Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Cette affaire vise à déterminer s'il serait approprié pour la division d’appel de procéder à une réévaluation de la preuve médicale.

Contexte factuel

[2] Les faits essentiels aux fins de cet appel sont présentés ci-dessous.

[3] Le 18 août 2015, la division générale a rejeté de façon sommaire l’appel de l’appelante relatif à la demande de pension d'invalidité du Régime de pension du Canada au motif que l'appelante n'avait pas versé suffisamment de cotisations valides au Régime de pensions du Canada. Selon la division générale, la période cotisable de l'appelante s'étalait de 2004 à 2010 alors qu'elle a versé des cotisations au Régime de pension du Canada au cours de seulement deux de ces années. La division générale a rejeté sommairement l’appel de l'appelante car elle était convaincue que cet appel n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[4] Le 27 octobre 2015, l’appelante a interjeté appel à l’encontre de la décision de la division générale en alléguant que la division générale n'avait pas observé un principe de justice naturelle et qu'elle avait tiré des conclusions de fait erronées.

Questions en litige

[5] Le présent appel soulève trois questions principale : la première consiste à déterminer s'il était approprié de la part de la division générale de rejeter l'appel de façon sommaire; la deuxième consiste à déterminer si l'appelante a soulevé des moyens d'appel parmi ceux prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS); et la troisième consiste à déterminer s'il serait approprié de la part de la division d'appel de procéder à une réévaluation de la preuve médicale.

Observations

[6] L’appelante a interjeté appel à l’encontre de la décision de la division générale, alléguant que la division générale n'avait pas observé un principe de justice naturelle.  L'appelant a expliqué qu'elle avait fait l'objet d'une erreur médicale ayant entraîné différents problèmes de santé. Elle a aussi mentionné qu'elle n'était pas parvenue à obtenir d'avis médicaux détaillés et précis de la part de ses médecins. Elle a cependant reçu des renseignements supplémentaires, qu'elle a déposés, pour appuyer sa demande de pension d'invalidité.

[7] Dans le contexte de ses observations supplémentaires, qu'elle a déposées le 21 janvier 2016, l'appelante allègue que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte du rapport médical qui faisait état de la nature grave et prolongée de son invalidité. Elle soutient que la division générale aurait dû tenir compte du fait qu'elle n'était pas en mesure  de cotiser davantage au Régime de pension du Canada en raison de son invalidité. Elle ajoute que la division générale a tiré des conclusions de fait erronées, sans toutefois mentionner en quoi elles consistaient. Elle ne conteste pas les conclusions de la division générale selon lesquelles elle a cotisé au Régime de pensions du Canada pendant deux ans.

[8] Le 22 août 2016, le représentant de l’intimé a déposé des observations selon lesquelles la division générale a énoncé et appliqué correctement le critère à respecter en vue d'un rejet sommaire. Il soutient que la division générale n'a pas commis d'erreur en appliquant le droit aux faits et que le dossier présenté devant la division générale démontre clairement que l'appelante n'avait pas, au cours de sa période cotisable, cotisé suffisamment pour être admissible à une pension d'invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada.Selon l'intimé, étant donné les faits incontestés et le droit applicable, l'appel n'avait aucune chance de succès et a été, à juste titre, rejeté de façon sommaire.

Analyse

[9] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

(a) procédure de rejet sommaire

[10] Le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS exige que la division générale rejette un appel de façon sommaire si elle est convaincue qu’il n’a aucune chance raisonnable de succès. Si la division générale n’a pas indiqué le critère approprié ou qu’elle a mal énoncé ce critère, elle a alors commis une erreur de droit.

[11] En l'espèce,  la division générale a correctement énoncé le critère applicable au rejet sommaire en citant le paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS. Toutefois, il ne suffit pas de réciter le critère du rejet sommaire énoncé au paragraphe 53(1) de la Loi sur le MEDS, il faut aussi l’appliquer correctement.  Une fois que le critère applicable été correctement établi, la division générale était ensuite tenue d’appliquer le droit aux faits.

[12] Pour déterminer le caractère approprié d’une procédure de rejet sommaire et déterminer si un appel a une chance raisonnable de succès, un décideur doit établir s’il y a « matière à procès » et si la demande est fondée. Pour autant que l’appel soit fondé sur des faits suffisants et que l’issue ne soit pas « manifeste », il n’y a pas lieu de prononcer un rejet sommaire.  Il n'y aurait pas lieu non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est « faible », lequel exige forcément d’évaluer le bien-fondé de l’affaire, d’examiner la preuve et de déterminer la valeur de celle-ci.

[13] La division générale a conclu que ses pouvoirs se limitaient à ceux que lui conférait sa loi habilitante et qu’elle devait interpréter et appliquer les dispositions de la façon prévue dans le Régime de pensions du Canada.La division générale a déterminé que les dispositions du Régime de pensions du Canada étaient claires et que la preuve était sans équivoque. La division générale a également souligné qu'elle ne jouit d’aucune compétence en équité pour tenir compte de circonstances atténuantes et ignorer les exigences de cotisation prévues aux termes du Régime de pensions du Canada.

[14] La division générale a déterminé, compte tenu du droit et des faits, que l’appel de l’appelante n’avait aucune chance de réussite.  L'appelante ne conteste pas le fait qu'elle ait versé des cotisations pendant deux ans au cours de sa période cotisable.

[15] Puisqu’elle était convaincue que l’appel n’était pas fondé, la division générale a conclu à juste titre qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès et, pour cette raison, l’a dûment rejeté de façon sommaire.

(b) moyens d'appel

[16] Hormis la question du caractère approprié de la procédure de rejet sommaire, l'appelante soutient que la division générale n'a pas observé un principe de justice naturelle et qu'elle a tiré des conclusions de fait erronées.

[17] L'appelante n'a toutefois pas mentionné de quelles conclusions de fait erronées il s'agissait. Elle devrait également démontrer que la division générale a fondé sa décision sur ces conclusions de fait erronées, et que ces conclusions ont été tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Les seules conclusions de fait qu'a tirées la division générale figurent au paragraphe 13 de sa décision. Bien que l'appelante ait expliqué pourquoi elle n'était pas en mesure de cotiser davantage au Régime de pensions du Canada, elle ne conteste pas les faits exposés au paragraphe 13 de la décision. Je ne suis pas convaincue que l'appelante ait établi que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[18] L'appelante allègue que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle. Cette allégation découle de la croyance de l'appelante selon laquelle elle n'a pas reçu les soins médicaux appropriés, et du fait qu'elle n'était pas en mesure d'obtenir de la part de ses médecins les documents médicaux qui appuient leur opinion. Cette allégation ne se rattache à aucun des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Il doit s'agir d'un manquement de la part de la division générale plutôt que de la part de toute autre tierce partie. L'appelante n'a pointé aucun manquement particulier aux principes de justice naturelle de la part de la division générale.

[19] L'appelante soutient que la division générale aurait dû tenir compte des opinions médicales et des dossiers médicaux qui lui ont été présentés. Cependant, aux termes de l'alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada, un demandeur doit satisfaire plusieurs critères pour être admissible à une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada. Il ne suffit pas de démontrer une invalidité dans le cadre de sa demande. On doit aussi, entre autres conditions, avoir « versé des cotisations pendant au moins la période minimale d’admissibilité ». Si un demandeur ne satisfait pas aux critères énoncés à l'alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada, il n'est pas nécessaire de prendre en compte les autres critères.

[20] Comme l'a déclaré la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Miceli-Riggins c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 158 :

[69] . .  .  Le Régime n’est pas censé satisfaire les besoins de tout le monde. C’est plutôt un régime contributif qui remplace en partie des revenus dans certaines circonstances définies de façon technique. . Voir l’arrêt Granovsky c. Canada (Ministre de lEmploi et de lImmigration), 2000 CSC 28 (CanLII), [2000] 1 R.C.S. 703, au paragraphe 9.

[70] En fait, on ne peut même pas dire du Régime qu’il vise à accorder des prestations à tels ou tels groupes démographiques. Il convient plutôt de le considérer comme une assurance obligatoire basée sur des cotisations et un régime de pension conçu pour fournir une certaine aide – loin d’être complète – aux personnes qui répondent à des critères de qualification techniques.

[71] Tout comme dans un régime d’assurance, les prestations sont payables en fonction de critères d’admissibilité hautement techniques.

. . .

[74]  Pour reprendre les termes de la Cour suprême :

Le [Régime] est un régime d’assurance sociale destiné aux Canadiens privés de gains en raison d’une retraite, d’une déficience ou du décès d’un conjoint ou d’un parent salarié. Il s’agit non pas d’un régime d’aide sociale, mais plutôt d’un régime contributif dans lequel le législateur a défini à la fois les avantages et les conditions d’admissibilité, y compris l’ampleur et la durée de la contribution financière d’un requérant.

(arrêt Granovsky, précité, au paragraphe 9) (Non souligné dans l’original)

[21] À la lumière des faits selon lesquels l'appelant n'avait pas versé suffisamment de cotisations valides au Régime de pensions du Canada, je ne suis pas convaincue que la division générale se devait d'évaluer la preuve médicale qui lui a été présentée.

(c) réévaluation

[22] Dans l'ensemble, l'appelante demande une réévaluation de la preuve médicale. Elle a aussi déposé des rapports médicaux supplémentaires au soutien de sa demande de prestation d'invalidité.

[23] La Cour fédérale a récemment statué, dans l'affaire Canada (Procureur général) c. O’Keefe, 2016 CF 503, qu’un appel devant la division d’appel ne permet pas la présentation de nouveaux éléments de preuve et que l’appel est limité aux trois moyens énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.  Partant de là, il est manifeste qu'un appel ne donne pas l'occasion de réévaluer la preuve. Rien ne laisse entendre, de la part de l'appelante, que les rapports médicaux abordent un des moyens d'appel énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[24] Étant donné les circonstances susmentionnées, l’appel est rejeté.

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