Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale le 6 janvier 2016. La DG a tenu une audience par téléconférence et a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle a conclu que son invalidité n’était pas « grave » préalablement à sa date de période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2011.

[2] Le 6 avril 2016, dans les délais prescrits, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler auprès de la division d’appel (DA) fournissant des détails sur les moyens d’appel allégués.

[3] Pour accorder cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] Le demandeur était âgé de 50 ans lorsqu’il a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 25 octobre 2012. Dans sa demande, il a indiqué qu’il souffrait de douleurs et de limitations au niveau de son genou gauche et du bas du dos, ainsi que de dépressions et d’anxiété, des problèmes de santé qui, selon lui, l’empêchait d’exercer un travail véritablement rémunérateur. Il a indiqué que son dernier emploi était comme ébéniste en août 2009, moment auquel il a subi un accident de travail.

[5] À l’audience devant le la DG tenue le 4 janvier 2016, le demandeur a témoigné au sujet de son éducation et de son expérience de travail. Il a également décrit ses symptômes et la façon dont ils nuisaient à sa capacité de fonctionner à la maison et au travail. Il a dit qu’il a sollicité des traitements de la part de nombreux spécialistes et qu’il a pris divers médicaments. Il a subi une intervention chirurgicale arthroscopique au niveau de son genou gauche en avril 2010 et il a fait de la physiothérapie pour son dos et son genou.

[6] Dans sa décision datée du 6 janvier 2016, la DG a rejeté l’appel du demandeur, car elle a conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne souffrait pas d’une invalidité grave à la date de fin de sa PMA. Selon la DG, la preuve médicale disponible suggérait que le demandeur avait une capacité résiduelle qui ne l’empêchait pas d’effectuer des tâches légères. De plus, elle a conclu que sa dépression et son anxiété étaient gérées de façon adéquate grâce à la prise de médicaments.

Droit applicable

[7] Tel qu’il est stipulé aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1 . Selon la Cour d’appel fédérale, la question de savoir si une affaire est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2 .

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition au fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[12] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Observations

[13] Dans la demande de permission d’en appeler, le représentant du demandeur a indiqué les observations suivantes :

  1. La DG a commis une erreur lorsqu’elle a déterminé que les troubles physiques et psychologiques du demandeur ne constituaient pas une invalidité grave et prolongée avant la fin de sa PMA. Plus particulièrement, elle n’a pas accordé suffisamment d’importance aux rapports suivants :
    • Dr Martin Svihra, 18 octobre 2010 ;
    • Sommaire de congé, clinique de santé mentale St. Joseph’s East Regional au sujet du traitement pour la période du 5 juillet 2011 au 22 juin 2012 ;
    • Drs William Tam et Barry Rosen, travailleurs sociaux hospitaliers, 29 novembre 2011 ;
    • Dre Svetlana Milenkovic, 21 juin 2013 ;
    • Dr Sean Shahrokhenia, 12 septembre 2014 et 10 décembre 2015.
  2. Au paragraphe 25 de sa décision, la DG a reconnu que le demandeur a participé à un programme de réentraînement au travail en janvier 2011 et qu’il a seulement été en mesure de compléter 10 pour cent du programme à cause de sa douleur et de la fatigue. Le thérapeute traitant a indiqué que le demandeur n’était pas un candidat approprié pour le programme et il a noté qu’il présentait une série de restrictions physiques après examen. Ces conclusions étaient évidentes à la lecture du dossier, mais la DG ne leur a pas accordé assez d’importance lorsqu’elle a déterminé la gravité de la condition du demandeur.
  3. Le demandeur a subi une chirurgie au niveau de son genou gauche en 2010, qui s’est avéré un échec et qui lui a causé une incapacité et une perte fonctionnelle permanentes. La Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail de l’Ontario a estimé que l’évaluation des déficiences de l’ensemble de sa personne était de 26 % en novembre 2011. Sa perte de capacités fonctionnelles et ses restrictions physiques ont fait en sorte qu’il était incapable de reprendre son emploi en tant qu’ébéniste.
  4. Au paragraphe 37 de sa décision, la DG a reconnu que la gravité des affections entraînant incapacité avait besoin d’être examinée selon un contexte réaliste, conformément à l’affaire Villani c. CanadaNote de bas de page 3 . Cependant, la DG n’a pas dûment considéré les facteurs Villani qui empêchaient le demandeur de se chercher ou de conserver une occupation rémunératrice qui demande moins d’efforts physiques. Ces facteurs sont les suivants :
    • Sa capacité de travailler uniquement pour le seul poste pour lequel il a été formé ;
    • Son manque de scolarité officielle au Canada et dans son pays d’origine ;
    • Son incapacité à lire, à écrire ou à communiquer en anglais.

Analyse

Prise en considération inadéquate de certains rapports

[14] Le représentant du demandeur soutient que la DG a commis une erreur lorsqu’elle a conclu que les troubles physiques et psychologiques du demandeur ne constituaient pas une invalidité grave et prolongée.

[15] J’estime que les prétendus moyens d’appel du demandeur sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l’ensemble de la demande. Essentiellement, les observations du demandeur consistaient en une récapitulation de la preuve et des arguments qui avaient déjà été présentés à la DG. En fait, il veut que j’évalue à nouveau la preuve et que je tranche en sa faveur, mais je suis dans l’impossibilité de le faire, car j’ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache à l’un des moyens d’appel invoqués au paragraphe 58(1), et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès.

[16] Le demandeur a eu amplement l’occasion de présenter sa cause, et il semble qu’il en ait tiré pleinement avantage en présentant plusieurs observations depuis les trois ans et plus qu’il a fallu pour que cette affaire soit entendue. La DG a rendu sa décision après avoir procédé à ce qui semble être une évaluation approfondie de la preuve au dossier. Tous les rapports que mentionne le demandeur dans ses observations ont été résumés dans les motifs de la DG et cette dernière a fait référence à certains d’entre eux dans son analyse. Même si le demandeur peut ne pas être d’accord avec les conclusions de la DG, un tribunal administratif a la liberté de passer en revue les faits pertinents, d’évaluer la qualité des éléments de preuve, de choisir, le cas échéant, ceux qu’il accepte ou rejette, puis de décider de l’importance à leur accorder.

[17] Les tribunaux se sont déjà penchés sur la question dans d’autres affaires où l’on alléguait que les tribunaux administratifs n’avaient pas examiné l’ensemble de la preuve. Dans l’affaire Simpson c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 4 , le représentant de l’appelant a fait mention d’un certain nombre de rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit [traduction] :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[18] Puisque le demandeur n’a pas soulevé d’erreur de fait, je ne peux envisager d’accorder la permission d’en appeler selon ces prétendus moyens d’appel.

Prise en considération inappropriée de l’affaire Villani

[19] Le demandeur soutient également que la DG a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer les principes établis dans l’affaire Villani c. Canada. Plus particulièrement, elle a omis de tenir compte des limitations du demandeur dans un « contexte réaliste » et elle a évalué le critère relatif à la gravité sans tenir compte des facteurs relatifs au contexte, comme l’âge, la scolarité et l’expérience professionnelle. Il a noté qu’il était âgé de 50 ans à l’époque de sa demande, manquait d’éducation, possédait peu de compétences professionnelles et ne pouvait pas s’exprimer en anglais.

[20] Dans sa décision, la DG a noté les antécédents et des caractéristiques personnelles du demandeur (aux paragraphes 8, 9 et 35) et a fait référence au bon critère au paragraphe 38, tout en reconnaissant que le demandeur avait seulement exercé un travail physique au cours de sa carrière professionnelle. Au bout du compte, la DG a conclu qu’il ne semblait pas y avoir de facteur Villani qui empêcherait le demandeur de [traduction] « se chercher et de conserver une occupation rémunératrice convenable et qui demanderait moins d’efforts physiques ».

[21] Le reste des observations du demandeur pour ce motif est essentiellement une demande de révision de la preuve en ce qui a trait aux caractéristiques personnelles du demandeur. Je reprends les propos que la Cour d’appel fédérale a tenus dans l’affaire Villani [traduction] :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. »

[22] Je ne pourrais pas renverser l’évaluation effectuée par la DG, car elle a appliqué le critère juridique adéquat et pris en compte la situation personnelle du demandeur. Comme il a été fait en l’espèce, quoique rapidement, je ne vois aucune cause défendable pour ce moyen d’appel.

Conclusion

[23] La demande est rejetée.

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