Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

T. P. : – Appelant

P. P. : – Mère de l’appelant à titre de témoin

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) présentée par l’appelant a été estampillée par l’intimé le 1er octobre 2013. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience relative à l’appel a été tenue par comparution en personne pour les motifs suivants :

  1. le mode d’audience permet de prendre les mesures d’adaptation requises par les parties ou les participants;
  2. il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications.

[3] L’audition de l’appelant est très minime et il lit sur les lèvres.

[4] Lorsqu’il est devenu évident que l’appelant était plus à l’aise à parler en français, l’audience a continué principalement dans cette langue.

[5] La mère de l’appelant a aidé celui-ci lorsqu’il n’entendait pas ou lorsqu’il ne pouvait pas lire efficacement sur les lèvres.

[6] La décision est écrite en anglais, car il s’agissait de la langue de communication inscrite dans la demande de prestations d’invalidité du RPC.

Droit applicable

[7] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[8] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[9] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[10] Le litige ne concerne pas la PMA, car les parties conviennent que cette période prend fin le 31 décembre 2014, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[11] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable que le contraire que l’appelant souffrait d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant celle_ci.

Preuve

[12] L’appelant était âgé de 45 ans à la date de fin de sa PMA. Il possède une douzième année et une formation, mais il n’a aucune accréditation en ferblanterie. Il a travaillé de novembre 2003 à septembre 2012, moment où il a été mis à pied en raison d’une pénurie de travail. Dans le questionnaire du RPC, il a déclaré avoir touché des prestations régulières d’assurance-emploi du 2 octobre 2012 au 17 août 2013. Il a affirmé être incapable de travailler en raison de son état de santé depuis le 17 septembre 2012.

[13] Lorsque les personnes communiquent avec l’appelant, elles doivent se trouver directement devant lui afin qu’il puisse lire sur les lèvres. Il ne peut pas recevoir des directives par téléphone. Il ne peut pas comprendre les directives dans un environnement bruyant. Il a besoin des sous-titres pour écouter la télévision, il possède une alarme faisant vibrer son lit et il a besoin de l’aide d’une personne afin de comprendre les questions lors d’un test. Il est difficile pour lui de communiquer avec les autres personnes parce qu’elles ne comprennent pas toujours ce qu’il dit ou demande.

[14] Le rapport médical du RPC a été rédigé par le Dr Seguin qui connaissait l’appelant depuis septembre 1999. Les diagnostics étaient la surdité congénitale pour laquelle l’appelant avait recours à des prothèses auditives et une fracture du tibia/péroné gauche. Le Dr Seguin a souligné des difficultés chroniques de communication et une difficulté évidente à marcher. Il était suivi par un chirurgien orthopédiste pour les fractures, et la chirurgie a eu lieu en août 2013. Dans l’avis d’appel, l’appelant a déclaré qu’il récupérait des fractures et que sa demande de prestations d’invalidité était fondée sur sa difficulté à entendre.

[15] Un rapport daté du 12 août 2003 de la clinique d’audiologie de North Bay a fait était d’une surdité neurosensorielle grave et bilatérale et a recommandé de nouvelles prothèses auditives. Dans une lettre datée du 4 février 2014, l’audiologiste, Mme Davidson-Bertrand, a déclaré que l’appelant souffre d’une perte auditive bilatérale et congénitale grave à profonde et qu’il a recours à des prothèses auditives depuis l’âge de cinq ans. À partir de 1997, sa capacité en matière de discrimination des mots s’est détériorée en raison de l’utilisation de prothèses auditives. Sa discrimination des mots était de 28 % à l’oreille gauche et de 68 % à l’oreille droit, et ce, même à des niveaux de voix élevés ou en portant ses prothèses auditives et dans un environnement silencieux. Cela signifie qu’il pourrait potentiellement manquer sept mots sur dix de l’oreille gauche et trois mots sur dix de l’oreille droite dans un milieu silencieux. Dans des milieux plus bruyants, sa capacité à différencier les mots se détériorerait davantage.

[traduction]
Compte tenu de cela [...] il aurait de la difficulté dans plusieurs types de milieux de travail exigeant des habiletés en communication, comme en tant que caissier dans un magasin achalandé, agent de service à la clientèle dans un restaurant-minute, chauffeur de taxi, chauffeur de bus, dans un bureau à aires ouvertes, dans un milieu d’enseignement ou dans une salle de classe à essayer de répondre aux questions d’étudiants et dans le cadre d’un travail dans le secteur de la construction et dans un milieu bruyant, ce qui pourrait aggraver sa perte auditive actuellement, entre autres.

[…] aura toujours de la difficulté à entendre et à comprendre les conversations dans des contextes de groupe. À moins que le locuteur ne se trouve à proximité, dans un environnement silencieux et en établissant un contact visuel […] éprouvera d’importantes difficultés en matière de communication.

En résumé [...] perte auditive neurosensorielle grave à profonde jumelée à une capacité réduite de discrimination des mots causera d’importantes difficultés à sa capacité de communiquer dans un certain nombre de milieux de travail.

[16] Dans une observation écrite, la mère de l’appelant a décrit les antécédents de celui-ci en matière d’instruction. De la première à la huitième, il était soit dans des classes d’éducation spécialisée ou dans des classes régulières accompagné d’un aide. Il passait d’un niveau au suivant sans réellement réussir. Cela a continué à l’école secondaire. Dans son programme d’apprentissage à titre de ferblantier, ses travaux pratiques étaient très bons, mais il échouait les tests et les examens écrits en raison d’un manque de compréhension. Il a écouhé l’examen en vue d’obtenir un emploi comme ferblantier, et ce, même en recevant des explications sur les choses qu’il ne comprenait pas.

[17] Alors qu’il fréquentait l’école secondaire, l’appelant a été embauché dans le cadre d’un emploi d’été par un ami de la famille qui était très patient et qui lui expliquait comment accomplir le travail. Après les études secondaires, il a été embauché à temps plein par cette personne et il a conservé ces fonctions jusqu’à ce qu’il soit mis à pied par le fils du propriétaire qui avait pris le contrôle de l’entreprise. La mère de l’appelant a lancé une entreprise afin que celui-ci ait un emploi. Elle se chargeait des clients, des horaires et de tous les aspects de l’emploi, à l’exception du véritable travail physique. Après environ cinq ou six ans, l’appelant est retourné à l’entreprise originale et il a été mis à pied en raison d’une pénurie de travail. Lorsqu’il a communiqué avec son employeur à la fin de janvier 2014, il a été informé qu’il ne serait pas embauché de nouveau parce qu’il ne possède pas un permis pour occuper cet emploi.

[18] Dans son avis d’appel, l’appelant a déclaré qu’il a postulé à des emplois pendant deux ans, mais que les employeurs ne tenaient pas compte de sa candidature lorsqu’ils se rendaient compte qu’il est sourd. Il croit qu’il n’est pas engagé en raison de préoccupations en matière de sécurité pour lui et les autres.

Témoignage à l’audience

[19] L’appelant a fait ses études primaires complètement en français. Au secondaire, il a fait ses études en anglais. Il a fréquenté une école de métiers pour apprendre la ferblanterie à Ottawa en 1992 et à Sudbury en 1994. Ces cours étaient en Anglais et il n’était pas capable de réussir la partie écrite du cours, et ce, même en recevant de l’aide. Il a essayé de passer les tests de ferblanterie résidentielle deux fois vers 2010. Les tests étaient effectués en anglais. Il recevait l’aide de sa mère dans ce but, mais il n’y est pas parvenu.

[20] L’appelant a d’abord été embauché dans le cadre d’un emploi d’été par Monsieur R. O. alors qu’il fréquentait l’école secondaire. Il a travaillé comme aide avec un ferblantier autorisé. Lorsque Monsieur R. O. a pris sa retraite et que le fils de celui-ci a pris le contrôle de l’entreprise, l’appelant a été mis à pied. La mère de celui-ci a commencé une entreprise d’entretien des pelouses afin d’offrir un emploi à l’appelant. Elle répondait aux appels téléphoniques, elle s’occupait des documents administratifs et elle organisait l’horaire. L’appelant tondait les pelouses, travaillait dans les plates-bandes et il effectuait l’entretien général des pelouses. Cet emploi a duré de mai jusqu’à environ octobre. Après environ sept années à travailler pour sa mère, l’appelant a été rembauché par l’entreprise originale de ferblanterie. Il travaillait dans des chantiers, mais il y avait trop de bruits. Il était plus à l’aise avec le travail dans l’atelier. Il effectuait les tracés, il coupait le métal et il aidait à l’installation des conduits de chauffage et de climatisation. En 2012, il a été mis à pied parce qu’il n’avait pas l’accréditation adéquate requise par le ministère du Travail. À ce point, sa mère n’était pas capable lancer une autre entreprise.

[21] Après avoir été mis à pied, l’appelant s’est inscrit auprès des services d’emploi YES aux fins d’assistance. Ils l’ont aidé relativement à son curriculum vitae. Il a cherché d’autres emplois chez Tim Hortons, une agence de location d’automobiles, un centre de ski, Ontario Northland et des entreprises de taxi. Sa déficience auditive l’empêchait d’être embauché par ces entreprises.

[22] La surdité de l’appelant a été diagnostiquée à l’âge de cinq ans lorsqu’il a commencé à fréquenter l’école. Sa famille a étudié la possibilité de l’envoyer dans une école pour les personnes sourdes à Belleville, mais il était seulement âgé de cinq ans, et l’école fonctionnait en anglais, alors que la langue de la famille était le français. Le langage gestuel a été pris en considération, mais elle avait l’impression qu’il limiterait sa capacité à communiquer avec la majorité de la société. Dans son école primaire francophone, il était dans une classe spécialisée avec trois élèves sourds. Il a seulement commencé à parler anglais à l’école secondaire lorsqu’il faisait encore partie de classes spécialisées.

[23] La déficience importante de l’appelant est la communication. En 2015, il avait un implant cochléaire à l’oreille gauche, mais il n’entend rien de cette oreille. Il entend un peu de l’oreille droite, mais il dépend sur sa capacité à lire sur les lèvres.

Observations

[24] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Même s’il aimait travailler, son incapacité à entendre et à communiquer efficacement l’empêche de travailler.
  2. La seule raison pour laquelle il était capable de travailler dans le passé était en raison d’un employeur très compréhensif et parce que sa mère a été capable de lancer sa propre entreprise.

[25] L’intimé a soutenu, par écrit, que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. L’appelant a touché des prestations régulières d’assurance-emploi d’octobre 2012 à août 2013 en déclarant qu’il était prêt et apte à travailler.
  2. Sa déficience auditive ne l’a pas empêché d’obtenir un emploi dans le passé.
  3. Il a cessé de travailler pour des raisons non médicales.
  4. Bien que le fait de trouver un autre emploi puisse être difficile, l’absence d’emploi convenable dans un milieu adéquat n’est pas un facteur déterminant pour évaluer la capacité de travailler.

Analyse

[26] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2014 ou avant cette date.

Caractère grave

[27] L’appelant souffre d’une perte auditive qui a été constatée pour la première fois à l’âge de cinq ans. En 2014, son état était décrit comme étant grave à profond. Un implant cochléaire à l’oreille gauche a été posé en 2015, mais cela n’a pas été fructueux, et il n’entend rien de cette oreille. Il a besoin d’un milieu silencieux et d’une position en face à face afin de lire sur les lèves de la personne qui lui parle. À l’audience, il était évident qu’il n’a pas entend certaines des questions et qu’il n’a pas été en mesure de lire sur les lèvres lors de ces questions, et il avait besoin que sa mère répète ou précise.

[28] L’affaire Buckley c. MDRH (29 novembre 2001) CP 15265 de la Commission d’appel des pensions (CAP) portait sur une situation dans laquelle l’appelante souffrait d’une perte auditive neurosensorielle modérée aux deux oreilles. Sa capacité d’entendre les mots prononcés était « estimée à environ 80 % de la normale ». Dans cette affaire, la CAP a conclu que l’appelant n’était pas admissible aux prestations d’invalidité du RPC en déclarant ce qui suit : « Il y a de la place dans le milieu de travail pour les personnes ayant une déficience auditive, et des moyens technologiques existent pour les aider à surmonter cet obstacle. Mme [...] pourrait s’acquitter de manière satisfaisante. »

[29] Le Tribunal s’appuie sur les décisions de la CAP, mais qu’il n’est pas lié par celles-ci. Le Tribunal estime que les faits en l’espèce peuvent être différents de ceux dans l’affaire Buckley, particulièrement le fait que la perte auditive de l’appelant a été décrite comme étant grave à profonde, et non modérée comme dans l’affaire Buckley et le fait que, en 2014, sa discrimination des mots a été évaluée à 28 % à l’oreille gauche et à 68 % à l’oreille droite. Le Tribunal estime que la perte auditive grave à profonde de l’appelant le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[30] La décision MDS c. Ridley (23 août 2007) CP25040 (CAP) aide le Tribunal. Même si cette affaire portait sur l’hypersensibilité chimique au lieu de la surdité, elle concerne la besoin d’un milieu de travail contrôlé.

Son congédiement de chez Hartford a constitué, pour elle, un énorme revers. Hartford avait pris d’importantes mesures pour régler les problèmes de qualité de l’air qui touchaient ses employés, et en particulier l’intimée, dont les réactions d’hypersensibilité étaient apparemment importantes comparativement à celles des autres employés. Par conséquent, Hartford avait créé un milieu de travail contrôlé adapté aux réactions de sensibilité aux produits chimiques de l’intimée.

Cependant, après avoir perdu son emploi chez Hartford, l’intimée a dû trouver un nouvel emploi où le milieu de travail était un environnement contrôlé.

Dans le paragraphe 46 du jugement rendu dans Villani c. Canada (procureur général) (C.A.) [2002], 1 C.F. 130, le juge d’appel Isaacs s’exprime en ces termes : « Ce que le critère légal applicable à la gravité de l’invalidité exige, cependant, c’est un air de réalisme pour évaluer si un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. »

Compte tenu du fait qu’il faut à l’intimée un environnement de travail contrôlé, elle est, à notre avis, régulièrement incapable, de façon réaliste, de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[31] L’appelant en l’espèce a besoin d’un milieu contrôlé. Comme il a été déclaré par l’audiologiste le 4 février 2014 : [traduction] « Il aura également de la difficulté à entendre et à comprendre les conversations dans les situations de groupe. À moins que le locuteur ne se trouve à proximité, dans un environnement silencieux et en établissant un contact visuel […] éprouvera d’importantes difficultés en matière de communication. En résumé [...] perte auditive neurosensorielle grave à profonde jumelée à une capacité réduite de discrimination des mots causera d’importantes difficultés à sa capacité de communiquer dans un certain nombre de milieux de travail ». L’appelant a déclaré avoir tenté de trouver un emploi à un certain nombre de différents lieux de travail. Il n’a pas été embauché parce que son invalidité était considérée comme étant incompatible avec le milieu de travail ou non sécuritaire. Le Tribunal estime que, comme dans l’affaire Ridley, l’exigence d’un milieu d’emploi contrôlé pour l’appelant rendu celui-ci, dans un contexte réaliste, régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[32] Le Tribunal s’inspire de la décision L.F. c. MRHDS (20 septembre 2010) CP26809 (CAP). L’alinéa 42(2)a) ne signifie pas que tout genre d’emploi peut être automatiquement qualifié d’occupation véritablement rémunératrice. L’alinéa 42(2)a) a trait à la capacité d’un requérant de travailler dans un environnement de travail valable et compétitif. On ne peut pas parler d’environnement valable et compétitif lorsqu’un employeur peut devoir prendre des mesures d’accommodement, comme dans le cas de l’appelant, en créant un environnement de travail souple pour lui permettre d’avoir un emploi qu’il ne serait autrement pas capable d’avoir dans un milieu de travail compétitif normal.

[33] Même si l’appelant pouvait réussir à travailler dans un environnement d’atelier, il n’était pas capable de fonctionner de manière efficace sur les chantiers, ce qui faisait donc en sorte que son employeur devait créer un environnement de travail souple. Cela s’appliquerait à tout type d’autre environnement de travail dans lequel une partie du travail est effectuée à l’extérieur de l’environnement contrôlé dans lequel l’appelant était capable de fonctionner.

[34] Le Tribunal renvoie à la décision Chaisson c. MDRH (14 juillet 1998), CP4821. Comme il a été souvent mentionné par la Commission, il est, au mieux, difficile de trancher une cause d’invalidité lorsque les circonstances sont telles que la capacité de travailler est fondée sur un environnement de travail souple et un employeur compréhensif. Dans tous les cas appropriés, la Commission a tendance à ne pas imposer au demandeur de prestations le fardeau de chercher sérieusement des employeurs possédant ces qualités à un niveau exceptionnel avant de conclure qu’il est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[35] L’intimé fait valoir que l’appelant a touché des prestations régulières d’assurance-emploi d’octobre 2012 à août 2013, ce qui démontre qu’il était prêt, désireux et apte à travailler. L’appelant a déclaré à l’audience que, à ce moment-là et encore aujourd’hui, il désire travailler si un employeur compréhensif avec un environnement de travail contrôlé souhaitait l’engager. Le Tribunal reconnaît cet argument formulé par l’intimé, mais que, en raison du principe établi dans la décision Chaisson, il ne peut pas y accorder une grande importance.

‏[36] Lorsqu’il y a des preuves d’aptitude au travail, une personne doit montrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[37] L’appelant s’est inscrit aux services d’emploi YES. Il a postulé à plusieurs postes dans différents types de milieux de travail. Il n’a pas été embauché. Chez Tim Hortons (ou dans tout restaurant-minute), les niveaux de bruit et l’utilisation de casques d’écoute l’empêcheraient de travailler. Ontario Northland et les services de taxi exigent le recours aux télécommunications, ce qu’il ne peut pas utiliser. Le poste d’opérateur de remonte-pente exigeait la capacité à entendre en cas de problèmes. Le Tribunal estime que les efforts déployés par l’appelant pour obtenir un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé.

[38] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[39] L’appelant était âgé de 45 ans à la date de fin de sa PMA. Son âge n’est donc pas un facteur qui pourrait miner son employabilité. Il a une douzième année scolaire. Le Tribunal convient que l’appelant a eu besoin d’une aide spécialisée tout au long de son éducation et qu’il a passé d’un niveau à un autre sans satisfaire à toutes les exigences académiques. Le Tribunal accorde de l’importance au fait que l’appelant a tenté à plusieurs reprises de satisfaire aux exigences écrites pour devenir un ferblantier autorisé. Il a échoué ses tentatives lorsqu’il fréquentait l’école au début des années 1990 et de nouveau vers 2010. Dans le cadre de toutes ces tentatives, il a reçu une aide pour comprendre les questions.

[40] La langue maternelle de l’appelant est le français. Il n’a pas fréquenté une école anglophone avant d’arriver à l’école secondaire. Tous les tests écrits nécessaires à la qualification à titre de ferblantier autorisé étaient en anglais. Il est évident que sa compréhension de documents écrits est faible. Bien que ses compétences verbales en anglais soient adéquates, il est plus à l’aise en français.

[41] L’appelant a eu la chance d’être engagé par un ami de la famille qui lui a expliqué et enseigné patiemment le travail attendu d’un ferblantier alors qu’il fréquentait l’école secondaire. Il a travaillé avec des employés avec de l’ancienneté qui acceptaient également l’invalidité de l’appelant. Celui-ci a éventuellement été mis à pied après que le fils du propriétaire a pris le contrôle de l’entreprise. À ce moment-là, il ne pouvait pas trouver un autre emploi en raison de sa surdité et parce que sa mère a lancé une entreprise d’entretien des pelouses afin de l’employer. Elle s’est occupée de tous les aspects de cet emploi autre que le travail physique concernant l’entretien général des terrains. Après cinq ou six ans, il a été embauché de nouveau par l’entreprise originale en 2003 et mis à pied en 2012 en raison d’une pénurie de travail. Lorsqu’il a communiqué avec l’employeur au début de 2014, il a été informé qu’il ne pouvait pas être embauché de nouveau parce qu’il n’avait pas l’accréditation requise.

[42] Le Tribunal estime que l’instruction de l’appelant et plus particulièrement ses antécédents concernant les tests démontrent une incapacité de comprendre un travail écrit. Même en recevant de l’aide, il n’est pas parvenu à passer le test écrit en vue de l’accréditation même si ses habiletés manuelles étaient considérées comme acceptables. Bien qu’il parle français et anglais, sa compréhension de l’oral est limitée dans les deux langues en raison de sa surdité grave. Comme il a été expliqué dans le rapport d’audiologie, il pourrait manquer sept mots sur dix de l’oreille gauche et trois mots sur dix de l’oreille droit, et ce, même à des niveaux de voix élevés ou en portant ses prothèses auditives dans un environnement silencieux. Même si cela a diminué en ce qui concerne l’oreille gauche après l’échec de l’implant cochléaire. L’appelant a occupé deux emplois qui sont de nature physique. Le Tribunal reconnaît que, sur le plan physique, l’appelant est capable d’effectuer les tâches requises. Cependant, cette capacité d’effectuer les tâches adéquatement était fondée sur un employeur patient et compréhensif dans le domaine de la ferblanterie et sa mère étant capable de coordonner les aspects non physiques de l’entreprise d’entretien de pelouses. L’appelant était incapable de continuer son emploi en tant que ferblantier la seconde fois en raison de son incapacité à passer le test écrit.

[43] Le Tribunal estime que même si l’âge n’est pas un facteur si on tient compte du niveau de scolarité, les antécédents de travail et l’expérience de vie, selon les principes établis dans l’arrêt Villani, l’invalidité de l’appelant satisfait au critère de gravité du RPC.

[44] L’appelant n’a pas convaincu le Tribunal que, selon la prépondérance des probabilités, il souffrait qu’une invalidité grave au sens du RPC à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

Caractère prolongé

[45] La perte auditive de l’appelant a été diagnostiquée à l’âge de cinq ans. Son audition s’est détériorée depuis. L’implant coché cochléaire installé en 2015 a été infructueux.

[46] Le Tribunal estime qu’il est peu probable que l’état de santé de l’appelant s’améliorera dans un avenir rapproché, et reconnaît qu’il souffre d’une invalidité de longue durée, continue et indéfinie.

Conclusion

Le Tirbunal conclut que l’appelant souffrait d’une invalidité grave et prolongée en septembre 2012 lorsqu’il a été mis à pied de son emploi de ferblantier. Même s’il a été mis à pied de son emploi pour des raisons non médicales, sa surdité congénitale grave à profonde a causé son incapacité à trouver un autre emploi. Aux termes de l’article 69 du RPC, les versements commencent quatre mois après la date de l’invalidité. Les paiements sont donc versés à compter de janvier 2013.

[48] L’appel est accueilli.

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