Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale (DG) le 27 octobre 2015. La DG a tenu une audience par téléconférence le 27 octobre 2015 et a déterminé que la défenderesse était admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (Loi), puisqu’elle a conclu que la défenderesse était atteinte d’une invalidité « grave et prolongée » à sa période minimale d’admissibilité (PMA), soit en date du 31 décembre 2009.

[2] Le 26 janvier 2016, le représentant du demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel (DA) dans les délais prescrits.

Droit applicable

[3] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à l’instruction de l’affaire sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est moins important que celui auquel il devra faire face lors de l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[7] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[8] Le demandeur fait valoir que la DG a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance :

  1. Elle a conclu que tous les détériorations et les problèmes de santé étaient présents chez la défenderesse à la date de sa PMA, alors que les symptômes de certains d’entre eux ne sont apparus que des années lus tard;
  2. Elle a conclu que la défenderesse était invalide malgré l’absence d’une preuve médicale objective montrant que son invalidité était grave et prolongée à la PMA;
  3. Elle a conclu que la défenderesse était incapable de travailler même si les éléments de preuve disponibles, antérieurs et postérieurs à la PMA, montraient qu’elle était capable d’occuper un emploi sédentaire.

Analyse

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] Pour accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Présence des problèmes de santé secondaires à la PMA

[11] Le demandeur allègue que la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance lorsqu’elle a appliqué la décision Bungay c. CanadaNote de bas de page 3 de la Cour d’appel fédérale et conclu que tous les problèmes de santé de la défenderesse la limitaient en date de sa PMA. Le demandeur reconnaît que la DG a déterminé à juste titre que la date de la PMA de la défenderesse est le 31 décembre 2009, mais elle a ensuite conclu que tous ses problèmes de santé allégués, notamment une douleur grave et constance au poignet gauche et à l’épaule droite, des troubles du sommeil, une tension artérielle élevée, des complications liées au diabète, des jambes enflées et des symptômes résiduels de son opération à la parathyroïde, étaient invalidants à cette date. Si le demandeur admet que la douleur au poignet gauche et à l’épaule droite de la défenderesse était présente et a pu la limiter en date du 31 décembre 2009, il allègue qu’aucune preuve au dossier ne montre un examen approfondi ou un traitement des autres problèmes avant la fin de la PMA, mis à part les plaintes subjectives formulées par la défenderesse.

[12] Dans ses motifs de décision, sous l’en-tête intitulé [traduction] « Principes directeurs », la DG a cité Bungay et a affirmé que  [traduction]  « toutes les détériorations possibles de la défenderesse affectant son employabilité doivent être prises en considération, et non seulement sa détérioration principale ». La DG a également fait mention d’une décision de la Commission d’appel des pensions (CAP), Barata c. MDRHNote de bas de page 4, où la CAP a affirmé ce qui suit : [traduction] «  Bien que chacun des problèmes de santé de l’appelante, examiné séparément, peut ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet collectif des diverses maladies peut rendre l’appelante gravement invalide. »

[13] J’admets que le raisonnement est bien décrit dans ses deux causes. Même si les décisions de la CAP, maintenant disparue, ne lient pas la DG ou la DA, elles exercent une force de persuasion et, de toute manière, le principe formulé dans Barata découle de Bungay, qui lui est un arrêt exécutoire. Les deux affaires appuient la thèse voulant que les problèmes de santé d’un requérant doivent être examinés dans leur ensemble.

[14] S’il n’est pas juste de s’attarder seulement à la détérioration principale, tenir compte de plaintes n’ayant aucun fondement dans la preuve constitue aussi une erreur, et j’estime que ce moyen d’appel a au moins une chance de succès raisonnable. Voici ce qu’a écrit la DG au paragraphe 57 de sa décision :

[Traduction]

Si les limitations découlant de la blessure au poignet gauche de l’appelante étaient ses seules affections invalidantes, le Tribunal serait d’accord avec l’intimé que ses limitations ne l’empêchent pas de détenir tous les types d’occupations véritablement rémunératrices. Cependant, comme dans le cas des décisions Bungay et Barata, précitées, le Tribunal doit tenir compte de l’effet cumulatif de toutes les affections et limitations de l’appelante. Parmi celles-ci, on compte une douleur grave et constante au poignet gauche et à l’épaule droite, des troubles du sommeil, une tension artérielle élevée, des complications liées au diabète, des jambes enflées et les suites de son opération à la parathyroïde. Si certaines de ses affections se sont aggravées après décembre 2009, comme les complications liées au diabète, toutes ses affections étaient présentes et limitaient l’appelante à la date de sa PMA.

[15] La DG a résumé soigneusement la preuve documentaire sur laquelle elle s’est fondée. Après avoir examiné les rapports médicaux pertinents, je ne trouve rien qui confirme que des troubles du sommeil, une tension artérielle élevée, des complications liées au diabète, des jambes enflées et des suites de son opération à la parathyroïde étaient problématiques avant le 31 décembre 2009. Je trouve cependant de nombreuses déclarations précises des évaluateurs et des prestataires de soins de la défenderesse voulant que ses affections secondaires ne présentaient pas de symptômes et n’étaient pas invalidantes à la PMA.

[16] Dans ce cas-ci, il n’est pas défendable que la DG ait tiré une conclusion de fait erronée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Absence de preuve médicale objective à l’appui de la conclusion d’invalidité

[17] Si le demandeur reconnaît que la douleur au poignet gauche et à l’épaule droite du demandeur était présente et limitante à la PMA, il allègue que ces affections ne suffisaient pas à satisfaire au critère relatif au caractère grave d’une invalidité en vertu de la Loi. Il cite l’arrêt Warren c. CanadaNote de bas de page 5 à l’appui de sa thèse selon laquelle une preuve médicale objective est essentielle pour conclure qu’un requérant est invalide. Dans ses observations, le demandeur énumère quelques rapports de différents médecins et les résume pour montrer que la DG a mal interprété leurs conclusions.

[18] Je ne suis pas d’accord qu’il existe une cause défendable sur ce motif. Contrairement aux affections secondaires prétendues discutées précédemment, il semble qu’il existe des éléments de preuve objectifs antérieurs à la PMA portant sur le poignet gauche et l’épaule droite de la défenderesse, notamment des rapports d’imagerie, des évaluations orthopédiques et des évaluations des capacités fonctionnelles de la défenderesse. Ceux-ci fournissaient des évaluations approfondies et détaillées des plaintes de la défenderesse concernant son poignet et son épaule, et la DG avait droit de mener sa propre analyse relativement à ces examens.

[19] Dans Simpson c. CanadaNote de bas de page 6, la demanderesse a identifié de nombreux rapports médicaux que la CAP aurait prétendument écartés, mal compris ou mal interprétés, ou auxquels elle aurait accordé trop de poids. Voici ce qu’a indiqué la Cour d’appel fédérale lorsqu’elle a rejeté la demande de contrôle judiciaire la demanderesse :

[…] le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[20] Conformément à Simpson, la DG a respecté les limites de sa compétence lorsqu’elle a fait le tri des faits pertinents, évalué la qualité des éléments de preuve, déterminé ceux qu’il convenait d’admettre ou d’écarter, le cas échéant, et accordé à ceux-ci un certain poids, avant de rendre une décision fondée sur son interprétation et son analyse des éléments dont elle était saisie. Par conséquent, j’estime que ce motif ne confère pas à l’appel une chance raisonnable de succès, puisqu’il découle du fait le demandeur soutient que la DG aurait dû accorder un poids différent à certains éléments de preuve.

Inaptitude au travail en dépit de la preuve d’une capacité à occuper un emploi sédentaire

[21] Le demandeur allègue que la DG a commis une erreur quand elle a déterminé que la défenderesse était régulièrement incapable de détenir tout type d’occupation véritablement rémunératrice à sa PMA, alors qu’il existait une preuve voulant qu’elle était toujours capable d’occuper un travail moins ardu dans le respect de ses restrictions. À l’appui de son argument, le demandeur fait référence à des extraits de rapports et d’évaluations figurant dans la preuve au dossier, lesquels, il allègue, montrent que la défenderesse est capable d’occuper un emploi moins ardu.

[22] Le demandeur cite également Klabouch c. CanadaNote de bas de page 7, décision dans laquelle il a été établi que ce n’est pas le diagnostic, mais la capacité de travail, qui détermine la gravité d’une invalidité alléguée en vertu de la Loi. Après avoir examiné l’analyse qu’a fait la DG des rapports médicaux et des évaluations des capacités fonctionnelles de la défenderesse, je trouve que rien n’indique qu’elle ait ignoré ce principe et j’estime qu’elle a présenté tous les éléments de preuve, favorables comme défavorables à l’allégation du demandeur, ainsi qu’une évaluation de bonne foi, quoique brève, de tous les aspects de ses capacités fonctionnelles aux paragraphes 54, 55 et 58 de sa décision.

[23] J’estime que le demandeur réitère essentiellement son allégation et me demande de réévaluer la preuve en sa faveur. Je ne suis pas en mesure de faire cela, puisque je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès. Un appel devant la DA n’est pas une occasion pour le demandeur de plaider sa cause de nouveau, et j’estime qu’il n’existe aucune chance raisonnable de succès sur ce motif.

Conclusion

[24] J’accorde la permission d’en appeler au motif que la DG a tiré une conclusion de fait erronée en concluant que l’invalidité de la défenderesse était « grave » d’après ses affections secondaires pour lesquelles il n’existait aucune preuve objective en date de la PMA.

[25] J’invite les parties à déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[26] Cette décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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