Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Dans la présente affaire, il est question de savoir si la demanderesse a droit de toucher un montant mensuel plus élevé de pension d’invalidité que celui qu’elle touche présentement, et si elle a droit à une plus longue période de versements rétroactifs. La demanderesse souhaite interjeter appel d’une décision de la division générale datée du 29 avril 2015, dans laquelle il avait été déterminé qu’elle souffrait d’une invalidité « grave » et « prolongée » à la fin de sa période minimale d’admissibilité, soit le 31 décembre 2000, et que cette invalidité durait pendant une période longue, continue et indéfinie. La division générale a établi que la demanderesse était réputée être devenue invalide en octobre 2009 et qu’une pension d’invalidité était donc payable à compter du quatrième mois suivant cette date, soit à partir de février 2010.

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 28 janvier 2016, après l’avoir d’abord présentée le 1er septembre 2015 auprès du Centre Service Canada de sa région, à Midland, en Ontario. Elle n’a soulevé aucune préoccupation précise relativement à la décision de la division générale, mais allègue que lorsqu’elle communique avec le service de renseignements téléphoniques de Service Canada, un système vocal automatisé l’informe que les montants mensuels de sa pension d’invalidité correspondent à ceux de la pension de la Sécurité de la vieillesse. La demanderesse indique également qu’elle s’est récemment séparée de son époux et insinue qu’elle veut obtenir un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension.

[3] Cette demande de permission d’en appeler semble avoir été présentée en retard. Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue qu’il convient, en l’espèce, que j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour accorder un délai supplémentaire pour la présentation de la demande. Dans le cas où j’accorderais ce délai supplémentaire, je dois aussi être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[4] Les deux questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Devrais-je exercer mon pouvoir discrétionnaire pour accorder un délai supplémentaire pour la présentation de la demande de permission d’en appeler?
  2. L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[5] La demanderesse souhaite obtenir une plus longue période de rétroactivité du versement de sa pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), de même que des prestations d’invalidité mensuelles plus élevées. Le Tribunal a écrit à la demanderesse le 23 mars 2016 au sujet de ces deux questions. Le Tribunal lui a également posé des questions concernant la présentation tardive de sa demande de permission d’en appeler. Elle a également posé certaines questions au défendeur.

[6] Le défendeur a déposé des observations le 22 avril 2016, demandant que l’appel soit accueilli en partie. Le défendeur admet que la division générale a commis une erreur dans le calcul de la date à laquelle l’invalidité est réputée et de la date à compter de laquelle la pension d’invalidité est payable. Le défendeur est d’accord avec les conclusions de la division générale, voulant que l’invalidité de la demanderesse est grave et prolongée depuis décembre 2000 et qu’elle a présenté une demande en janvier 2010, mais affirme, en vertu de l’alinéa 42(2)b) du Régime de pensions du Canada (Loi), que la demanderesse peut être réputée être devenue invalide au plus tôt 15 mois avant la date à laquelle elle a présenté sa demande, en l’occurrence octobre 2008. Le défendeur affirme que la demanderesse aurait dû être réputée comme étant devenue invalide en date d’octobre 2008 et que la date exacte à compter de laquelle sa pension était payable était quatre mois plus tard, soit février 2009.

[7] Le défendeur maintient que le montant mensuel de la pension d’invalidité est juste, puisqu’il a été calculé conformément à l’article 56 de la Loi. Le défendeur indique qu’il n’a pas tous les renseignements nécessaires lui permettant de déterminer si un partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension est avantageux pour la demanderesse.

[8] La demanderesse a également répondu le 22 avril 2016. Elle indique qu’elle a reçu la décision de la division générale au cours du mois de juin 2015, et qu’elle avait donc présenté sa demande de permission d’en appeler dans les délais prescrits le 1er septembre 2015 (quoiqu’elle a d’abord présenté par erreur sa demande au bureau du défendeur, plutôt qu’au Tribunal). Elle a reçu la décision de la division générale par hasard en même temps qu’elle a commencé à toucher la pension d’invalidité du RPC. Elle n’a pas expliqué pourquoi le montant mensuel de la pension devrait être revu à la hausse, et n’a pas indiqué de date à laquelle le versement de la pension d’invalidité aurait dû débuter.

[9] Dans une lettre précédente datée du 7 mars 2016, la demanderesse a abordé certaines de ces questions. La demanderesse allègue qu’elle aurait continué de verser des cotisations au RPC si elle n’était pas devenue invalide. Elle allègue que le montant mensuel de sa pension d’invalidité devait être fondé sur les cotisations qu’elle aurait versées au RPC si elle n’était pas devenue invalide. Elle a noté qu’elle a travaillé pour la dernière fois en 2014/2015 et qu’elle touchait alors 22 dollars par heure. Elle allègue également que le montant mensuel de la pension devrait être augmenté pour permettre de maintenir un certain niveau de vie. La demanderesse n’a pas indiqué la date à compter de laquelle la pension d’invalidité aurait dû être versée.

[10] La demanderesse indique qu’elle présente actuellement une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension. Il n’est pas clair si la demanderesse a cherché à obtenir des conseils sur l’incidence que pourrait avoir un tel partage dans son cas.

Analyse

a) Demande tardive

[11] Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, la Cour fédérale a énoncé les quatre critères dont il faut tenir compte pour déterminer s’il convient de proroger le délai de 90 jours accordé à un demandeur pour présenter sa demande de permission d’en appeler. Voici ces critères : il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l'appel; la cause est défendable; le retard a été raisonnablement expliqué; et la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l'autre partie. Dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a établi que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation serait dans l’intérêt de la justice, mais elle a aussi affirmé qu’il n'est pas nécessaire, pour proroger le délai, de répondre aux quatre questions concernant l’exercice du pouvoir discrétionnaire en faveur du requérant.

[12] La demanderesse indique qu’elle n’a pas reçu de copie de la décision de la division générale avant une certaine date en juin 2015, et qu’elle a donc présenté sa demande de permission d’en appeler à temps, même si elle l’a d’abord présentée par erreur au bureau du défendeur. J’estime que la demanderesse n’a pas présenté à temps sa demande de permission d’en appeler devant le Tribunal. Cependant, le fait qu’elle ait présenté une demande auprès du défendeur montre qu’elle a manifesté l’intention constante d’interjeter appel. Dès que la demanderesse a pris connaissance de son erreur, elle a déposé une demande de permission d’en appeler devant le Tribunal. Cela explique raisonnablement le retard accusé par sa demande. J’estime qu’aucun préjudice ne serait causé au défendeur si j’accordais le délai supplémentaire pour la présentation de la demande. En tous les cas, le défendeur consent à ce que l’appel soit accueilli en partie. Il existe manifestement une cause défendable.

[13] Il est dans l’intérêt de la justice que j’utilise mon pouvoir discrétionnaire pour accorder un délai supplémentaire pour la présentation de la demande de permission d’en appeler.

b) Demande de permission d'en appeler

[14] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[15] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

i. Période plus longue de rétroactivité des versements

[16] La division générale a conclu que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en décembre 2000. La division générale a soutenu qu’une personne ne peut être réputée, en vertu de l’alinéa 42(2)b) de la Loi, comme étant devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle l’intimé a reçu sa demande de pension d’invalidité. Le défendeur a reçu la demande de pension d’invalidité en janvier 2010. La division générale a déterminé que la demanderesse ne pouvait être réputée comme étant devenue invalide avant octobre 2009 et que, aux termes de l’article 69 de la Loi, sa pension d’invalidité était payable à compter du quatrième mois suivant cette date, soit à partir de février 2010.

[17] La demanderesse allègue qu’elle a droit à une plus longue période de rétroactivité de ses versements, quoiqu’elle n’a pas précisé de date où ceux-ci devraient commencer. Le défendeur admet que la division générale a commis une erreur quand elle a déterminé la date à laquelle l’invalidité était réputée et celle à partir de laquelle la pension d’invalidité était payable. Le défendeur admet que la date réputée à laquelle la demanderesse est devenue invalide – soit 15 mois avant janvier 2010 – est octobre 2008, et que la pension est payable à partir de février 2009. Étant donné l’aveu du défendeur et l’erreur évidente commise par la division générale, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

ii. Montant mensuel de la pension d’invalidité

[18] La demanderesse allègue qu’elle a droit à des prestations d’invalidité mensuelles plus élevées que celles qu’elle touche déjà. Dans sa lettre datée du 7 mars 2016, elle soutient que le montant mensuel versé pour la pension d’invalidité devrait être fondé sur les cotisations qu’elle aurait versées jusqu’à l’âge de 65 ans si elle n’était pas devenue invalide. Elle soutient aussi que le montant mensuel devrait être augmenté pour permettre le maintien d’un certain niveau de vie.

[19] La division générale n’a pas effectué le calcul du montant mensuel de la pension d’invalidité. Le défendeur indique que ce montant a été calculé conformément à l’article 56 de la Loi. Cet article énonce le montant de la pension d’invalidité, qui est en partie constitué d’une prestation à taux uniforme. Cet article prescrit également le calcul de la prestation à taux uniforme. Aucune allocation n’est accordée pour des cotisations qu’un requérant aurait versées s’il avait continué de cotiser au RPC après la date réputée du début de son invalidité. Aucune allocation n’est accordée pour permettre le maintien d’un certain niveau de vie.

[20] Je ne suis pas convaincue que ce motif se rattache aux moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

iii. Partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension

[21] La division générale n’a pas abordé cette question et je n’estime pas en être saisie convenablement. D’après ce que je comprends, la demanderesse va présenter une demande de partage des gains non ajustés ouvrant droit à pension.

Conclusion

[22] La demande de permission d’en appeler est accordée. Compte tenu de l’aveu du défendeur, je suis disposée à instruire cette affaire sur la foi du dossier le plus tôt possible, sous réserve du dépôt d’observations supplémentaires de la part de la demanderesse. Les parties peuvent présenter des observations dans le respect du délai prévu par la Loi sur le MEDS ou peuvent, si elles y consentent mutuellement, écourter le délai de réponse.

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