Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accueille la demande de prorogation du délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[2] La division d’appel du Tribunal accorde la permission d’en appeler.

Introduction

[3] Le 25 janvier 2016, le Tribunal a reçu la demande de permission d’en appeler du demandeur (demande). Le demandeur souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale du Tribunal le 26 octobre 2015, dans laquelle la division générale avait accordé à la défenderesse un délai supplémentaire pour déposer son appel. Le délai supplémentaire avait été accordé relativement à une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) présentée par la défenderesse en janvier 2011.

[4] Les faits de l’affaire dont le Tribunal est saisi sont clairement énoncés aux paragraphes 11 à 14 de l’avis d’appel du demandeur. Les voici, en bref :

La défenderesse a présenté plusieurs demandes de pension d’invalidité du RPC : décembre 2006; (GD4- 64); 31 janvier 2011; 14 mars 2011 (qui semble être identique à la demande de janvier selon GD4-36); 13 novembre 2012. La présente instance porte sur la demande présentée en janvier 2011.

  1. 1) Le demandeur a refusé cette demande et maintenu sa décision après avoir procédé à une révision. La lettre de révision est datée du 29 février 2012.
  2. 2) La défenderesse a interjeté appel de la décision de révision devant la division générale. Le Tribunal a reçu l’avis d’appel le 9 mai 2013, soit 14 mois après la date où la défenderesse a reçu communication de la décision issue de la révision. L’avis d’appel était incomplet.
  3. 3) Le 28 juin 2013, le Tribunal a informé la défenderesse que son avis d’appel était incomplet. Il lui a demandé de lui fournir les renseignements manquants au plus tard le 7 octobre 2013. Le Tribunal a également indiqué à la défenderesse qu’elle devait demander la prorogation du délai pour déposer son appel.
  4. 4) Le 6 août 2013, la défenderesse a fourni les renseignements manquants, sans pourtant présenter une demande de prorogation du délai pour déposer son avis d’appel.
  5. 5) Le 26 octobre 2015, la division générale a rendu sa décision, accordant à la défenderesse un délai supplémentaire pour déposer son appel. Je n’ai pas demandé au demandeur de présenter des observations.

Moyens de l’appel

[5] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler au motif que la division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait et de droit, et qu’elle a excédé sa compétence et n’a pas observé un principe de justice naturelle quand elle a accueilli l’appel interjeté par la défenderesse et lui accordé un délai supplémentaire pour interjeter appel. (AD1-5)

[6] La représentante du demandeur a soulevé les erreurs de droit suivantes qui, selon elle, constituent des moyens d’appel ayant une chance raisonnable de succès :

  1. i. La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé que le paragraphe 52(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) ne s’appliquait pas au cas de la défenderesse quand elle a examiné sa demande de prorogation de délai (al. 58(1)b) de la Loi sur le MEDS);
  2. ii. La division générale a excédé sa compétence lorsqu’elle n’a pas appliqué le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS (al. 58(1)a) de la Loi sur le MEDS);
  3. iii. La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé sa compétence en ne donnant pas au demandeur l’occasion de présenter des observations concernant la demande de prorogation de délai dans les circonstances en l’espèce (al. 58(1)a) de la Loi sur le MEDS);
  4. iv. La division générale a commis une erreur de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en décidant d’accueillir la demande de prorogation de délai de la défenderesse et ne tenant pas compte de la preuve (al. 58(1)c) de la Loi sur le MEDS).

Question en litige

[7] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Dispositions législatives applicables

[8] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS régissent la permission d’en appeler. Aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, la permission d’interjeter appel d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel. Conformément au paragraphe 56(1), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[9] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS exige qu’un demandeur, pour obtenir la permission d’en appeler, convainque la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit refuser la permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[10] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appeler.Note de bas de page 1 Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, il a été établi qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable.

[11] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] L’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, appuie la position selon lequel la division d’appel doit d’abord, lors de son évaluation d’une demande de permission d’en appeler, déterminer si les motifs d’appel du demandeur se rattachent à l’un ou l’autre des moyens énoncés.

[13] Dans le cadre de la présente demande, le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS est également pertinent. Voici ce qu’il prescrit :

(2) Délai supplémentaire La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

Observations

[14] La représentante du demandeur soutient que la division générale a commis une erreur puisqu’elle a enfreint le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS en accordant le délai supplémentaire.

Questions préliminaires

A. Décision de la division d’appel dans le cadre de la demande

[15] Le 31 mars 2016, après avoir reçu la demande de permission d’en appeler, la division d’appel a rendu une décision introduite par la déclaration suivante [traduction] : « Puisque les cours ont reconnu qu’une décision interlocutoire ne peut fait l’objet d’un appel à moins que des circonstances particulières, ou tout à fait exceptionnelles, aient été établies ». La décision émise demandait aux parties de répondre, avant le 2 mai 2016, aux questions suivantes :

[Traduction]

  1. a. La décision du membre de la division générale, qui a accordé la prorogation du délai, est-elle une décision interlocutoire?
  2. b. La décision de la division générale peut-elle être portée en appel devant la division d’appel à ce moment-ci?
  3. c. Si les parties considèrent que la décision de la division générale est une décision interlocutoire qui peut être portée en appel à ce moment-ci, le demandeur doit-il établir qu’il existe des circonstances particulières ou tout à fait exceptionnelles ou l’a-t-il fait?

[16] La division d’appel a également demandé si le fait que le demandeur n’avait pas soumis la déclaration requise en vertu de l’article 40 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) avait une incidence sur la validité de l’appel et si ce manquement pouvait être rectifié après l’expiration du délai accordé pour interjeter appel.

[17] La défenderesse a informé le Tribunal qu’elle ne déposerait pas d’autres observations relativement à son dossier d’appel.

[18] En réponse à la décision de la décision d’appel, le demandeur a soutenu que la décision de la division générale sur la prorogation du délai pour interjeter appel était une décision définitive et qu’il existait également des [traduction] « circonstances particulières » permettant d’interjeter appel de la décision accordant une prorogation de délai.

[19] La décision de la division d’appel soulève des questions qui ont été abordées par la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. O’Keefe,2016 FC 503, une décision sur laquelle se fonde le demandeur. Dans O’Keefe, la Cour fédérale a répondu aux deux questions suivantes [traduction] : Le contrôle judiciaire était-il prématuré et la décision de la division d’appel du Tribunal accordant la permission d’en appeler était-elle raisonnable? Aux fins de la présente demande, la division d’appel a seulement besoin de tenir compte de la première de ces questions.

[20] En répondant à la première question, la Cour fédérale a appliqué une analyse contextuelle et téléologique du régime législatif régissant le Tribunal pour conclure qu’une décision accordant la permission d’en appeler est définitive puisqu’elle est finale et déterminante par rapport aux droits des parties. La Cour fédérale a conclu que la finalité de la décision de la division d’appel accordant la permission d’en appeler était définie à l’article 68 de la Loi sur le MEDS, qui prescrit que la « décision du Tribunal à l’égard d’une demande présentée sous le régime de la présente loi est définitive et sans appel; elle peut cependant faire l’objet d’un contrôle judiciaire aux termes de la Loi sur les Cours fédérales. » La Cour fédérale a également conclu ce qui suit au paragraphe 26 de sa décision :

[Traduction]

[26] La Loi sur le MEDS ne confère pas à la division d’appel du TSS le pouvoir légal de porter en appel ou de réviser ses propres décisions finales et exécutoires concernant une demande de permission d’en appeler ni par l’entremise d’un autre mécanisme d’appel existant. En décidant d’accorder ou de refuser la permission d’en appeler, la division d’appel se trouve dessaisie à l’égard de cette décision en vertu de l’article 58 de la Loi sur le MEDS.

[21] La Cour fédérale a ensuite conclu que la compétence prescrite dans la Loi sur le MEDS peut être distinguée de celle de l’ancienne Commission d’appel des pensions et de la jurisprudence qu’elle a créée concernant des décisions relatives à des demandes de permission d’en appeler et des décisions interlocutoires. La Cour fédérale a indiqué qu’elle était d’avis qu’une intervention judiciaire était justifiée pour les raisons suivantes : le critère relatif à l’obtention de la permission d’en appeler et la nature de l’appel ont changé en vertu de la Loi sur le MEDS; il ne s’agit pas d’un appel de novo; l’appel est restreint aux trois moyens d’appel prescrits à l’article 58 de la Loi sur le MEDS; et la compétence de la division d’appel en ce qui concerne une permission d’en appeler est [traduction] « délimitée par les questions en litige ayant une chance raisonnable de succès » (au paragraphe 28). La Cour fédérale a donc conclu, en dépit de préoccupations relatives à une intervention judiciaire dans un processus administratif ou à une utilisation judicieuse des ressources, qu’un contrôle judiciaire était applicable aux décisions de la division d’appel accordant la permission d’en appeler comme à celles la refusant.

[22] La Cour fédérale a formulé l’intention claire que l’affaire O’Keefe devait [traduction]  « orienter les décisions rendues à l’avenir relativement aux demandes de permission d’en appeler »Note de bas de page 2.

[23] La division d’appel juge qu’il faut répondre de la manière suivante aux questions qu’elle a posées dans sa décision du 31 mars 2016, compte tenu de la discussion et de la décision rendue dans O’Keefe, et ce jusqu’à ordre contraire :

  1. La décision du membre de la division générale, qui accorde la permission d’en appeler, est une décision finale.
  2. La décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel à ce moment-ci puisque, aux termes de l’article 55 de la Loi sur le MEDS, toute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel par toute partie concernée par la décision, notamment le demandeur.
  3. Puisqu’il ne s’agit pas d’une décision interlocutoire, il ne peut pas être question de circonstances particulières.

B. Demande de prorogation de délai

[24] La division d’appel a voulu déterminer si le fait que le demandeur n’avait pas soumis la déclaration requise en vertu de l’article 40 du Règlement aurait une incidence sur la validité de l’appel et si ce manquement pouvait être rectifié après l’expiration du délai accordé pour interjeter appel. Dans la déclaration dont il est question, le demandeur doit indiquer que les renseignements fournis sont, à sa connaissance, véridiques.Note de bas de page 3

[25] La représentante du demandeur a soulevé deux points à cet égard. Elle a d’abord affirmé que le demandeur ne fournissait habituellement pas cette déclaration; c’est la première fois que cette question est soulevée. Le demandeur devrait être traité de la même manière que toute autre partie, c’est-à-dire qu’on aurait dû lui indiquer que son avis d’appel était complet et lui donner l’occasion de remédier à la situation. La représentante du demandeur a aussi plaidé que l’omission de la déclaration ne rendait pas invalide la demande de permission d’en appeler; de toute manière, il existe des « circonstances spéciales » prévues à l’alinéa 3(1)b) du Règlement qui permettent de proroger le délai et de donner l’occasion au demander de remédier à son omission.

[26] La division générale a rendu la décision dont il est question le 26 octobre 2015. Le demandeur a présenté sa demande de permission d’en appeler le 25 janvier 2016. Il n’est pas contesté que le demandeur n’a pas déposé, conjointement à sa demande, la déclaration requise conformément à l’alinéa 40(1)h) du Règlement. La division d’appel a d’abord examiné la demande du demandeur le 31 mars 2016, date postérieure à l’échéance pour présenter une demande de permission d’en appeler. La division d’appel admet d’office que le Tribunal a l’habitude d’informer les demandeurs dont les demandes sont incomplètes, qu’il s’agisse d’une demande de permission d’en appeler à la division d’appeler ou d’un avis d’appel devant la division générale, que leur demande est incomplète et de leur donner le temps de finaliser leur demande tout en présentant une demande de prorogation de délai. La représentante du demandeur signale que la division générale avait en effet procédé de cette façon lorsqu’elle avait été saisie de l’affaire.

[27] Après avoir pris connaissance des arguments du demandeur et appliqué le critère énoncé ans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883, la division d’appel estime qu’il convient de proroger le délai pour la présentation d’une demande de permission d’en appeler en l’espèce.

Intention d’interjeter appel

[28] La représentante du demandeur a soutenu que le fait que le demandeur a présenté sa demande de permission d’en appeler dans le délai prescrit, soit le 25 janvier 2015, démontre qu’il a manifesté l’intention d’interjeter appel. La division d’appel souscrit à ce point de vue. À l’exception de la déclaration qui fait défaut, la demande est étoffée et quasi complète. La division d’appel est convaincue que le demandeur a manifesté l’intention constante d’interjeter appel.

Explication raisonnable au retard

[29] La représentante du demandeur a soutenu que, puisqu’il a donné suite à la décision de la division d’appel et a fourni la déclaration manquante, il a fourni une explication raisonnable au délai. Remédier à son omission n’était pas, en soi, une explication. L’explication émerge plutôt du fait que le demandeur corrigeait la situation pour la première fois. La division d’appel estime, étant donné les circonstances, que le demandeur a fourni une explication raisonnable à son retard.

Cause défendable

[30] La représentante du demandeur allègue qu’il a une cause défendable. Elle affirme que l’affaire soulève une question d’interprétation de la loi concernant le délai maximal d’un an pour interjeter appel devant le Tribunal (AD1A-16 au paragraphe 43). D’après l’observation de la représentante du demandeur, il s’agit d’une question de premier ordre qui pourrait [traduction] « permettre de déterminer si un appel devant la division générale du Tribunal existe ou non en l’espèce et si la demande soulève des préoccupations juridiques qui sont valables et considérables concernant la décision de la division générale de déroger à la limite prévue par la loi. » Après avoir pris connaissance de la demande et du fondement de l’appel, la division d’appel juge que le demandeur a soulevé une cause défendable, soit que la division générale ait commis une erreur de droit en accordant une prorogation excédant le délai maximal d’un an prescrit par la loi.

Préjudice à l’autre partie

[31] La représentante du demandeur allègue qu’aucun préjudice ne sera causé à la défenderesse si la prorogation est accordée. Elle a soutenu que tous les renseignements nécessaires pour  [traduction] « déposer et traiter des observations et pour que la défenderesse puisse y répondre étaient contenus dans la demande de permission d’en appeler du ministre. » La division d’appel note que la défenderesse n’a pas déposé d’observations en réponse à la décision de la division d’appel. Elle n’a donc avancé aucun argument sur un préjudice potentiel, ce qui ne signifie pas qu’aucun préjudice ne serait porté si la prorogation de délai était accordée. Cependant, en évaluant le préjudice possible à la défenderesse, soit principalement le retard, la division d’appel est convaincue que tout préjudice possible serait minime. En effet, puisque le demandeur a déjà remédié à son omission, la question d’un préjudice à la défenderesse est maintenant caduque.

Prorogation du délai dans l’intérêt de la justice

[32] La représentante du demandeur a fait valoir qu’il serait dans l’intérêt de la justice d’accorder un délai supplémentaire puisque cela permettrait à la division d’appel d’examiner une demande de permission d’en appeler qui pourrait avoir une incidence sur des appels semblables à l’avenir. La division d’appel souscrit à ce point de vue. La division d’appel est d’avis que la portée juridique de cette demande requiert que le délai supplémentaire soit accordé au demandeur pour déposer la déclaration manquante de façon à ce que le fond de l’appel soit examiné. Par conséquent, et pour tous les motifs susmentionnés, la division d’appel accueille la demande de prorogation de délai du demandeur pour la présentation de sa demande de permission d’en appeler.

Analyse

[33] Passons maintenant à la demande de permission d’en appeler. L’essentiel de l’argument du demandeur se trouve au paragraphe 27, ci-dessous :

[Traduction]

[27] Le délai maximal d’un an prescrit au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS est un délai absolu. En l’espèce, l’appel n’a pas été interjeté dans le délai prescrit de 90 jours. Si un appel est interjeté après l’échéance de ce délai de 90 jours, il est nécessaire d’obtenir une prorogation du délai pour interjeter appel. Si la demande de prorogation de délai n’est pas présentée ou accueillie avant que le délai maximal d’un an prescrit au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS vienne à échéance, la décision ne peut plus être portée en appel.

[34] Le demandeur allègue que puisque le délai maximal d’un an prescrit par la Loi sur le MEDS était venu à échéance le 10 mars 2013 et que la demande de prorogation de délai n’avait ni été présentée par la défenderesse ni été accueillie avant l’expiration du délai maximal prévu d’un an, que le demandeur a décrit comme étant un délai [traduction] « absolu », la division générale ne pouvait pas, par la suite, accorder à la défenderesse un délai supplémentaire pour déposer son avis d’appel. Le demandeur ajoute que jusqu’à ce que la division générale accorde un délai supplémentaire pour le dépôt d’un appel, l’appel ne peut pas être déposé, et la partie n’a pas droit d’interjeter appel. (paragr. 29, AD1-13)

[35] Quand la division générale a analysé la demande de prorogation de délai présentée par la défenderesse pour le dépôt de son appel et décidé de lui accorder un délai supplémentaire pour déposer son avis d’appel, elle a tiré les conclusions suivantes :

  • Il n’existait aucune preuve que la défenderesse avait entrepris des démarches pour interjeter appel avant le dépôt d’un avis d’appel incomplet le 9 mai 2013;
  • La défenderesse n’a pas démontré avoir eu l’intention d’interjeter appel au cours du délai prescrit de 90 jours, et n’a pas poursuivi son appel en faisant preuve d’une diligence raisonnable jusqu’à ce que son appel son complet;
  • La défenderesse a soulevé une cause défendable dans son appel;
  • La défenderesse n’a pas fourni d’explication raisonnable pour son retard;
  • Aucun préjudice ne semble être causé au ministre (le demandeur dans la présente demande) étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis que la décision issue de la révision a été rendue.

[36] Plus important encore, la division générale a conclu plus tôt dans sa décision que le délai maximal d’un an prescrit actuellement au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS ne s’appliquait pas à la défenderesse puisque cette disposition législative ne s’applique pas aux appelants qui n’ont pas été avisés d’une décision de révision avant le 1er avril 2013. Voici, ci-dessous, l’extrait de la division générale à ce sujet :

[Traduction]

[3] Quand l’appelante a été informée de la décision de révision, le paragraphe 82(1) du Régime de pensions du Canada était applicable et prescrivait qu’une décision de révision pouvait être portée en appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle l’appelant a reçu communication de la décision ou dans un plus long délai si le Commissaire des tribunaux de révision l’autorise.[…] Le Tribunal juge que le délai maximal d’un an prescrit au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS ne s’applique pas aux appelants ayant été informés d’une décision de révision avant le 1er avril 2013. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal a tenu compte des règles de l’interprétation d’un texte de loi, plus précisément de la règle voulant qu’une loi ne doit pas être interprétée comme ayant une application rétrospective. Par conséquent, le Tribunal conclut qu’il faut interpréter le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS comme s’appliquant uniquement aux appelants ayant reçu une décision de révision après le 1er avril 2013, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[37] Déterminer si un appelant qui a reçu une décision de révision avant le 1er avril 2013 est lié par le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS est une question plutôt simple; cependant, la réponse à cette question repose sur l’interprétation de la loi, les règles relatives à l’interprétation d’un texte de loi et le sens qu’il convient de donner au paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS.

[38] La représentante du demandeur avance qu’il ne s’agit pas d’un cas où un appelant aurait poursuivi un appel et présenté une demande pour interjeter appel de la décision à temps ou d’un cas où un appelant aurait eu une demande de prorogation de délai en suspens au moment où le processus d’appel a été changé et que son appel avait été rejeté uniquement parce qu’une instruction tardive de l’appel avait enfreint le délai maximal prévu d’un an. Elle fait une distinction entre des situations semblables et le cas de la défenderesse, qui a déposé son appel plus d’un an après avoir reçu sa décision de révision et l’entrée en vigueur de la Loi sur le MEDS.

[39] La division d’appel juge que la représentante du demandeur a soulevé une cause défendable telle que celle-ci a été définie dans Hogervorst. La division d’appel estime qu’il s’agit d’un fondement suffisant permettant d’accorder la permission d’en appeler.

Conclusion

[40] La représentante du demandeur a soutenu que la division générale a erré à maintes occasions, notamment quand elle a commis une erreur de droit en déterminant que le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS ne s’appliquait pas dans les circonstances; excédé sa compétence en décidant de ne pas appliquer que le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS; commis une erreur de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance en accordant à la défenderesse un délai supplémentaire et en ne tenant pas compte de la preuve (d’après les mêmes faits). La représentante du demandeur a également soutenu que la division générale a commis un manquement à la justice naturelle ou a autrement excédé sa compétence en ne donnant pas l’occasion au demandeur de déposer des observations relativement à la demande de prorogation du délai dans cette affaire.

[41] Puisque les moyens d’appels ne sont pas interdépendants, le demandeur a besoin de présenter un seul motif qui confère à son appel une chance raisonnable de succès pour que la permission d’en appeler lui soit accordée. Comme elle a conclu que le demandeur a soulevé une cause défendable voulant qu’il faut déterminer si la division générale a commis une erreur de droit quand elle a décidé que le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS ne s’appliquait pas au cas de la défenderesse, la division d’appel juge qu’il n’est pas nécessaire d’aborder les autres motifs d’appel de la demande.

[42] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[43] Cette décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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