Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accorde la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] Le demandeur présente une demande de permission d’en appeler (demande) de la décision de la division générale du Tribunal rendue le 5 novembre 2015 de refuser la prorogation du délai pour interjeter appel de la décision découlant de la révision. Selon la décision découlant de la révision, le demandeur est inadmissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. Le demandeur a présenté un avis d’appel auprès de la division générale du Tribunal plusieurs semaines après l’expiration du délai prévu par la loi.

[3] Dans une lettre datée du 6 octobre 2015, le Tribunal a demandé au demandeur de justifier le délai. Essentiellement, il devait expliquer la raison pour laquelle la division générale devrait proroger le délai pour interjeter appel. Après avoir reçu et examiné la réponse du demandeur, un membre de la division générale a conclu que l’avis d’appel a été rempli à l’extérieur du délai prévu par la loi. Le membre a bel et bien conclu que le demandeur avait une cause défendable et que le défendeur ne souffrirait d’aucun préjudice si le délai accordé pour présenter l’avis d’appel devait être prorogé, mais il a refusé de proroger le délai. La division générale a conclu que les facteurs favorables au demandeur ont été contrebalancés par sa conclusion selon laquelle le demandeur n’avait pas fourni une justification raisonnable pour le délai du dépôt de l’avis d’appel et selon laquelle il n’avait pas prouvé une intention constante de poursuivre l’appel.

[4] Les paragraphes 8 et 14 de la décision comprennent l’analyse sur laquelle reposent les conclusions de la division générale.

Moyens de l’appel

[5] Le représentant du demandeur souligne un certain nombre d’erreurs commises par la division générale qui, selon lui, soulève des moyens d’appel qui auraient une chance raisonnable de succès. En résumé, les observations du représentant du demandeur soulèvent des erreurs de droit, ce qui concerne l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS).

[6] Le représentant du demandeur a répété les déclarations qui ont été faites devant la division générale, c’est-à-dire qu’il a soutenu que le délai pour la présentation devrait être prorogé parce que :

[traduction]

Le demandeur a demandé plus de temps pour obtenir un avis juridique et recueillir une preuve médicale supplémentaire parce que, en plus de ses douleurs chroniques, il a une scolarité et une expérience professionnelle limitées et que le fait qu’il manque d’alphabétisme qui viennent grandement limiter les possibilités d’emploi.

Il a continué d’avoir recours à nos services après avril 2014, et le 17 septembre 2014, nous avons rempli les documents et l’autorisation d’appel.

En suivant notre avis, il nous a demandé de recueillir une preuve médicale plus détaillée en écrivant à son omnipraticien, le Dr Mark Enright, et son chirurgien orthopédiste, le Dr John McCall. Le Dr  Mark Enright a partiellement répondu à notre demande au moyen de sa lettre datée du 12 septembre 2014, mais il croyait malheureusement qu’il ne pouvait pas répondre à toutes nos questions et il nous a dirigés vers le Dr McCall également.

Le rapport du Dr McCall a seulement été reçu en décembre 2014 et il a été transféré au TTS le 12 janvier 2015. (AD1-4)

Question en litige

[7] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Dispositions législatives applicables

[8] La Loi sur le MEDS prévoit des délais dans lesquels un appel peut être interjeté devant la division générale du Tribunal. Ces moyens sont énoncés à l’article 52 de la Loi sur le MEDS :

52. Modalités de présentation – (1) L’appel d’une décision [du ministre] est interjeté devant la division générale selon les modalités prévues par règlement et dans le délai suivant :

  1. a) dans le cas d’une décision rendue au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, dans les trente jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision;
  2. b) dans les autres cas, dans les quatre-vingt-dix jours suivant la date où l’appelant reçoit communication de la décision.
  3. L’alinéa b) s’applique en l’espèce.

[9]   La Loi sur le MEDS permet également à la division générale de proroger le délai pour interjeter appel au paragraphe 52(2) :

(2) La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

[10] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS sont d’une importance primordiale pour le processus d’appel devant la division d’appel. Au titre du paragraphe 56(1), un demandeur doit d’abord obtenir une permission d’en appeler. C’est seulement après avoir franchi cet obstacle préliminaire qu’un appel peut être interjeté devant la division d’appel. Selon le paragraphe 56(1), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel doit accorder ou refuser cette permission.

[11] Pour obtenir la permission d’en appeler, le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS exige d’un demandeur qu’il convainque la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit refuser la demande de permission d’en appeler. Selon le paragraphe 58(2), la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[12] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appelerNote de bas de page 1. Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, il a été établi qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable.

[13] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] L’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, appuie l’avis selon lequel la division d’appel doit d’abord, lors de son évaluation d’une demande de permission d’en appeler, déterminer si les motifs d’appel du demandeur correspondent à l’un ou l’autre des moyens énumérés.

Observations

[15]  Comme il a été mentionné précédemment, le représentant du demandeur se fonde sur les observations qu’il a présentées dans sa lettre du 2 novembre 2015 (GD6). Toutefois, il a inclus certains renseignements supplémentaires dans la demande, comme le moment où ses services ont été retenus pour représenter le demandeur (AD1C) et la tentative du demandeur d’obtenir une preuve médicale de son médecin de famille et de son chirurgien orthopédiste (AD1B). De plus, le représentant du demandeur a cité une jurisprudence récente de la division d’appel portant sur la prorogation de délai, qui, selon lui, appuie la prorogation du délai.

Analyse

[16] Cette demande concerne une décision sur la question de savoir si la division générale a commis une erreur concernant sa décision de refuser de proroger le délai pour interjeter appel. Bien que les dispositions législatives prévoient ces prorogations, elles ne disent rien relativement aux circonstances pouvant permettre la prorogation. Par conséquent, les critères de common law s’appliquent. Les critères ont été établis dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattelaro, 2005 CF 833, et ils sont grandement connus sous le nom des « facteurs Gattelaro ». Par conséquent, en exerçant le pouvoir de proroger le délai de dépôt d’une permission d’en appeler, la division générale doit tenir compte des critères suivants :

  • il y a une intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  • la cause est défendable;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[17] En plus de ces facteurs, la Cour d’appel fédérale a également déclaré que l’aspect fondamental à prendre en considération dans une demande de prorogation de délai consiste à s’assurer que justice est faite entre les parties. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204.

[18]  Le représentant du demandeur a déclaré que la division générale a mal appliqué les facteurs Gattelaro. L’observation du représentant est inhérente à l’avis selon lequel le demandeur a fourni une justification suffisante pour le délai et selon lequel le demandeur a démontré une intention constante de poursuivre l’appel en raison du retard relativement court pour présenter l’avis d’appel. Le représentant du demandeur a cherché à se fonder sur de récentes affaires devant la division d’appel : A.P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1404 CanLII; B.B. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 886 CanLII, et G.D. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1345. Il a fait valoir que le cas du demandeur est en tout point identique aux décisions A.P. et G.D. Le représentant expose son observation selon l’argument que, dans ces cas, les demandeurs avaient fourni une justification semblable pour leur délai. Après avoir lu ces décisions, la division d’appel fait une distinction entre celles-ci et le cas en l’espèce. Elle constate qu’elles ont soulevé des circonstances particulières qui n’existent pas dans le cas en l’espèce. De plus, la justification pour la décision B.B. concernait la conduite du représentant par rapport à celle du demandeur.

[19] En ce qui concerne la manière dont la division générale a tranché sur la question de la prorogation du délai, la division d’appel n’est pas convaincue que, selon les faits dont elle disposait au moment de rendre sa décision quant à l’affaire, la division générale avait commis une erreur d’une quelconque façon. La justification fournie à la division générale pour le délai était la déclaration plutôt cryptique selon laquelle le demandeur [traduction] « avait eu besoin de plus de temps pour retenir des services juridiques et recueillir une preuve médicale supplémentaire » ainsi que la déclaration selon laquelle le demandeur a continué d’avoir recours aux services d’un représentant après avril 2014 et selon laquelle il avait déposé l’avis d’appel le 17 septembre 2014 (GD6). Il n’y avait aucune élaboration concernant la date exacte où les services du représentant ont été retenus ni aucune raison pour laquelle le demandeur avait eu besoin de temps supplémentaire pour retenir les services d’un représentant. Le représentant du demandeur a cherché à fournir ces justifications après que la division générale a rendu sa décision (AD1C).

[20]  Par conséquent, la division d’appel estime que, étant donné ces circonstances, la division générale peut conclure, comme elle l’a fait, que le demandeur n’avait pas fourni une justification satisfaisante pour le délai et que, en même temps, il n’avait pas démontré une intention constante de poursuivre l’appel. De plus, la division générale pouvait également que ces facteurs défavorables l’emportaient sur les facteurs en faveur du demandeur.

[21] Cependant, selon la division d’appel, l’enquête n’aurait pas dû se terminer à cette étape. Selon la division d’appel, la division générale devait également aborder la question de la justice rendue entre les parties. La seule référence dans la décision de la division générale aux [traduction] « intérêts de la justice » se trouve au paragraphe 18, dernier paragraphe de la décision où la division générale déclare que [traduction] « après examen des facteurs Gatellaro et dans l’intérêt de la justice, le Tribunal conclut que la prorogation du délai pour interjeter appel au titre du paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS est refusée. La façon dont la division générale a abordé l’intérêt de la justice n’est pas claire selon la division d’appel, car il s’agit de la seule mention de ce concept. Par conséquent, la division d’appel n’est pas convaincue que la division générale s’est attardée à la question durant sa décision sur la question de la prorogation du délai pour interjeter appel. Cela constitue une erreur de droit.

[22] Bien qu’il soit reconnu que la division générale peut conclure que le demandeur avait fourni une justification insatisfaisante pour le délai, la division d’appel est guidée par les observations incidentes de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Larkman, où le rôle des facteurs Gattellaro ont été décrits :

[62] Ces principes orientent la Cour et l’aident à déterminer si l’octroi d’une prorogation de délai est dans l’intérêt de la justice (Grewal, précité, aux pages 277 et 278). L’importance de chacun de ces facteurs dépend des circonstances de l’espèce. De plus, il n’est pas nécessaire de répondre aux quatre questions en faveur du requérant. Ainsi, « une explication parfaitement convaincante justifiant le retard peut entraîner une réponse positive même si les arguments appuyant la contestation du jugement paraissent faibles et, de la même façon, une très bonne cause peut contrebalancer une justification du retard moins convaincante » (Grewal, à la page 282). Dans certains cas, surtout dans ceux qui sortent de l’ordinaire, d’autres questions peuvent s’avérer pertinentes. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (voir, de façon générale, l’arrêt Grewal, aux pages 278 et 279; Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 (CanLII), au paragraphe 33; Huard c. Canada (Procureur général), 2007 CF 195 (CanLII), 89 Admin LR (4 e) 1).

Conclusion

[23] Le représentant du demandeur a fait valoir que la division générale a commis des erreurs de droit lorsqu’elle a refusé de proroger le délai pour le dépôt de l’appel par le demandeur. La division d’appel a conclu que la division générale a probablement commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’intérêt de la justice lorsqu’elle a rendu sa décision. Par conséquent, le demandeur a soulevé une cause défendable. La division d’appel accorde donc la demande de permission d’en appeler.

[24] La demande est accordée.

[25] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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