Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

  • Appelant : J. L
  • Représentantes de l’appelant : Grace Jackson; Ashley Smith (stagiaire en droit – à titre d’observatrice uniquement)
  • Représentantes de l’intimé : Christine Singh; Sarah Newman (stagiaire en droit – à titre d’observatrice uniquement); Anne Lacavalier (stagiaire en droit – à titre d’observatrice uniquement)

Introduction

[1] Il s’agit d’un appel d’une décision de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) rendue le 2 juin 2015 et qui a rejeté la demande de pension d’invalidité de l’appelant au motif que ce dernier n’avait pas prouvé que son invalidité était grave au sens du Régime de pensions du Canada (RPC), au moment où sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin, c’est-à-dire, au 31 décembre 2010. La permission d’en appeler a été accordée le 29 septembre 2015 au motif que la DG pourrait avoir commis une erreur en rendant sa décision.

Aperçu

[2] L’appelant a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en août 2011. L’appelante avait 37 ans à l’époque et avait complété une douzième année. Il a travaillé en tant qu’encadreur en construction d’immeubles commerciaux jusqu’à ce qu’il subisse une blessure au travail en octobre 2008, et il n’a pas travaillé depuis.

[3] Dans son questionnaire du RPC, l’appelant a indiqué qu’il souffrait de douleurs graves et débilitantes à la cheville droite et au poignet gauche, ce qui l’empêchait de marcher sans sa canne et d’effectuer plusieurs tâches quotidiennes. Il s’est également plaint d’insomnie, de fatigue et d’une incapacité à se concentrer.

[4] Lors qu’une audience en personne tenue le 29 mai 2015, l’appelant a témoigné que sa femme effectuait toutes les tâches ménagères, bien qu’il a reconnu qu’il s’occupait de leurs trois enfants lorsqu’elle était au travail. Il a participé à un programme de réadaptation professionnelle et a complété une formation de recyclage de huit semaines sur les principes fondamentaux de marketing et ventes. Il a témoigné qu’il a postulé pour un emploi de télévendeur, mais qu’il a été incapable de se trouver un emploi.

[5] Dans sa décision datée du 2 juin 2015, la DG a conclu que l’appelant était capable de travailler dans les limites de ses restrictions. Après avoir examiné la preuve médicale, elle a conclu qu’il n’existait que peu de preuves objectives démontrant l’existence d’une pathologie grave qui expliquerait les douleurs extrêmes et la perte de capacités fonctionnelles. Elle a également conclu qu’il a la capacité de se recycler, mais qu’il n’a pas déployé suffisamment d’efforts pour trouver d’autres professions convenables en raison de ses limitations et qu’il n’a pas suivi toutes les options de traitement disponibles.

[6] Le 20 août 2015 ou vers cette date, l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA du Tribunal de la sécurité sociale en prétendant que de nombreuses erreurs avaient été commises par la DG. Le 29 septembre 2015, la DA a accordé la permission d’en appeler sur le fondement unique que la DG s’est peut-être fondé sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle n’a pas tenu compte du rapport médical rédigé le 24 janvier 2014 par le Dr Fadi Tarazi.

[7] Le 12 avril 2016, la DA a procédé à l’audience de l’appel par téléconférence, pour les raisons suivantes :

  1. le besoin de renseignements supplémentaires ;
  2. le fait que l’appelant ou les autres parties soient représentés ;
  3. La préférence de l’appelant pour une audience de vive voix ;
  4. le besoin, en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[8] Les observations de l’appelant étaient énoncées dans sa demande de permission d’en appeler et dans l’avis d’appel du 20 août 2015. L’appelant a présenté des observations supplémentaires le 13 novembre 2015. L’intimé a également déposé des observations écrites le 13 novembre 2015.

Droit applicable

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Norme de contrôle

[10] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels devant la DA étaient régis par les normes de preuve énoncées dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 1 par la Cour suprême du Canada.Dans les affaires traitant d’erreurs présumées de droit ou de manquements à un principe de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, faisant état d’un seuil inférieur de déférence devant être montré envers un tribunal administratif qui est souvent comparé à une cour de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable est celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consiste à évaluer la preuve des faits.

[11] Dans l’affaire Canada (MCI) c. HuruglicaNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle ayant été conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se fier en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle.

Questions en litige

[12] Les questions dont je suis saisie sont les suivantes :

  1. Quelle norme de contrôle doit être appliquée, si celles-ci peuvent bel et bien être appliquées, lors de la révision des décisions de la DG ?
  2. Est-ce que la DG a tiré une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu que le rapport du Dr Tarazi n’était pas fiable ?

Observations

(a) Quelle est la norme de contrôle applicable ?

[13] L’appelant n’a présenté aucune observation écrite sur la norme de contrôle appropriée ou sur le niveau de déférence que la DA est tenue d’appliquer à l’égard des décisions rendues par la DG. Lors de sa plaidoirie, la représentante a prétendu que le niveau de déférence que la DA est tenue d’appliquer à l’égard de la DG est peu élevé pour ce qui a trait aux conclusions de fait.

[14] Les observations de l’intimé sur cette question ont été présentées avant que l’affaire Huruglica soit diffusée le 29 mars 2016. Les observations traitent en détail de la norme de contrôle et de son applicabilité en l’espèce, concluant que la norme de la décision correcte devait s’appliquer aux erreurs de droit, et que celle de la décision raisonnable devait s’appliquer aux erreurs de fait et aux erreurs mixtes de fait et de droit. Dans sa plaidoirie, la représentante a soutenu que l’affaire Huruglica n’a pas modifié de façon appréciable la norme qui s’applique aux prétendues erreurs factuelles ; le libellé de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS continue de permettre un large éventail d’issues possibles acceptables.

(b) Est-ce que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que le rapport du Dr Tarazi n’était pas fiable ?

[15] Dans des observations datées du 13 novembre 2015, la représentante de l’appelant a reconnu que le seul moyen d’appel pour la permission d’en appeler était le poids que la DG a accordé aux avis médicaux des Drs Thinda et Tarazi, un psychologue et un spécialiste en orthopédie. La représentante de l’appelant était d’accord avec la conclusion de la DA lors de la demande de permission d’en appeler selon laquelle cela aurait été une erreur de droit si la DG avait conclu que les deux médecins défendaient les intérêts de l’appelant simplement parce que la représentante leur avait demandé de fournir des rapports médicaux. La représentante de l’appelant a soutenu que la DG a commis une erreur, car elle a diminué l’importance des avis fournis par les Drs Thinda et Tarazi, puisque leurs rapports ont été préparés après la PMA. Ils n’auraient pas dû être rejetés du revers de la main.

[16] Lors de sa plaidoirie, la représentante de l’appelant a également critiqué ce qu’elle décrit comme un raisonnement circulaire de la part de la DG : Ayant trouvé l’appelant peu crédible, la DG a blâmé le rapport du Dr Taraz pour avoir donné crédit aux plaintes de douleur subjective de l’appelant.

[17] Dans des observations écrites et orales, l’intimé a fait valoir que la décision de la DG ne contenait pas d’erreur de fait tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Premièrement, la DG avait la compétence, en tant que juge des faits, de préférer les rapports d’autres professionnels de la santé à ceux du Dr Tarazi, et en agissant ainsi, elle n’a commis aucune erreur qui justifierait l’intervention de la DA. Deuxièmement, la DG a révisé l’ensemble de la preuve dont elle était saisie, et sa décision est raisonnable et se situe à l’intérieur du large éventail d’issues. Compte tenu de l’ensemble de la preuve médicale dont la DG était saisie, l’issue serait la même, peu importe l’importance accordée au rapport du Dr Tarazi.

[18] L’intimé a également fait falloir que la DG a estimé que l’avis du Dr Tarazi n’était pas fiable pour plusieurs raisons autres que le simple fait que le rapport a été demandé par la représentante, y compris : (i) le fait que le rapport a été préparé plusieurs années après la fin de la PMA de l’appelant ; (ii) le fait qu’il contenait peu d’observations médicales objectives ; (iii) le fait qu’il intégrait des hypothèses au sujet des observations médicales et des plaintes continues ; (iv) le fait qu’il ne faisait pas mention de tests fonctionnels ou de preuve médicale objective ; et (v) le fait que le rapport était seulement centré sur la question à savoir si l’appelant pouvait retourner exercer son emploi antérieur. Par conséquent, la DG a été raisonnable lorsqu’elle a décidé de ne pas accorder un poids significatif à ce rapport.

[19] L’intimé a également noté que le rapport du Dr Tarazi indiquait que les contraintes physiques de l’appelant l’empêcheraient de retourner à son emploi antérieur en tant qu’encadreur commercial, mais il n’a pas indiqué s’il l’appelant pourrait exercer d’autres emplois qui tiendraient compte de ses contraintes. Il n’y avait aucun autre élément de preuve à l’appui de l’argument de l’appelant selon lequel les symptômes qu’il éprouvait au poignet gauche avaient des répercussions sur son employabilité.

Analyse

(a) Normes de contrôle

[20] Bien que l’affaire Huruglica traite d’une décision qui provenait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle a des incidences sur d’autres tribunaux administratifs. Dans cette affaire, la Cour d’appel fédérale a indiqué qu’il était inapproprié d’importer les principes de contrôle judiciaire aux forums administratifs, comme il a été mentionné dans l’affaire Dunsmuir, car ces derniers peuvent avoir des priorités législatives autres que l’impératif constitutionnel voulant préserver la règle du droit. [traduction] « Il ne faut pas simplement tenir pour acquis que ce qui est réputé être la meilleure politique pour les cours d’appel s’applique également aux instances d’appel à caractère administratif ».

[21] Cette prémisse amène la Cour à déterminer le critère approprié qui découle complètement de la loi habilitante d’un tribunal administratif [traduction] :

[...] la détermination du rôle d’un organisme administratif d’appel spécialisé est purement et essentiellement une question d’interprétation des lois, parce que le législateur peut concevoir tout type de structure administrative à plusieurs niveaux pour répondre à n’importe quel contexte. L’interprétation de la loi appelle l’analyse des mots de la LIPR [Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés] [...] et son objet [...] L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur en ce qui a trait aux dispositions pertinentes de la LIPR et au rôle de la SAR [Section de protection des réfugiés].

[22] En la matière, cela implique que la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte ne s’applique pas à moins que ces mots ou leurs variantes figurent spécifiquement dans la législation fondatrice. Si cette approche est appliquée à la Loi sur le MEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui suggère que la DA ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la DG.

[23] Le mot « déraisonnable » » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les mots « abusive ou arbitraire » ou « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme il a été suggéré dans l’affaire Huruglica, il faut donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé suggère que la DA devrait intervenir lorsque la DG fonde sa décision sur une erreur qui est vraiment énorme ou qui est en contradiction avec le dossier.

(b) Fiabilité du rapport du Dr Tarazi

[24] Bien que l’appelant s’oppose également au rejet de l’avis du Dr Thinda, je limiterai mon analyse à la manière dont la DG a traité le rapport du Dr Tarazi, puisque la décision antérieure de la DA relative à la permission d’en appeler portait principalement sur cet aspect.

[25] Au paragraphe 26 de sa décision, la DG a résumé le rapport du Dr Tarazi daté de janvier 2014 de la façon suivante [traduction] :

Selon lui, l’appelant a subi une fracture du processus styloïde lors d’un accident du travail en octobre 2008, qui s’est aggravée en raison de la frappe sur un clavier lors de ses efforts de recyclage. En raison de la douleur et d’une mobilité réduite, des contractures des tissus mous se sont développées. Il a indiqué que l’appelant devra modifier ses activités et prendre des mesures d’adaptation de façon permanente en raison de ses douleurs au poignet, ce qui comprend ses fonctions de travail et ses activités quotidiennes. Selon l’avis du Dr Tarazi, en raison d’une mobilité réduite et de douleurs au niveau de sa cheville droite et de son poignet gauche, l’appelant est maintenant [traduction] « pratiquement inemployable ».

[26] Dans son analyse, la DG avait conclu (aux paragraphes 44 et 45) que le rapport du Dr Tarazi n’était pas fiable pour plusieurs raisons : (i) il a été préparé à la demande de la représentante de l’appelant ; (ii) il a été préparé plusieurs années après la fin de la PMA de l’appelant ; (iii) il décrivait des restrictions physiques qui étaient appuyées par peu d’observations médicales objectives ; (iv) il intégrait des hypothèses au sujet des observations médicales et des plaintes continues en raison du temps écoulé depuis les blessures au travail ; (v) il ne faisait pas mention de tests fonctionnels ou de preuve médicale objective, et (vi) le rapport était seulement centré sur la question à savoir si l’appelant pouvait retourner exercer son emploi antérieur.

[27] Dans sa demande de permission d’en appeler, l’appelant a soutenu que la DG a tiré sa décision en se fondant sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu que le Dr Tarazi défendait nécessairement les intérêts du demandeur, car le rapport avait été demandé par la représentante. Dans sa décision relative à la demande de permission d’en appeler, la DA a rejeté ce motif, car il s’agissait de l’un des nombreux motifs que la DG a cités pour diminuer l’importance de l’avis du Dr Tarazi. Néanmoins, la DA a accordé la permission d’en appeler, car elle a estimé qu’il y avait une cause défendable au fait que certains de ces autres motifs ont été fondés sur des erreurs de fait.

[28] Premièrement, je ne suis pas d’accord avec la suggestion selon laquelle la DG a tout simplement rejeté le rapport du Dr Tarazi. En estimant que celui-ci n’était pas fiable, la DG lui a en fait accordé peu de poids, ce qu’il a droit de faire en tant que juge des faits, à la condition qu’il explique de façon adéquate ses raisons.

[29] L’une des raisons principales à l’origine de l’inquiétude de la DG concernant le rapport du Dr Tarazi était le fait que celui-ci a été préparé plusieurs années après la fin de la PMA de l’appelant. La DG a également exprimé ses doutes quant à la fiabilité du rapport, car la [traduction] « période de temps qui s’est écoulée depuis les blessures au travail » a forcé le Dr Tarazi à faire des suppositions concernant la condition et les plaintes de l’appelant. Je suis d’accord que rejeté des éléments de preuve uniquement parce que ceux-ci ont été préparés après la fin de la PMA n’est pas raisonnable et va à l’encontre des règles de l’équité procédurale, mais comme il a été mentionné précédemment, la DG n’a pas seulement [traduction] « rejeté » le rapport du Dr Tarazi ou n’a pas simplement manqué d’en tenir compte. Par ailleurs, la distance temporelle entre l’évaluateur et la blessure, ou la période d’admissibilité pendant laquelle la blessure s’est produite sont des facteurs pertinents pour déterminer le poids à accorder aux éléments de preuve. En effet, il a été indiqué dans des affaires précédentesNote de bas de page 3 que, bien que tribunal de révision du RPC (une juridiction ayant précédé le TSS) ne peut pas ignorer les rapports médicaux simplement parce qu’ils ont été préparés après la PMA, elle a le droit de leur accorder moins de poids au moment d’évaluer la gravité de la prétendue invalidité de l’appelant.

[30] Cela étant dit, malgré le fait que le Dr Tarazi n’avait jamais examiné l’appelant auparavant, il a tiré des conclusions et des constatations quant à la condition et au fonctionnement de l’appelant avant la fin de sa PMA. L’appelant avait soulevé la question à savoir si la GD avait mal interprété ces conclusions et ces constatations lorsqu’elle a déterminé qu’elle n’accorderait pas beaucoup de poids à l’avis du Dr Tarazi.

[31] Au paragraphe 44, la DG a indiqué qu’il y avait [traduction] « peu de preuves objectives » à l’appui des prétendues restrictions physiques de l’appelant. Pourtant, il est indiqué dans le rapport du Dr Tarazi qu’un examen IRM du poignet gauche réalisé en novembre 2012 a révélé la présence d’une ancienne fracture non consolidée du processus styloïde de l’ulna. Le Dr Tarazi était d’avis que la fracture s’est probablement produite lors de l’accident de travail de l’appelant en octobre 2008, mais elle a été laissée pour compte en raison de ses autres blessures plus graves. Le Dr Tarazi croyait que la blessure au poignet était devenue plus évidente deux ans plus tard, lorsque l’appelant a commencé à devenir plus actif physiquement.

[32] Une lecture attentive de la décision de la DG indique que la DG n’a pas décrit avec exactitude le contenu du rapport du Dr Tarazi. Il est vrai, comme l’a noté l’intimé, que la DG n’a jamais affirmé qu’il y avait une absence totale de preuve objective quant aux plaintes de l’appelant au sujet de son poignet gauche, mais il y avait peu d’éléments de preuve objectifs. Il ne s’agit pas d’une assertion absolue, et l’on peut raisonnablement affirmer qu’elle est compatible avec les commentaires du Dr Tarazi. Bien qu’il ait observé des signes d’une fracture non consolidée, il a également transmis les commentaires qui accompagnaient le rapport d’IRM [traduction] :

Le complexe fibrocartilagineux triangulaire semble être intact. L’articulation radio-ulnaire distale et les ligaments carpiens sont également normaux. Aucune anormalité n’a été détectée au niveau du fléchisseur et des tendons fléchisseurs. Les structures du canal carpien étaient aussi normales.

[33] Il est discutable d’affirmer que cette description se qualifie comme étant « peu d’éléments de preuve médicale », mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’une erreur « abusive ou arbitraire » ou « rendue sans tenir compte des faits ».

[34] Cependant, la déclaration de la DG figurant au paragraphe 45 s’est révélée plus problématique [traduction] :

Dans son rapport de 2014, le Dr Tarazi a déclaré que l’appelant était pratiquement inapte au travail, mais il n’a pas fait état des résultats d’aucun test fonctionnel et n’a pas formulé de commentaires quant à des preuves médicales objectives pour appuyer ses dires.

[35] Bien qu’il soit vrai que le Dr Tarazi n’a pas fait référence à des tests fonctionnels formels qui sont normalement effectués par un ergothérapeute, il a effectué ce qui semble être un examen physique assez méticuleux des extrémités supérieures de l’appelant. Ses observations comprenaient entre outre des signes de douleurs et des restrictions au niveau de la flexion et de l’extension de son poignet gauche, contrairement à son poignet droit. Il est tout simplement faux de dire que le Dr Tarazi n’a pas formulé de commentaires quant à des éléments de preuve médicale objective alors qu’une importante partie de son rapport consiste en une discussion concernant son ancienne fracture du poignet qui a été détectée grâce à l’IRM de novembre 2012, et traite de points importants tels que le moment où ça s’est probablement produit, pourquoi cela n’a pas été signalé plus tôt, comment la blessure a guéri et les répercutions probables que cela aura sur fonctionnalité de l’appelant dans le futur.

[36] Au paragraphe 45, la DG a également conclu que le rapport du Dr Tarazi portait principalement sur la capacité du demandeur de reprendre son ancien emploi, plutôt que sur [traduction] « les autres possibilités d’emploi qui s’offrent à lui, comme le temps partiel, puisqu’aucun des deux rapports ne renferme de commentaires à ce sujet ». Cependant, le Dr Tarazi a écrit ce qui suit [traduction] :

À mon avis, l’état de son poignet droit entraîne des limitations graves. Il ne peut désormais plus effectuer de travail physiquement exigeant. Il ne peut pas non plus occuper un emploi où il serait appelé à soulever, tordre ou tourner avec sa main gauche. Les emplois exigeant l’utilisation d’un clavier sont également à proscrire. À mon avis, M. J. L. aura de très grandes difficultés à trouver un emploi rémunérateur à la suite des multiples blessures qu’il a subies dans un accident de travail le 31 octobre 2008. Il est incapable de marcher sur son pied droit et il utilise une canne qu’il tient de la main droite. Les capacités fonctionnelles de sa main gauche sont également très limitées. Je suis d’avis qu’il est désormais pratiquement inapte au travail à la suite des blessures qu’il a subies au travail le 31 octobre 2008.

[37] Encore une fois, j’estime que la DG n’a pas décrit avec exactitude le contenu du rapport du Dr Tarazi. À la lecture de celui-ci, j’ai constaté qu’il ne traitait pas seulement de la capacité de l’appelant à effectuer les tâches que demandait son précédent emploi en tant qu’ouvrier en bâtiment. Des restrictions qui empêcheraient l’appelant d’utiliser un clavier auraient des répercussions importantes sur sa capacité à se recycler ou encore à trouver ou conserver un emploi sédentaire. Cependant, la DG n’a pratiquement pas tenu compte des répercussions de la blessure au poignet de l’appelant dans sa décision.

[38] Il s’agit là d’erreurs importantes. Si la DG avait accordé une plus grande importance au rapport du Dr Tarazi, il est possible qu’elle soit arrivée à une conclusion différente. En tirant ces conclusions, je ne conteste pas la compétence de la DG, en tant que juge des faits, pour examiner la preuve et en accorder le poids approprié. Cependant, en l’espèce, la DG a atténué l’importance du rapport du Dr Tarazi pour deux raisons qui, en fait, n’étaient pas fondées. En déclarant que le Dr Tarazi n’a pas formulé de commentaires quant à des éléments de preuve médicale objective et que son rapport était centré sur la capacité de l’appelant à effectuer son ancien emploi, la DG a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées sans tenir compte de la preuve au dossier.

Conclusion

[39] Pour les motifs énoncés précédemment, l’appel est accueilli.

[40] L’article 59 de la Loi sur le MEDS énonce la réparation que la DA peut accorder pour un appel. Pour éviter tout risque de crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la DG pour une nouvelle audience devant un membre différent.

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