Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) rejette l’appel.

Introduction

[2] La permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 6 août 2015 a été accordée à l’appelant. Dans sa décision, la division générale a déterminé qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC). La division d’appel a accordé la permission d’en appeler au motif que :

  1. la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée voulant que l’appelant était capable de travailler 20 heures par semaine durant toute l’année;
  2. la division générale pourrait ne pas avoir analysé d’autres facteurs énoncés dans la décision de la cour pour déterminer que l’appelant était capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Question en litige

[3] La division d’appel doit statuer sur les questions suivantes:

  1. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance quand elle a conclu que l’appelant n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit quand elle a déterminé que l’appelant n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice?

Faits

[4] Les faits de l’affaire ont été présentés succinctement pas les deux parties au moyen de leurs observations. En bref, l’appelant a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. L’intimé a refusé sa demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision de révision devant la division générale, laquelle a rejeté son appel. Dans sa décision rejetant l’appel, la division générale a eu recours au calcul relatif à une « occupation véritablement rémunératrice » énoncé dans la modification apportée le 29 mai 2014 au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, DORS/2013-60 (Règlement). En utilisant ce calcul comme point de référence, la division générale a conclu que l’appelant était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et, plus précisément, qu’il pouvait travailler au moins 20 heures par semaine. (paragraphe 43 de la décision)

[5] En définitive, la division générale a déterminé que l’appelant ne satisfaisait pas au critère permettant de conclure qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée.

Droit applicable

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les trois moyens d’appel. Voici le libellé de cette disposition législative :

58. Moyens d’appel – Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

La division générale n’a pas tenu compte d’autres facteurs

[7] Le représentant de l’appelant a soutenu que si la division générale peut recourir à des outils utiles pour déterminer ce qui constitue une occupation véritablement rémunératrice, notamment le calcul figurant dans le Règlement, cette disposition n’était pas disponible à la division générale lorsqu’elle a rendu sa décision. La division générale a donc commis une erreur de droit en se fondant sur la rémunération importante de l’appelant et en ne tenant pas compte d’autres facteurs.

[8] Le représentant de l’intimé réplique que la division générale n’a pas strictement fondé sa décision sur un calcul mathématique. Il cite l’arrêt Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, et allègue que la division générale a respecté son mandat, qui est d’évaluer si l’incapacité de travail de l’appelant était régulière ou non. Le représentant de l’intimé a soutenu que la division générale a analysé d’autres facteurs comme le prescrit la jurisprudence, soit la preuve médicale et celle relative au travail, ainsi que les activités quotidiennes de l’appelant.

[9] Le représentant de l’appelant a soutenu que la division générale aurait dû tenir compte, dans sa décision, de l’anxiété et des traits de personnalité schizoïdes de l’appelant, puisque ces facteurs sont en contradiction avec le fait que l’appelant puisse détenir toute occupation véritablement rémunératrice. Ces mêmes arguments ont été présentés à la division générale et soulevés dans la demande de permission d’en appeler. La division d’appel a refusé la demande de permission d’en appeler sur ce motif en particulier pour limiter la portée de l’appel à déterminer si la division générale avait effectivement analysé ou non ces facteurs.

[10] La division d’appel réitère cependant que la division générale a procédé, aux paragraphes 43 à 53 de sa décision, à une analyse poussée de la situation personnelle de l’appelant, notamment en ce qui a trait à son anxiété et ses troubles et traits de personnalité. Aux paragraphes 43 à 45, la division générale a précisément indiqué que son évaluation de la capacité de travail de l’appelant ne se limite pas au calcul mathématique. J’ai noté qu’il est indiqué au paragraphe 44 de la décision qu’il [traduction] « serait utile d’analyser d’autres facteurs entourant le potentiel de l’appelant à travailler et sa rémunération potentielle ». La division générale a ensuite tenu compte du témoignage de l’appelant concernant son emploi et sa capacité de gérer son stress dans le cadre de son travail au paragraphe 45. Elle a indiqué ce qui suit :

[Traduction]

[45] L’appelant soutient qu’il travaille présentement au maximum de ses capacités fonctionnelles et qu’il ne pourrait pas travailler plus d’heures qu’il ne le fait actuellement. Cependant, l’appelant a également indiqué que le service de repas dans le cadre de son travail lui cause plus de stress parce qu’il doit interagir directement avec un grand nombre de gens dans un très court laps de temps et d’une manière rapide.

[11] Au paragraphe 46 de sa décision, la division générale a noté que l’appelant n’avait pas essayé de trouver un emploi qui n’exigerait pas qu’il soit en contact direct avec le public ou qu’il se recycle. La division générale a ensuite examiné la preuve médicale disponible aux paragraphes 47 et 48 de sa décision. La division d’appel estime que cette analyse supplémentaire correspondait à un examen des autres facteurs.

[12] Dans son examen de la preuve médicale, la division générale a accordé peu de poids à la plupart des éléments et a exposé son raisonnement au paragraphe 47 de sa décision. Aux paragraphes 48 et 49, la division générale a parlé davantage de son évaluation de la preuve médicale par rapport au traitement que l’appelant reçoit ou auquel il participe. La division générale a discuté la formation scolaire de l’appelant dans le contexte de sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice au paragraphe 50 de sa décision.

[13] Par conséquent, la division d’appel juge, comme l’exige la jurisprudence, que la division générale a tenu compte de ces facteurs lorsqu’elle a évalué si l’appelant satisfaisait au critère relatif à une invalidité grave énoncé à l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada. La division d’appel estime qu’une erreur de droit n’a pas été commise. Par conséquent, l’appel n’est pas accueilli sur cet aspect.

La division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée

[14] La division générale a conclu que l’appelant était capable de travailler 20 heures par semaine durant toute l’année. Le représentant de l’appelant a soutenu que cette conclusion de la division générale était abusive parce qu’elle allait à l’encontre du témoignage de l’appelant dans lequel il avait indiqué que moins de travail était offert durant les mois de l’été, et qu’il ne faisait pas d’heures supplémentaires puisqu’il n’était pas capable de travailler pendant plus de cinq heures à la fois.

[15] Le représentant de l’intimé s’est inspiré d’une ancienne décision de la division d’appel, D.R. c. Canada (Ministre de l’Emploi et du Développement social), concernant ce qui est considéré comme une décision abusive ou arbitraire. Le représentant de l’intimé a soutenu que, pour qu’une décision soit considérée comme abusive ou arbitraire, il devait ne pas y avoir suffisamment d’éléments de preuve à l’appui des conclusions. Dans Gravel c. Telus Communications Inc., 2011 CAF 14, la Cour d’appel fédérale a défini comme suit « abusive » et « arbitraire » :

[4] L’exercice d’un pouvoir discrétionnaire est illégal, arbitraire ou abusif lorsqu’il est contraire aux prescriptions de la loi, prend en compte des considérations qui ne sont pas pertinentes ou omet de le faire à l’égard de considérations qui le sont, ou ne leur accorde pas suffisamment d’importance ou de poids. Il va sans dire qu’il doit s’agir de considérations qui auraient ou qui ont influencé la décision si, selon le cas, elles avaient ou n’avaient pas été prises en considération.

[16] Dans l’affaire Gravel, la Cour d’appel fédérale a discuté l’exercice de décisions discrétionnaires; la division d’appel juge cependant que la définition est pertinente puisqu’elle est conforme à la décision rendue par la division d’appel dans D.R. c. Canada (Ministre de l’Emploi et du Développement social), sur laquelle se fonde l’intimé. La division d’appel doit donc déterminer si la division générale a fondé ses conclusions sur des facteurs non pertinents.

[17] En examinant la décision, la division d’appel estime que la division générale a, aux paragraphes 38 à 44 de sa décision, tenu compte du fait que les heures de travail de l’appelant étaient réduites durant les mois de l’été ainsi que de son témoignage oral voulant qu’il ne pouvait pas travailler plus de cinq heures à la fois (paragraphes 39 et 45). De plus, l’appelant a affirmé dans son témoignage qu’il faisait des heures supplémentaires à l’occasion, et qu’il travaillait des quarts de huit heures, deux à trois fois par mois (audience de la division générale de 2 minutes 15 secondes à 2 minutes 45 secondes). Lorsqu’on lui a posé la question, l’appelant a expliqué que cela dépendait de la façon dont il se sentait ce jour-là en particulier (audience de la division générale de 3 minutes 23 secondes à 3 minutes 26 secondes). Il a déclaré qu’il n’accepte pas toujours de travailler des heures supplémentaires puisqu’il se fatigue facilement. D’un point de vue qualitatif, tout cela est différent de dire qu’il ne travaille jamais d’heures supplémentaires.

[18] L’appelant a aussi soutenu, dans son témoignage, qu’il travaillait environ 18 à 20 heures par semaine durant l’année scolaire, de septembre à avril (audience de la division générale à 3 minutes 40 secondes). Ses quarts de travail diminuaient drastiquement durant l’été. Cependant, la division générale a tenu compte de cette variation quand elle a conclu, au paragraphe 52 de sa décision, que l’emploi occupé par l’appelant depuis septembre 2014 a permis d’établir qu’il était « régulièrement capable de détenir une occupation ». De plus, la division d’appel est d’avis que le ralentissement durant les mois de l’été est un facteur socioéconomique qui, d’après Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Rice, 2002 CAF 47, n’est pas une considération pertinente pour déterminer si un appel est invalide.

[19] La division d’appel estime qu’il existait un certain fondement à la conclusion de la division générale selon laquelle l’appelant n’était pas régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ainsi, la décision ne répond pas au critère énoncé dans Gravel ou D.R. c. Canada (Ministre de l’Emploi et du Développement social) et n’est pas non plus abusive ou arbitraire ou tirée par la division générale sans qu’elle ait tenu compte des éléments portés à sa connaissance.

[20] La division d’appel est d’avis que le représentant de l’intimé plaide véritablement que la division générale n’a pas accordé suffisamment de poids au fait que l’horaire de travail de l’appelant était réduit en été et à son témoignage concernant ses troubles de santé mentale, et  qu’il demande essentiellement à la division générale de soupeser la preuve de nouveau. D’après Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, cela ne relève pas du rôle de la division d’appel. La division d’appel conclut que la division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[21] Compte tenu de ce qui précède, la division d’appel rejette l’appel.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.