesure de faire cela, puisque j’ai strictement compétence pour déterminer si l’un ou l’autre de ses motifs d’appel relèvent des moyens admissibles et si l’un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Les termes employés par la DG ne constituent pas temps une déclaration de fait mais plutôt une conclusion, qui a été tirée par la DG après ce qui paraît être un examen approfondi de la preuve. Dans sa décision, la DG a soulevé que le demandeur avait reçu un diagnostic de TDAH, mais elle a apparemment décidé (et avait compétence pour le faire) que cette affection ne contribuait pas à une invalidité grave. Quoique la DG n’ait pas fait mention des prestations de maladie de l’assurance-emploi dans sa décision, il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif n’a pas besoin de faire référence à chacun des éléments de preuve portés à sa connaissance. Ceux qui sont réputés comme peu ou non pertinents peuvent être sagement écartés.

[23] J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable sur ce fondement.

Effet cumulatif des médicaments

[24] Le demandeur suggère que la DG n’a pas tenu compte de l’effet cumulatif des nombreux médicaments puissants qu’il prend, plus particulièrement de l’incidence de l’interaction entre des antidouleurs narcotiques, des antidépresseurs puissants et des médicaments contre l’anxiété.

[25] Je suis d’avis que cette question est une partie intégrante de la question sur les dosages, un motif d’appel d’après lequel j’ai déjà accordé la permission d’en appeler. Si la DG a tiré une conclusion de fait erronée concernant la consommation de narcotiques du demandeur, il pourrait alors convenir de réexaminer leur interaction ainsi que leurs effets secondaires sur les aptitudes fonctionnelles du demandeur.

[26] Selon moi, il existe une cause défendable sur ce motif.

Chirurgies oculaires

[27] Le demandeur allègue que la DG a tiré une conclusion de fait erronée quand elle a déclaré au paragraphe 33 de sa décision que [traduction] « le demandeur a subi toutes les chirurgies oculaires nécessaires tout en conservant sa vision ». En soulignant cette déclaration comme un motif d’appel, le demandeur a fait référence à son témoignage indiquant qu’on avait [traduction] « effectué le nombre maximal de chirurgies autorisé et qu’il y avait des “tâches” dans ses yeux qui affectaient sa vision. Aucune autre chirurgie ne peut être effectuée; la rupture d’un vaisseau sanguin causera donc la cécité. »

[28] Ce motif d’appel demande essentiellement que l’état des yeux du demandeur soit réévalué, ce qui excède la compétence de la DA. J’aimerais également souligner que le demandeur n’a pas précisé ce qui constitue une erreur dans la déclaration de la DG, ce qui n’est aucunement contredit dans sa demande de permission d’en appeler.

[29] J’estime qu’un appel sur ce motif n’a aucune chance raisonnable de succès.

Capacité à demeurer assis pendant plus de 15 minutes

[30] Le demandeur allègue que la DG n’aurait pas dû écarter sa déclaration voulant qu’il ne peut pas demeurer assis pendant plus de 15 minutes à la fois. Une fois de plus, ce motif remet en question une conclusion tirée par la DG après que celle-ci ait évalué la preuve et conclu qu’aucun autre élément de preuve n’appuyait le témoignage du demandeur. Si le demandeur n’est pas d’accord avec cette conclusion, il aurait dû préciser l’élément de preuve précis négligé par la DG. Selon moi, le demandeur à qualifier à tort cette question à titre de conclusion de fait alors qu’il s’agissait d’une partie du processus que suit un tribunal de révision pour rendre sa décision.

[31] Je n’accorde pas la permission d’en appeler sur ce motif.

Erreurs de droit

[32] Le demandeur soutient que la DG n’a pas appliqué les principes juridiques énoncés dans Villani, et plus précisément, pour ce qui est d’évaluer l’invalidité du demandeur dans un contexte « réaliste ». Cela suppose de tenir compte des caractéristiques personnelles du demandeur. En l’espèce, la DG a fait référence au critère au paragraphe 26 de sa décision, et a plus tard fait référence aux antécédents du demandeur, mentionnant son éducation et son expérience de travail, quoique de façon succincte. Si l’évaluation menée par la DG était brève, celle-ci a manifestement tenu compte des caractéristiques personnelles du demandeur dans un contexte « réaliste » relativement à sa capacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[33] En bref, le demandeur souhaite que je réévalue la preuve relative à ses caractéristiques personnelles pour déterminer si, dans un contexte réaliste, il peut être considéré comme invalide. À ce sujet, je reprends les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans Villani :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant

[34] Je n’interviendrais pas dans une évaluation de la DG dans laquelle elle a énoncé le bon critère juridique et tenu compte des circonstances personnelles du demandeur, comme elle l’a fait en l’espèce, même si c’était de façon superficielle. Je ne suis pas convaincu qu’un appel fondé sur ce moyen ait une chance raisonnable de succès.

[35] Je tiens à préciser une dernière chose à ce sujet : le demandeur a fait référence à Leduc comme une affaire à laquelle la DA devait se conformer. Comme la décision Leduc a été rendue par la Commission d’appel des pensions, un tribunal prédécesseur de la DA, elle n’a rien de plus qu’une force de persuasion sur ma réflexion.

Justice naturelle

Conclusion irraisonnable

[36] Le demandeur allègue que la DG n’a pas admis qu’aucun employeur n’embaucherait une personne souffrant de TDAH et affectée par les effets d’antidouleurs narcotiques. Il dit qu’il effectivement inemployable parce qu’il manque de concentration et est désorganisé et que sa mémoire n’est pas bonne.

[37] Ce motif correspond plutôt à une erreur de fait alléguée qu’à un manquement à la justice naturelle. Malgré tout, j’estime que ce motif ne confère pas à l’appel une chance raisonnable de succès puisqu’il s’agit en fait d’une autre demande de réévaluer et de soupeser de nouveau la preuve en faveur du demandeur. Un tribunal administratif peut examiner les faits pertinents, évaluer la qualité des éléments de preuve, déterminer, le cas échéant, ceux qu’il convient d’admettre ou d’écarter, et soupeser ces éléments de preuve. Lorsqu’elle a déterminé qu’aucun autre élément de preuve n’appuyait le témoignage de l’appelant voulant qu’il était incapable de travailler, la DG avait droit d’examiner les éléments de preuve portés à sa connaissance et de leur accorder un certain poids ou non, et d’ensuite rendre une décision fondée sur son interprétation et son analyse des éléments dont elle était saisie.

Refus d’admettre des éléments de preuve documentaire

[38] Le demandeur allègue que la DG a refusé d’admettre un document intitulé[traduction]Une approche clinique au traitement de la douloureuse neuropathie diabétique, lui refusant ainsi de façon injuste une occasion de plaider sa cause à son plein potentiel.

[39] Je ne trouve aucune mention d’une tentative de faire admettre un document tardif dans les motifs de la décision de la DG. Même si l’on présume que le demandeur a décrit avec exactitude le refus de la DG d’admettre le dépliant sur la neuropathie, toute tentative de produire un nouvel élément de preuve documentaire aurait eu lieu des semaines après l’échéance accordée pour déposer des observations. À ce point-là, le demandeur avait bénéficié de près de deux ans pour présenter de nouveaux éléments de preuve à la DG.

[40] J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable sur ce motif voulant qu’un principe de justice naturelle ait été ignoré.

Conclusion

[41] Comme je l’ai mentionné précédemment, la demande est accueillie au motif que la DG ait tiré une conclusion de fait erronée quand elle a décrit les médicaments d’ordonnance du demandeur et leurs dosages. L’appel sera fondé exclusivement sur ce motif.

[42] J’invite aussi les parties à présenter des observations concernant le mode d’audience (c’est-à-dire à indiquer si l’audience devrait avoir lieu par téléconférence, par vidéoconférence, par l’intermédiaire d’autres moyens de télécommunication, par comparution en personne ou au moyen de questions et de réponses écrites).

[43] Cette décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume pas de l’issue de l’appel sur le fond de l’affaire.

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