Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 22 janvier 2016. La division générale a tenu une audience par comparution en personne et a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC) puisque, selon la division générale, son invalidité n’était pas « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2011.

[2] Le 8 avril 2016, le demandeur a présenté à la division d'appel (DA), dans les délais prescrits, une demande de permission d'en appeler comportant le détail des moyens d’appel allégués.

[3] Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] La demanderesse avait 36 ans lorsqu'elle a présenté sa demande de prestations d'invalidité du RPC, le 7 mars 2012. Elle a déclaré, dans sa demande, qu'elle avait fréquenté l'école jusqu'en 7e année en Inde, son pays d'origine, et qu’après avoir immigré au Canada, elle avait travaillé dans une usine de fabrication de pâte à pizza, puis dans une usine de meubles. Au moment de son congédiement, en décembre 2007, elle éprouvait déjà de la douleur et avait de l'enflure, au poignet et au bras droits. En septembre 2008, elle a tenté de travailler dans une pâtisserie, mais a quitté après un mois.

[5] À l’audience du 5 janvier 2016 devant la DG, la demanderesse a témoigné au sujet de ses antécédents et de son expérience de travail. Elle a aussi décrit ses symptômes et a mentionné de quelle façon ils l'empêchaient de bien fonctionner à la maison et au travail. Elle a déclaré qu'elle aurait continué à travailler à l'usine de meubles si on ne l'avait pas remerciée. On lui a prescrit des médicaments contre la dépression, mais elle hésitait à les prendre en raison de leurs effets secondaires.

[6] Dans sa décision du 22 janvier 2016, la division générale a rejeté l'appel de la demanderesse, concluant que, selon la prépondérance des probabilités, elle ne souffrait pas d'une invalidité grave à la fin de sa période minimale d'admissibilité. Selon la division générale, la preuve médicale disponible suggérait que la demanderesse avait conservé une certaine capacité qui ne l'empêchait pas d'occuper un emploi véritablement rémunérateur. La division générale a reconnu que son niveau de scolarité et ses aptitudes en anglais étaient déficients, mais elle a noté que ces carences ne l'avaient pas empêchée de se trouver une occupation rémunératrice depuis qu'elle était arrivée au Canada en 1993.

Droit applicable

[7] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, (Loi sur le MESD), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission », et la DA « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l'affaire. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l'audition de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[12] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[13] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Elle a aussi fait valoir que :

  1. Elle a tenté de retourner au travail chez le même employeur, dans un rôle différent, et a par la suite travaillé à la pâtisserie en 2008;
  2. Elle a déployé des efforts raisonnables pour continuer à travailler après avoir été congédiée en 2007, mais n'a pas réussi en raison de limitations fonctionnelles importantes;
  3. Elle est atteinte d'une affection grave qui l'empêche de travailler et n'a pas de capacité résiduelle de travailler;
  4. Même si elle voulait travailler, elle n’avait pas de stratégie d’adaptation lui permettant de gérer ses problèmes de santé;
  5. Elle a de la difficulté à effectuer des tâches quotidiennes et n'est même pas en mesure de prendre soin d'elle-même ou d'effectuer de menus travaux ménagers;
  6. Elle ne conduit pas et est incapable de préparer ses propres repas;
  7. Ses matinées sont difficiles et elle ne semble pas en mesure d'avoir une vie active en après-midi non plus;
  8. Ses perspectives d’emploi sont particulièrement limitées en raison de son faible niveau de scolarité, de ses aptitudes limitées en anglais et du travail manuel qu'elle a accompli dans le passé.

[14] La demanderesse a aussi fait valoir que la division générale avait commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération l'ensemble de la preuve médicale, particulièrement le rapport du 28 novembre 2011 du Dr Pinto, rhumatologue. La demanderesse soutient que le "critère de la gravité dans un contexte réaliste" n'a pas été correctement évalué. Elle continue de suivre des traitements médicaux et des traitements de réadaptation pour ses problèmes de santé qui tendent à s'aggraver progressivement. Elle a seulement une capacité limitée à exécuter ses activités de la vie quotidienne et elle doit recevoir l'aide des autres. La division générale n'a accordé aucune valeur à cette preuve.

Analyse

Conclusion de fait erronée

[15] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur en concluant que l’invalidité de la demanderesse n’a pas atteint la norme applicable quant à sa gravité. Elle a alors énuméré les aspects de ses différents troubles qui, selon elle, expliquent son incapacité à conserver un emploi véritablement rémunérateur.

[16] J’estime que les moyens d’appel énoncés par la demanderesse sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l’ensemble de la demande. Les observations de la demanderesse reviennent à récapituler la preuve et les arguments qui ont déjà été présentés à la division générale. Essentiellement, la demanderesse me demande de réexaminer et de réévaluer la preuve dans le but de rendre une décision qui lui est favorable. Mais je suis dans l'impossibilité de le faire. J'ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel énoncés au paragraphe 58(1) et si l'un d'entre eux a une chance raisonnable de succès.

[17] comme la demanderesse n'a spécifié aucune erreur de fait particulière, il m’est impossible d’accorder la permission d'appeler sur ces prétendus moyens d'appel.

Défaut de tenir compte de l'ensemble de la preuve médicale

[18] La demanderesse a fait valoir que la division générale avait commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération l'ensemble de la preuve médicale, particulièrement le rapport du 28 novembre 2011 du Dr Pinto, rhumatologue.

[19] Un examen de la décision de la division générale a révélé un résumé détaillé du rapport en question, au sous-alinéa 9(o), qui est allé jusqu'à citer en entier un passage qui se terminait par : « Étant donné la longue durée de son état de santé, le manque de compétences linguistiques et le faible niveau de scolarité, je n'entrevois pas de retour dans quelque type d'emploi utile que ce soit. » La division générale a également fait référence au rapport de novembre 2011 du Dr Pinto dans ses résumés des observations de la demanderesse et du défendeur, mais elle a décidé de ne pas en tenir compte puisqu'il ne s'agissait pas d'une preuve « primaire », et qu’elle n’avait pas été déposée. La division générale a tiré une conclusion défavorable fondée sur le fait qu'aucune preuve n'émanait des médecins qui avaient traité la demanderesse. Le Dr Pinto, lui, a été mandaté pour rédiger une évaluation médico-légale.

[20] La demanderesse ne m’a pas convaincu que la division générale n'a pas accordé d'importance au rapport du Dr Pinto. Même si la demanderesse peut ne pas être d'accord avec les conclusions de la division générale, un tribunal de révision peut examiner minutieusement tous les faits pertinents, évaluer la qualité des éléments de preuve, déterminer quels éléments il peut accepter ou rejeter, le cas échéant, et décider de leur importance.

[21] Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question dans d’autres affaires où l’on alléguait que les tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans Simpson c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 3, l’avocate de l’appelante faisait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions (le prédécesseur de la division d'appel) avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel a statué :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée...

‏[22] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel.

Application inadéquate des principes énoncés dans Villani

[23] Je suppose que lorsque la demanderesse fait référence au défaut de la division générale d'évaluer le critère relatif à la gravité dans un « contexte de travail réaliste », elle veut dire dans un « contexte réaliste », ce qui est une phrase clé de l'arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 4, l'arrêt de principe en matière d'invalidité au sens du RPC.

[24] La division générale a résumé, aux sous-alinéas 9(a), 9(b), 9(g) et10(b) de sa décision, les antécédents et les caractéristiques personnelles de la demanderesse, et elle a fait référence, au paragraphe 18, au critère approprié. Bien qu'elle ait reconnu que la demanderesse faisait preuve d'« habilités linguistiques plutôt faibles et d'un niveau de scolarité moindre », la division générale a noté que sa situation ne l'avait pas empêchée de trouver des emplois rémunérateurs depuis son arrivée au Canada en 1993.

[25] Dans Villani, la Cour d'appel fédérale s'est exprimée en ces mots :

...tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir.

[26] Je ne pourrais pas renverser l’évaluation effectuée par la DG, car elle a appliqué le critère juridique adéquat et pris en compte la situation personnelle de la demanderesse. Comme la DG l’a mentionné en l’espèce, bien que sommairement, je ne vois aucune cause défendable pour ce moyen d’appel.

Conclusion

[27] La demande est rejetée.

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