Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’appeler de la décision de la division générale datée du 24 août 2015. La division générale a tenu une audience au moyen de questions et réponses le 22 juin 2015, et a conclu que la période minimale d’admissibilité de la demanderesse se termine le 31 décembre 2017. La division générale a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada puisqu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » au moment où elle a examiné l’appel. Le représentant de la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler le 30 novembre 2015. Le représentant a déposé des observations supplémentaires le 9 février 2016. Pour accueillir cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Observations

[3] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur les deux conclusions de faits erronées suivantes :

  1. Elle a mal interprété les propos de la coordonnatrice de l’enseignement professionnel ;
  2. Elle a mal évalué l’emploi de la demanderesse, car elle a estimé que son emploi comme coiffeuse à temps partiel était une occupation véritablement rémunératrice.

[4] Le Tribunal de la sécurité sociale a fourni au défendeur une copie des documents portant sur la demande. Cependant, le défendeur n’a pas déposé d’observations écrites.

Analyse

[5] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) prévoit que les seuls moyens d’appel se limitent aux suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou à l’autre des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a récemment approuvé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[7] Le représentant soutient que la division générale a fondé sa décision sur deux conclusions de faits erronées. Si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée et que cette conclusion de fait erronée a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, la demanderesse a soulevé un moyen d’appel valide.

a) Opinion de la coordonnatrice de l’enseignement professionnel

[8] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées aux paragraphes 84, 85 et 89 de sa décision, c’est-à-dire lorsqu’elle a interprété les lettres de la coordonnatrice de l’enseignement professionnel datées du 26 janvier 2012 et du 24 mai 2013 et a impliqué que la demanderesse avait pris [traduction] « la décision délibérée et intentionnelle de travailler moins d’heures que ce dont elle était capable ». Selon la demanderesse, ce n’est pas ce que les lettres indiquent. Elle soutient que la coordonnatrice de l’enseignement professionnel a exprimé son opinion selon laquelle les conditions de la demanderesse lui imposent certaines limites émotionnelles et mentales, et qu’elle devrait accepter ces limites et les respecter.

[9] Compte tenu de la nature de ces observations, les paragraphes 84, 85 et 89 ont été reproduits intégralement [traduction] :

[84] En janvier 2012, la coordonnatrice de l’enseignement professionnel chez Frontenac Community Mental Health & Addition Services (Services de lutte contre les dépendances et de santé mentale) signale que l’appelante a de la difficulté lorsqu’elle se trouve en situation d’emploi, en raison de son incapacité à travailler avec d’autres personnes et de communiquer de manière à permettre de conserver son emploi. L’appelante a également discuté de ses difficultés interpersonnelles avec plusieurs professionnels. Cependant, en janvier 2012, elle a reçu de l’aide en santé mentale et des services de réadaptation professionnelle dans un programme de réadaptation cognitive afin de l’aider à mieux réussir à gérer ses emplois. La coordonnatrice estimait que ce programme augmenterait la capacité de l’appelante à conserver un emploi. En mai 2013, Mme S., coordonnatrice de l’enseignement professionnel, a écrit que des dispositions ont été prises afin que l’appelante travaille comme coiffeuse à temps partiel, et que celle-ci s’entendait bien avec le propriétaire. Le représentant de l’appelante confirme également dans ses observations datées de juin 2015 que l’appelante continue de travailler à temps partiel en tant que coiffeuse. Mme S. a noté que l’appelante en était venue à réaliser qu’il était préférable d’accepter ses limites et d’être heureuse. Elle n’essaie plus de répondre à ses attentes relatives à l’emploi avec uniquement son éducation et sa formation. Grâce à ses séances de counselling, l’appelante a appris à se trouver et à conserver un emploi, et elle a également appris à faire correspondre ses attentes relatives à son emploi avec sa capacité émotionnelle. Mme S. a signalé que bien cela limiterait sa capacité résiduelle, l’appelante a accepté le fait que cela l’aidera à garder une bonne santé mentale.

[85] Le Tribunal accepte que, une fois que l’appelante a compris grâce à son counselling qu’elle devait se trouver un emploi qui correspond à sa capacité émotionnelle et pas seulement à ses études, elle a été en mesure de se trouver et de conserver un emploi. Compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, le Tribunal conclut que malgré la maladie de Ménière, le syndrome d’Asperger, la dépression et des problèmes gastro-intestinaux, l’appelante a la capacité de travailler. À son honneur, elle a démontré cette capacité en travaillant à temps partiel comme coiffeuse depuis juin 2012 (Klabouch).

[...]

[89] Le relevé d’emploi (RE) de l’appelante daté de mai 2015 et présenté à la page GT13-4 indique que sa rémunération a dépassé l’exemption de base de l’année (EBA) à chaque année de 1988 à 2014. Les revenus de son emploi à temps partiel pour 2011, 2012, 2013 et 2014 étaient de 13 421 $, 5 174 $, 8 458 $ et 8 793 $ respectivement. Ces revenus sont plus faibles que ceux de 23 715 $ à 37 279 $ qu’elle a fait entre 2006 et 2010 lorsqu’elle a travaillé à temps plein comme secrétaire/assistante de bureau. Cependant, ses revenus de 2011 à 2014 sont similaires à ses revenus de 2002 à 2005 lorsque ceux-ci étaient de 5 484 $, 9566 $, 15 421 $ et 3 836 $ respectivement. La capacité de travailler est fondée sur l’ensemble de la preuve et la rentabilité d’une entreprise commerciale n’est pas nécessairement un indicateur de la capacité (Kiriakidis). Le Tribunal accepte les éléments de preuve de Mme S., sa coordonnatrice de l’enseignement professionnel, qui indiquent qu’après sa réadaptation cognitive, l’appelante en est venue à la décision qu’elle gardera une bonne santé mentale en faisant correspondre le type d’emploi qu’elle exerce avec sa capacité émotionnelle. Il faut féliciter l’appelante pour avoir acquis cette perspective. Cependant, le fait qu’elle a décidé de se limiter à un emploi à temps partiel dans la profession qu’elle a choisie ne signifie pas qu’elle a pour autant prouvé qu’elle était atteinte d’une invalidité grave. Après avoir examiné l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que l’appelante a fait le choix personnel de travailler pour le nombre d’heures qu’elle fait présentement. Cette décision de réduire son nombre d’heures de travail et du fait même sa capacité de gain n’est pas fondée sur son état de santé actuel. (Souligné par mes soins)

[10] La lettre de la coordonnatrice de l’enseignement professionnel datée du 26 janvier 2012 figure à la page GT1-55 du dossier d’appel. Cette lettre indique que l’appelante recevait, à ce moment-là, du soutien en santé mentale et des services de réadaptation professionnelle afin de l’aider à mieux réussir à gérer ses emplois. La coordonnatrice a écrit [traduction] : « nous estimons que cela va augmenter la capacité [de la demanderesse] de conserver un emploi, il sera important qu’elle mette graduellement ses compétences à l’épreuve en milieu de travail [...] Nous estimons que de recevoir un soutien au revenu et un soutien à l’emploi du POSPH, à ce stade-ci, augmentera ses possibilités d’intégration réussie dans un emploi soumis à la concurrence ».

[11] La lettre de la coordonnatrice de l’enseignement professionnel datée du 24 mai 2013 se trouve à la page GT1-117 et se lit comme suit [traduction] :

[La demanderesse] a eu beaucoup de difficultés avec ses emplois pendant la majeure partie de sa vie adulte. Elle a dû confronter d’importants défis liés à la santé mentale et à la maladie de ménière [sic]. Après une période de réhabilitation, [la demanderesse] se porte bien au travail en tant que coiffeuse. Elle travaille à temps partiel et elle se développe une clientèle. Elle s’entend bien avec le propriétaire et elle commence à réaliser qu’il est mieux qu’elle fasse de petits quarts de travail et qu’elle travaille indépendamment des autres employés. Cela facilite ses journées de travail lorsqu’elle ne travaille pas avec trop de personnes en même temps. [La demanderesse] a réalisé qu’avec sa condition, il est mieux d’accepter ses limites et d’être heureuse. Cela a pris beaucoup d’années à [la demanderesse] pour accepter cela. Elle essayer de faire correspondre ses attentes relatives à son emploi avec son éducation et sa formation au lieu de les faire correspondre avec sa capacité émotionnelle. J’estime que, bien que cela limitera la capacité de gain [de la demanderesse] dans les emplois qu’elle peut accepter, cela l’aidera à garder une bonne santé mentale.

[12] Le représentant soutient qu’il n’y avait aucun fondement à la conclusion de la division générale selon laquelle la demanderesse a réduit ses heures de travail et que son horaire de travail réduit n’était pas lié à son état médical actuel. La demanderesse soutient que la division générale a fondé sa conclusion sur une interprétation erronée de l’opinion de la coordonnatrice de l’enseignement professionnel. Cependant, la division générale a déterminé que la demanderesse a fait le choix personnel de travail le nombre d’heures qu’elle fait présentement en se [traduction] « [f]ondant sur un examen de la preuve ».

[13] La division générale a procédé à un examen approfondi de la preuve médicale. Plusieurs avis médicaux et rapports lui ont été présentés. La division générale ne s’est pas simplement tenu compte de l’avis de la coordonnatrice de l’enseignement professionnel. La division générale a également noté les avis des Drs McNevin, Hollins, De La Lis, Jones, Schramm et Jarrett. Après avoir examiné les antécédents de la demanderesse ainsi que toutes ses conditions, la division générale a déterminé si ses multiples problèmes médicaux la rendaient régulièrement incapable d’occuper une occupation véritablement rémunératrice. La division générale a conclu que la demanderesse n’était pas devenue régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, en se fondant sur son analyse du témoignage de la demanderesse ainsi que sur les nombreux avis médicaux qui lui ont été présentés. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce motif.

b) Occupation véritablement rémunératrice

[14] La demanderesse fait valoir que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée lorsqu’elle a conclu que l’emploi à temps partiel de la demanderesse en tant que coiffeuse constituait une occupation véritablement rémunératrice. Selon la demanderesse, il s’agit ici d’une appréciation erronée des faits, car ses revenus relatifs à son emploi en tant que coiffeuse étaient [traduction] « extrêmement limités si l’on tient compte du coût de la vie à Kingston ». La demanderesse se réfère à la décision de la Commission d’appel des pensions (CAP) dans l’affaire Ministre du Développement social c.Nicholson (31 janvier 2007), CP24143 (CAP), dans laquelle la CAP a indiqué que de déterminer à quel montant se chiffre une occupation véritablement rémunératrice requière une évaluation, [traduction] « ce qui pourrait impliquer de tenir compte des niveaux de revenus locaux et du coût de la vie, en plus des autres conditions particulières du prestataire ».

[15] Le représentant de la demanderesse soutient que lorsque la demande de la demanderesse a été rejetée [traduction] :

[...] le cadre d’évaluation (à 2,6) indiquait que « [l]'occupation véritablement rémunératrice est le montant mensuel maximal de la pension de retraite du RPC. Le montant annuel correspond à douze fois le montant mensuel maximal de la pension de retraite du RPC. Les taux de paiement du RPC sont rajustés tous les ans au mois de janvier. »

[16] Le représentant de la demanderesse soutient que, dans cette affaire, le montant annuel pour 2012 était de 11 840,04 $, et que le revenu de la demanderesse variait entre 5 174 $ en 2012 à un maximum de 8 793 $ en 2014.

[17] Le représentant de la demanderesse soutient également que, bien que dans l’affaire Nicholson, il était indiqué que le cadre d’évaluation servait seulement de [traduction] « ligne directrice », il y avait des facteurs très spécifiques dans cette décision qui ne s’appliquent pas en l’espèce. L’on soutient que l’erreur d’appréciation de la preuve commise par la division générale sur la question à savoir si la demanderesse avait la capacité de travailler pendant des périodes plus longues aurait pu avoir eu une incidence sur sa décision de s’écarter de la ligne directrice.

[18] Au paragraphe 77, la division générale a énoncé le critère qu’elle a employé pour déterminer si l’emploi de la demanderesse constituait une occupation véritablement rémunératrice. La division générale s’est ensuite demandé si l’emploi à temps partiel de la demanderesse en tant que coiffeuse constituait une occupation véritablement rémunératrice. Elle a rejeté les observations de la demanderesse selon lesquelles elle devrait s’appuyer sur le paragraphe 68.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, car ce paragraphe n’est entré en vigueur que le 29 mai 2014, et par conséquent, ne s’appliquait pas à la situation de l’emploi de la demanderesse jusqu’à cette date.

[19] Bien que la division générale ait suggéré qu’elle allait se pencher sur la question à savoir si l’emploi à temps partiel de la demanderesse en tant que coiffeuse pouvait constituer une occupation véritablement rémunératrice, notamment en examinant les revenus de la demanderesse, au bout du compte, elle ne s’est pas prononcée sur cette question. Plutôt, la division générale a déterminé si la demanderesse avait une capacité de travailler.

[20] Bien que la division générale ait noté les revenus de la demanderesse, contrairement à l’affaire Nicholson dans laquelle la CAP a fait un lien entre le revenu du demandeur et si cela pouvait être considéré comme étant véritablement rémunérateur, la division générale n’a pas mené le même exercice. Tout au plus, la division générale a conclu que ni l’emploi à temps partiel ni les revenus réduits de la demanderesse n’indiquaient qu’elle était atteinte d’une invalidité grave. La division générale a présenté son analyse relative aux revenus de la demanderesse au paragraphe 89, mais elle ne s’est pas prononcée sur la question à savoir si les revenus pourraient indiquer si une occupation est véritablement rémunératrice. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès.

c) L’affaire Klabouch

[21] La demanderesse fait aussi valoir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas respecté les principes de l’affaire Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33, car elle n’a pas considéré si ses conditions l’empêchaient d’être capable de gagner sa vie. La Cour d’appel fédérale a déterminé que c’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada : Klabouch, paragraphe 14. Comme j’ai mentionné précédemment, la division générale s’est penchée sur la question à savoir si la demanderesse avait la capacité de détenir une occupation régulière véritablement rémunératrice. Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès sur ce motif.

[22] Essentiellement, la demanderesse demande que l’on examine à nouveau la question à savoir si elle peut être considérée comme atteinte d’une invalidité grave. Comme la Cour fédérale l’a récemment confirmé dans Tracey, ce n’est pas le rôle de la division d’appel d’apprécier de nouveau la preuve ou de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale lorsqu’elle se prononce sur la question de savoir si la permission d’en appeler devrait être accordée ou refusée.

Conclusion

[23] La demande de permission d’en appeler est rejetée. Cependant, je note que la demanderesse a encore la chance de présenter une autre demande de pension d’invalidité, car les renseignements disponibles au sujet de ses cotisations au Régime de pensions du Canada indiquent que sa période minimale d’admissibilité ne devrait pas se terminer avant le 31 décembre 2017.

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