Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appel porte sur la question de savoir si la division générale a le pouvoir de communiquer un rectificatif de sa décision rendue le 19 janvier 2016.

[2] La division générale a conclu que l’intimée était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en avril 2011. La division générale a conclu que, selon l’article 69 du Régime de pensions du Canada (RPC), les versements de la pension d’invalidité commencent quatre mois après la date réputée du début de l’invalidité. La division générale a conclu que les versements commenceraient à partir d’août 2011. À partir de cette conclusion, on pourrait nécessairement déduire que la division générale a conclu que la date réputée du début de l’invalidité était la même que celle où l’invalidité est survenue, à savoir en avril 2011 en l’espèce.

[3] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler le 15 avril 2016, au motif que la division générale a commis une erreur en ce qui concerne la date réputée du début de l’invalidité et la date de prise d’effet du versement, ce qui a donné lieu à l’ordonnance de paiement à partir d’août 2011, au lieu de janvier 2012. Autrement, le demandeur ne conteste pas la conclusion d’une invalidité.

[4] En réponse à la demande de permission d’en appeler, la division générale a communiqué un rectificatif le 27 avril 2016. Elle a ajouté le paragraphe suivant à sa décision :

[53] Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en décembre 2012; l’appelante est donc réputée être devenue invalide en septembre 2011.

[5] La division générale a également corrigé la date du début du versement de la pension d’invalidité à janvier 2012. Le demandeur a déclaré dans une lettre datée du 27 mai 2016 qu’il souhaite néanmoins poursuivre la demande et l’audience relative à l’appel, au motif que la division générale a outrepassé sa compétence lorsqu’elle a communiqué un rectificatif. Au moyen d’une lettre datée du 1er juin 2016, l’intimée a confirmé qu’elle ne conteste ni la demande de permission d’en appeler ni l’appel et qu’elle consent que le versement d’une pension d’invalidité devrait commencer à partir de janvier 2012, et non à partir d’août 2011. Cependant, le demandeur demande non seulement que l’appel soit accueilli mais également que l’affaire soit renvoyée à la division générale aux fins de réexamen.

[6] Étant donné la position de l’intimée en l’espèce, j’examinerai la demande de permission d’en appeler et l’appel.

Question en litige

[7] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[8] Les observations initiales du demandeur portaient sur la décision relative à la date réputée du début de l’invalidité et la date de prise d’effet du versement d’une pension d’invalidité.

[9] Le demandeur soutient que, aux fins de versement, la division générale a correctement renvoyé à l’article 69 du RPC en déclarant que les versements devraient commencer quatre mois après la date réputée du début de l’invalidité, mais, dans sa décision rendue le 19 janvier 2016, la division générale n’a pas tenu compte de l’alinéa 42(2)b) du RPC pour déterminer la date de l’invalidité réputée.

[10] Conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, l’intimée pourrait être réputée invalide au plus tôt le quinzième mois avant la date à laquelle la demande a été reçue par le demandeur. Le demandeur fait valoir que, étant donné que la demande de pension d’invalidité de l’intimée a été reçue par celle-ci en décembre 2012, l’intimée pourrait être réputée invalide au plus tôt en septembre 2011.

[11] Le demandeur fait également valoir que, conformément à l’alinéa 42(2)b) et à l’article 69 du RPC, la date du versement devrait être fondée sur la date de demande, et non la date à laquelle l’invalidité est survenue. En l’espèce, la date du versement serait janvier 2012.

[12] Le rectificatif communiqué par la division générale a apporté des corrections aux erreurs cernées par le demandeur. Cependant, celui-ci explique qu’il a eu recours à une demande de permission d’en appeler au lieu d’une demande de rectificatif parce que le raisonnement de la division générale [traduction] « démontrait une erreur de droit et non seulement une erreur d’écriture ». Le demandeur soutient également que, étant donné que la division d’appel est saisie de l’appel, la décision d’accueillir l’appel et de renvoyer l’affaire devant la division générale aux fins de décision est justifiée.

Analyse

[13] Au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il est indiqué que les seuls moyens d’appels sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[14] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment approuvé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[15] Il ne fait aucun doute que la division générale a commis une erreur en première instance en concluant effectivement que la date de l’invalidité réputée coïncidait avec la date de début d’invalidité de l’intimée. Après que la division générale a communiqué un rectificatif afin de modifier sa décision, les parties auraient pu en arriver à une entente de règlement ou le demandeur aurait pu officiellement abandonner ou retirer la demande de permission d’en appeler afin de juger l’affaire. Cependant, le demandeur fait valoir qu’un rectificatif est approprié seulement lorsqu’il s’agit d’une erreur d’écriture et que, en l’espèce, le raisonnement de la division générale [traduction] « a démontré une erreur de droit », et non une erreur d’écriture.

[16] Selon les sources, la communication d’un rectificatif n’est pas limitée aux cas où il y a une erreur d’écriture. They can also be used to correct accidental slips, omissions or ambiguity. Cependant, au-delà de cela, les cours ont déclaré qu’il est inapproprié d’y avoir recours. Dans l’arrêt Dhillon c. Jaffer, 2016 BCCA 119, l’appelant a cherché à obtenir un rectificatif de la cour en première instance. La cour a répondu ce qui suit : [traduction] « Le recours à la règle de l’erreur ou à un rectificatif est hors de question [...] Il n’y avait aucun oubli ni erreur d’écriture. »

[17] Dans l’arrêt Cité de Jonquière c. Munger et al., [1964] R.C.S. 45, un conseil d’arbitrage a conclu une décision arbitrale visant à établir les conditions d’une convention collective rétroactive sur 13 mois. La loi prévoyait que la période de rétroactivité d’une décision arbitrale ne pouvait pas dépasser 12 mois. Ultérieurement, à la suite d’une requête présentée par l’une des parties, le conseil d’arbitrage a modifié la décision arbitrale en raison d’une prétendue erreur d’écriture pour faire en sorte que l’ordonnance entrerait en vigueur à la date de la décision arbitrale originale, c’est-à-dire qu’il n’y avait aucune rétroactivité. La Cour suprême du Canada a conclu que le conseil n’avait pas la compétence de corriger sa décision arbitrale originale. La Cour a déclaré ce qui suit :

Je souhaite adopter le passage suivant dans les motifs du juge Montgomery.

Je suis convaincu que le conseil avait le droit d’interpréter la décision arbitrale, mais pas de la modifier. Cela ne signifie pas cependant qu’il n’avait pas le droit de corriger une simple erreur d’écriture. Toute personne ayant des pouvoirs quasi judiciaires doivent avoir un tel droit, sinon les conséquences d’une simple erreur à la rédaction d’une décision arbitrale pourraient être désastreuses.

[Page 49]

Je souscris complètement aux motifs du juge Montgomery, qui conclut que l’erreur, s’il s’agissait bel et bien d’une, que la majorité du conseil aurait corrigé au moyen du document daté du 24 février 1954 n’était pas une erreur d’écriture.

[18] Les faits établis dans l’arrêt Jonquière sont grandement semblables aux faits de l’affaire dont je suis saisie, en ce sens que l’erreur que la division générale a corrigée n’était pas une erreur d’écriture, une erreur accidentelle, une omission ou une ambigüité. Rien dans la décision originale rendue le 19 janvier 2016 ne peut démontrer que la division générale avait tenu compte de l’alinéa 42(2)b) du RPC ou du fait qu’un prestataire ne peut pas être réputé invalide plus de 15 mois avant la réception d’une demande de pension d’invalidité par le ministre.

[19] En raison de mes conclusions, je suis non seulement convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès, mais également que l’appel doit être accueilli.

Décision

[20] Le demandeur demande que, si l’appel est accueilli, l’affaire soit renvoyée à la division générale aux fins de réexamen. Le paragraphe 59(1) de la LMEDS précise les pouvoirs de la division d’appel, dont celui de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je conclus qu’il est approprié dans les circonstances de ce cas d’exercer mon pouvoir en conséquence. Je me fonde également de l’arrêt D’Errico c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 95, dans lequel la Cour d’appel fédérale a cité ce que la Cour suprême du Canada a déclaré dans l’arrêt Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. Alberta Teachers’ Association, 2011 CSC 61, au paragraphe 55 : « le renvoi peut toutefois faire échec à la volonté de mettre sur pied un processus décisionnel [...] »

[21] La demande de permission d’en appeler est accordée, l’appel est accueillie, et la décision de la division générale a varié par conséquent. Conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, l’intimée est réputée être devenue invalide à partir de septembre 2011, soit 15 mois avant la date de la réception de sa demande. Conformément à l’article 69 du RPC, le versement d’une pension d’invalidité au titre du RPC commence quatre mois après la date à laquelle l’intimée est réputée être devenue invalide. Étant donné que l’intimée est réputée être devenue invalide en septembre 2011, les versements commencent à partir de janvier 2012.

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