Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demande de l’appelant pour une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) a été estampillée par l’intimé le 6 septembre 2011. L’intimé a refusé la demande initiale de l’appelant, et celle-ci n’a pas présenté de demande de révision dans les 90 jours qui ont suivi la réception de la lettre l’informant du refus. Le 22 octobre 2014, l’intimé a refusé la demande de l’appelant concernant la prorogation du délai de 90 jours accordé pour présenter une demande de révision.

[2] Le 13 janvier 2015, l’appelant a déposé un avis d’appel auprès de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[3] L’audience relative à l’appel a été tenue au moyen de questions et réponse pour les motifs suivants :

  • Ce mode d’audience est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[4] L’alinéa 44(1)b) du RPCénonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[5] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[6] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[7] Conformément à l’article 81 du RPC, une personne bénéficie de 90 jours, après avoir été avisée du refus du ministre à l’égard d’une demande de pension d’invalidité, pour présenter une demande de révision de cette décision. Le ministre peut, avant ou après l’expiration du délai de 90 jours, décider d’accorder au requérant un délai plus long pour présenter une demande de révision en bonne et due forme.

[8] Le paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) prévoit que le ministre peut autoriser la prolongation du délai de présentation de la demande de révision s’il est convaincu de ce qui suit : il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai; la personne a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[9] Le paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC prévoit que, si la demande est présentée après 365 jours suivant celui où il est avisé par écrit de la décision ou de l’arrêt ou si la demande est présentée par une personne qui demande pour la seconde fois la même prestation ou qui a demandé au ministre d’annuler ou de modifier une décision, le ministre doit aussi être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[10] L’article 82 du RPC prévoit qu’une partie qui se croit lésée par une décision du ministre de refuser le délai supplémentaire pour présenter une demande de révision en vue d’interjeter appel de la décision devant le Tribunal.

Question en litige

[11] Le Tribunal doit déterminer si le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire quand il a refusé d’accorder à l’appelant une prolongation du délai pour présenter une demande de révision de la décision statuant de son inadmissibilité à pension d’invalidité.

Contexte et preuve

[12] Un aperçu chronologique des événements et des procédures inscrit dans le dossier d’audience est énoncé ci-dessous.

[13] Le 29 décembre 2009, l’appelante s’est blessée à la suite d’un accident de véhicule.

[14] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant le 6 septembre 2011.

[15] Dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC signé le 24 août 2011, l’appelant a déclaré avoir travaillé pour la dernière fois à titre de conducteur de chariot élévateur à fourche et avoir cessé de travailler le 15 janvier 2010 en raison d’un accident de véhicule. Il a déclaré être invalide depuis le 25 décembre 2009 et il a énuméré des cauchemars, la peur de conduire, le blocage de l’épaule gauche et du cou ainsi que des douleurs au dos et au genou comme étant les maladies ou les déficiences qui l’ont empêché de travailler.

[16] En ce qui concerne le registre des gains de l’appelant, la PMA prend fin le 31 décembre 2010. Par conséquent, l’appelante doit établir qu’il souffrait d’une invalidité grave et prolongée conformément aux critères du RPC le 31 décembre 2010 ou avant cette date, et de façon continue par la suite.

[17] La demande a été refusée par l’intimé au moyen d’une lettre datée du 31 janvier 2012 au motif que l’appelant, bien qu’il puisse être incapable de travailler à l’heure actuelle, devrait être capable de retourner travailler dans un avenir prévisible.

[18] Le 9 juillet 2012, l’appelant a présenté une lettre non signée dans laquelle il demande une révision à l’intimé. Celui-ci a refusé la demande parce qu’il semble qu’elle n’était pas signée. L’intimé n’a pas avisé l’appelant à ce moment-là que la demande de révision n’avait pas été accordée.

[19] Le 25 mars 2014, les avocats de l’appelant ont écrit à l’intimé pour l’informer que l’appelant avait écrit à l’intimé le 9 juillet 2012 afin de demander la révision du refus de la demande de prestations d’invalidité du RPC, et connaître l’état de la demande.

[20] Le 26 mai 2014, les avocats de l’appelant ont écrit à l’intimé pour l’informer qu’ils n’avaient pas reçu une réponse à leur demande du 25 mars 2014. Ils ont joint une copie de la décision de refus datée du 31 janvier 2012, une copie de la lettre de l’appelant datée du 9 juillet 2012 dans laquelle il demande une révision, et une copie de leur lettre datée du 25 mars 2015 dans laquelle ils demandent des renseignements sur l’appel.

[21] Le 11 juin 2014, les avocats de l’appelant ont écrit à l’intimé pour l’informer qu’ils n’avaient pas reçu une réponse à la correspondance. Ils ont joint des documents médicaux détaillés concernant la demande de prestations d’invalidité de l’appelant.

[22] Le 16 juin 2014, l’appelant a présenté une demande une nouvelle demande de prestations d’invalidité du RPC avec des renseignements médicaux supplémentaires. Cette demande n’a pas été acceptée comme étant une demande valide parce que la [traduction] « signature manuscrite » de l’appelant n’y figurait pas.

[23] Le 24 juillet 2014, l’intimé a informé que le consentement était nécessaire afin de continuer la communication avec les avocats de l’appelant.

[24] Le 24 juillet 2014, l’intimé a écrit directement à l’appelant pour lui demander de plus amples renseignements afin de lui permettre de rendre une décision quant à l’acceptation d’une demande de révision tardive. L’intimé n’a pas envoyé cette demande aux avocats de l’appelant avant le 5 septembre 2014.

[25] Le 11 août 2014, les avocats de l’appelant ont transmis le consentement signé de l’appelant.

[26] Le 23 septembre 2014, les avocats de l’appelant ont répondu à la demande de renseignements supplémentaires de l’intimé en déclaré qu’ils avaient déjà fourni des documents médicaux détaillés, qu’ils avaient déjà fourni une explication pour le retard et qu’ils avaient tenu l’intimé informé au moyen d’une correspondance écrite continue. Ils ont joint des copies de la correspondance la plus récente ainsi qu’une copie de la lettre originale de l’appelant datée du 9 juillet 2012 dans laquelle il demande une révision. Ils ont également souligné que l’appelant contestait la décision originale selon laquelle il devrait être capable de retourner travailler dans un avenir prévisible. L’appelant n’est pas d’accord avec cette décision parce qu’il n’est pas encore retourné travailler. Ses blessures sont graves et prolongées, et elles l’empêchent d’occuper tout type de travail. De plus, son invalidité sera probablement à long terme ou indéfinie.

[27] Le 22 octobre 2014, l’intimé a rendu une décision dans laquelle il refuse de proroger le délai de 90 pour demander une révision. Ce refus est l’objet de l’appel.

[28] L’appelant a interjeté appel au Tribunal de la sécurité sociale le 13 janvier 2015.

Décision de refuser la prorogation

[29] Dans sa décision, l’intimé a notamment rendu les décisions suivantes :

  • L’appelant n’avait pas fourni au ministère les renseignements exigés pour évaluer si le retard de plus de deux ans pour demander la révision était raisonnablement justifié et si l’appelant avait l’intention constante d’interjeter appel. L’intimé a souligné que la lettre du 9 juillet 2012 demandant la révision n’était pas signée. Il a également prétendu que l’appelant n’avait pas répondu à sa demande de justifier le retard, d’expliquer la façon dont il tenu le ministère au courant de son intention de demander une révision et d’expliquer les motifs pour lesquels il n’est pas d’accord avec la décision. Cette demande a été envoyée directement à l’appelant le 24 juillet 2014 (même si la correspondance avait été envoyée en son nom par ses avocats) et elle n’a pas été envoyée aux avocats de l’appelant avant le 5 septembre 2014. L’intimé ne fait aucune référence à la lettre des avocats de l’appelant datée du 23 septembre 2014 (voir paragraphe 26, précité) qui répondait à la demande.
  • Un examen du dossier de l’appelant dans les registres de l’intimé ne fournit aucune preuve selon laquelle l’intimé a reçu la lettre non signée de l’appelant et datée du 9 juillet 2012 ou tout renseignement concernant l’intention constante de l’appelant de demander une révision dans le délai prévu de 90 jours. Par conséquent, il n’a pas prouvé son intention constante de demander une révision dans le délai accordé.
  • Il n’y a aucune chance raisonnable étant donné qu’aucun renseignement n’a été versé pour appuyer le fait que l’appelante serait incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander une révision dans les délais prévus de 90 jours.
  • L’intimé a reconnu qu’il ne subirait aucun préjudice si la prorogation du délai est accordée puisque le dossier est toujours accessible aux fins d’examen.

Questions et réponses

[30] Les questions posées par le Tribunal et datées du 19 avril 2016 sont les suivantes :

Question(s) à l’intention de l’appelant

Veuillez fournir vos observations écrites (y compris les observations d’ordre juridique) relatives à la question devant le Tribunal, à savoir si le refus de la part de l’intimé d’accorder une révision tardive (voir GD2-26) devrait être annulé.

Question(s) à l’intention de l’intimé

Veuillez fournir vos observations écrites (y compris les observations d’ordre juridique) relatives à la question devant le Tribunal, à savoir si le refus de la part de l’intimé d’accorder une révision tardive (voir GD2-26) devrait être annulé.

[31] Les avocats de l’appelant ont fourni leurs observations le 13 mai 2016. L’intimé n’a pas fourni une réponse.

Observations

[32] L’appelant soutient qu’il aurait dû se voir accorder un délai prolongé afin de demander une révision pour les raisons suivantes :

  1. L’appelant a été privé de son droit à l’équité procédurale parce qu’il aurait dû avoir la possibilité de se faire renvoyer sa lettre du 9 juillet 2012 afin qu’il puisse la signer.
  2. Si l’intimé a des préoccupations relativement à l’authenticité de la lettre du 9 juillet 2012, un affidavit officiel aurait pu être fourni par l’appelant pour attester qu’il a envoyé la lettre à temps. L’intimé n’a pas donné la possibilité à l’appelante de présenter ce type de preuve.
  3. L’intimé a déclaré à tort que l’appelant n’avait pas répondu à sa demande de renseignements supplémentaires même si une réponse avait été envoyée le 23 septembre 2014.
  4. Il existe une preuve médicale détaillée pour appuyer le fait que l’invalidité de l’appelante est grave et prolongée.

[33] L’intimé n’a pas fourni d’observations, à l’exception de sa position dans sa décision de refuser la prorogation du délai pour demander une révision.

Analyse

[34] La décision du ministre de refuser ou de permettre une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. Le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire ou judicieuse (Canada (P.G.) c. Uppal, 2008 CAF 388).

[35] Conformément à l’affaire Canada (P.G.) c. Purcell, [1996] 1 RCF 644, le pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé « judiciairement » si l’on parvient à établir que le décideur :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de manière discriminatoire.

[36] Ainsi, le rôle du Tribunal n’est pas de déterminer si l’intimé a pris la bonne décision, mais plutôt de déterminer s’il a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, qui doit montrer que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire comme il se doit.

L’intimé a-t-il exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire?

[37] Pour les raisons ci-après, le Tribunal a conclu que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire.

[38] L’intimé a privé l’appelant de son droit à l’équité procédurale en ne lui donnant pas la possibilité que sa lettre du 19 juillet 2012 soit retournée et signée, il ne lui a pas donné la possibilité de livrer un témoignage sous serment selon lequel il avait bel et bien envoyé la lettre à cette date, il a déclaré à tort que l’appelant n’avait pas répondu à se demande de renseignements suppléments même si les avocats de l’appelant avaient répondu le 23 septembre 2014.

[39] De plus, l’intimé a commis une erreur de droit évidente lorsqu’il a conclu que la demande de l’appelant n’avait aucune chance raisonnable de succès parce qu’il n’y a aucun renseignement au dossier qui appuyait le fait que l’appelant était incapable de former ou d’exprimer l’intention de demander une révision dans le délai prévu de 90 jours. La question est de savoir si la demande de prestations d’invalidité de l’appelant a une chance raisonnable de succès, et non si une demande de prestations d’invalidité pouvait être accordée, ce qui n’a jamais été suggéré.

[40] Le Tribunal a conclu que le pouvoir discrétionnaire du ministre n’a pas été exercé de manière judiciaire et que le Tribunal doit rendre la décision que le ministre aurait dû rendre.

Est-ce que le délai pour présenter une demande de révision devrait être prorogé?

[41] Après avoir conclu que le ministre n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, le Tribunal doit maintenant conclure si le délai pour présenter une demande de révision doit être prorogé.

[42] Le Tribunal est convaincu que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelant a envoyé la lettre demandant une révision le 9 juillet 2012 et que cette lettre n’a pas été acceptée parce qu’elle n’était pas signée. La lettre de refus est datée du 31 janvier 2012. Le Tribunal assume que la décision découlant de la révision a été envoyée à l’appelant par la poste. Il admet d’office que le courrier au Canada est généralement reçu dans un délai de 10 jours. Par conséquent, le Tribunal estime qu’il est raisonnable que la décision découlant de la révision ait été communiquée à l’appelant au plus tard le 10 février 2012.

[43] Conformément à l’article 81 du RPC, l’appelant avait jusqu’au 10 mai 2012 pour demander une révision. Le Tribunal a conclu que la demande de révision de l’appelant n’a pas été envoyée avant le 9 juillet 2012 (environ 60 jours après la fin du délai prévu).

[44] Pour déterminer s’il faut accorder un délai prolongé pour présenter la demande de révision, le Tribunal doit tenir compte des facteurs prévus au paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC. Le Tribunal doit être convaincu qu’il existe une explication raisonnable pour la demande d’une prorogation de délai et que l’appelant a démontré l’intention constante de demander une révision.

[45] L’appelant ne maîtrise pas l’anglais, il n’était pas représenté lorsqu’il a envoyé la demande de révision, et la preuve médicale établit qu’il souffre de déficiences physiques, cognitives et émotionnelles importantes. Le Tribunal est convaincu que cela fournit une explication raisonnable pour la demande de prorogation du délai.

[46] L’appelant a ensuite engagé un cabinet d’avocats pour poursuivre sa demande, et le cabinet d’avocats a assuré le suivi auprès de l’intimé et la communication avec celui-ci. Cela démontre l’intention constante de demander une révision.

Conclusion

[47] Après avoir examiné l’ensemble de la preuve versée au dossier, le Tribunal conclut que le pouvoir discrétionnaire de l’intimé n’a pas été exercé de manière judiciaire et que le délai pour présenter la demande de révision doit être prorogé.

[48] Le délai pour présenter la demande de révision est prorogé jusqu’au 9 juillet 2012, à savoir la date où le Tribunal a conclu que l’appelant a présenté sa demande de révision.

[49] L’appel est accueilli, et l’affaire est renvoyée au ministre afin que celui-ci rende une décision découlant de la révision.

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