Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

À la demande de l’appelante (AD12), cet appel a été instruit sur la foi du dossier écrit.

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

Introduction

[2] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada L.R.C. 1985, ch. C-8, et sa demande a été acceptée en raison de maladie mentale. À l’origine, l’intimé avait conclu que l’appelante était devenue invalide en décembre 2012, quand l’employeur a confirmé qu’elle avait cessé de travailler en novembre 2012. L’intimé a reconnu qu’elle était devenue invalide en novembre 2012. L’appelante a interjeté appel de la décision devant la division générale du Tribunal. Elle a soutenu être devenue invalide en octobre 2008, mais elle a été incapable de former l’intention de faire la demande de prestations avant novembre 2012. Sa pension d’invalidité devrait commencer en octobre 2008.

[3] La division générale a conclu que l’appelante ne s’est pas acquittée de l’obligation qui lui incombait d’établir son incapacité continue entre octobre 2008 et novembre 2012. L’appel a donc été rejeté. Le 18 janvier 2016, la division d’appel a accordé à l’appelante la permission d’en appeler de la décision de la division générale. La division d’appel a conclu que la division générale pourrait avoir manqué au principe de justice naturelle dans la manière dont elle a participé à l’instance. La permission a aussi été accordée au motif que la division générale a commis une erreur en rendant la mauvaise date de commencement pour la pension d’invalidité de l’appelante.

Question en litige

[4] Les questions en appel sont les suivantes :

  1. La division générale a-t-elle interféré de manière à gêner la capacité de l’appelante à présenter sa cause?
  2. La division générale a-t-elle cité la mauvaise date de commencement pour le versement de la pension d’invalidité de l’appelante?

Droit applicable

[5] La Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit trois moyens d’appel, qui sont :-

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le paragraphe 60(8) du RPC concerne l’incapacité. Selon ce paragraphe, le ministre peut, en certaines circonstances, réputer une demande avoir été faite à une date antérieure à la date à laquelle elle a effectivement été faite pour les demandeurs qui ont été déterminés incapables de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de prestation du RPC.

[7] L’article 69 du RPC régit le moment où le versement d’une pension d’invalidité commence : « lorsque le versement d’une pension d’invalidité est approuvé, la pension est payable pour chaque mois à compter du quatrième mois qui suit le mois où le requérant devient invalide... »

Observations

[8] L’appelante soutient que la division générale a inutilement interféré dans les délibérations. Elle a cité deux occurrences où il en a été ainsi. Elles correspondent aux temps 23:03 et 25:29 à 26:58 de la minuterie de l’enregistrement de l’audience de la division générale.

[9] La représentante de l’intimé a affirmé que les principes de justice naturelle ont été observés et que les interventions alléguées par l’appelante représentent en fait des interventions qui devaient clarifier la preuve de l’appelante. Elle a soutenu que :-

  1. Le membre de la division générale, entre 22:30 et 23:26 de l’enregistrement, clarifie la date du traitement que l’appelante reçoit, et le type de traitement qu’elle recevait à ce moment.
  2. Entre 25:29 et 26:58 de l’enregistrement, l’appelante est interrompue pour terminer un questionnement concernant le sommaire de fin de son traitement en avril 2011.

[10] La représentante de l’intimé a soutenu que ces interruptions représentaient une participation acceptable et active de la division générale.

Analyse

La division générale a-t-elle [traduction] « donné l’ordre » à l’instance?

[11] Après avoir eu l’opportunité d’écouter l’ensemble de l’enregistrement de l’audience, la division d’appel a soulevé ce qui suit :-

  1. L’appelante se représentait elle-même.
  2. Au début de l’audience, le membre de la division générale a confirmé que l’appelante et lui avaient les mêmes documents, c’est-à-dire, l’avis d’appel, le dossier de révision (GD-2) qui contenait la demande de prestations d’invalidité, le rapport médical du RPC, le registre des cotisations au RPC de la demanderesse (GD3 en six parties), les dossiers hospitaliers des hôpitaux Trillium, Mississauga et William Osler, Brampton, dont les registres d’entrée. L’appelante a confirmé qu’il s’agissait des registres hospitaliers sur lesquels elle s’appuierait. Elle n’a pas mentionné l’absence de documents.
  3. L’appelante a demandé au membre de la division générale d’identifier les documents auxquels il se réfère, et il a accepté. Le membre a demandé à l’appelante d’en faire autant.
  4. Le membre de la division générale a établi la question en litige, c’est-à-dire, le moment qui devrait marquer le commencement du versement. L’appelante a accepté qu’il s’agît de la question en litige.
  5. Le membre de la division générale était sur le point de suggérer un mode d’audience quand l’appelante l’a interrompu. Il avait débuté par [traduction] : « Je pourrais vous poser les questions que je considère pertinentes pour la question... »
  6. L’appelante a indiqué vouloir passer en revue certaines questions contenues dans GD1B-1. Elle a clarifié que la date marquant son arrêt de travail était novembre 2012 et qu’elle n’a pas reçu de versement de prestations avant avril 2013. Elle a affirmé que le versement du premier mois demeurait impayé bien que l’intimé avait reconnu le changement de la date marquant son arrêt de travail.
  7. L’appelante a commencé à discuter de ses antécédents de travail pour Pella Windows. Elle a exprimé son objection à la présente gestionnaire des ressources humaines en ce qui concerne sa performance, parce qu’elle n’était pas gestionnaire au moment où l’appelante travaillait. Le membre de la division générale a passé en revue le contenu du rapport avec l’appelante, laquelle a exprimé son désaccord avec l’évaluation de performance de son employeur. Elle a témoigné que c’était pire que ce que le rapport de l’employeur reflétait.
  8. Tout au long de l’audience, le membre était respectueux envers l’appelante, qui participait pleinement. À la fin de l’audience, la division générale ne pouvait pas avoir de doute quant à la position de l’appelante. Elle était ferme quant au fait d’être devenue invalide au moment de sa première hospitalisation en octobre 2008, et de l’avoir été jusqu’au moment où elle a démissionné de son poste chez Pella Windows and Doors en novembre 2012.
  9. Tout au long de l’audience, l’appelante a attiré l’attention du membre sur ce qu’elle considérait comme étant des inconsistances dans les conclusions de l’intimé.
  10. Le membre a averti l’appelante qu’il pourrait l’interrompre dans le but de clarifier ou de diriger sa réponse avant de noter les éléments de preuve (approx. 16:43).
  11. À 22:30, le membre de la division générale interrompt l’appelante qui discutait du rapport médical de William Osler [traduction] : « ceci est par rapport au traitement ». L’appelante continue à décrire ses conditions physiques et mentales.
  12. À 23:06, le membre l’interrompt pour clarifier la date où elle a été réputée incapable de consentir au traitement de thérapie électroconvulsive. Le membre demande une clarification sur le type de traitement et sur la condition que le traitement devait traiter.
  13. À 25:29, le membre de la division générale clarifie de quel hôpital l’appelante parlait. L’appelante a affirmé vouloir reparler de ses admissions précédentes. Le membre a indiqué qu’il laisserait le soin de choisir à l’appelante, mais qu’il serait préférable de terminer la discussion sur la plus récente hospitalisation.

[12] L’appelante a cité ces interventions comme des exemples où le membre de la division générale aurait donné l’ordre à l’instance et l’aurait empêchée de présenter pleinement sa cause. L’intimé soutient que ces interventions devaient clarifier des aspects du témoignage. La division d’appel est en accord avec l’intimé. L’appelante peut avoir désiré présenter sa cause à sa façon, tandis que le membre préférait recevoir la preuve de façon plus systématique. Cependant, il ne s’agit pas d’un manquement au principe de justice naturelle. En fin de compte, il ne peut y avoir aucun doute sur la position de l’appelante. L’appelante était ferme par rapport à son affirmation d’être devenue invalide le 27 octobre 2008. Son témoignage à cet égard était complet. Il en a été reflété tant dans la section de la preuve et dans celle de l’analyse de la décision.

[13] L’appelante a reçu l’opportunité de témoigner au sujet de son hospitalisation d’octobre 2008. Elle a aussi reçu l’opportunité de présenter des éléments de preuve concernant ses hospitalisations suivantes et ses difficultés au travail. La division d’appel conclut que l’appelante a égalé son incapacité à consentir au traitement de thérapie électroconvulsive en octobre 2008 à une incapacité à former l’intention de faire une demande de prestations d’invalidité du RPC. Toutefois, ce n’était qu’un aspect à considérer.

[14] Dans Canada (Procureur général) c. Danielson, 2008 CAF 78, la Cour d’appel fédérale (CAF) a évalué le critère juridique de l’article 60 du RPC. La CAF a qualifié l’article 60 de « précis et ciblé » en ce sens qu’il « n’exige pas de prendre en compte la capacité de présenter, de préparer, de traiter ou de remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement [...] la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. »

[15] Ayant approuvé l’approche adoptée dans Morrison c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines), CP04182 (7 mars 1997), la CAF a déclaré qu’il était nécessaire de prendre en compte à la fois la preuve médicale et les activités pertinentes du demandeur pour décider si le demandeur satisfaisait au critère : les activités pertinentes de la personne en cause entre la date prétendue de début de l’invalidité et la date de la demande, ce qui nous informe sur la capacité de cette personne pendant la période en question de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande ».

[16] La division générale a examiné les activités de l’appelante entre octobre 2008 et novembre 2012. Au paragraphe 25, elle a conclu que la demanderesse [traduction]

« …était vraisemblablement incapable de présenter une demande en raison d’une psychose pendant la période d’octobre 2008, moment où elle a été admise au Trillium Health Centre, au 24 décembre 2008, moment où elle est sortie du centre. À ce moment, sa condition était qualifiée de [traduction] “grandement améliorée et stable”. »

[17] La division générale a examiné les activités de l’appelante entre 2009 et 2010. Elle n’a pas trouvé d’élément de preuve après sa sortie en décembre 2008 qui indiquait que l’incapacité a continué. L’appelante était capable de travailler et de gérer ses activités jusqu’en novembre 2012. La division générale a conclu qu’aucun fondement probatoire ne permettait de conclure que l’appelante était incapable de présenter une demande en 2009 ou en 2010.

[18] La division générale a poursuivi son analyse sur 2011 et 2012. La division générale a conclu que l’appelante correspondait à la définition d’« incapacité » pendant les deux périodes d’hospitalisation de janvier 2011 à avril 2011 et du 1er juin 2011 au 29 juin 2011. La division générale a conclu qu’elle avait vécu trois périodes séparées d’incapacité.

[19] Malgré cette conclusion, la division générale a établi que la demanderesse ne pouvait pas correspondre à la définition d’incapacité parce que :-

  1. sa demande n’avait pas été présentée à l’intérieur du délai prescrit par le paragraphe 60(9) du RPC;
  2. elle n’avait pas vécu une période continue d’incapacité comme prescrit par le paragraphe 60(10) du RPC.

[20] La division d’appel conclut que l’approche de la division générale pour établir l’incapacité de l’appelante concorde avec celle dans Morrison.Par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur dans son application du droit aux circonstances de l’affaire de l’appelante. Comme précédemment mentionné, elle n’a pas plus manqué au principe de justice naturelle en empêchant l’appelante de bien présenter sa cause.

[21] L’appel est rejeté à l’égard de ce moyen d’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ce qui concerne la date de commencement des prestations?

[22] Compte tenu du langage clair de l’article 69 du RPC, le versement d’une pension d’invalidité commence le quatrième mois qui suit le mois où le requérant devient invalide. La division générale aurait commis une erreur de droit si elle avait déterminé que le versement de la pension de l’appelante commencerait en avril 2013. Toutefois, le membre de la division générale n’a pas fait une telle conclusion. En fait, il n’a pas tiré de conclusion sur la date de commencement de la pension d’invalidité de l’appelante, et il a confiné sa discussion à la question d’incapacité continue entre octobre 2008 et novembre 2012.

[23] L’appelante a soulevé la question lors de l’audience. Elle a affirmé ne pas avoir reçu le versement pour mars 2013. Elle a mentionné qu’on n’avait pas répondu à ses demandes de renseignements à propos du versement de manière satisfaisante.

[24] Dans ses observations présentées à la division générale (GD9-6), l’intimé a accordé le point, mentionnant que [traduction] « selon l’avis du ministre, Mme S. A. devrait recevoir des prestations un mois plus tôt que la date d’abord établie. » La question doit déterminer si le manque de la division générale de tirer cette conclusion constitue une erreur de droit. La division d’appel considère que c’est le cas. La question avait été soulevée dans les observations des parties et lors de l’audience. Par conséquent, il s’agissait d’une question actuelle que la division générale aurait dû considérer. La division générale n’a pas respecté les dispositions de l’art. 69 du RPC quand elle n’a pas corrigé officiellement cette erreur. L’appel au motif de ce moyen d’appel est accueilli.

Conclusion

[25] La permission d’en appeler avait été accordée sur deux fondements. Premièrement, la division générale pouvait avoir manqué au principe de justice naturelle en participant excessivement à l’instance. Deuxièmement, la division générale avait commis une erreur de droit en affirmant que les versements du RPC commenceraient en avril 2013, cinq mois suivant la date que l’appelante a été réputée être devenue invalide. Pour les motifs susmentionnés, la division d’appel rejette le premier moyen d’appel. La division d’appel accepte le second moyen d’appel. Au titre de l’article 69 du RPC, le versement de la pension d’invalidité de l’appelante commence en mars 2013.

[26] L’appel est accueilli en partie.

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