Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse demande l’autorisation d’interjeter appel de la décision de la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) rendue le 26 février 2016. La DG a rejeté sa demande de prestations d’invalidité aux termes du Régime de pensions du Canada, car elle a conclu que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2009.

[2] La demanderesse estime que la division générale a commis une erreur dans l’évaluation de la gravité de son invalidité. Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit et a tiré des conclusions de fait erronées. Pour obtenir gain de cause, la demanderesse doit démontrer que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[3] La demanderesse a déposé, le 26 mai 2016, dans le délai prescrit de 90 jours, une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel (DA) du Tribunal.

Observations

[4] La demanderesse demande la permission d’en appeler pour les motifs suivants :

  1. La division générale a commis des erreurs de droit, des erreurs de fait et des erreurs mixtes de fait et de droit;
  2. La division générale a erré en n'émettant aucun commentaire sur la crédibilité de la demanderesse. Par conséquent, elle a mal évalué un élément de preuve important.
  3. La division générale ne mentionne rien au sujet des limitations fonctionnelles de la demanderesse dans son analyse.
  4. La division générale estime que la demanderesse « a fourni peu ou pas de preuve pour appuyer ses tentatives de trouver ou de conserver une occupation véritablement rémunératrice après avoir cessé de travailler en raison d’un accident d’automobile ». Une telle conclusion est inexacte puisque la demanderesse a prouvé, au cours de l'audience, qu'elle avait fait des efforts pour mitiger les dommages.
  5. L’obligation de chercher un autre emploi s'est précisée dans la décision MC c. MHRSD, CP 26420 (CAP) de 2010, et le fait de ne pas faire d'efforts pour obtenir et conserver un emploi à la suite du début de l'invalidité n'est pas considéré comme un empêchement absolu de conclure à l'invalidité d'un prestataire.
  6. La division générale n'a pas pris en considération les motifs raisonnables présentés par la demanderesse pour expliquer son manque d'efforts supplémentaires pour trouver un emploi.
  7. La division générale n'a pas posé les bonnes questions au sujet du différend qui existait entre l'appelante et son assureur auto, et a fondé sa décision sur des renseignements non pertinents à cet égard.
  8. La division générale a mal interprété les documents médicaux dont il est question au paragraphe 18 de sa décision.
  9. La division générale ne fait nullement mention du Dr Elashaal dans sa décision, du diagnostic de tendinite chronique au tendon du biceps et des signes d'arthrose précoce à l'épaule.
  10. Les paragraphes 19 et 20 de la décision de la division générale présentent un contenu qui n'est pas clair, notamment pour ce qui est de l'utilisation du terme « ponctuel », et auquel il est difficile de réagir.
  11. Le membre de la division générale a posé des questions à la demanderesse au sujet de deux documents seulement. Les deux documents portaient sur une période autre que la période minimale d'admissibilité.
  12. Selon la division générale, la demanderesse ne souffrait d'aucun trouble psychologique à l'approche de la période minimale d'admissibilité. Cette observation est inexacte et démontre que la division générale n'a pas évalué la totalité de la preuve et n'a pas pris en considération le fait que la demanderesse « présentait de la douleur, des troubles médicaux généralisés et des facteurs psychologiques ».
  13. La division générale a rejeté l'opinion du Dr Waisman, qui ne préconisait pas de traitement actif, sans dire pourquoi.
  14. Bien qu'ils portaient exactement sur l'instabilité psychologique de la demanderesse et sa capacité à travailler, les rapports des Drs Ahmad, Yousif, Garber et Speinza n'ont pas été pris en considération parce qu'ils ont été commandés dans le contexte d'un litige d’assurance.

[5] La division d'appel n'a pas demandé à l'intimé de présenter des observations au sujet de la demande.

Droit applicable

[6] Bien que la demande de permission d’en appeler soit le premier obstacle que le demandeur doit franchir, et cet obstacle ne soit pas aussi important que celui qu’il devra surmonter à l’audition de l’appel sur le fond, la demanderesse doit démontrer que sa cause est défendable ou soulever un moyen de défense susceptible de lui faire obtenir gain de cause en appel : Kerth c. Canada (ministre du Développement des ressources humaines) [1999] A.C.F. no 1252 (CF). Dans l’arrêt Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si le défendeur a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

[7] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[8] Pour que j'accorde une permission d’appeler, la demanderesse doit me convaincre que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel admissibles et qu'au moins un de ces motifs confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[9] Les moyens d'appel de la demanderesse se divisent en quatre catégories : (1) la division générale n'a pas appliqué à juste titre la jurisprudence aux faits; (2) la DG a préféré s'appuyer sur des éléments de preuve médicale plutôt que sur une autre preuve médicale, au motif que cette dernière était ponctuelle ou a été obtenue dans le contexte d'un litige d’assurance; (3) la division générale n’a pas fait de commentaire sur la crédibilité de la demanderesse; (4) la division générale a pris en considération des faits non pertinents et n'a pas tenu compte de certains éléments de preuve.

Erreur de droit

[10] Pour ce qui est du premier moyen, la division générale a appliqué les critères énoncés dans l'arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 et dans Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117, qu'elle a distingués des décisions Jean c. MSD (8 juin 2005), CP 21909 (CAP), MHRD c. Bennett (10 juillet 1997), CP 4757 (CAP) et Leduc c. MNHW (29 janvier 1988), CP 1376 (CAP). Elle n'a pas fait référence à l'affaire MC c. MHRSD, CP 26420 (CAP).

[11] Selon la demanderesse, la décision MC « redéfinit l’obligation de chercher un autre emploi ». De plus, en ne tenant pas compte des explications de la demanderesse (son absence d'efforts supplémentaires pour trouver un emploi), la division générale a commis une erreur mixte de fait et de droit.

[12] La division générale n'est pas liée par les décisions de la Commission d'appel des pensions. La division générale n'était donc pas tenue de considérer comme des précédents les décisions sur lesquelles s'est appuyée la demanderesse. Le fait de ne pas tenir compte des décisions de la Commission d'appel des pensions n'est pas, en soi, une erreur de droit.

[13] La division générale a appliqué la décision Villani et a conclu que dans le contexte réaliste, peu d'éléments, en faveur [de la demanderesse], s'apparentent au contexte de l'arrêt Villani. La division générale a tenu compte de l'âge de la demanderesse, de son niveau de scolarité, de ses compétences langagières et de ses antécédents professionnels.

[14] En ce qui concerne l'affaire Inclima, la division générale a conclu que la demanderesse ne répondait pas aux critères énoncés dans cette décision parce qu'elle a présenté peu de preuve, voire aucune preuve, pour appuyer ses tentatives de se trouver une occupation rémunératrice, ou d'en conserver une, après qu'elle eut cessé de travailler en raison d’un accident d’automobile.

[15] Cependant, l’application de l'affaire Inclima se fonde sur la preuve de capacité à travailler. La décision de la division générale ne mentionne pas comment elle en est arrivée à la conclusion que la demanderesse présentait une capacité résiduelle d'occuper un autre emploi convenable.

[16] Comme la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision, l'appel n'a aucune chance raisonnable de succès.

Erreurs mixtes de fait et de droit

[17] La division générale a utilisé l'expression « ponctuelle » aux paragraphes 14, 19 et 20. Aux paragraphes 13, 14, 23 et 24, elle a fait référence aux rapports médicaux obtenus dans le contexte d'un litige d’assurance.

[18] Plus spécifiquement, la division générale a déclaré :

[traduction]

[13] Après un examen détaillé de la preuve, le Tribunal a accordé plus d'importance à la preuve émanant des médecins qui ont fourni un traitement actif à la demanderesse. On retient notamment les rapports du Dr Elshaal [8] (l); du Dr Patel [8] (t); du Dr Jasey [8] (u); du physiothérapeute, selon la pièce GD-6 (presque 150 pages) [8] (v); du Dr Desai [8] (w); et du Dr Ram [8] (x) en particulier.

[14] Le Tribunal a accordé moins d'importance aux évaluations ponctuelles réalisées dans des cas d'assurance privée, de litige lié à des réclamations pour accident de la route, en disant pourquoi la demanderesse était incapable de remplir les fonctions qu'elle occupait avant l'accident et d'effectuer d'autres tâches similaires dont la plupart figurent aux alinéas m), n), o), p), q) et s) du paragraphe 8. Le Tribunal soutient que c'est le cas de la majeure partie de la preuve au dossier. Bien qu'elle soit de nature informative, cette preuve n'a jamais mené à un traitement actif comme en témoigne la faible utilisation par les médecins, spécialistes et autres professionnels mentionnés au paragraphe [13].

[19] Ces déclarations ou observations ponctuelles ne sont pas d'une suffisance dont le Tribunal a besoin pour décider, mais elles corroborent les observations de l'intimé et les allégations selon lesquelles la situation de l'appelante s'est améliorée au cours de la période précédant la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2009. Aucune décision ne fait référence à l'incapacité de l'appelante d'occuper ou de tenter d'occuper une occupation rémunératrice à la fin de sa période minimale d'admissibilité, le 31 décembre 2009.

[21] Bien qu'ils donnent un aperçu de la situation, les rapports ponctuels ne remplacent pas ou n'influencent pas de façon significative la voracité [sic] de la preuve émanant des médecins traitants et des spécialistes, tel qu'il est mentionné plus haut. Le Tribunal a noté précédemment qu'il s'agissait, pour ce qui est de l'invalidité physique, du rapport d'évaluation neuropsychologique du Dr Sapienza [8](n) et des évaluations médicales de HD Assessments [8[(o).

[23] Le Tribunal évalue ensuite les questions d'invalidité mentale dont l'appelante prétend être atteinte. Il y a peu ou pas de preuve autre que dans une des évaluations du Dr Waisman [8] (m), du Dr Sapienza [8] (n), du Dr Ahmed [8] (p) et du Dr Garber [8] (s). Ces évaluations se sont succédé en rafale en 2009 et au début 2010 pour soutenir les efforts de l'appelante dans ses démêlés avec Aviva Canada Inc. au sujet de ses prestations d'assurance ou de son accident d'automobile. L'appelante a déposé peu ou pas de preuve à l'égard des suivis médicaux ou des suivis de traitement relatifs à ces évaluations. En fin de compte, le dossier de l'accident d'automobile a été réglé avec les compagnies d'assurance vers décembre 2011.

[24] Selon le Tribunal, bien que l'aspect physique de l'invalidité comporte des aspects psychologiques, il y a peu ou pas de preuve en l'espèce qui démontre que ces aspects psychologiques auraient miné de façon importante les capacités physiques de l'appelante ou auraient contribué de façon importante à son invalidité mentale.

[19] La demanderesse soutient que la division générale a préféré s'appuyer sur des éléments de preuve médicale plutôt que sur une autre preuve médicale, au motif que cette dernière était ponctuelle ou qu'elle avait été obtenue dans le contexte d'un litige d’assurance. Ce faisant, la division générale a commis une erreur mixte de fait et de droit.

Paragraphes 13 et 14 de la décision de la DG

[20] Au paragraphe 14, la division générale a accordé « moins de poids » aux « évaluations ponctuelles » effectuées dans le contexte d'un litige d’assurance. Bien qu'elles soient données à titre informatif, elles « ont rarement mené à un traitement actif ». Par conséquent, la division générale ne semble pas avoir tenu compte des rapports médicaux de six spécialistes qui ont évalué la demanderesse dans l'année précédant la fin de sa période minimale d'admissibilité. Je constate qu'aucun autre rapport médical ne faisait référence en 2009 à la décision de la division générale. Outre les notes de suivi du chirurgien, un seul autre rapport médical a été rédigé avant la fin de la période minimale d’admissibilité. Ce rapport était lié à la chirurgie d'un jour à l'épaule gauche qu'a subie la demanderesse.

[21] Le paragraphe 13 de la décision énonce les éléments de preuve médicale auxquels la division générale a donné « plus de poids ». Ils se divisent en six éléments : il s'agit d'abord du rapport médical du RPC qui accompagnait la demande de pension du RPC. Le deuxième rapport est formé des notes de suivi rédigées par le chirurgien qui a pratiqué l'intervention chirurgicale à l'épaule de la demanderesse. Les notes du physiothérapeute constituent le troisième rapport. Les deux derniers rapports contiennent des observations émises en 2013 et en 2014, plusieurs années après la fin de la période minimale d'admissibilité.

[22] En conséquence, et puisque les rapports ont été rédigés dans le contexte d'un litige d’assurance, la division générale a ignoré les deux tiers de la preuve médicale et presque toutes les observations faites dans l'année précédant la fin de la période minimale d'admissibilité. Ces conclusions nous préoccupent. Un examen plus approfondi s'impose.

Paragraphes 19 et 20 de la décision de la DG

[23] La phrase « ne sont pas d’une suffisance dont le Tribunal a besoin pour décider, mais elles corroborent » au paragraphe 19 de la décision de la division générale prête à confusion. Ce que les déclarations et les observations ne peuvent déterminer en raison de leur faible nombre est nébuleux.

[24] Au paragraphe 20, la division générale estime que les rapports « ponctuels » n'ont pas pour effet d'annuler et de remplacer les autres éléments de preuve médicale que la division générale a préférés, ou de leur nuire. C'est un problème pour les mêmes raisons que celles mentionnées aux paragraphes 20 à 22 ci-dessus.

Paragraphes 23 et 24 de la décision de la DG

[25] La division générale a déclaré qu'à l'exception des quatre évaluations et rapports émis en 2009 dans le contexte d’un litige d’assurance,  il y avait « peu ou pas de preuve » portant sur des questions d'invalidité mentale. Elle a alors conclu qu'il y avait « peu ou pas de preuve » démontrant que les « aspects mentaux » de la demanderesse contribuaient à miner ses capacités physiques ou à créer une invalidité mentale importante.

[26] Essentiellement, la division générale semble laisser tomber quatre rapports médicaux traitant des problèmes d'invalidité mentale de la demanderesse. Puis, elle conclut qu'il y a peu ou pas de preuve démontrant que les problèmes d'invalidité mentale ont eu une influence importante sur l'invalidité de la demanderesse. Un tel raisonnement impose un examen plus approfondi.

[27] Ce moyen d'appel - erreurs mixtes de fait et de droit de la part de la division générale dans le traitement de la preuve médicale obtenue dans le contexte d'un litige d'assurance - a une chance raisonnable de succès.

Crédibilité

[28] Cependant, l'argument selon lequel la division générale n'a pas fait de commentaires au sujet de la crédibilité de la demanderesse n'a pas de chance raisonnable de succès. Le fait que la division générale ne se soit pas prononcée sur la crédibilité de la demanderesse n'est pas, en soi, une erreur de droit ou une erreur de fait.

Faits non pertinents et preuve pertinente

[29] Pour ce qui est du quatrième moyen d'appel de la demanderesse, une part importante des faits et de la preuve en question sont reliés aux arguments entourant le troisième moyen d'appel de la demanderesse. Par conséquent, ce moyen d’appel a une chance raisonnable de succès.

[30] Dans les circonstances, pour déterminer si la DG a commis une erreur de droit ou une erreur de fait en rendant sa décision, un examen plus approfondi s’impose.

[31] Bien qu’un demandeur ne soit pas tenu de prouver les moyens d’appel aux fins d’une demande de permission d’en appeler, il devrait à tout le moins exposer quelques motifs qui correspondent aux moyens d’appel énumérés. En l’espèce, la demanderesse a énoncé un moyen d’appel qui relève de l’un des moyens d’appel énumérés.

[32] Pour ce qui est du moyen voulant qu’il puisse y avoir une erreur de droit ou une erreur mixte de fait et de droit, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[33] La demande est accueillie.

[34] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

[35] J’invite les parties à présenter des observations écrites sur la pertinence de tenir une audience et, si elles jugent qu’une audience est appropriée, sur le mode d’audience préférable, et à présenter également leurs observations sur le bien-fondé de l’appel.

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