Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale le 22 septembre 2015. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, après avoir conclu que son invalidité n’était pas « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2004.

[2] La représentante de la demanderesse a obtenu une prorogation du délai au 15 février 2016 afin de présenter une demande de permission d’en appeler. Elle a par la suite déposé une demande de permission d’en appeler le 11 février 2016 en prétendant que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle et qu’elle a fondé sa décision sur de nombreuses conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[4] La représentante de la demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu ce qui suit :

  1. la demanderesse n’était pas invalide de façon continue depuis décembre 2004, et ce malgré la preuve de son médecin de famille selon laquelle elle souffrait et continue d’avoir un problème de santé général qui est grave et prolongé depuis décembre 2004. La représentante soutient que le médecin de famille était le mieux placé pour évaluer les problèmes de santé de la demanderesse et leur effet invalidant et que, par conséquent, la division générale aurait dû aborder l’avis du médecin de famille et préciser la raison pour laquelle elle ne l’a pas accepté.
  2. la demanderesse était capable de travailler parce qu’elle a travaillé après 2004, malgré la preuve qui faisait état que ses efforts avaient été infructueux en raison des effets de ses invalidités. La représentante soutient qu’il est possible de déduire de l’emploi et des pertes d’emploi de la demanderesse qu’elle était incapable de travailler, malgré les efforts déployés.

[5] La représentante de la demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en ne donnant pas des motifs adéquats concernant la preuve du médecin de famille de la demanderesse sur un élément central.

[6] Le Tribunal de la sécurité sociale fournit une copie des documents portant sur la demande de permission d’en appeler au défendeur. Cependant, le défendeur n’a présenté aucune observation.

Analyse

[7] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il est indiqué que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent au moins à l’un des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[9] La représentante de la demanderesse soutient que la division générale a rendu une décision fondée sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour qu’une conclusion de fait soit considérée comme erronée aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur cette conclusion de fait erronée et que cette conclusion de fait erronée ait été tirée par la division générale de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(a) Avis du médecin de famille

[10] La demanderesse fait valoir que la division générale aurait dû inconditionnellement accepter l’avis médical de la Dre Belgaumkar daté du 18 août 2014 (à GD4-13) selon lequel la demanderesse souffrait d’invalidité médicale grave et prolongée depuis 2004. Dans la lettre datée du 18 août 2014 (à GD4-13), la Dre Belgaumkar a déclaré ce qui suit :

[traduction]

Je connais bien la demanderesse, qui a été une de mes patientes depuis plus de 10 ans dans le cadre de ma pratique de la médecine familiale générale. Depuis 2004, année où elle a commencé à être sous mes soins, elle souffre de plusieurs problèmes de santé. Elle a eu et continue d’avoir un état de santé global qui est grave et prolongé depuis décembre 2004. Ces problèmes de santé ont eu une incidence importante sur sa capacité à conserver un emploi régulier depuis 2004. J’appuie sa décision d’interjeter appel du refus de lui accorder des prestations au titre du Régime de pensions du Canada.

[11] C’était l’étendue de la lettre de la Dre Belgaumkar datée du 18 août 2014.

[12] La division générale n’a pas seulement reconnu la lettre de la Dre Belgaumkar datée du 18 août 2014, mais elle a également accepté son avis selon lequel la demanderesse a souffert de plusieurs problèmes de santé depuis 2004. Cependant, la division générale a clairement rejeté l’avis de la médecin de famille selon lequel la demanderesse a une invalidité grave et prolongée aux fins du Régime de pensions du Canada. Après avoir mentionné la lettre de la Dre Belgaumkar datée du 18 août 2014, la division générale a écrit ce qui suit : [traduction] « la capacité de la demanderesse à travailler détermine si l’invalidité est "grave", et non le diagnostic de la maladie. La division générale a déclaré qu’elle n’était pas prête à accepter inconditionnellement l’avis de la Dre Belgaumkar concernant la gravité de l’invalidité de la demanderesse sans aller au-delà des diagnostics médicaux et évaluer sa capacité de travailler.

[13] La division générale a renvoyé à l’arrêt Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 2187, dans lequel la Cour d’appel fédérale a conclu que les personnes qui pourraient être atteintes de problèmes de santé graves et prolongées peuvent être inadmissibles à des prestations d’invalidité si elles sont jugées capables de détenir une occupation régulière véritablement rémunératrice. La division générale s’est appuyée sur ce principe.

[14] La division générale a conclu que la demanderesse était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice après la date de sa période minimale d’admissibilité. Elle a conclu que la demanderesse a démontré une capacité de travailler après le 31 décembre 2004 lorsqu’elle a obtenu un emploi rémunérateur du 20 juillet 2007 au 1er février 2008, de novembre 2010 à avril 2011, et de mai 2011 à octobre 2011. La division générale a conclu que la demanderesse a travaillé à temps plein pendant presque un an, de novembre 2010 à octobre 2011. Elle a fait remarquer que la demanderesse a quitté son emploi ou qu’elle s’est absentée de son emploi à l’occasion, mais elle a néanmoins conclu que la demanderesse travaillait à temps plein et qu’elle détenait par conséquent une occupation véritablement rémunératrice.

[15] Par conséquent, étant donné la portée de l’analyse, il est impossible de déclarer que la division générale n’a pas justifié dans l’ensemble la raison pour laquelle elle n’a pas accepté l’avis de la Dre Belgaumkar. La demanderesse soutient toutefois que les motifs de la division générale étaient insuffisants relativement à un point si central.

[16] La Cour suprême du Canada a conclu que les motifs doivent être suffisamment détaillés afin de permettre aux parties de comprendre la raison pour laquelle une décision particulière a été rendue. La décision vise à permettre un examen en appel efficace et d’assurer la responsabilisation envers le public : R. c. R.E.M., 2008 CSC 51 (CanLII), [2008] S.C.J. no 52 et R. c. Sheppard, 2002 CSC 26. La Cour suprême du Canada a également déclaré que les motifs doivent être approfondis et doivent aborder l’ensemble de la preuve ou des observations d’une partie. Les motifs sont suffisants pour autant que ceux-ci permettent à la cour de raisonnement de comprendre la raison pour laquelle le tribunal a rendu sa décision : Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 (CanLII), [2011] 3 RCS 708.

[17] En l’espèce, la division générale a expliqué le fondement juridique sur lequel elle a rejeté l’avis de la Dre Belgaumkar. La division générale a également souligné la preuve qu’elle a acceptée ou rejetée ainsi que les motifs pour lesquels elle a accepté cette preuve. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur le fondement que la décision de la division générale manquait de motifs suffisants.

[18] La demanderesse a également fait valoir que sa médecin de famille était la mieux placée pour évaluer ses problèmes de santé et leur effet invalidant, et que la division générale aurait dû par conséquent accepté l’avis de la Dre Belgaumkar sans réserve.

[19] Mis à part le fait que Dre Belgaumkar n’a pas mentionné le fondement sur lequel repose sa conclusion selon laquelle l’invalidité de la demanderesse est grave et prolongée depuis décembre 2004, si des fournisseurs de soins de santé rendaient un avis concernant la nature grave et prolongée de l’invalidité d’un demandeur, cela usurperait le rôle de la division générale à titre de juge des faits. La question de savoir si un demandeur peut être réputé invalide aux fins du Régime de pensions du Canada est réservée à la division générale. La division générale est chargée d’évaluer si un demandeur respecte les exigences législatives prévues par le Régime de pensions du Canada, car cela comprend l’examen d’un certain nombre d’exigences, y compris la preuve médicale, les caractéristiques personnelles d’un demandeur et les contextes où il peut y avoir une capacité résiduelle, les efforts déployés par un demandeur pour obtenir et conserver une occupation véritablement rémunératrice, entre autres. En l’espèce, la division générale a fait remarquer que, selon l’avis de la médecin de famille, la demanderesse souffre de plusieurs problèmes de santé depuis 2004. Le tribunal a accepté cet avis. Cependant, il a conclu que la capacité de la demanderesse de travailler, et non les diagnostics de maladie, détermine si l’invalidité est grave, comme il est défini dans le Régime de pensions du Canada.

[20] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de réussite.

(b) Emploi après 2004

[21] La représentante de la demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a conclu que la demanderesse était capable de travailler en raison du fait qu’elle a travaillé après 2004, et ce malgré la preuve selon laquelle ses efforts ont finalement été infructueux en raison des effets de ses invalidités. La représentante soutient qu’il est possible de déduire que la demanderesse était incapable de travailler malgré ses efforts en raison de son emploi et des pertes d’emploi.

[22] Le fait que l’emploi d’un demandeur pourrait être de courte durée n’est pas le critère. Le critère à appliquer pour déterminer l’invalidité ne consiste pas à se demander si le demandeur est employable, mais plutôt s’il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Étant donné que la demanderesse était employée, le test que la division devait appliquer était la question de savoir si son emploi était qualifié d’occupation véritablement rémunératrice.

[23] La division générale a reconnu que la demanderesse s’est absentée du travail ou qu’elle a quitté celui-ci plus tôt à l’occasion, mais elle a conclu que la demanderesse travaillait à temps plein. La division générale a déterminé si la demanderesse pouvait être considérée comme capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Pour ce faire, la division générale a examiné l’emploi de la demanderesse pendant les périodes du 20 juillet 2007 au 1er février 2008, du 9 novembre 2010 au 30 avril 2011 et du 2 mai 2011 au 31 octobre 2011. La division générale a conclu que, malgré le fait que la demanderesse s’est absentée du travail ou qu’elle a quitté le travail plus tôt à l’occasion, elle a été capable de travailler à temps plein 40 heures par semaine et que cet emploi a duré presque un an. La division générale a conclu que cet emploi était qualifié comme étant véritablement rémunérateur. Bien que la division générale n’ait pas examiné la rémunération de la demanderesse, je souligne que les antécédents en matière de rémunération (GD5-30) indiquent que la demanderesse a touché une rémunération d’environ 28 000 $ en 2011. Le niveau de rémunération en 2011 à lui seul pourrait avoir laissé entendre que la demanderesse détenait une occupation véritablement rémunératrice.

[24] Essentiellement, la demanderesse sollicite un réexamen de la preuve. Comme la Cour fédérale l’a établi dans Tracey, la division d’appel n’a pas la compétence d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si l’autorisation d’en appeler devrait être accordée ou refusée. Ni la permission ni l’appel ne donnent la possibilité de réinstruire ou réexaminer la demande. Je ne suis pas convaincue que la demanderesse ait une chance raisonnable de succès et réussisse à prouver qu’une réévaluation est appropriée.

[25] Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[26] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

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