Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision et motifs

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accorde la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] Le demandeur interjette appel de la décision de la division générale rendue le 15 novembre 2015 selon laquelle le défendeur n’est pas admissible aux prestations d’invalidité aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada (RPC), (la demande).

Motifs de la demande

[3] Le demandeur a soutenu que la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[4] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Dispositions législatives applicables

[5] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régissent l’obtention de la demande de permission d’appeler. Aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, la permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel. Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel doit accorder ou refuser cette permission.

[6] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS énonce les trois seuls moyens d’appel sur lesquels peut se fonder un appel :

  1. la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[7] Pour obtenir la permission d’en appeler, le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS exige d’un demandeur qu’il convainque la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit refuser la demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[8] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appelerFootnote 1. Dans les arrêts Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, il a été établi qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable.

[9] Dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le membre a conclu que lors de l’évaluation d’une demande de permission d’en appeler, la division d’appel doit d’abord déterminer si les moyens d’appel du demandeur correspondent à l’un des moyens d’appel énoncés.

La division générale a commis une erreur de droit.

[10] Le représentant du demandeur a énoncé quatre manières dont la division générale a commis une erreur de droit, à savoir :

  1. Elle a omis d’appliquer les principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117, en n’évaluant pas la question de savoir si le défendeur avait été incapable d’obtenir et de conserver un emploi en raison de son problème de santé.
  2. Elle a omis d’appliquer l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, dans sa décision et elle n’a pas eu particulièrement à l’esprit la question de savoir si le prestataire, dans les circonstances et en raison de ses problèmes de santé, était incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.
  3. Elle s’est fondée sur les rapports médicaux du Dr Peacock sans préciser la raison pour laquelle elle préférait sa preuve aux évaluations médicales objectives de spécialistes et d’autres praticiens. Le demandeur a soutenu que le rapport du Dr Peacock répétait simplement les plaintes subjectives du défendeur.
  4. Elle s’est fondée sur l’arrêt A.K. c. MRHDS, (2 septembre 2009), CR 25905 (CAP), et elle a seulement tenu compte des heures de travail pour lesquels le demandeur pourrait être disponible pour travailler sans prendre en considération le nombre d’heures que le défendeur avait pour étudier et se préparer pour ses cours.

La division générale a-t-elle commis une erreur dans son application des principes prévus dans l’arrêt Inclima?

[11] L’arrêt Inclima prévoit que, lorsqu’il est démontré qu’un demandeur de prestations d’invalidité conserve la capacité de travailler, il faut également démontrer que les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé.

[12] Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale a commis une erreur à deux égards en ce qui concerne l’application de l’arrêt Inclima. Le représentant du demandeur a déclaré que, bien que la division générale ait accepté à la lecture du dossier que le défendeur avait la capacité de travailler, elle n’a pas a) énoncé la loi ou b) appliquer celle-ci.

[13] Après examen de la décision, la division d’appel estime que la décision de la division générale est contradictoire à certains égards. D’un côté, elle a conclu que le défendeur est capable de travailler 10 heures par semaines, mais cela ne représente pas la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. De l’autre côté, la division générale a accepté que, à la lecture du dossier, le défendeur avait bel et bien la capacité de travailler.

[14] La division générale n’a pas expliqué la façon dont elle a rendu ce dernier avis ni la façon dont elle est venue à la conclusion selon laquelle le demandeur travaillait à sa capacité maximale en septembre 2012 et selon laquelle, par conséquent, il n’avait pas présenté une preuve de capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La division d’appel estime que l’ambigüité démontre la possibilité que la division générale ait commis une erreur de droit dans son analyse de la capacité de l’intimé à détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il s’agit donc d’un moyen d’appel qui pourrait avoir une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’arrêt Villani?

[15] Le représentant du demandeur a déclaré que la division générale a commis une erreur en omettant de désigner la disposition législative dans l’arrêt Villani et d’appliquer celle-ci comme il est statué par la Cour d’appel fédérale en l’espèce. Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a établi certains principes qui ont été appelés l’approche « réaliste », qui exige la prise en considération des circonstances personnelles d’un appelant afin d’établir la signification du libellé de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada.

[16] La division générale a non seulement omis de désigner la disposition législative énoncée dans l’arrêt Villani, mais elle a également omis d’appliquer cette approche ou la façon dont elle l’a fait n’est pas claire aux yeux de la division d’appel, car la décision ne mentionne pas le fondement de l’analyse de la division générale. Par conséquent, la division d’appel estime que le demandeur a présenté des moyens d’appel qui ont une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle omis de mentionner la raison pour laquelle elle a préféré les rapports du Dr Peacock?

[17] Le représentant du demandeur a déclaré que la division générale s’est fondée sur le rapport médical du Dr Peacock sans justifier la raison pour laquelle elle a préféré ses rapports. Le représentant a affirmé qu’il s’agissait d’une erreur de droit.

[18] Le Dr Peacock est le médecin de famille de l’intimé. Le représentant du demandeur a soutenu que les seuls rapports médicaux du Dr Peacock versés en preuve semblaient avoir été sollicités par l’intimé et que la division générale n’avait aucune autre preuve des consultations de l’intimé avec le Dr Peacock.

[19] La division générale est habilitée a le droit de préférer une preuve. Cependant, il est généralement accepté qu’elle le justifiera si elle le fait. En l’espèce, la division générale n’a pas analysé la preuve du Dr Peacock avant d’établir sa préférence à son égard. Cela constitue une erreur de droit. Canada (Procureur général) c. Fink, 2006 CAF 354, au paragraphe 6. La permission d’en appeler a également été accordée pour ce motif.

[20] La dernière erreur de droit que la division générale aurait commise est de s’être fondée sur la décision A.K. c. MRHDS dans laquelle l’intimé n’avait pas déployé d’efforts pour trouver un autre emploi. Dans la décision A.K. c. MRHDS, l’appelante a été capable de travailler seulement 12 heures par semaine à un salaire de 20,83 $ l’heure. L’intimé n’a pas essayé de trouver un autre emploi après l’accident du 20 mai 2010. Il est retourné à l’école à temps plein en septembre 2012.

[21] Dans la décision A.K. c. MRHDS, la Commission d’appel des pensions a conclu que l’appelante répondait à la définition d’une invalidité grave, mais pas avant d’avoir examiné son témoignage, évalué sa crédibilité et rendu une décision selon laquelle la preuve médicale était cohérente et faisait état que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave. A.K. c. MRHDS, précité au paragraphe 21. De plus, pour en venir à sa conclusion, la Commission d’appel des pensions a examiné un certain nombre de cas concernant des personnes qui avaient été employées à temps partiel. Cependant, la division générale n’a pas effectué cette analyse et elle semble avoir simplement fait état de ses conclusions. Pour ces motifs, la division d’appel estime que les observations du demandeur à cet égard constituent un moyen d’appel qui a une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[22] Le représentant du demandeur a également soutenu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Le représentant a déclaré que la division générale n’a pas tenu compte du temps que l’intimé aurait nécessairement passé à l’extérieur de ses cours pour poursuivre ses études et le temps dont il aurait fallu tenir compte dans le calcul de la division générale pour la capacité de l’intimé à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. La division d’appel estime qu’une cause défendable a été soulevée à cet égard.

[23] De plus, la division générale a conclu que l’intimé souffrait d’un problème de santé grave en septembre 2012. La justification de cette conclusion était que ce n’était qu’au moment où l’intimé est retourné à l’école qu’il a été capable de fournir une preuve concernant sa capacité à travailler. Étant donné que l’accident de véhicule automobile de l’intimé s’est produit en mai 2010 et qu’il a fait de la physiothérapie pendant une certaine période afin d’atténuer les effets consécutifs de l’accident, cela laisse un écart de plus de deux ans qui n’a pas été pris en considération. Par conséquent, la division d’appel n’est pas d’accord avec la conclusion de la division générale selon laquelle l’intimé n’était pas capable de fournir une preuve de son incapacité avant septembre 2012.

[24] La division d’appel estime que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Conclusion

[25] Compte tenu de tous les motifs susmentionnés, la demande est accordée.

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