Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appelante interjette appel de la décision rendue le 25 septembre 2015 par la division générale, qui a rejeté de façon sommaire son appel formé contre une décision lui refusant sa deuxième demande de pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. La division générale a rejeté l’appel de façon sommaire parce qu’elle était convaincue que l’affaire était chose jugée et que l’appel n’avait donc aucune chance raisonnable de succès.

‏[2] L’appelante a interjeté appel de la décision de la division générale rendue le 22 décembre 2015 (avis d’appel). Elle a également présenté des rapports médicaux à l’appui. Il n’est pas nécessaire de demander la permission d’interjeter appel en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), parce qu’un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire d’entendre davantage les parties, une décision doit être rendue, comme l’exige l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions en litige

[3] Les questions que je dois trancher sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle commis une erreur en concluant que l’affaire dont elle était saisie était chose jugée?
  2. La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ?
  3. La division générale a-t-elle commis une erreur en décidant de rejeter l’appel de l’appelante de façon sommaire?

Historique de l’instance

[4] Les dates et les faits importants aux fins de l’appel sont les suivants :

  1. Le 13 juin 2008, l’appelante a présenté une première demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant un tribunal de révision du Régime de pensions du Canada (tribunal de révision), qui a rejeté l’appel le 25 janvier 2010 au motif que l’appel n’était pas grave et prolongé au sens du Régime de pensions du Canada à la fin de sa période minimale d’admissibilité le 31 décembre 2007.L’appelante a interjeté appel de cette décision devant la Commission d’appel des pensions, qui, après avoir accordé la permission d’en appeler et instruit l’affaire le 18 juillet 2012, a rejeté l’appel.
  2. Le 4 avril 2014, l’appelante a présenté de nouveau une demande de pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada. L’intimé a refusé la seconde demande au motif que les questions étaient assujetties au principe de la chose jugée. Étant donné que sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2007 demeurait la même, il a conclu qu’une décision avait déjà été rendue en ce qui concerne l’invalidité et que tous les droits d’appel avaient été épuisés. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant la division générale.
  3. Le 25 septembre 2015, après avoir invité les parties à présenter des observations, la division générale a rejeté l’appel de façon sommaire au motif que l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. Le 22 décembre 2015, l’appelante a interjeté appel de la décision de rejet sommaire rendue par la division générale.

Observations

[5] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Plus particulièrement, elle déclare que la division générale a commis une erreur en se fondant sur la doctrine de la chose jugée et en concluant que ses première et seconde demandes de pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada sont [traduction] « la même », alors qu’elles ne le sont pas. Elle affirme que la division générale n’a pas tenu compte du fait que le problème de santé de l’appelante s’était dégradé depuis sa première demande et que son état de santé a [traduction] « diminué de façon importante ».

[6] L’appelante soutient également que les divisions générale et d’appel ont omis et omettent d’observer un principe de justice naturelle ou qu’elles ont autrement excédé leur compétence en ne permettant pas à l’appel d’être instruit [traduction] « dès la première occasion » maintenant qu’elle est représentée, ce qui n’était pas le cas au moment de l’examen de la première demande.

[7] L’intimé soutient que, puisqu’une décision avait déjà été rendue au sujet de l’invalidité à la date de la période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2007 et que tous les droits d’appel ont été épuisés relativement à cette décision, la question faisant l’objet de l’appel devant la division générale était chose jugée.L’intimé soutient également que les faits et le droit applicable ne sont pas contestés et qu’on ne peut en tirer qu’une seule conclusion, ce qui permet à la division générale de rejeter l’appel de façon sommaire.

Moyens d’appel

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Première question en litige : Chose jugée

[9] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur de droit en fondant sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive et arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, puisqu’elle s’est fondée sur la doctrine de la chose jugée. Elle nie que la première demande et la seconde sont « la même » et elle fait valoir que la division générale aurait dû tenir compte du fait que son état de santé global s’est dégradé de manière importante depuis sa première demande, et parce qu’elle avait cotisé au Régime de pensions du Canada.

[10] Si une affaire est chose jugée, cela empêche qu’une nouvelle audience soit tenue ou que des questions déjà tranchées soient remises en litige. L’intimé fait valoir que l’appelante est empêchée de remettre en litige la question visant à déterminer si elle était invalide le 31 décembre 2007 ou avant cette date parce que le tribunal de révision de la Commission d’appel des pensions a tranché définitivement cette question.

[11] L’intimé fait valoir que la doctrine s’applique si les trois conditions établies dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2. R.C.S. 460 sont respectées :

  1. a) la question doit être la même que celle qui a été décidée dans la décision antérieure;
  2. b) la décision antérieure doit être définitive;
  3. c) les parties sont les mêmes dans les deux instances.

[12] L’intimé soutient que les trois conditions sont respectées de la manière suivante :

  1. (1) Les questions et les faits pertinents en l’espèce demeurent les mêmes dans le cadre de l’appel de la seconde demande de prestations d’invalidité datée du 4 avril 2014, c’est-à-dire la question de savoir si l’appelante est invalide au sens du Régime le 31 décembre 2007 ou avant cette date et qu’elle l’était de manière permanente à partir de ce moment-là. La période minimale d’admissibilité de l’appelante n’a pas changé même si elle avait contribué au Régime de pensions du Canada en 2012 et 2013.
  2. (2) L’appelante et l’intimé sont les mêmes parties dans les deux appels.
  3. (3) La décision de la Commission d’appel des pensions du 27 août 2012 est définitive et exécutoire. Les droits d’appel relativement à la seconde demande et à la seconde décision du tribunal de révision sont épuisés. Par conséquent, la décision précédente de la Commission d’appel des pensions est définitive et exécutoire quant à la question de l’invalidité à la date de la période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2007.

[13] L’intimé soutient que, puisque les trois conditions sont respectées, l’appel devant la division générale devait nécessairement être rejeté étant donné qu’il était chose jugée.

[14] Je me suis penchée sur la question de savoir si une affaire peut être adéquatement considéré comme chose jugée dans la décision D.K. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1068, et j’ai constaté que, en fait, l’arrêt Danyluk est généralement cité pour la proposition selon laquelle les règles régissant la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ne doivent pas être appliquées machinalement puisque « [l]’objectif fondamental est d’établir l’équilibre entre l’intérêt public qui consiste à assurer le caractère définitif des litiges et l’autre intérêt public qui est d’assurer que, dans une affaire donnée, justice soit rendue ». En d’autres mots, même si les trois conditions sont respectées, il faut encore déterminer si dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, cette forme de préclusion devrait être appliquée. On a recours à une analyse en deux étapes pour déterminer s’il est approprié d’appliquer la doctrine de la chose jugée. La division générale a abordé la première de ces deux étapes.

[15] Dans l’arrêt Danlyuk, la Cour suprême du Canada a statué que la liste de facteurs pour et contre l’exercice du pouvoir discrétionnaire n’est pas exhaustive. Dans cette affaire,elle a ciblé sept facteurs pertinents, notamment :

  1. le libellé du texte de loi accordant le pouvoir de rendre l’ordonnance administrative;
  2. l’objet du texte de loi;
  3. l’existence d’un droit d’appel;
  4. les garanties offertes aux parties dans le cadre de l’instance administrative;
  5. l’expertise du décideur administratif;
  6. les circonstances ayant donné naissance à l’instance administrative initiale;
  7. le risque d’injustice.

[16] Il se pourrait que ces facteurs ne méritent pas qu’on leur accorde la même importance. Il est possible aussi qu’il y ait d’autres considérations. Dans l’affaire Minott c. O’Shanter Development Co., (1999), 42 O.R. (3d) 321 (ON CA), tla Cour d’appel de l’Ontario a statué que [traduction] « la préclusion devrait être appliquée de manière souple si une application stricte est susceptible d’être inéquitable pour la partie qui se voit empêchée de remettre en litige une question ». Une question dominante d’équité est en cause afin d’éviter une injustice possible.

[17] La division générale n’a pas mené la deuxième étape de l’analyse. Pour examiner si la division générale aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire, et comme il a été mentionné dans l’arrêt Minott, afin d’essayer d’établir un [traduction] « certain équilibre entre le besoin d’équité, d’efficacité et de prévisibilité des résultats », j’estime que dans les procédures devant le tribunal de révision en 2008, l’appelante savait ce qu’elle devait démontrer, elle avait eu une possibilité raisonnable de le démontrer et elle a eu l’occasion d’établir le bien-fondé de sa cause. J’estime également que, bien que l’appelante ait interjeté appel de la décision du tribunal de révision devant la Commission d’appel des pensions, elle n’a pas sollicité de contrôle judiciaire de cette décision de la Commission d’appel des pensions ni essayé de faire réexaminer la décision de la Commission d’appel des pensions en vertu de l’ancien paragraphe 84(2) du Régime de pensions du Canada. On ne saurait affirmer que l’appelante a été privée de l’occasion de faire évaluer et traiter adéquatement sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.

[18] L’appelante laisse entendre que la doctrine ne devrait pas s’appliquer parce que son état de santé a changé depuis sa première demande. Elle a présenté les dossiers médicaux suivants à l’appui :

  1. consultation initiale et formulaires d’évaluation, rapport initial daté du 30 avril 2014 et sommaire d’hospitalisation daté du 22 juillet 2014 de l’Hôpital de Timmins et du district (AD1-17 à AD1-23);
  2. rapports diagnostiques, plusieurs dates (AD1-24 à AD1-32);
  3. dossiers d’urgence et de consultations externes de l’Hôpital de Timmins et du district, 15 janvier 2008 et 13 août 2008 (AD1-26 et AD1-28).

[19] Mis à part la question de ces dossiers supplémentaires à l’appel, je constate qu’ils ont été produits après la date de fin de la période minimale d’admissibilité de l’appelante, soit le 31 décembre 2007. Par conséquent, ils n’auraient été d’aucune aide pour établir qu’elle était invalide à cette date.Cependant, la doctrine de la chose jugée ne tient pas compte de la disponibilité de dossiers supplémentaires ou mis à jour ni de la question de savoir si les problèmes médicaux d’un appelant ont changé pour déterminer le caractère approprié de son application..

[20] L’appelante a déclaré avoir fait des cotisations supplémentaires au Régime de pensions du Canada. Les cotisations valides au Régime de pensions du Canada pourraient avoir repoussé la date de fin de la période minimale d’admissibilité. Dans un tel cas, la question n’aurait pas été chose jugée.Toutefois, la division générale a souligné que les cotisations de l’appelante en 2012 et 2013 n’ont pas repoussé sa période minimale d’admissibilité et que celle-ci demeure la même, soit le 31 décembre 2007.

[21] La seconde demande de l’appelante était vouée à l’échec parce que je ne détecte aucune situation particulière qui aurait fait en sorte que l’appel fasse exception à la doctrine de la chose jugée.Malgré le fait que l’appel n’a fait l’objet de la seconde étape de l’analyse, je ne suis pas convaincue que la division générale aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et qu’elle aurait dû refuser d’appliquer la doctrine de la chose jugée dans les circonstances en l’espèce.

[22] L’appel correspond à une attaque collatérale contre la décision de la Commission d’appel des pensions. Les questions que l’appelante soulève en l’espèce ont été tranchées précédemment par la Commission d’appel des pensions. La décision de celle-ci était définitive et exécutoire, et elle ne peut pas être maintenant victime d’une attaque collatérale par l’appel.

Deuxième question en litige : Justice naturelle

[23] L’appelante soutient également que les divisions générale et d’appel ont omis et omettent d’observer un principe de justice naturelle ou qu’elles ont autrement excédé leur compétence en ne permettant pas à l’appel d’être instruit [traduction] « dès la première occasion » maintenant qu’elle est représentée, ce qui n’était pas le cas au moment de l’examen de la première demande par la Commission d’appel des pensions.

[24] Les principes de justice naturelle portent sur l’équité procédurale et visent à s’assurer qu’un prestataire a eu un avis adéquat et une occasion raisonnable de préparer et de présenter sa demande ainsi que de défendre la cause qui pourrait être intentée contre lui. Essentiellement, les observations de l’appelante représentent une attaque contre l’équité des procédures devant la Commission d’appel des pensions, car elle prétend qu’elle n’a pas eu l’occasion de plaider pleinement sa cause sans l’aide d’un représentant. L’appel de l’appelante devant la Commission d’appel des pensions faisait l’objet d’un nouvel examen. S’il y avait eu des préoccupations concernant l’équité de l’audience devant la Commission d’appel des pensions, l’appelante aurait dû présenter une demande de contrôle judiciaire de la décision. La division d’appel n’a pas le pouvoir ni la compétence de revoir la décision de la Commission d’appel des pensions et de déterminer si elle s’est vue refuser la possibilité de présenter sa cause de façon équitable dans le cadre de ces procédures. Quoi qu’il en soit, une affaire ne peut pas être instruite de nouveau parce qu’un appelant n’était pas représenté au cours des instances antérieures. Cela ne représente pas un échec de la part de la division générale ou de la division d’appel à observer un principe de justice naturelle.

[25] L’appelante a retenu les services d’un représentant en août 2015 en réponse à l’avis du Tribunal de la sécurité sociale selon lequel la division générale avait l’intention de rejeter l’appeler de façon sommaire. Par conséquent, on ne peut pas dire qu’elle a été privée de la possibilité d’être représentée dans le cadre de l’instance devant la division générale. En effet, le représentant a présenté des observations et environ 100 pages de documents médicaux au Tribunal de la sécurité sociale au nom de l’appelante.

[26] L’appelante continue d’être représentée par un représentant dans le cadre de l’instance dont je suis saisie et elle n’a pas été privée d’une occasion d’aller de l’avant dès la première occasion dans l’appel devant la division d’appel.

[27] Je ne suis pas convaincue que les divisions générale et d’appel n’ont pas observé un principe de justice naturelle.

Troisième question : Rejet sommaire

[28] L’appelante n’a pas contesté la pertinence du rejet sommaire de son appel devant la division générale. Un rejet sommaire est approprié lorsqu’il n’y a aucune question donnant matière à procès ou lorsqu’il n’y a aucun fondement à la demande ou encore, comme la loi le prévoit, lorsqu’il n’y a « aucune chance raisonnable de succès ». En revanche, si l’appel est fondé sur suffisamment de faits et que l’issue n’est pas manifestement claire, il n’y a pas lieu de prononcer un rejet sommaire. Il ne conviendrait pas non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est faible, lequel exige d’évaluer le fond de l’affaire, et d’examiner la preuve et lui attribuer une valeur.

[29] En l’espèce, la division générale devait examine tout facteur pouvait avoir existé pour et contre l’exercice du pouvoir discrétionnaire pour déterminer s’il faut appliquer la doctrine de la chose jugée. Cependant, ces facteurs n’annulent pas le bien-fondé de la demande. La substance des motifs avancés par l’appelante, à savoir que son état de santé s’était dégradé de manière importante au fil du temps, n’aborde aucun des facteurs qui pourraient être pris en considération dans la deuxième étape de l’analyse prévue dans l’arrêt Danyluk (ou en l’espèce, l’un des moyens d’appel prévus au titre du paragraphe 58(1) de la LMEDS). Pour ce motif, l’omission de tenir compte de ces facteurs ne rend pas le rejet sommaire de l’affaire inapproprié.

Décision

[30] Bien que la division générale n’ait pas effectué la seconde étape de l’analyse prévue dans l’arrêt Danyluk et qu’elle n’ait pas déterminé si elle devait exercer son pouvoir discrétionnaire et appliquer la doctrine de la chose jugée, je conclus que la division générale en est finalement arrivée à la même conclusion que j’aurais prise, même si elle découle de motifs légèrement différents. Sur ce fondement, l’appel est rejeté.

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