Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale le 26 octobre 2015. La division générale a tenu une audience par téléconférence le 22 octobre 2015 et a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, puisqu’elle avait conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas « grave » avant la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité a pris fin, soit le 31 décembre 2008.

[2] Le 19 janvier 2016, dans les délais prescrits, la représentante de la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel.

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur les MEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prescrit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à la tenue d’une audience sur le fond de l'affaire. Si elle constitue un premier obstacle à franchir pour la demanderesse, celui-ci est inférieur à l’obstacle qu’elle devra franchir à l’audience de l’appel sur le fond. Au stade de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[7] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[8] La représentante de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans sa décision, puisqu’elle n’a pas tenu compte de l’affaire Orozco c. MDRH, 2 juillet 1997 CP 5390 (CAP), ni appliqué celle-ci à la cause présentée en audience. Il y a été établi qu’un diagnostic posé après la PMA de l’appelant doit être pris en considération sous réserve qu’il existe un lien de causalité entre cette preuve et l’affection ou la blessure dont il était atteint.

[9] La représentante de la demanderesse soutient également qu’en ayant écarté Orozco, la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, qui l’ont menée à conclure qu’aucune preuve ne démontrait que la demanderesse souffrait d’un grave problème de santé psychologique avant la fin de sa PMA.

Analyse

[10] La Cour d’appel fédérale a statué que déterminer si un appel présente une chance raisonnable de succès revient à déterminer si le défendeur a une cause défendable : Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Défaut d’examiner ou d’appliquer Orozco

[11] La représentante de la demanderesse allègue que l’affaire Orozco avait spécifiquement été présentée à la division générale. Je ne trouve aucune trace de celle-ci dans le dossier documentaire, mais peut-être a-t-elle présenté cet argument à l’oral seulement. Quoiqu’il est vrai que la division générale n’a pas mentionné Orozco dans sa décision, un tribunal administratif n’est pas tenu de traiter explicitement de chacun de précédents portés à sa connaissance durant les observations.

[12] Quoi qu’il en soit, la décision Orozco a été rendue par la Cour d’appel des pensions (CAP), une juridiction ayant précédé la division d’appel, et quoique ses décisions exercent une certaine influence, elles n’ont pas force de loi. Même si la CAP a reconnu le concept d’une évaluation rétrospective à plusieurs occasions, il était de la compétence de la division générale d’évaluer la preuve factuelle de cette affaire sans nécessairement établir une date antérieure à la PMA à laquelle débute l’invalidité.

[13] Cela dit, je ne trouve rien qui montre que la division générale n’ait pas considéré la possibilité d’une évaluation rétrospective. Les rapports des docteurs Daly et Waisman, datés respectivement du 28 mars 2013 et du 22 février 2014, étaient bien résumés et abordés dans son analyse dans le cadre d’une discussion plus large sur l’état psychologique de la demanderesse durant sa PMA. La division générale n’a rejeté aucun rapport simplement parce qu’il était postérieur à la PMA. Je remarque aussi que la division générale a mentionné explicitement (au paragraphe 36) la conclusion du docteur Waisman, selon laquelle la demanderesse souffrait d’une déficience grave causée par un trouble dépressif important et un trouble de la douleur apparus immédiatement après son accident de la toute d’avril 2006, ce qui [traduction] « l’empêchait d’exercer la majorité des fonctions professionnelles utiles dans les domaines où elle est raisonnablement qualifiée sur les plans de l’éducation, de la formation et de l’expérience ».

 [14]  Pour ces motifs, je ne suis pas convaincue qu’il existe une cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

Mauvaise interprétation des conclusions du docteur Waisman

[15] Après avoir résumé le rapport du docteur Waisman, la division générale a noté ce qui suit au paragraphe 49 de sa décision :

[traduction]

L’évaluation du docteur Waisman voulait qu’elle fût considérablement incapable, plutôt qu’empêchée par son état, d’exercer toute fonction professionnelle, et son opinion n’indique pas qu’une telle incapacité existait avant la PMA de l’appelante.

[16] La représentante de la demanderesse allègue que la division générale a mal interprété l’évaluation faite par le docteur Waisman pour en venir à conclure qu’une incapacité n’existait pas avant la fin de la PMA de la demanderesse. À cet égard, je dois convenir qu’il existe une cause défendable au moins d’après le motif que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il est clair que la division générale a eu de la difficulté à saisir les nuances dans le rapport du docteur Waisman, dans lequel il avait indiqué que la demanderesse était [traduction] « considérablement incapable » d’exercer toute fonction professionnelle, et non que son état « l’empêchait » de le faire – elle n’a pas tenu compte du fait que le docteur Waisman a effectivement employé le terme [traduction] « empêchait » à plusieurs reprises. Plus important encore, la division générale a indiqué que le docteur Waisman n’avait pas reconnu l’existence d’une incapacité avant la PMA, mais la représentante de la demanderesse a souligné plusieurs passages où le docteur Waisman fait référence à des [traduction] « déficiences » touchant la gestion des émotions, la dépression et la douleur chronique qu’il attribue catégoriquement à l’accident routier survenu en avril 2006.

[17] D’une manière semblable, il est défendable que la division générale a commis une erreur quand elle a indiqué, au paragraphe 55, [traduction] « qu’aucune preuve ne montrait que l’appelante était atteinte d’une maladie mentale grave avant sa PMA… ». Si la division générale a soulevé avec exactitude que la demanderesse n’a pas mentionné sa dépression ou les symptômes sous-jacents dans sa demande de pension ou son avis d’appel, il est faux qu’aucune preuve ne montrait qu’elle souffrait d’une grave maladie mentale. Il y avait les diagnostics rétrospectifs du docteur Waisman, mais également l’évaluation du docteur Kleinman menée en septembre 2008, dans laquelle il a dit croire que la demanderesse développait un syndrome de douleur chronique; le rapport du docteur Sabga de mai 2009, dans lequel il a indiqué qu’une dépression situationnelle causée par la douleur chronique était l’une des principales affections de la demanderesse; et le rapport du docteur Kurtesz de décembre 2013, où celui-ci a diagnostiqué une petite lésion cérébrale résultant de l’accident de l’appelante et donnant lieu à des déficiences continues touchant la concentration, la mémoire et la dépression.

Déduction douteuse par rapport à la non-participation au réentraînement au travail

[18] La décision de la division générale était fondée en partie sur le fait que la demanderesse n’avait pas participé au programme de réentraînement au travail et qu’elle a ainsi clairement dérogé aux recommandations formulées par plusieurs spécialistes. La représentante de la demanderesse soutient qu’il s’agit d’une conclusion de fait erronée puisque la division générale n’a pas tenu compte des conditions et des critères rattachés à ces recommandations. En mai 2008, le docteur Jasey a conseillé à la demanderesse de suivre un programme de réentraînement au travail, mais conditionnellement à un traitement préalable et complet de physiothérapie. En août 2008, le docteur Kleinman a également recommandé un réentraînement au travail, mais a toutefois souligné que le pronostic de la demanderesse était pessimiste.

[19] Aucun de ces avertissements n’a été mentionné par la division générale lorsqu’elle a conclu que la demanderesse n’avait pas entièrement rempli son obligation d’atténuer ses incapacités en cherchant différentes solutions d’emploi. J’estime que ce moyen d’appel présente une chance de succès raisonnable.

[20] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments à l’appui de la demande, je conclus que le présent appel a une chance raisonnable de succès. La demanderesse a soulevé des questions juridiques et factuelles dont les réponses éventuelles pourraient justifier l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[21] J’accorde la permission d’en appeler au motif que la division générale aurait tiré des conclusions de fait erronées en (i) interprétant incorrectement les conclusions du docteur Waisman et en (ii) faisant une déduction non fondée concernant la non-participation de la demanderesse à un programme de réentraînement au travail.

[22] J’invite les parties à déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[23] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.