Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale rendue le 20 janvier 2016. La division générale a jugé que la défenderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2011 alors qu'elle était incapable de continuer à travailler en occupant son emploi de caissière à temps partiel. La division générale a décidé que la défenderesse était réputée être devenue invalide en mars 2012 et que le versement d'une pension d'invalidité devait par conséquent débuter en juillet 2012.

[2] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler le 20 avril 2016. Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit, a outrepassé sa compétence et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour que la demande soit accueillie, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[4] Le demandeur allègue que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. a commit une erreur de droit en omettant de considérer qu'aucune preuve médicale ou aucune preuve médicale objective n'appuyait ses conclusions selon lesquelles la défenderesse était atteinte d'une invalidité grave et prolongée.
  2. a commis une erreur de droit en omettant d'analyser les limitations fonctionnelles de la défenderesse à la fin de sa période minimale d'admissibilité, au 31 décembre 2010;
  3. a outrepassé sa compétence et a commis une erreur de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en concluant que la date de début d'invalidité était janvier 2011 au moment où elle n'était plus capable de continuer à travailler comme caissière à temps partiel. Le demandeur soutient qu'aucune preuve au dossier n'appuie une telle conclusion. Selon le demandeur, si la division générale a choisi arbitrairement janvier 2011 pour coïncider avec la fin de la période minimale d'admissibilité calculée au prorata, en janvier 2011, elle a outrepassé sa compétence.

[5] Le Tribunal de la sécurité sociale fournit à la défenderesse une copie des documents portant sur la demande. Cependant, la défenderesse n'a déposé aucune observation écrite.

Analyse

[6] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le Ministère de l'Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a approuvé cette approche dans l’affaire Tracey c.Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[7] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(a) Preuve médicale

[8] Le demandeur a fait valoir que la division générale n'avait pas tenu compte de l'absence de preuve médicale pour appuyer sa conclusion selon laquelle la défenderesse était atteinte d'une invalidité grave et prolongée. Le demandeur soutient qu'aucune preuve médicale n'appuie le fait que la défenderesse a souffert de douleurs au bas du dos. Il soutient aussi que la preuve relative à la douleur au genou de la demanderesse au cours de la période minimale d'admissibilité ne démontrait que de légers symptômes de douleur. Le demandeur souligne que le médecin de la défenderesse avait formulé un pronostic « sous réserve » qui dépendait de la recommandation d'un spécialiste. Le demandeur a aussi souligné que la demanderesse n'avait fourni aucune recommandation d'un spécialiste. Toutefois, la division générale s'est appuyée abondamment sur le témoignage de la défenderesse selon laquelle elle aura besoin d'une opération au genou, qu'elle ne pourra subir avant d'avoir atteint au moins l'âge de 60 ans.

[9] Le demandeur soutient que la division générale était tenue de prendre en considération les preuves médicales objectives et d'expliquer pourquoi elle s'est appuyée sur le témoignage de la défenderesse en l'absence de preuve médicale pour appuyer ses conclusions. Parmi les décisions citées par le demandeur à l'appui de ses prétentions on compte les arrêts Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248 au paragraphe 50, Gorgiev c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) 2005 CAF 55 au paragraphe 4, Canada (Procureur général) c. Fink 2006 CAF 354 au paragraphe 2, Warren c. Canada (Procureur général) 2008 CAF 377 au paragraphe 4 et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Angheloni, 2003 CAF 140 au paragraphe 27.

[10] Les éléments de preuve sont exposés au paragraphe 8 à 24 et l'analyse portant sur la gravité de l'invalidité de la défenderesse figure aux paragraphes 28 à 38. Il semble y avoir peu de dossiers médicaux qui datent d'avant la fin de la période minimale d'admissibilité ou de la période calculée au prorata, en janvier 2011, mis à part l'opinion du médecin de famille retraité de la défenderesse et les radiographies du genou droit et de la portion lombaire de la colonne vertébrale de la défenderesse, prises le 21 janvier 2011 (GD3-53 et GD3-54). Il semble que la division générale a fondé sa décision en grande partie sur le témoignage de la défenderesse et sur les preuves subjectives qui lui ont été présentées. En effet, dans son analyse, la division générale n'a fait que peu d'allusions aux différents avis médicaux. La division générale a pris note de l'opinion de juin 2013 du médecin de famille, mais n'a fait référence à aucune opinion, ni ne s'est appuyée sur aucune opinion, qui aurait été rédigée aux alentours de la période minimale d'admissibilité ou de la période calculée au prorata, ou qui aurait abordé l'état de la défenderesse à ce moment.

[11] Comme la Cour fédérale l'a déclaré, il est bien établi en droit que la démonstration d'une invalidité nécessite certaines preuves médicales objectives. Il ne ressort pas clairement de la décision de la division générale que des preuves médicales objectives, recueillies à la fin de la période minimale d'admissibilité ou autour de cette date, lui ont été présentées, ou, le cas échéant, que la division générale les a examinées pour déterminer que la défenderesse était invalide, au sens du Régime de pensions du Canada, au cours de la période calculée au prorata. Je suis convaincue que ce motif soulève une cause défendable et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[12] Selon le demandeur, il n'y a pas suffisamment d'éléments de preuve de nature médicale pour conclure que l'invalidité de la défenderesse est soit grave soit prolongée à la fin de sa période minimale d'admissibilité. Si la demande de permission d'en appeler avait reposé sur ce fondement, j'aurais rejeté la demande.

(b) Limitations fonctionnelles

[13] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d'analyser les limitations fonctionnelles de la défenderesse à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2010. Le demandeur soutient également que l'erreur est apparente du fait que la preuve d'invalidité au cours de la période minimale d'admissibilité était faible. Le demandeur est d'avis que la preuve médicale recueillie au cours de la période minimale d'admissibilité ne démontrait que de légers symptômes de douleur et que la majorité des éléments de preuve de nature médicale proviennent d'une période ultérieure à la période minimale de qualification.

[14] Le demandeur affirme que la division générale a fait abstraction du fait que les symptômes de la défenderesse aient pu s'aggraver en raison des événements survenus et des symptômes qui se sont déclarés, bien après la fin de sa période minimale d'admissibilité. Selon le demandeur, la division générale n'a fait aucune distinction entre la preuve au cours de la période minimale d'admissibilité et la preuve après cette période, et n'a pas non plus tenu compte du fait que les symptômes aient pu changer à la suite de la période minimale d'admissibilité.

[15] Le demandeur soutient que tous ces éléments démontrent que la division générale n'a pas tenu compte des limitations fonctionnelles de la défenderesse au cours de la période minimale d'admissibilité.

[16] Jusqu'à un certain point, le demandeur demande une réévaluation de la preuve, ce qui n'est pas le rôle de la division d'appel. Cependant, il y a chevauchement avec le précédent moyen d'appel qui, lui, sera examiné dans ce contexte, aux fins du présent appel.

(c) Arrêt de travail

[17] Le demandeur soutient que la division générale a outrepassé sa compétence et a fondé sa décision sur une erreur de fait sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en concluant que la date de début d'invalidité était janvier 2011, date à laquelle la défenderesse n'était plus capable de continuer à travailler comme caissière à temps partiel. Le demandeur soutient qu'aucune preuve au dossier n'appuie une telle conclusion. Selon le demandeur, si la division générale a choisi arbitrairement janvier 2011 pour coïncider avec la fin de la période minimale d'admissibilité calculée au prorata, en janvier 2011, elle a outrepassé sa compétence.

[18] La division générale a indiqué, dans la section preuve, que la défenderesse avait travaillé dans une épicerie de 2010 à 2011 et qu'elle avait cessé de travailler en raison de douleurs chroniques et de limitations fonctionnelles. Selon la division générale, la défenderesse a suivi, en 2012, une formation pour devenir préposée aux services de soutien à la personne et elle a travaillé à ce titre du 20 février 2013 au 13 mars 2013, et pendant trois jours à la fin mai 2013 alors qu'elle était aussi femme de ménage pendant cette dernière période. Elle aurait apparemment cessé de travailler après mars 2013, et ensuite en mai 2013 en raison de douleurs chroniques au dos et de douleurs au genou.

[19] De façon significative, la division générale n'a pas indiqué à quel moment de l'année 2011 la défenderesse a, selon certaines sources, cessé de travailler comme caissière dans une épicerie. Le questionnaire joint à la demande de pension d'invalidité de la défenderesse confirme que la défenderesse a travaillé de 2010 à 2011. Cependant, la défenderesse a mentionné qu'elle était « incertaine des dates exactes » auxquelles elle avait travaillé à l'épicerie (GD3-63). Elle s'est interrogée sur les mois et les jours au cours desquels elle aurait bien pu travailler à l'épicerie. Le registre des gains indique que la défenderesse a reçu une certaine rémunération en 2011, sans toutefois préciser le moment auquel elle l'aurait reçue. Partant de là, je ne vois pas comment la division générale aurait pu se fonder sur le questionnaire ou sur le registre des gains pour conclure que la défenderesse avait cessé de travailler en janvier 2011.

[20] Le demandeur a déposé un affidavit d'un technicien juridique, qui a transcrit des extraits de l'enregistrement audio de l'audience devant la division générale. Selon les extraits transcrits par le technicien juridique, la défenderesse aurait témoigné qu'elle avait travaillé à l'épicerie pour la dernière fois en 2010. La défenderesse n'a donné aucune date définitive du moment où elle a cessé de travailler à l'épicerie.

[21] Alors qu'il ne semble pas y avoir de preuve concluante sur le sujet, la division générale ne mentionne pas précisément comment elle a conclu que la défenderesse avait cessé de travailler en janvier 2011. Pour ce motif, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[22] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[23] J’invite les parties à présenter leurs observations sur la pertinence de tenir une audience, ou si l’appel peut être instruit sur la foi du dossier. Si elles préconisent la tenue d’une audience, les parties devraient présenter des observations sur le mode d’audience à privilégier (c.-à-d. par téléconférence, par vidéoconférence ou tout autre moyen de télécommunication, en personne ou par questions et réponses). Si l’une des parties souhaite demander une forme d’audience autre que par questions et réponses écrites, je la prierais de fournir une estimation du temps nécessaire pour présenter la plaidoirie.

[24] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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