Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Comparutions

  • Appelante : H. P.
  • Représentant de l’appelante : Gerry Schopke
  • Représentante de l’intimé : Christine Singh

Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accueille l’appel.

[2] L’affaire est renvoyée à la division générale pour qu’un autre membre la révise.

Introduction

[3] Il s’agit d’un appel de la décision d’un membre de la division générale rendue le 23 juin 2015. La division d’appel avait accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale avait peut-être fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La permission a également été accordée parce qu’il était possible que la division générale ait commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué les dispositions du Régime de pensions du Canada (RPC) relatives au calcul proportionnel.

[4] L’appel découle de la conclusion de la division générale au paragraphe 45 de sa décision. Selon celle-ci, l’intimée est devenue invalide au sens du sous-alinéa 42(2)a)(i) du RPC en novembre 2003. L’appelant soutient que cette conclusion empêche la division générale de tirer la conclusion selon laquelle l’intimée était admissible à une pension d’invalidité du RPC en date d’août 2011.

[5] L’appelant et l’intimée sont d’accord sur le fait que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a appliqué les dispositions relatives au calcul proportionnel. Ils sont en désaccord sur la décision appropriée en ce qui a trait à cet appel. L’appelant est d’avis que l’appel devrait être accueilli et que l’affaire devrait être renvoyée à la division générale pour qu’une nouvelle décision soit rendue, tandis que l’intimée préfère que la division d’appel rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, et soutient que renvoyer l’affaire à la division générale retarderait les choses encore davantage et serait une [traduction] « mesure punitive » envers l’intimée.

Questions en litige

[6] Les questions à trancher dans cet appel sont les suivantes :

  1. Est-ce que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a appliqué les dispositions du RPC relatives au calcul proportionnel ? (paragraphe 38)
  2. Est-ce que la division générale a ignoré des éléments de preuve médicale et fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu que l’intimée prenait des [traduction] « médicaments anticonvulsifs » qu’on lui a prescrits, et cela, depuis au moins l’année 2000 ? (paragraphe 38)
  3. Est-ce que la division générale a ignoré des éléments de preuve médicale et fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en ce qui a trait au diagnostic d’épilepsie de l’intimée ? (paragraphe 38)
  4. Si la division d’appel conclut que la division générale a soit commis une erreur de droit, soit fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, alors, qu’elle est la décision appropriée à cet appel ?

Norme de contrôle

[7] Pour trancher cet appel, la division d’appel est consciente de récentes décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale qui portent sur sa compétence lorsqu’elle entend un appel ou prend une décision relative à une demande de permission d’en appeler. Ces décisions énoncent que la division d’appel devrait se limiter à déterminer si la division générale a enfreint l’une des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) sans tenir compte des principes ou du libellé de « contrôle judiciaire"Note de bas de page 1. Les décisions ont comme position que cela était l’intention du législateur, lorsqu’il a créé la division d’appel, et que l’intention du législateur passe avant tout. Cette position a été mise en relief dans une décision récente de la Cour d’appel fédérale, c’est-à-dire, dans l’affaire Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Huruglica et al 2016 CAF 93. Dans les décisions Jean, Maunder et Tracey, les cours ont eu de la difficulté à délimiter précisément la compétence de la division d’appel, ce qui excluait le « contrôle judiciaire ». La division d’appel est liée par les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Cependant, le statut et l’applicabilité de la jurisprudence abondante accumulée sous l’ancien régime restent à être précisés.

Dispositions législatives applicables

Permission d’en appeler

[8] Les appels à la division d’appel sont régis par les articles 56 à 59 de la Loi sur le MEDS. Les moyens d’appel sont énoncés au paragraphe 58(1) et sont les suivants :

58(1) Moyens d’appel

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Selon le paragraphe 58(2), la permission d’en appeler est accordée seulement lorsque la division d’appel est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. La division d’appel a accordé la permission d’en appeler en raison de manquements possibles aux alinéas 58(1)b) et c) de la Loi sur le MEDS.

Dispositions du RPC relatives au calcul proportionnel

[10] Le RPC permet le calcul proportionnel en ce qui concerne le calcul de la période minimale d’admissibilité (PMA) d’un demandeur dans certaines circonstances. La disposition législative applicable se trouve à l’article 19 du RPC, et établit la façon dont le montant de l’exemption de base pour l’année est calculé. En ce qui concerne l’admissibilité à une pension d’invalidité, l’article n’est pas facile à comprendre. Je me contenterai de dire que le « calcul proportionnel » autorise un cotisant qui n’aurait peut-être pas être admissible autrement, de le devenir en raison de ses cotisations au RPC calculées au prorata pour l’année en question. Cependant, il y a certaines conditions :

  1. Le calcul proportionnel met à terme la période de cotisation ;
  2. Le demandeur doit avoir des gains admissibles et avoir cotisé pendant l’année en question ;
  3. Les gains du cotisant doivent être inférieurs à l’exemption de base de l’année ;
  4. L’événement invalidant doit avoir eu lieu au cours de la période visée par le calcul au prorata.

[11] La position est claire et énoncée de façon succincte par le Salhany J. dans l’affaire Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences) c. Snowdon, CP 25013, 19 novembre 2007, sous l’en-tête “Période minimale d’admissibilité”.

[4] Les parties sont d’accord que la période minimale d’admissibilité (PMA) de l’intimée était le 31 décembre 2001. Cependant, l’intimée a également versé des cotisations au RPC en 2002 en fonction de sa rémunération de 2 752 $ en 2002, montant inférieur à l’exemption de base de l’année (EBA) qui se chiffrait à 3 900 $. Ces cotisations lui ont été remboursées, car ses gains se situaient sous l’EBA cette année-là. Cependant, l’article 19 du RPC permet le calcul proportionnel des gains durant l’année où la période cotisable prend fin en raison d’une invalidité. Pour 2002, le montant proportionnel est établi en divisant l’EBA par 12 et en multipliant par le nombre de mois avant en y incluant le mois au cours duquel l’intimée est devenue invalide. Pour 2002, le montant proportionnel était de 325 $. Lorsque l’on divise les gains de l’intimée par 325 $, cela donne 8 mois permis de rémunération au prorata. Cela signifie que si l’intimée est capable de démonter qu’elle était invalide du 1er janvier 2002 au 21 août 2002 au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC, elle est alors admissible à des prestations d’invalidité. Comme il a déjà été soulevé, le fardeau de la preuve se rapporte à la prépondérance des probabilités.

[12] Bien qu’elle ne soit pas liée par celle-ci, la division d’appel estime que la décision Snowdon est éminemment persuasive et applicable à la présente espèce. Le fait que le demandeur doit être devenu invalide au cours de la période de prorata a été clairement établi dans la décision aussi convaincante, c’est-à-dire, dans l’affaire Canada (ministre du Développement social) c. Gorman, (1 août 2006), CP 22414 CAP, dans laquelle il est indiqué que pour être admissible aux prestations, le prestataire doit avoir été considéré invalide au sens du RPC au cours de la période prolongée. Ainsi, pour appliquer correctement les dispositions relatives au calcul proportionnel, la division générale aurait dû avoir conclu que l’intimée est devenue invalide entre le 1er janvier 2007 et le 30 avril 2007.

Analyse

Application fautive des dispositions relatives au calcul proportionnel

[13] Le représentant de l’appelante a fait valoir que la division générale a mal interprété et mal appliqué les dispositions du paragraphe 44(2.1) du RPC. Le représentant souligne qu’étant donné qu’il a conclu que la date possible de la PMA de l’appelante calculée au prorata est avril 2007, et puisqu’elle a appliqué les dispositions relatives au calcul proportionnel, la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a conclu au paragraphe 45 de la décision qu’elle avait [traduction] “une invalidité grave et prolongée en novembre 2003”.

[14] Comme il a été mentionné antérieurement, la représentante de l’intimé a concédé ce point, et la division d’appel y souscrit. La division d’appel estime qu’il s’agit d’une erreur de droit. La décision de la division générale est, par conséquent, susceptible de révision selon ce motif.

[15] Malgré cette erreur de droit, la division générale a bien appliqué les dispositions de l’alinéa 42(2)b) du RPC. La représentante de l’intimé a fait valoir que malgré l’erreur de droit, l’intention de la division générale était claire, c’est-à-dire que la division générale avait l’intention de conclure que l’appelante était invalide au sens du RPC. Il a invité la division d’appel à appliquer l’article 59 du RPC et à rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Pour les raisons qui suivent, la division d’appel n’est pas convaincue qu’il s’agisse de la façon appropriée de procéder.

[16] Comme il a été établi par la CAP dans l’affaire Snowdon, l’événement invalidant doit avoir eu lieu au cours de la période visée par le calcul au prorata. La division générale n’en est pas arrivée à cette conclusion. En concluant que l’intimée est devenue invalide en novembre 2003, cela signifie en fait que l’intimée ne pouvait pas satisfaire à cette exigence importante. Ainsi, la décision de la division générale est, dans le meilleur des cas, équivoque sur la question qui doit être tranchée, c’est-à-dire, si l’intimée est devenue invalide entre le 1er janvier 2007 et le 30 avril 2007.

[17] La représentante de l’appelant a fait valoir qu’il s’agit là d’une question sur laquelle la division d’appel ne peut pas tranchée sans une audience en bonne et due forme. Elle indique que l’intimée a présenté une foule de renseignements médicaux et elle est d’avis que la division générale a ignoré des éléments de preuve médicale, notamment ceux qui indiquaient qu’un diagnostic d’épilepsie n’avait pas été émis avant 2007 et que l’intimée avait en fait été traitée pour un problème de santé complètement différent.

[18] La division d’appel estime que la division générale n’a pas réellement fait abstraction du fait que le diagnostic d’épilepsie a seulement été émis en 2007. Elle estime que le membre a plutôt extrapolé selon les symptômes rapportés de l’intimée et le fait qu’elle avait continué à prendre des médicaments anticonvulsifs qui lui ont été prescrits afin de traiter un problème de santé complètement différent. Compte tenu de ces faits, la division générale a conclu que l’intimé devait avoir souffert de convulsions au moment où on lui a prescrit les médicaments anticonvulsifs. Compte tenu du fait qu’on ne semble pas faire mention de convulsions avant 2007, la division d’appel n’est pas convaincue que sans fondement probatoire claire, il relevait de la division générale de tirer cette conclusion. La division d’appel conclut qu’il s’agit là d’une erreur mixte de fait et de droit, et que cela est suffisant pour accueillir l’appel.

[19] Pour ce qui est de la décision appropriée à cet appel, la division d’appel est d’avis que l’issue de la question de l’admissibilité de l’appelante à une pension d’invalidité du RPC reste à être dûment déterminée par la division générale dont les fonctions sont d’entendre la preuve. Par conséquent, la division d’appel renverrait l’affaire à la division générale pour une révision.

Décision

[20] La division d’appel a accordé la permission d’en appeler du fait que l’appelante a soulevé une cause défendable. Après avoir entendu les arguments des parties, et compte tenu de la discussion qui précède, la division d’appel accueille l’appel. En outre, aux termes de l’article 59 de la Loi sur le MEDS, la division d’appel renvoie l’affaire à la division générale pour une révision qui sera faite par un autre membre.

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