Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision rendue par la division générale (DG) le 23 octobre 2015. Le 23 septembre 2015, la DG a tenu une audience par comparution en personne et a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC) puisque, selon la division générale, son invalidité n’était pas « grave et prolongée » à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2009.

[2] Le 28 janvier 2016, le représentant du demandeur a déposé, en temps opportun, une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA).

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, (Loi sur le MESD), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel le demandeur devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[7] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[8] Le demandeur fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées qu’elle a tirées de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement :

  1. Elle a établi que le revenu du demandeur en tant que travailleur indépendant était de 15 115 $ en 2010 sans tenir compte des dépenses admissibles associées à l'exploitation d'une entreprise
  2. Elle a déclaré qu'il avait d'abord été adressé à un spécialiste en décembre 2010, alors qu'en fait il avait auparavant consulté le Dr Markland, rhumatologue, en mai 2009.

[9] Le demandeur a aussi accompagné sa demande de permission d'en appeler de différents documents, y compris :

  • Les reçus de médicaments prescrits par le Dr Markland en 2009;
  • Un extrait de la déclaration de revenus du demandeur pour l'année 2010, y compris une déclaration des profits et des pertes accompagnée de renseignements contextuels;
  • Les lettres du 11 février 2014, du 7 juillet 2014 et du 4 juin 2015 du Dr Kenneth Bayly;
  • Les lettres du 13 mai 2009 et du 1er février 2011 du Dr Janet Markland.

[10] Je constate que tous ces documents ont été présentés à l'audience devant la division générale, à l'exception des reçus de médicaments prescrits par le Dr Markland et de la lettre de cette dernière datée de mai 2009.

Analyse

[11] La demande doit soulever un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel Kerth c. Canada Canada.Note de bas de page 1Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si le défendeur a une cause défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2

[12] Pour accorder la permission d’appeler, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à au moins un des moyens d’appel et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Description des revenus de 2010

[13] Le demandeur allègue que la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en donnant une description inexacte de ses revenus en tant que travailleur indépendant en 2010. Plus précisément, le demandeur prétend que la DG, en établissant les revenus effectifs du demandeur à 15 115 $, n'a pas tenu compte des dépenses d'entreprise, y compris du coût des marchandises vendues d'une valeur de 800 $ (ce qui représentait les stocks d'ouverture au début de l'année) qui aurait dû être soustrait des revenus bruts.

[14] Il ressort clairement de ses motifs que la DG a appuyé sa décision de refuser la demande du demandeur sur les gains véritablement rémunérateurs de ce dernier en 2009 : « La question dont le Tribunal est saisi ne consiste pas à déterminer si l'appelant est capable de travailler, mais plutôt à déterminer s'il occupait un emploi rémunéré au cours de sa période minimale d'admissibilité. » La DG a déclaré qu'elle était guidée par l'article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, S.R.C., c. 385 qui est entré en vigueur le 29 mai 2014 et qui se lit en partie comme suit :

Pour l’application du sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi, « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité…

[15] La DG a noté qu'un traitement ou un salaire égal ou supérieur à 14 836 $ pour 2014 est considéré comme une occupation « véritablement rémunératrice » et a conclu que la rémunération de 15 115 $ du demandeur en 2010 était elle aussi considérée comme telle.

[16] Sur cette question, je considère que l'appel a des chances raisonnables de succès pour cinq raisons.

[17] Premièrement, bien qu'il s'agisse davantage d'une erreur de droit que d'une erreur de fait, la DG ne semble pas avoir considéré que l'article 68.1 ne s'appliquait pas aux demandes antérieures au 29 mai 2014 et était sans effet à l'égard de celles-ci. En l'espèce, le demandeur a présenté une demande de prestations du Régime de pensions du Canada en avril 2013. Bien que la DG se soit dit "guidée" par le règlement, elle s'est limitée, dans son analyse des revenus de 2010 du demandeur, à comparer les revenus aux points de référence de l'article 68.1, sans tenir compte de la jurisprudence qui régissait auparavant la signification de l'expression « véritablement rémunérateur ».

[18] Deuxièmement, même si l'article 68.1 était en vigueur au moment considéré, il fait seulement référence au « traitement et salaire », et pourrait ne pas s'appliquer au revenu d'entreprise du demandeur.

[19] Troisièmement, en tentant de déterminer le "vrai" revenu d'entreprise du demandeur, la DG omis d'expliquer pourquoi elle n'avait pas tenu compte de la différence entre les stocks d'ouverture et les stocks de fermeture dans son calcul du coût des marchandises vendues dans l'entreprise de revente de pièces du demandeur. Grâce à une analyse de l'état des profits et des pertes du demandeur et de sa déclaration de revenus de 2010 (qui ont tous deux été présentés à la division générale), on remarque que les principes de la comptabilité d'exercice ont été adéquatement respectés et que le demandeur dispose d’une cause défendable puisque son revenu aurait dû être estimé à un montant inférieur de 800 $.

[20] Quatrièmement, en calculant les revenus de 2010 du demandeur en tant que travailleur indépendant, la division générale ne semble pas avoir pris en compte plusieurs de ses dépenses d'entreprise. La DG déclare, au paragraphe 26 :

Le Tribunal note également que le revenu brut de l’appelant s'élevait à 22 792,49 $ en 2010, comme l'a fait remarquer le défendeur. Du montant de revenu brut, 12 811,83 $ provenaient de la main-d’œuvre et 9 845,66 $ des pièces. Le Tribunal a également souligné que le coût des pièces s'élevait à 7 542,02 $. Le revenu provenant des pièces était donc de 2 303,64 $. Faire la somme des deux montants donne une meilleure idée de la rémunération de l'appelant en 2010, qui se traduirait par un montant de 15 115,47 $.

Un examen sommaire des profits et des pertes de Waldheim Appliance et de la déclaration de revenus de 2010 du demandeur, permet de constater plusieurs autres dépenses, y compris un véhicule, du matériel de bureau, le téléphone, etc. qui mènent à un revenu net de 8 124 $. On s'explique mal pourquoi le membre de la division générale a décidé de passer outre à ces présumées dépenses d'entreprise admissibles. S'il n'était pas d'avis qu'elles représentaient des dépenses de fonctionnement valables, il n'en a pas fait mention dans sa décision.

[21] Finalement, bien que le demandeur n'ait pas invoqué cet argument, il pourrait y avoir une cause défendable au motif que la DG a commis une erreur en omettant de déduire la dépréciation et l'amortissement (ou la déduction pour amortissement, utilisée aux fins du calcul de l'impôt sur le revenu) dans son calcul du revenu du demandeur en 2010 en tant que travailleur indépendant. Bien que la déduction pour amortissement ne représente pas une sortie de fonds, elle est néanmoins considérée comme une dépense déductible d'impôt parce qu’il s’agit d’une représentation valable du coût à assumer pour être en affaires.

Premier envoi vers un spécialiste

[22] Le demandeur prétend que la DG a commis une erreur en avançant qu'on l'avait d'abord envoyé chez un spécialiste en décembre 2010, alors qu'en fait il avait auparavant rencontré le Dr Markland, rhumatologue, en mai 2009, avant la fin de sa période minimale d'admissibilité.

[23] Au paragraphe 28 de sa décision, la DG a fait l'analyse de la preuve médicale soulignant de nouveau que « l'appelant avait été adressé à un spécialiste en décembre 2010 seulement. » Le représentant du demandeur soutient que la DG a reproduit une erreur que le défendeur avait initialement commise dans ses observations et qu'il a tenté de corriger au moyen de sa lettre du 9 mars 2015 adressée à la DG (p. GD5-10).

[24] Une revue du dossier d'audience révèle que le demandeur a effectivement été adressé au Dr Markland le 27 avril 2009 (comme on peut le lire dans les notes cliniques du Dr Bayly, parmi les autres documents, à la page GD4-94). Il s’agit d’une question importante puisque la DG a fondé ses conclusions en partie sur une prétendue absence de traitement avant la fin de la période minimale d'admissibilité.

[25] À mon avis, ce motif offre une chance raisonnable de succès en appel.

Nouveaux documents

[26] D'après mon examen du dossier, les reçus pour les médicaments d'ordonnance et la lettre de mai 2009 du Dr Markland n'avaient pas été déposés au moment de l'audience devant la division générale. Si le demandeur me demande de tenir compte de ces documents supplémentaires, de réévaluer la preuve et de conclure en sa faveur, je suis incapable d'en faire autant à cette étape compte tenu des contraintes énoncées au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Ni la demande de permission ni l’appel ne donnent la possibilité de statuer à nouveau sur le fond d'une affaire. En bref, il n'y a pas de raison de considérer les documents mentionnés plus haut aux fins d'une demande de permission d’en appeler.

[27] Si le demandeur entend déclarer des faits nouveaux ou déposer de nouveaux dossiers afin de faire annuler ou modifier la décision de la DG, il doit maintenant se conformer aux exigences énoncées aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, et doit présenter une demande d’annulation ou de modification auprès de la DG. Le paragraphe 66(2) de la Loi sur le MEDS exige que la demande d’annulation ou de modification d’une décision soit présentée dans l’année qui suit la date à laquelle la décision en question a été communiquée aux parties. Selon l’alinéa 66(1)b) de la Loi, un demandeur doit démontrer que le fait nouveau est essentiel et qu’il n'aurait pas été connu au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[28] Comme il a été mentionné, la demande de permission d'en appeler est accordée au motif que la DG pourrait avoir commis les erreurs de fait ou de droit suivantes :

  1. Appliquer la norme énoncée à l'article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, relativement aux « gains véritablement rémunérateurs », à une demande présentée avant que la norme ne soit en vigueur;
  2. Évaluer les revenus de 2010 du demandeur en tant que travailleur indépendant, sans tenir compte de certains coûts d’exploitation d’une entreprise;
  3. Conclure que le demandeur n'avait été adressé à aucun spécialiste avant décembre 2010 alors que dans les faits il avait vu un rhumatologue en mai 2009 - avant la période minimale d'admissibilité.

[29] J’invite les parties à présenter des observations concernant le mode d’audience (c.-à-d. déterminer si l’audience devrait avoir lieu par téléconférence, par vidéoconférence, à l’aide d’autres moyens de télécommunication, par comparution ou à l’aide de questions et de réponses écrites).

[30] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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