Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 21 décembre 2015. La DG a tenu une audience par téléconférence le 10 décembre 2015, et a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2011.

[2] Le 11 mars 2016, à l’intérieur du délai prescrit, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel (DA) et y détaillait les moyens d’appel allégués.

[3] Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] Le demandeur est né en juillet 1951 et possède de longs antécédents de travail. Il possède plus de 25 années de gains et de cotisations valides au titre du RPC. Le dossier d’audience montre qu’il a commencé à toucher des prestations de retraite en janvier 2012. Dans sa demande pour une pension d’invalidité du RPC en date du 18 mars 2013, il affirmait être invalide et ne pas pouvoir travailler en raison d’une discopathie dégénérative. Il a mentionné avoir travaillé comme installateur de tapis et de recouvrement jusqu’au 8 juin 2012, moment où il a été mis à pied.

[5] Dans sa première lettre de refus datée du 26 juin 2013, le défendeur a informé le demandeur qu’il ne se qualifie pas pour une pension d’invalidité parce que la preuve était insuffisante pour déterminer que son invalidité prétendue était grave et prolongée en date du 31 décembre 2011.

[6] Le demandeur a présenté une demande de révision le 17 septembre 2013, mais le défendeur l’a encore refusée dans une lettre du 3 janvier 2014. Le demandeur a interjeté appel à l’encontre de ce refus devant la DG le 18 février 2014.

[7] Dans une décision du 21 décembre 2015, la DG a rejeté l’appel du demandeur. La DG a conclu que selon la prépondérance des probabilités, le demandeur ne souffrait pas une invalidité grave au sens de la définition de l’alinéa 42(2)a) du RPC à la fin de la PMA du 31 décembre 2011. Certes, le demandeur était atteint de certaines déficiences de fonctionnement, mais la DG a conclu que son emploi suivant la fin de la PMA suggérait que son invalidité ne répondait pas à la norme d’invalidité. La DG a aussi conclu que le paragraphe 66.1(1.1) du RPC et le paragraphe 46.2(2) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada ne permettaient pas l’annulation d’une pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité si la date de début précédait le mois marquant le début de la pension de retraite.

Droit applicable

[8] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant :

  1. (a) qui n’a pas atteint l’âge de soixante-cinq ans;
  2. (b) à qui aucune pension de retraite n’est payable;
  3. (c) qui est invalide;
  4. (d) qui a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[9] L’exigence selon laquelle le demandeur ne doit pas recevoir de pension de retraite du RPC figure aussi au paragraphe 70(3) du RPC, qui énonce qu’une personne n’est en aucun cas admissible à demander ou à redemander une pension d’invalidité si elle a commencé à recevoir une pension de retraite du RPC. La seule exception à cette disposition est prévue à l’article 66.1 du RPC.

[10] L’article 66.1 du RPC et l’article 46.2 du Règlement du RPCautorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation une fois qu’elle a commencé à être payée si la demande d’annulation de la prestation est présentée par écrit dans les six mois suivant le début du paiement de la prestation.

[11] Si le bénéficiaire ne demande pas la cessation de la prestation dans les six mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé, la seule façon d’annuler une pension de retraite pour la remplacer par une prestation d’invalidité est de présenter une déclaration d’invalidité du bénéficiaire avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher sa pension de retraite (paragraphe 66.1 (1.1) du RPC).

[12] Le paragraphe 66.1 (1.1) du RPC doit être lu en parallèle avec l’alinéa 42(2)b) de cette même loi, lequel prévoit qu’une personne ne peut être réputée être invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle le défendeur a reçu la demande de pension d’invalidité.

[13] En vertu de ces dispositions, le RPC ne permet pas l’annulation d’une pension de retraite pour la remplacer par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée quinze mois ou plus après le début du paiement de la pension de retraite.

[14] Le paragraphe 66(4) du RPC codifie les pouvoirs discrétionnaires du défendeur :

Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi...

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

[15] Le paragraphe 54(1) de la LMEDS énonce clairement que la DG peut seulement rendre une décision qui aurait autrement été prise par le ministre :

La division générale peut rejeter l’appel ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision visée par l’appel ou rendre la décision que le ministre ou la Commission aurait dû rendre.

[16] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission.

[17] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[18] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[19] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. Canada.Note de bas de page 1 Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. Canada.Note de bas de page 2

[20] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver ses arguments.

Question en litige

[21] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès?

Observations

[22] Dans sa demande de permission d’en appeler datée du 11 mars 2016 et dans un addenda daté du 6 avril 2016, le demandeur affirme que la DG a omis d’observer un principe de justice naturelle dans sa décision.

[23] Le demandeur soutient avoir été un cotisant au RPC depuis l’âge de 16 ans, être une personne avec un caractère fort et un sens de l’éthique. Il suggère que la décision de la DG était inéquitable parce qu’elle ne lui permettait pas d’annuler sa pension de retraite anticipée et de la remplacer par les prestations d’invalidité. Tôt dans le processus de la demande, l’un des agents du centre d’appel du défendeur a indiqué au demandeur que sa pension de retraite cesserait et que la portion d’invalidité prendrait effet immédiatement.

[24] Il insiste sur le fait que le dossier médical démontre qu’il souffre d’une douleur lombaire chronique en raison de bombements discaux et de nerfs pincés. Il soutient qu’une discopathie dégénérative ne fait qu’empirer avec l’âge. Son dos pourrait lâcher à tout moment, ce qui lui causerait une incontinence urinaire et intestinale. Une intervention chirurgicale immédiate serait requise. Il a [traduction] « pris du travail » parce qu’il n’avait pas le choix de gagner sa vie, sans quoi il aurait perdu sa maison et sa voiture. Il représente un risque pour lui-même et pour autrui, mais il continue de travailler en dépit du bon sens et avec l’aide de la médication.

Analyse

[25] La DG a rejeté l’appel du demandeur globalement en raison du fait qu’il travaillait à temps plein comme installateur de revêtement avant la fin de sa PMA. J’ai examiné la décision pour déterminer si elle renferme un moyen qui pour avoir succès en appel, et je ne constate pas de cause défendable sur le fait que la DG aurait manqué au principe de justice naturelle ou autrement commis une erreur de fait ou de droit. La DG a évalué la preuve accessible et a conclu que le demandeur avait une capacité résiduelle d’occuper régulièrement un emploi véritablement rémunérateur en date du 31 décembre 2011. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès au titre des moyens soulevés par le demandeur.

[26] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a insisté sur le fait qu’il répond au critère d’invalidité et il a cité la preuve d’une hernie discale et d’un nerf pincé qui lui causent une douleur constante au dos et d’autres symptômes débilitants. Le demandeur semble demander à la DA d’évaluer à nouveau la preuve et de trancher en sa faveur, mais je suis dans l’impossibilité de le faire, car j’ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel spécifiés, et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès. Bien que l’analyse de la DG n’ait pas produit la conclusion souhaitée par le demandeur, il n’est pas mon rôle d’évaluer à nouveau les éléments de preuve; mon rôle consiste plutôt à déterminer si la décision est défendable en me fondant sur les faits et la loi. Un appel devant la DA ne sert pas au demandeur de plaider à nouveau sa cause et de demander un résultat différent.

[27] Le demandeur est clairement en désaccord avec les dispositions du RPC qui limitent l’accès d’un bénéficiaire d’une pension de retraite anticipée à son annulation en faveur d’une pension d’invalidité. Toutefois, le Tribunal—la DG et la DA—est tenu d’appliquer la loi comme elle est formulée. Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC stipule qu’un demandeur peut demander la cessation d’une prestation de retraite et la remplacer par une prestation d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide avant qu’il ait commencé à toucher sa prestation de retraite. Le demandeur n’a pas contesté que la loi exige qu’il démontre être devenu invalide avant le 31 décembre 2011 ni a-t-il présenté une preuve pour démontrer avoir tenté d’annuler sa prestation de retraite anticipée à l’intérieur des six mois prescrits.

[28] Le demandeur a aussi laissé croire qu’il a reçu des conseils imprécis par un représentant du défendeur quand il a soumis sa demande pour des prestations d’invalidité. Même s’il en était le cas, ni la DG ni la DA n’ont la compétence d’offrir réparation. Si le défendeur, à sa discrétion, n’a pas considéré comme approprié d’appliquer une mesure corrective, alors il ne relève pas du Tribunal de modifier cette décision. Le demandeur demande en effet au Tribunal d’utiliser son pouvoir discrétionnaire pour appliquer une équité en convertissant sa pension de retraite en prestation d’invalidité ou de lui accorder des prestations d’invalidité rétroactivement. Malheureusement, le Tribunal ne possède pas un tel pouvoir discrétionnaire; il peut seulement utiliser la compétence que la loi lui confère. Un appui à cette position peut être trouvé dans Canada (MDRH) c. TuckerNote de bas de page 3, et d’autres cas, où il a été tenu qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi et qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[29] La demande de permission d’en appeler est refusée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.