Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • R. M. : appelante
  • Terry Copes : représentant de l'appelante

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) présentée par l’appelante a été estampillée par l’intimé le 6 janvier 2014. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 14 novembre 2014.

[2] L’audience relative à l'appel a été tenue par vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelante sera la seule partie qui participe à l’audience;
  2. un service de vidéoconférence est situé à une distance raisonnable de la résidence de l’appelante;
  3. il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  4. ce mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n'a pas atteint l'âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] Le Tribunal conclut que la date à laquelle a pris fin la PMA est le 31 décembre 2017.

[7] Puisque cette date se situe dans l’avenir, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelante ait été atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l'audience, ou avant cette date.

Contexte

[8] L’appelante a 45 ans. Elle a reçu un diagnostic de cancer du sein en juin 2013 et elle a subi des séances de radiothérapie et de chimiothérapie en janvier 2014. Ses antécédents professionnels comprennent des emplois dans des restaurants-minute, comme Tim Hortons et Burger King, et un emploi de boulangère-pâtissière chez Superstore pendant les huit dernières années. Elle travaille à temps partiel (environ 12 heures par semaine maintenant) depuis février 2014 et elle reçoit également des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées.

Documents relatifs à la demande

[9] Dans son questionnaire relatif aux prestations d'invalidité du RPC, signé le 4 décembre 2013, l'appelante a déclaré posséder une dixième année ainsi qu'une mise à niveau au collégial. Elle a déclaré que son dernier emploi était à titre de boulangère-pâtissière du 14 juillet 2008 au 8 juin 2013. Elle a déclaré avoir cessé de travailler parce qu'elle a reçu un diagnostic de cancer du sein. L'appelante a déclaré être invalide depuis le 8 juin 2013 en raison d'un cancer du sein. Elle a souligné qu'elle a reçu un traitement actif et que les effets secondaires comprennent la fatigue et des douleurs.

[10] La demande prestations du RPC est accompagnée d’un rapport daté du 13 décembre 2013 et produit par la Dre Bowen, oncologue. Le diagnostic du rapport était un cancer du sein, et ce rapport souligne que l'appelante a constaté une bosse en mai 2013, qu'elle a subi une lumpectomie et une biopsie du ganglion sentinelle le 10 juin 2013 et qu'elle a subi des séances de chimiothérapies du 18 juillet au 30 octobre 2013 ainsi que des séances de radiothérapie du 25 octobre 2013 au 8 janvier 2014. Selon le rapport, il existe un risque important de rechute, mais l'appelante se portera bien avec un peu de chance.

Témoignage de vive voix

[11] L'appelante a passé en revue ses problèmes médicaux permanents, ce qui comprend la douleur chronique, les maux de tête et la fatigue. Ses douleurs dorsales ont commencé en avril 2014, à savoir six mois après avoir terminé la chimiothérapie. La douleur s'est maintenant répandue aux hanches et aux jambes. Elle a donné une note de huit à sa douleur et elle a déclaré qu'elle ressent toujours de la douleur. Elle a affirmé souffrir de maux de tête chaque jour et que ceux-ci durent toute la journée. Elle souffre encore d'effets consécutifs à la chimiothérapie et elle est souvent très fatiguée... Elle peut seulement faire des choses pendant une heure et elle doit ensuite se reposer. Elle croit que son état s'est [traduction] « un peu détérioré » au cours des dernières années.

[12] L'appelante est retournée travailler en février 2014 et elle a d'abord essayé de travailler pendant un nombre supplémentaire d'heures. Avant de recevoir son diagnostic de cancer, elle travaillait 40 heures par semaine, et le même nombre d'heures lui est offert, mais elle ne peut faire plus de 12 heures par semaine. Lorsqu'elle a essayé de travailler davantage, elle a commencé à avoir des nausées et à être fatiguée. Cela a été aggravé par la douleur. Elle effectue trois quarts de travail par semaine d'une durée de quatre heures par quart. De plus, ses tâches de travail ont été modifiées afin qu'elle n'ait pas à cuisiner ou à soulever des objets lourds. Elle n'est pas aussi productive qu'auparavant et elle appelle souvent pour demander un congé de maladie parce qu'elle souffre de fatigue et de douleurs. Elle a une pause toutes les deux heures, mais elle prend souvent des pauses pour aller à la toilette parce qu'elle doit prendre une pause du travail.

[13] Lorsqu'elle a décrit ses limitations, elle a déclaré qu'elle travaillait deux heures de suite, qu'elle peut seulement marcher un pâté de maisons et demi, que ses jambes ressemblent à du mastic à la fin de la journée, qu'elle a de la difficulté à soulever le bras droit au-dessus de la tête, que la flexion et le soulèvement d'objets sont limités, et que sa mémoire et sa concentration ne sont pas très bonnes et qu'elle se réveille chaque heure lorsqu'elle dort.

[14] L'appelante n'avait pas de médecin de famille lorsqu'elle a terminé le traitement de chimiothérapie. Elle a maintenant un médecin de famille, le Dr Sullivan, qu'elle a consulté pour la première il y a deux semaines. Elle lui a dit souffrir de douleur et de maux de tête, et il a prescrit du Naproxen. Elle a un rendez-vous afin de le consulter de nouveau. Elle n'est pas certaine des examens qu'il effectuera ou s'il la dirigera vers des spécialistes. La Dre Pitre a effectué des scintigrammes de son dos, puis elle l'a dirigée vers le Dr Sullivan. Elle prend également du Tylenol et de l’ibuprofène en vente libre, mais cela ne fait que soulager un peu la douleur. Elle allait à des cliniques sans rendez-vous tous les deux mois pour obtenir des prescriptions de Tylenol no 3. Elle y est seulement allée pour obtenir un renouvellement de ses prescriptions; il n'y a eu aucune discussion au sujet de diriger l'appelante vers un spécialiste pour ses douleurs et ses maux de tête.

[15] L'appelante a ni cherché un autre emploi moins exigeant sur le plan physique ni déployé des efforts pour mettre ses compétences professionnelles à niveau. Lorsqu'il lui a été demandé de fournir une explication à ce sujet, elle a déclaré qu'elle ne peut pas faire une mise à niveau étant donné qu'elle devrait demeure en position assise et qu'elle est seulement bonne à pratiquer la boulangerie et la pâtisserie. Elle ne possède pas de permis de conduire et elle a des compétences limitées en informatique. Elle peut seulement demeurer assise à un ordinateur pendant 20 minutes. Elle a déclaré qu'elle pourrait être capable de faire des études supplémentaires si elle était autorisée à se lever et à s'asseoir, mais elle ne sait pas si elle pourrait le tolérer pendant une journée entière parce qu'elle ne l'a pas essayé.

Preuve médicale

[16] Le Tribunal a examiné attentivement la preuve médicale contenue dans le dossier d’audience. Voici des extraits que le Tribunal trouve les plus pertinents.

[17] Le 25 juin 2013, la Dre Bowen a souligné que l'appelante avait subi une lumpectomie et une biopsie du ganglion sentinelle le 10 juin. La Dre Bowen a déclaré que l'appelante souffre d'un cancer canalaire invasif de grade 3, de stade T2 et N0, ce qui constitue un cancer triple négatif. Il a suggéré la radiothérapie et il a informé l'appelante que le Dr Noble recommanderait la chimiothérapie.

[18] Le 11 juillet 2013, le Dr Noble, oncologue, a recommandé la chimiothérapie adjuvante, régime de troisième génération qui réduirait le risque de rechute de moitié. Il a souligné que, sans une intervention, le risque de rechute dans les dix prochaines années est de l'ordre de 43 %.

[19] Le 6 août 2016, la Dre Pitre, oncologue, a signalé qu'elle ne croyait pas que le cancer du sein pour lequel l'appelant a reçu un traitement il y a trois ans devrait avoir une grande influence sur sa capacité à conserver un emploi.

Observations

[20] Monsieur Copes a soutenu que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. elle a cessé de travailler en juin 2013 lorsqu'elle a reçu un diagnostic de cancer du cerveau et elle n'a pas retrouvé la capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice;
  2. lorsqu'elle est initialement retournée travailler, ses principaux problèmes étaient les effets consécutifs de la chimiothérapie, ce qui comprend la fatigue, la nausée et les maux de tête, et ces problèmes sont maintenant aggravés par ses douleurs au dos, à la hanche et à la jambe;
  3. il a renvoyé au rapport de la Dre Pitre daté du 6 août 2016 et il s'est fondé sur ce document pour étayer le fait que sa douleur pourrait être causée par une neuropathie périphérique;
  4. les rapports médicaux sont sporadiques parce qu'elle a seulement eu un médecin de famille il y a deux semaines;
  5. les effets consécutifs de sa chimiothérapie (fatigue, nausée et maux de tête) sont à vie et elle commence à peine à subir un traitement contre la douleur, ce qui fait en sorte que la durée de son problème de douleurs est non définie étant donné qu'elle ne peut pas être déterminée;
  6. le Tribunal doit tenir compte de l'instruction limitée de l'appelante, de l'absence de compétences transférables, et de ses problèmes de mémoire et de concentration qui compliquent la mise à niveau;
  7. ses gains d'environ 9 500 $ par année sont inférieurs au montant prévu relativement à l'occupation véritablement rémunératrice à l'article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC).

[21] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Même si l'appelante peut connaître certaines limitations, la preuve ne démontre pas l'existence d'une pathologie ou d'une déficience grave qui l'empêcherait d'occuper un autre emploi.
  2. Le 6 avril 2016, la Dre Pitre était d'avis que le cancer du sein de l'appelante ne devrait pas avoir une grande influence sur sa capacité de conserver un emploi.
  3. L'appelante continue de détenir une occupation véritablement rémunératrice et elle a touché des revenus d'emploi de 9 341 $ en 2014 et de 9 749 $ en 2015.
  4. À la date de la demande auprès du RPC, l'appelante avait terminé le traitement, et il n'y avait aucun signe d'effets secondaires ou persistants de la chimiothérapie ou du traitement. Elle ne prenait pas de médicaments, elle ne prenait part à aucun autre traitement, et ses traitements à venir consistaient en un suivi régulier en cas de récidive de la maladie.

Analyse

[22] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de l'audience ou avant cette date.

Caractère grave

[23] Les exigences légales auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent au paragraphe 42(2) du RPC, où il est mentionné qu’une invalidité doit être à la fois « grave et prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse faire. Une invalidité n’est « prolongée » que si on considère qu’elle va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[24] Il incombe à l’appelante d’établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’avant ou à la date de l’audience, elle était invalide au sens de la définition. Le critère de gravité doit être analysé selon une approche réaliste (Villani, 2001 CAF 248). Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie, au moment de déterminer l’« employabilité » d’une personne à l’égard de son invalidité.

[25] Non seulement il doit y avoir une preuve médicale attestant l'allégation selon laquelle l'invalidité est « grave » et « prolongée », mais également une preuve d'efforts déployés afin d'obtenir un emploi et d'améliorer son état de santé (Klabouch, 2008 CAF 33; Angheloni, 2003 CAF 140).

[26] L’extrait ci-dessous de la cause Warren c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 377, confirme au Tribunal la nécessité d’une preuve médicale :

En l’espèce, la Commission n’a commis aucune erreur de droit en exigeant une preuve médicale objective à l’égard de l’invalidité du demandeur. Il est bien établi qu’un demandeur doit fournir quelques éléments de preuve objectifs de nature médicale (voir l’article 68 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, C.R.C., ch. 385, et les décisions suivantes : Inclima c. Canada (Procureur Général), 2003 CAF 117; Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Angheloni, [2003] A.C.F. no 473 (QL)).

[27] Le Tribunal a attentivement examiné le témoignage de vive voix de l'appelant et il reconnaît qu'elle souffre. Toutefois, la preuve médicale n'appuie pas l'existence d'une invalidité grave. Le Tribunal a pour devoir et responsabilité de s’appuyer sur des éléments de preuve crédibles et probants et non sur des spéculations : MRHD c. S.S. (3 décembre 2007) CP 25013 (CAP).

[28] Le seul rapport médical après la fin du traitement de l'appelante est le rapport de la Dre Pitre daté d'août 2016 dans lequel elle est d'avis que le cancer du sein pour lequel l'appelante a été traitée il y a trois ans ne devrait pas avoir une grande incidence sur la capacité de l'appelante à conserver un emploi. Même si la Dre Pitre a déclaré qu'une chimiothérapie intensive peut mener à des problèmes permanents de neuropathie périphérique, de fatigue, et de changements relatifs à la mémoire et elle n'était pas d'avis que c'était le cas pour l'appelante.

[29] La Dre Pitre a également examiné les radiographies de la colonne lombaire de l'appelante et a déclaré que ces changements liés à l'arthrite qui pourraient être la cause de ses douleurs lombaires. Elle ne formule aucun commentaire quant à la gravité de la douleur au dos de l'appelante, et on ne mentionne aucun traitement ou spécialiste où diriger l'appelante pour ses douleurs au dos. Elle ne mentionne pas les maux de tête de l'appelante.

[30] Le Tribunal a souligné que la Dre Pitre a formulé des commentaires sur le fait que l'appelante a été dirigée vers le Dr Boudreau aux fins d'examen et de traitement concernant une gastrite active chronique. Monsieur Copes a soutenu que l'appelante n'a pas encore été dirigée vers un spécialiste pour ses douleurs et ses maux de tête parce qu'elle n'avait pas un médecin de famille. Cependant, il semblait que l'absence de médecin de famille n'empêchait pas d'être dirigé vers un spécialiste et de subir un traitement. Le fait qu'il n'existe aucune preuve médicale de traitement pour les douleurs et les maux de tête de l'appelante est important. Comme dans l'affaire Warren, précitée, l'absence de preuve médicale appuie l'idée selon laquelle ces problèmes de santé ne devraient pas être considérés comme des troubles gravement incapacitants.

[31] Bien que l'appelante puisse souffrir de limitations et de difficultés quant à son emploi à titre de boulangère-pâtissière (qui exige qu'elle demeure en position debout pendant des périodes prolongées), elle n'a déployé aucun effort pour mettre ses compétences professionnelles à niveau ou chercher un autre emploi moins exigeant sur le plan physique. Même si le montant total de ses gains est inférieur au montant prévu relativement à l'occupation véritablement rémunératrice au titre de l'article 68.1 du Règlement sur le RPC, cela ne constitue pas en soi une preuve d'incapacité à détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Cette décision doit être prise en tenant compte de l'ensemble de la preuve, ce qui comprend la preuve médicale.

[32] Le fardeau de la preuve incombe à l'appelante, et elle n'a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, l'existence d'une invalidité grave conformément à l'exigence prévue dans le RPC.

Caractère prolongé

[33] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

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