Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 14 janvier 2016. La DG a tenu une audience fondée sur le dossier documentaire, et a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à sa date de période minimale d’admissibilité (PMA) du 28 février 2014.

[2] Le 31 mars 2016, dans les délais prescrits, la demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler auprès de la division d’appel (DA) fournissant des détails sur les moyens d’appel allégués.

[3] Pour accorder cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] La demanderesse est née en février 1954 et a de longs antécédents de travail, comprenant plus de 25 ans de revenus et de cotisations valides en vertu du RPC. Le dossier d’audience indique qu’elle a présenté une demande de prestations de retraite anticipée du RPC en septembre 2013, et qu’elle a été approuvée en mars 2014. Lorsqu’elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC le 8 novembre 2013, elle travaillait à temps plein pour Steel City Surplus, un emploi qu’elle a quitté en juin 2014.

[5] Dans sa lettre de refus initiale datée du 14 février 2014, le défendeur a avisé la demanderesse qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité, car elle avait déterminé qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve médicale pour établir que son invalidité était grave et prolongée en date du 31 décembre 2015, date qui était considérée comme étant celle de sa PMA à ce moment-là, car son relevé d’emploi (RE) le plus récent indiquait que ses derniers revenus et cotisations valides dataient de 2010, 2011 et 2012.

[6] Dans une lettre datée du 3 avril 2014, le représentant de la demanderesse a fait une demande de révision, mais il n’a présenté aucune observation supplémentaire. Le 29 juillet 2014, le défendeur a encore une fois rejeté la demande de la demanderesse. Cette fois-là, le défendeur a noté que la PMA de la demanderesse était maintenant le 28 février 2014, car ses prestations de retraite anticipée avaient commencé en mars 2014. Le défendeur a avisé la demanderesse qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve médicale pour établir que son invalidité était grave et prolongée selon la date révisée de sa PMA. Il a également invoqué le fait (que la demanderesse a divulgué lors d’une conversation téléphonique) qu’elle a continué à travailler jusqu’en juin 2014.

[7] La demanderesse a fait appel du deuxième rejet du défendeur auprès de la DG le 22 août 2014. Le 28 janvier 2015, le défendeur a présenté des observations et y a joint un RE mis à jour et daté du 24 janvier 2015. Il a indiqué que la demanderesse a comptabilisé une année supplémentaire de gains et de cotisations valides pour l’année 2013. Par conséquent, il a déclaré que la PMA de la demanderesse aurait été le 31 décembre 2015, si elle n’avait pas reçu de prestations de retraite anticipée à partir de mars 2014. Le défendeur a réitéré sa position selon laquelle la preuve ne démontrait pas l’existence d’une invalidité grave et prolongée à parti du 28 février 2014. Le 27 mai 2015, le défendeur a présenté une autre observation écrite, laquelle indiquait que la demanderesse avait déclaré 12 541 $ de gains entre janvier et juin 2014, selon un RE daté du 22 mai 2015 qui a été joint à l’observation écrite.

[8] La demanderesse a continué à présenter des rapports médicaux au fur et à mesure que ceux-ci sont devenus disponibles. Dans des observations présentées le 5 novembre 2015, elle a semblé accepter le fait que la date la plus éloignée à laquelle elle peut être considérée comme invalide était le 28 février 2014, mais elle a fait valoir que la preuve médicale indiquait qu’elle était tout de même incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice avant cette date. Elle a soutenu que, bien qu’elle ait conservé son emploi jusqu’en juin 2014, c’était seulement [traduction] « avec énormément de difficultés » qu’elle a gardé son emploi. Interpréter le fait qu’elle ait conservé son emploi comme étant la preuve qu’elle était apte à travailler demande [traduction] « un fameux bond en avant en matière de logique ». La demanderesse a également soutenu que, en vertu du paragraphe 66.1(1.1) du RPC et du paragraphe 46.2(2) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement), elle avait le droit de demander l’annulation d’une pension de retraite pour remplacer celle-ci par une pension d’invalidité puisqu’elle avait prouvé qu’elle était invalide avant février 2014.

[9] Dans sa décision du 14 janvier 2016, la DG a rejeté l’appel de la demanderesse, car elle a conclu que, selon la prépondérance des probabilités, elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave, conformément à la définition énoncée à l’alinéa 42(2)a) du RPC et selon une PMA se terminant le 28 février 2014. Tout en reconnaissant qu’elle a subi certaines limitations fonctionnelles, la DG a conclu que ses antécédents de travail avant sa PMA suggéraient que son invalidité n’atteignait pas le seul d’invalidité requis. La DG a également déterminé que le paragraphe 66.1(1.1) du RPC et le paragraphe 46.2(2) du Règlement ne permettaient pas l’annulation d’une pension de retraite afin de la substituer à une pension d’invalidité si la date de début d’invalidité se situait avant le mois au cours duquel la pension de retraite a débuté.

Droit applicable

[10] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[11] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur ne doit pas toucher une pension de retraite au titre du RPC.

[12] L’exigence selon laquelle le demandeur ne doit pas recevoir de pension de retraite du RPC figure aussi au paragraphe 70(3) du RPC, qui énonce qu’une fois qu’une personne commence à recevoir une pension de retraite du RPC, elle ne peut en aucun cas demander ni redemander de pension d’invalidité. Il y a une exception à cette disposition à l’article 66.1 du RPC.

[13] L’article 66.1 du RPC et l’article 46.2 du Règlement autorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation une fois qu’elle a commencé à être payée si la demande d’annulation de la prestation est présentée par écrit dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation.

[14]  Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[15] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[16] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[17] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit, revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[18] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[19] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Observations

[20] Dans sa demande de permission d’en appeler, le représentant de la demanderesse soutient que la DG n’a pas observé des principes de justice naturelle lorsqu’elle s’est appuyée sur des moyens, pour refuser l’appel de sa cliente, qui étaient différents des moyens employés pour rejeter sa demande aux paliers précédents. À chaque palier, elle a abordé avec succès les motifs invoqués pour lui avoir refusé l’admissibilité aux prestations d’invalidité du RPC pour qu’on lui présente ensuite différents motifs de rejet au prochain palier. Étant donné ce manque de cohérence, on ne devrait pas s’attendre à ce qu’elle soit en mesure de réfuter [traduction] « une cible mobile ». Par conséquent, elle a été privée de la possibilité de fournir un argument, ce qui a donné lieu à une décision entachée de mauvaise foi et incompatible avec le but du RPC. La demanderesse soutient qu’elle est atteinte de plusieurs conditions dont les symptômes combinés la rendent incapable de travailler. Elle satisfait clairement aux critères législatifs, et son approche stoïque et déterminée à l’égard de ses conditions a été injustement utilisée contre elle.

Analyse

[21] La demanderesse soutient que, en tentant de démontrer qu’elle satisfaisait aux critères du RPC relatifs à l’invalidité, elle a été forcée de débattre une série de positions variables présentées par le défendeur. Au cours de ce processus, on lui a refusé son droit en matière d’équité procédurale, car elle n’a pas eu pleinement l’occasion de présenter son dossier.

[22] Le rôle de la DA et de réviser les décisions de la DG pour s’assurer qu’elles sont justifiables au regard des faits et du droit. L’article 54 de la LMEDS permet à la DG de confirmer, infirmer ou modifier une décision du défendeur. Afin de déterminer l’existence d’une invalidité, la DG a le pouvoir d’entendre la preuve, de tirer des conclusions de fait et d’appliquer ces faits aux dispositions du RPC. Bien que la DG soit tenue d’entendre les observations de toutes les parties, la DG n’est pas tenue de respecter les positions prises antérieurement par le défendeur et est habilitée à réviser de nouveau toutes les questions en litige ainsi que l’ensemble de la preuve.

[23] Le fait que le défendeur a changé de position à la phase initiale ou à la phase de révision de son examen administratif de la demande d’invalidité de la demanderesse n’est pas pertinent dans le cadre de l’instance devant la DG. En l’occurrence, j’ai examiné la correspondance du défendeur à l’intention de la demanderesse, et cela, à tous les paliers du processus d’appel et de la demande et je n’ai noté aucune incohérence.

[24] Il est vrai que l’évaluation du défendeur concernant la PMA a été révisée, mais seulement en réponse à de nouveaux renseignements qui sont devenus disponibles. Au moment où la demanderesse a présenté sa demande de pension d’invalidité du RPC en novembre 2013, ses prestations de retraite anticipée n’avaient pas encore débuté, et l’on a supposé que la date de fin de sa PMA était le 31 décembre 2015. Lorsqu’il est devenu évident, par la suite, qu’elle recevait des prestations de retraite depuis mars 2014, la date de fin de sa PMA a changé pour le 28 février 2014, conformément à l’alinéa 44(1)b) du RPC, et cette révision lui a été communiquée et expliquée dans une lettre datée du 29 juillet 2014.

[25] Le défendeur a continué de maintenir qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve médicale pour étayer une conclusion d’invalidité, peu importe si sa date de fin de PMA est le 28 février 2014 ou le 31 décembre 2015. Au milieu de l’année 2014, le défendeur a reçu des renseignements selon lesquels la demanderesse a exercé un emploi à temps plein jusqu’en juin 2014, après la date de sa demande et celle de sa PMA. Il a considéré ces renseignements comme étant un autre motif pour refuser de verser une pension d’invalidité à la demanderesse, et a indiqué ce motif dans la lettre datée du 29 juillet 2014.

[26] Depuis juillet 2014, la position du défendeur n’a pratiquement pas changé et on ne peut pas déclarer de manière équitable qu’elle représente une [traduction] « cible mobile », comme il a été allégué par la demanderesse. Dans ses observations datées du 28 janvier 2015 et du 27 mai 2015, le défendeur a réitéré son argument selon lequel il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve médicale pour déterminer que la demanderesse était invalide avant le 28 février 2014, et il existait des éléments de preuve convaincants — son emploi actuel à temps plein — qui démontraient qu’elle était encore capable de travailler après cette date. Après avoir interjeté appel auprès de la DG en août 2014, la demanderesse a eu plus d’un an pour rassembler des éléments de preuve et des arguments afin de réfuter la position du défendeur, et elle a profité de l’occasion pour présenter des rapports médicaux et des observations supplémentaires. Bien que la demanderesse ait peut-être l’impression qu’elle s’est penchée sur les motifs du défendeur pour lui avoir refusé ce qu’elle considérait comme son droit aux prestations, rien n’a été décidé avant que la DG n’entende et ne tranche l’affaire.

[27] J’ai examiné l’évaluation de la DG selon laquelle la date de fin de la PMA est le 28 février 2014, et je ne soulève aucune erreur de fait ou de droit. Aucun élément de preuve n’indique que la demanderesse a tenté d’annuler ses prestations de retraite dans les délais prescrits de six mois, et je note que la demanderesse ne s’est pas opposée à l’égard de la date de sa PMA auprès de la DG.

[28] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse insiste sur le fait qu’elle satisfait clairement aux critères législatifs permettant d’établir une invalidité et elle énumère ses multiples conditions dont les symptômes combinés, selon elle, la rendent incapable de travailler. En agissant ainsi, il semblerait que la demanderesse demande que la DA évalue à nouveau la preuve et tranche en sa faveur, mais je suis dans l’impossibilité de le faire, car j’ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel invoqués, et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès. Bien que l’analyse de la DG n’ait pas produit la conclusion souhaitée par la demanderesse, ce n’est pas mon rôle d’évaluer à nouveau les éléments de preuve, mais plutôt de déterminer si la conclusion est défendable d’après les faits et le droit. Un appel devant la DA n’est pas là pour permettre à un demandeur de plaider à nouveau sa cause et de demander un résultat différent.

[29] En résumé, la demanderesse n’a pas soulevé un moyen qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[30] La demande de permission d’en appeler est refusée.

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