Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  1. Appelant : J. B.
  2. Représentants de l’intimé : Sophine Johnson (stagiaire en droit) Hasan Junaid (représentant à titre d’observateur seulement)

Introduction

[1] Il s’agit d’un appel de la décision de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) rendue le 12 août 2014 et qui a rejeté la demande de pension d’invalidité de l’appelant au motif que ce dernier n’avait pas prouvé que son invalidité était grave au sens du Régime de pensions du Canada (RPC), au moment où sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin, c’est-à-dire, au 31 décembre 2008. La permission d’en appeler a été accordée le 26 mai 2015 au motif que la décision de la DG pourrait comporter une erreur.

Aperçu

[2] L’appelant a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en mars 2011. Il a indiqué que son dernier emploi était chez Walmart en février 2010 en tant que garnisseur de tablettes et qu’il a ensuite arrêté de travailler à cause de la fatigue et de douleurs au bas du dos et aux épaules. Il indique qu’il a été incapable de travailler depuis.

[3] Dans son questionnaire RPC, l’appelant a indiqué qu’il avait de nombreuses limitations fonctionnelles, ce qui comprend l’incapacité de s’asseoir ou de se tenir debout pendant plus de 30 minutes ou de marcher pendant plus de 60 à 90 minutes. Il a indiqué qu’il n’était pas capable de lever ou de transporter un objet quel que soit la distance et qu’il ne pouvait pas s’étirer ou se pencher facilement. Il avait 44 ans au moment de sa PMA et avait une douzième année ainsi qu’une formation postsecondaire en travail social terminée en 1995. Cependant, il n’a jamais obtenu d’emploi dans ce domaine. Auparavant, il avait travaillé comme trieur de placages, mais il a arrêté à cause d’une tendinite et d’une fracture-avulsion de son radius droit. De 2000 à 2005, il a eu des emplois à temps partiel en tant que préposé de patinoire et ouvrier chez un fabricant de blocs en béton, mais il a quitté ses emplois à la suite d’un accident de travail qui a mené à l’amputation de son majeur gauche. Il a consulté et a été traité par un grand nombre de spécialistes, mais il n’a pas vu d’amélioration appréciable de sa douleur ou de son fonctionnement.

[4] À l’audience devant le la DG en juillet 2014, l’appelant a témoigné au sujet de sa scolarité et de son expérience de travail. Il a aussi témoigné au sujet de ses blessures et des traitements qu’il a subis. Il a témoigné que malgré la physiothérapie et ses traitements, il n’a ressenti aucune amélioration de sa douleur ou son niveau d’énergie. Il a indiqué que bien que son médecin de famille lui a prescrit du Seroquel et du Naproxène, il n’a jamais exécuté ces ordonnances et n’a jamais accepté les recommandations de médicaments de son spécialiste de la douleur par peur de devenir dépendant. Il comptait sur les médicaments contre la douleur en vente libre et les Tylenol no 3 au besoin.

[5] Dans sa décision datée du 12 août 2014, la DG a conclu que l’appelant était capable de travailler dans les limites de ses restrictions. Elle a également conclu qu’il a la capacité de se recycler, mais qu’il n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour envisager d’autres professions et qu’il n’a pas suivi toutes les options de traitement disponibles.

[6] Le 11 septembre 2014 ou vers cette date, l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale, car il soutenait que la DG avait commis plusieurs erreurs. Le 26 mai 2015, à la suite d’une période de mise en suspens qui a été accordée à la demande de la représentante que l’appelant avait à ce moment-là, la DA a accordé la permission d’en appeler au motif que la DG a peut-être commis les erreurs suivantes :

  1. Elle a commis une erreur de droit en n’appliquant pas les facteurs « réalistes » énoncés dans l’affaire VillaniNote de bas de page 1 lorsqu’elle a évalué la gravité de l’invalidité de l’appelant.
  2. Elle a commis une erreur lorsqu’elle a tiré la conclusion selon laquelle l’appelant n’a pas atténué ses problèmes de santé, car il n’a pas essayé d’autres médicaments, malgré le fait que ceux-ci ne lui ont pas été prescrits.

[7] La DA a prévu une audience de l’appel par téléconférence le 11 mai 2016 pour les raisons suivantes :

  1. la complexité des questions en litige ;
  2. le fait que l’appelante ou les autres parties étaient représentées ;
  3. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[8] Les observations de l’appelant étaient énoncées dans sa demande de permission d’en appeler et dans l’avis d’appel du 11 septembre 2014. Des observations supplémentaires ont été déposées le 18 mars 2015. L’intimé a présenté des observations le 10 juillet 2015 et les a modifiées le 17 mars 2016.

[9] Dans une lettre datée du 15 décembre 2015, la représentante de l’appelant a demandé à la DA de repousser l’audience jusqu’au printemps 2016, car d’ici là, il aurait trouvé un représentant capable d’examiner les questions en litige présentées au paragraphe 34 de la décision relative à la demande de permission d’en appeler.

[10] Dans un courriel daté du 27 avril 2016, la représentante de l’appelant a avisé la DA qu’elle et son client n’étaient pas en mesure de débattre de questions complexes telles que le degré de déférence que l’on doit montrer envers la DG. Elle était dépassée par la quantité de documents administratifs présentés par l’intimé et suggère que l’affaire soit simplement renvoyée à la DG pour un nouvel examen. Elle a tenté de trouver un avocat qui était prêt à s’occuper du dossier à titre bénévole, mais sans succès.

[11] Le 6 mai 2016, la représentante de l’appelant a avisé la DA qu’elle ne sera pas présente lors de l’audience, car elle n’était pas en capable de discuter des questions soulevées dans la décision relative à la demande de permission d’en appeler et elle n’avait pas les compétences pour le faire, et elle n’était pas non plus capable de discuter des observations présentées par le ministre, celles-ci faisant plus de 600 pages.

[12] Le 11 mai 2016, au cours de l’audience, l’appelant a confirmé que sa représentante s’était retirée du dossier deux semaines auparavant.

Droit applicable

[13] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Norme de contrôle

[14] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels à la DA étaient régis par la norme de contrôle établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 2.Dans les affaires traitant d’erreurs présumées de droit ou de manquements à un principe de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, faisant état d’un seuil inférieur de déférence devant être montré envers un tribunal administratif qui est souvent comparé à une cour de première instance. Dans les affaires traitant de présumées conclusions de fait erronées, il était établi que la norme de contrôle à appliquer était celle de la décision raisonnable, faisant état d’une certaine réticence à intervenir lorsqu’il s’agit de conclusions de la personne responsable d’entendre la preuve factuelle.

[15] La décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. HuruglicaNote de bas de page 3 de la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche, soutenant que les tribunaux administratifs ne devraient pas utiliser les normes de contrôles qui ont été conçues pour être appliquées par les cours d’appel. Plutôt, les tribunaux administratifs doivent d’abord s’en remettre à leur loi constitutive pour obtenir des lignes directrices afin de déterminer leur rôle.

Questions en litige

[16] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Quelle norme de contrôle doit être appliquée, si celles-ci peuvent bel et bien être appliquées, lors de la révision des décisions de la DG ?
  2. Est-ce que la DG a commis une erreur de droit en n’appliquant pas les facteurs « réalistes » énoncés dans l’affaire Villani lorsqu’elle a évalué la gravité de l’invalidité de l’appelant ?
  3. Est-ce que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a tiré la conclusion selon laquelle l’appelant n’a pas atténué ses problèmes de santé, car il n’a pas essayé d’autres médicaments, malgré le fait que ceux-ci ne lui ont pas été prescrits ?

Observations

(a) Normes de contrôle

[17] L’appelant n’a pas présenté d’observations au sujet de la norme de contrôle appropriée ou au sujet du niveau de déférence que doit montrer la DA envers les décisions rendues par la DG.

[18] Les observations modifiées de l’intimé sur cette question ont été présentées avant que l’affaire Huruglica soit diffusée le 29 mars 2016. Les observations traitaient de manière détaillée des normes de contrôle et de leur applicabilité à cet appel et se terminaient en concluant que la norme de la décision correcte devait être appliquée aux erreurs de droit et que la norme de la décision raisonnable devait être appliquée aux erreurs de fait et aux erreurs mixtes de fait et de droit.

(b) Est-ce que la DG a commis une erreur en appliquant l’affaire Villani ?

[19] L’appelant soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il avait la capacité de se recycler afin d’exercer un autre emploi, et cela, en se fondant sur le fait qu’il a suivi des cours en travail social en 1995. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la DA a estimé qu’il y avait un fondement probatoire indiquant que l’appelant avait la capacité de se recycler, sous réserve de ses restrictions médicales, et a conclu que ce moyen n’avait aucune chance raisonnable de succès. Cependant, la DA a perçu une erreur possible de droit dans la façon dont la DG a appliqué les facteurs énoncés dans Villani, et cela, lorsqu’elle a indiqué au paragraphe 26 ces motifs de la décision [traduction] :

Le Tribunal conclut que ces facteurs ne s’appliquent pas en l’espèce pour limiter la capacité de travailler de l’appelant et que seuls les problèmes médicaux de l’appelant ont une incidence sur sa capacité de travailler.

Ni l’appelant ni son ancienne représentante n’ont présenté d’observations supplémentaires au sujet de ce motif.

[20] L’intimé soutient que la DG a été raisonnable dans son interprétation de l’affaire Villani, malgré son choix de mots quelque peu regrettables. L’intimé soutient qu’à la lecture de la décision, il est clair que la DG était consciente des facteurs énoncés dans l’affaire Villani, même si elle a conclu que ceux-ci n’aidaient pas l’appelant à satisfaire à la norme d’admissibilité à des prestations d’invalidité au terme du RPC.

[21] En outre, l’intimé soutient que, même si la DG a commis une erreur lorsqu’elle a appliqué les facteurs énoncés dans l’affaire Villani, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’Union c. Terre-Neuve-et-LabradorNote de bas de page 4, permet à la DA de [traduction] « d’aller au-delà des motifs » dans le but d’évaluer le caractère raisonnable de de l’issue. Peu importe si les motifs de la DG contiennent une justification convaincante pour sa décision, il n’en demeure pas moins que les facteurs Villani n’auraient pas aidé l’appelant à devenir admissible à des prestations d’invalidité du RPC. Une cour de révision pourrait examiner le dossier dans le but d’évaluer le caractère raisonnable de l’issue.

(c) Est-ce que la DG a commis une erreur en concluant que l’appelant n’avait pas suivi les traitements recommandés ?

[22] L’appelant soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que l’appelant n’avait pas tenté d’atténuer sa situation, car il n’a pas essayé d’autres médicaments, malgré le fait que ceux-ci ne lui ont pas été prescrits. Dans sa décision, la DG a écrit qu’il était déraisonnable pour l’appelant de refuser tout traitement avec un médicament prescrit et a également noté ce qui suit au paragraphe 29 [traduction] :

Nul n’ignore qu’il y a plusieurs antidépresseurs différents disponibles pour le traitement du TSPT et de la douleur chronique, et que chaque médicament a un niveau différent d’effets secondaires. Il est également généralement reconnu que pas tous les médicaments contre la douleur créent une dépendance et que plusieurs sont offerts précisément pour combattre la douleur chronique et la douleur neuropathique.

[23] L’appelant soutient que le refus était incorrect, car celui-ci était [traduction] :

[...] fondé sur l’hypothèse erronée qu’il aurait une capacité de travailler s’il prenait les médicaments. Ni son médecin de famille ni le spécialiste de la douleur n’ont prescrit à l’appelant des médicaments qui ne créent pas de dépendance, donc affirmer qu’il y a plusieurs médicaments disponibles pour l’appelant ne devrait pas être pertinent pour cette conclusion [...] On lui refuse, car il existe des médicaments disponibles, mais ceux-ci ne lui ont pas été prescrits, donc il n’a pas tenté d’atténuer sa situation ? De plus, il prend déjà des médicaments qui ne créent pas de dépendance, notamment de l’ibuprofène pour contrôler la douleur.

[24] L’intimé soutient que le passage provenant du paragraphe 29 doit être lu dans son contexte, car il contient une discussion approfondie sur la jurisprudence concernant l’atténuation, sur les traitements recommandés par les médecins de l’appelant ainsi que sur l’évaluation à savoir si sa réticence à prendre les médicaments contre la douleur était raisonnable selon les circonstances. Finalement, la décision de la DG a traité du fait que les fournisseurs de traitements de l’appelant ont fait des recommandations spécifiques que l’appelant a refusé de suivre. En agissant de la sorte, il n’a pas atténué sa situation, car il n’a pas envisagé toutes les possibilités de traitement raisonnables.

Analyse

(a) Norme de contrôle

[25] Bien que l’affaire Huruglica traite d’une décision qui provenait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle a des incidences sur d’autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’il était inapproprié d’importer les principes de contrôle judiciaire aux forums administratifs, comme il a été mentionné dans l’affaire Dunsmuir, car ces derniers peuvent refléter des priorités législatives autres que l’impératif constitutionnel voulant préserver la règle du droit. [traduction] « Il ne faut pas simplement tenir pour acquis que ce qui est réputé être la meilleure politique pour les cours d’appel s’applique également aux instances d’appel à caractère administratif ».

[26] Cette prémisse amène la Cour à déterminer le critère approprié qui découle complètement de la loi habilitante d’un tribunal administratif [traduction] :

[...] la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L’interprétation de la loi appelle l’analyse des mots de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] [...] et son objet [...] L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [Section de protection des réfugiés].

[27] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’applique pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la Loi sur le MEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui suggère que la DA ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la DG.

[28] Le mot « déraisonnable' » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les mots « abusive ou arbitraire » ou « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme il a été suggéré dans l’affaire Huruglica, il faut donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé suggère que la DA devrait intervenir lorsque la DG fonde sa décision sur une erreur qui est vraiment énorme ou qui est en contradiction avec le dossier.

(b) Critère Villani

[29]  Dans l’affaire Villani, la Cour d’appel fédérale a indiqué que le critère relatif à une invalidité doit être appliqué dans un contexte « réaliste » en tenant compte de facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, les compétences linguistiques et la capacité de recyclage. Citer simplement la jurisprudence est insuffisant, car comme il est indiqué dans l’affaire Lalonde c. CanadaNote de bas de page 5, un tribunal doit véritablement analyser l’impact que le profil du prestataire aura sur sa capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[30] Dans la présente affaire, la DG a fait référence aux antécédents de l’appelant au début de la décision. Elle a noté qu’il avait 44 ans à l’époque de sa PMA, qu’il détenait un diplôme d’études secondaires et que l’anglais était sa langue maternelle. Dans son analyse, la DG a correctement résumé l’affaire Villani et a dévoué un paragraphe [36] complet pour traiter de l’impact que les caractéristiques personnelles de l’appelant, de concert avec présumés problèmes médicaux, sont susceptibles d’avoir sur son employabilité. La DG a reconnu que son expérience professionnelle se limitait à des travaux manuels, mais elle a conclu qu’il était un bon candidat pour le perfectionnement professionnel, car il avait déjà démontré un intérêt et la capacité en tant qu’adulte lorsqu’il a terminé ses cours de 10 mois en travail social au milieu des années 1990.

[31] Des moyens d’appel défendables ont été soulevés par les [traduction] « formulations regrettables » de la DG (pour reprendre les mots de l’intimé) lorsqu’elle a résumé cette question en litige. Le fait de déclarer de façon aussi catégorique que les facteurs Villani [traduction] « ne s’appliquent pas », la DG s’est attiré l’examen minutieux de son analyse. Cela étant dit, je suis d’accord avec l’intimé sur le fait que la DG n’avait pas l’intention de rejeter tout simplement le lien entre Villani et la demande de l’appelant, mais voulait plutôt faire valoir que ses caractéristiques personnelles ne présentaient pas d’obstacle véritable à son employabilité.

[32] Mon examen de la décision complète indique que la DG n’a pas que cité l’affaire Villani et énuméré les caractéristiques personnelles de l’appelante, mais a évalué rondement la façon dont celles-ci pourraient affecter sa capacité à se recycler ou à conserver un emploi. L’on ne peut pas affirmer que la DG a ignoré ou n’était pas suffisamment attentif au critère du contexte « réaliste ».

(c) Limitation

[33] La DG a cité l’affaire Lalonde lorsqu’elle a affirmé que le prestataire doit atténuer ses problèmes de santé en suivant tous les traitements recommandés. Après avoir lu l’affaire Lalonde, je ne suis pas certaine que ce soit une bonne référence pour cette proposition, bien que plusieurs autres affairesNote de bas de page 6 ont imposé aux prestataires d’invalidité du RPC l’obligation de suivre les conseils médicaux raisonnables.

[34] La GD a ensuite fait référence à des situations particulières documentées dans le dossier médical où l’appelant n’a pas suivi un conseil médical, par exemple, lorsqu’il a rejeté la recommandation du Dr Reid de prendre de la Gabapentine, un antidépresseur tricyclique ainsi que des doses régulières d’anti-inflammatoires, et lorsqu’il a rejeté la recommandation du Dr Behren de prendre du Seroquel et du Naproxène. Lors de son témoignage devant la DG, l’appelant a confirmé sa réticence à prendre les médicaments qui lui ont été prescrits et a affirmé qu’il préférait gérer sa douleur avec des Advil et une Tylenol une fois de temps en temps, car il ne voulait pas masquer ses symptômes et il avait peur de développer une dépendance aux médicaments.

[35] Lors de son témoignage, l’appelant a cité non seulement qu’il avait peur de développer une dépendance, mais qu’également, les coûts et les effets secondaires (se sentir [traduction] « vague, confus et drogué ») font également partie des raisons pour lesquelles il n’a pas pris les médicaments prescrits. Il a tenté de gérer sa douleur en suivant des traitements alternatifs, en assistant aux rencontres d’un groupe d’aide sur la douleur chronique et en recevant des soins en santé mentale, mais son refus de prendre des médicaments était un choix personnel qu’il considérait comme étant raisonnable.

[36] Cependant, puisqu’il a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC, l’appelant doit permettre que les autres jugent ses actions. Dans ce forum, c’est un juge des faits de trancher sur la question à savoir si le refus de suivre un traitement est raisonnable ou non. La DG a correctement cité les principes juridiques pertinents régissant la question d’atténuation médicale. Elle a ensuite évalué la preuve afin d’établir certains faits concernant le refus de l’appelant de prendre les médicaments prescrits. La question est maintenant de déterminer si la DG a appliqué la loi à ces faits de façon équitable.

[37] Au paragraphe 29, la DG a conclu qu’il était déraisonnable de la part de l’appelant de refuser de prendre les médicaments prescrits et à ensuite expliqué pourquoi. Il est [traduction] « généralement connu » qu’il y a plusieurs antidépresseurs différents disponibles pour le traitement du TSPT et de la douleur chronique, et que chaque médicament a des niveaux différents d’effets secondaires. Il est également [traduction] « généralement reconnu » que pas tous les médicaments contre la douleur créent une dépendance et que plusieurs sont offerts précisément pour combattre la douleur chronique et la douleur neuropathique. Il semblerait que l’appelant estimait que la DG était allée trop loin lorsqu’elle a déclaré d’office qu’il existait des médicaments contre la douleur pouvant être à la fois efficaces et non addictifs. Cependant, puisqu’il n’existait aucune preuve au dossier indiquant le contraire, je conclus que la DG n’a pas commis d’erreur en faisant cette déclaration qui est, je dois l’admettre, assez large. Je note également que l’appelant suggère dans son avis d’appel que tous les médicaments contre la douleur que ses fournisseurs de traitements lui ont prescrits peuvent causer une dépendance. Pourtant, à aucun moment au cours de l’audience n’a-t-il introduit des éléments de preuve selon lesquels la Gabapentine ou la Naproxène (ou le Seroquel, un antidépresseur qu’il a également refusé de prendre) peuvent en fait causer une dépendance. Curieusement, l’appelant a avoué prendre parfois des Tylenol no 3, un analgésique puissant à base de narcotiques qui, je note, est généralement reconnu pour causer une dépendance.

[38] Peu importe ses motifs pour agir de la sorte, il n’en demeure pas moins que l’appelant a sciemment pris la décision d’ignorer certaines recommandations médicales, ce qui a été documentés dans plusieurs des rapports médicaux, confirmé par l’appelant dans son témoignage et admis dans l’avis d’appel. En agissant de la sorte, il remettait en doute, de fait, les avis professionnels de ses fournisseurs de traitements. Ces derniers possèdent une formation en techniques de gestion de la douleur et n’auraient probablement pas prescrit de médicaments à moins que : (i) ceux-ci aient des chances d’apporter un certain soulagement de la douleur ainsi qu’une augmentation de la fonctionnalité et (ii) que leurs effets positifs surpassent leurs effets secondaires, y compris le risque de dépendance.

[39] Dans l’avis d’appel, la représentante de l’appelant a critiqué la DG pour avoir souligné son refus d’essayer d’autres médicaments, malgré le fait qu’ils ne lui ont pas été prescrits. [traduction] « On lui refuse, car il existe des médicaments disponibles, mais ceux-ci ne lui ont pas été prescrits, donc il n’a pas tenté d’atténuer sa situation ? » En tout respect, je crois que cela déforme le point de vue de la DG. Lorsque la DG a dit [traduction] « [qu »]il est généralement connu » qu’il existe des médicaments efficaces pour traiter le TSPT qui ne causent pas de dépendance, elle ne parlait pas de médicaments hypothétiques, mais bien de certains médicaments prescrits (Gabapentine, Naproxène et Seroquel) qui lui ont, en fait, été prescrits et que l’appelant a refusé de prendre. Au cours d’un traitement ordinaire, il est commun pour un clinicien de prescrire au patient plusieurs médicaments l’un à la suite de l’autre et d’observer les effets de ces médicaments et d’ajuster les doses. Ceux qui n’ont aucun effet ou qui entraînent des effets indésirables peuvent être discontinués en faveur d’un autre médicament, et ainsi de suite, jusqu’à ce que la combinaison optimale de médicaments et de doses est atteinte. Il est certain que ce processus par essais et erreurs ne peut pas fonctionner si le patient refuse d’y participer. Bien que le patient puisse ressentir un certain inconfort et des incertitudes, le processus est conçu dans le but d’être temporaire avec une possibilité de procurer un bénéfice net à la fin.

[40]  Pour ces raisons, la DG était justifiée à conclure que le refus de l’appelant de prendre certains médicaments était déraisonnable, et elle avait donc le droit de tirer une conclusion défavorable de ce refus.

Conclusion

[41] L’appelant ne m’a pas convaincu que la DG a commis une erreur de fait ou une erreur de droit selon les motifs à l’appui. L’appel est donc rejeté.

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