Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

B. B., appelant

N. B., épouse de l’appelant et témoin

Leisa MacIntosh, avocate, présente au nom de Jamie MacGillivray, représentant de l’appelant

Heather Carr, représentante de l’intimé

Introduction

[1] La demande de pension d’invalidité présentée par l’appelant aux termes du Régime de pensions du Canada (RPC) a été estampillée par l’intimé le 7 février 2013.

[2] L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) de la décision découlant de la révision.

[3] L’audience de cet appel a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. Le manque de renseignements au dossier ou la nécessité d’obtenir des clarifications;
  2. La nécessité de procéder de la façon la plus informelle et rapide possible en ce qui a trait aux circonstances, à l’équité et à la justice naturelle en vertu du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.

Questions préliminaires

[4] Le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC de l’appelant ainsi que les certificats d’attestation qui y étaient joints manquaient au dossier. Il a été noté au cours de l’audience le 2 juin 2016 que l’appelant et l’intimé ont tous deux fait référence à ces documents, mais comme il a été mentionné, ceux-ci ne se trouvaient pas dans le dossier du Tribunal.

[5] Le Tribunal a demandé de recevoir ces documents, et ceux-ci ont été fournis par le représentant de l’appelant le 3 juin 2016. Le 6 juin 2016, le Tribunal a fait parvenir à l’intimé les documents reçus afin de vérifier qu’ils étaient les mêmes que ceux qui avaient été examinés par l’intimé. L’intimé avait jusqu’au 16 juin 2016 pour fournir une réponse. Le Tribunal n’a reçu aucune réponse.

[6] Puisque ces documents sont pertinents à l’affaire dont est saisi le Tribunal et puisqu’ils ont été examinés par les deux parties avant l’audience, le Tribunal a admis en preuve ces documents.

Droit applicable

[7] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[8] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[9] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[10] La question en litige ne concernait pas la PMA, car les parties conviennent que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2012, ce qu’a également conclu le Tribunal.

[11] En l’espèce, le Tribunal doit décider si, selon toute vraisemblance, l’appelant avait une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA, c’est-à-dire le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

Preuve

[12] L’appelant n’avait que 36 ans lorsqu’il est tombé dans une bouche d’égout en décembre 2010. L’appelant s’est blessé à l’épaule, au cou et aux bras lors de sa chute, et depuis, il souffre de douleur chronique. Il a été évalué par le Dr Watt, spécialiste physique et par le Dr Brien, chirurgien orthopédique, et ni l’un ni l’autre n’a relevé de problème physique spécifique qui pourrait être traité, mais ils ont confirmé que l’appelant souffrait de douleur chronique.

[13] L’appelant a terminé sa 12e année (formation générale), et grâce aux formations professionnelles, il a été en mesure d’obtenir certains certificats d’attestation.

[14] L’appelant a obtenu les certificats d’attestation suivants :

  1. a) Contrôle d’espaces clos – émis le 29 août 2011
  2. b) Accès à des espaces clos – émis le 29 août 2011
  3. c) Système de formation de sécurité des chantiers – émis le 18 janvier 2012
  4. d) Détection de gaz – expiré le 19 juillet 2015 (aucune date d’émission indiquée)
  5. e) Protection contre les chutes OSSA – émis le 14 août 2012

[15] En plus de ce qui précède, l’appelant a indiqué au cours de l’audience qu’il a mis à jour l’un de ses certificats l’an dernier. Il a indiqué qu’il a suivi le cours dans un garage à Cheticamp et que son employeur avait payé pour celui-ci. Il s’agissait d’un cours d’une journée avec un test vrai-faux. Il a indiqué que pour obtenir le certificat, il n’avait qu’à être présent, faire le test et mettre le harnais.

[16] L’appelant travaillait comme ouvrier dans une industrie pétrolière et travaillait aussi dans un chantier de construction. Au moment de sa chute en décembre2010, il travaillait à son compte et faisait des travaux de charpenterie.

[17] Après sa chute de décembre 2010, l’appelant est retourné travailler en janvier 2011 comme charpentier, mais cette fois-ci pour A. P., un entrepreneur local. Il a pris certains jours de congé à cause de douleurs. En avril2011, l’appelant a indiqué que son cou, son dos et ses jambes étaient encore endoloris, qu’il éprouvait beaucoup d’inconfort, que son dos s’était raidi et qu’il avait des spasmes de son épaule gauche jusque dans son cou. Il a indiqué qu’il était capable de travailler, mais qu’il avait de la difficulté à lever ses bras et qu’il n’était pas capable de faire certaines choses telles que poser du plâtre sur un mur ou lever des charges lourdes.

[18] Monsieur A. P. a déposé un affidavit devant le Tribunal concernant le travail de l’appelant. Il a indiqué qu’il connait l’appelant depuis quelques années et qu’à la suite de sa blessure subie en 2010, l’appelant avait communiqué avec lui, car il se cherchait un emploi parce qu’il devait recommencer à travailler afin de soutenir sa famille. Monsieur A. P. a embauché l’appelant en janvier 2011. Il a indiqué qu’après neuf semaines de travail, l’appelant a dû arrêter de travailler parce qu’il ne pouvait plus tolérer la douleur accrue causée par son travail. Il a arrêté de travailler même s’il n’avait pas accumulé suffisamment de semaines pour avoir droit à des prestations d’assurance-emploi. Monsieur A. P. a indiqué qu’il a vu la condition de l’appelant se détériorer à partir du moment où il a commencé à travailler jusqu’à son arrêt de travail, et que la douleur était évidente dans ses expressions faciales et ses mouvements physiques.

[19] Dans une lettre datée de septembre 2012, Monsieur A. P. a indiqué qu’il n’a pas embauché l’appelant de nouveau en 2012 parce qu’il ne pouvait pas effectuer le travail physique, et il ne voulait pas l’embaucher avant qu’il n’ait reçu une autorisation médicale complète en raison de la responsabilité qui pèserait sur lui si l’appelant se blessait davantage au travail.

[20] Dans son affidavit, Monsieur A. P. indique que lui et l’appelant ont perdu contact après 2011, mais qu’ils ont refait connaissance en décembre 2014 lorsqu’ils ont tous deux participé à une retraite spirituelle. Peu après la retraite, l’appelant a vécu des moments particulièrement difficiles, et il songeait apparemment au suicide. Un soir, la femme de l’appelant a communiqué avec Monsieur A. P. ainsi qu’avec la police, car elle avait peur que l’appelant se fasse du mal. Monsieur A. P. s’est rendu à la maison de l’appelant pour fournir de l’aide.

[21] Après avoir constaté que l’appelant et sa famille [traduction] « n’avaient rien », Monsieur A. P. indique que lui ainsi que d’autres personnes se sont cotisés et ont ramassé de l’argent (entre 200 et 300 $) pour aider l’appelant à faire son versement hypothécaire, à faire l’épicerie et à acheter quelques cadeaux de Noël pour ses enfants. Il a également donné à l’appelant un peu de mazout de chauffage et un chèque-cadeau pour que l’appelant et sa femme puissent avoir un rendez-vous romantique et relaxer un peu.

Travail en 2015

[22] Monsieur A. P. indique que l’appelant était dans la pauvreté. Alors, sa femme et lui en ont discuté et ont décidé d’offrir à l’appelant assez de travail pour qu’il puisse être admissible aux prestations d’assurance-emploi, sachant qu’il ne pourra pas travailler comme les autres employés en raison de ses conditions mentale et physique. Il savait que l’appelant :

[traduction]

[…] ne serait probablement pas un employé fiable ou même compétent, mais je ne lui offrais pas un emploi à cause de ses compétences. Je lui ai offert du travail pour venir en aide à lui et à sa famille. Si j’avais voulu embaucher quelqu’un de fiable et capable d’effectuer les tâches de l’emploi, j’aurais embauché quelqu’un d’autre que B. B.

[23] Monsieur A. P. indique dans son affidavit qu’il ne croit pas que l’appelant aurait été capable de se trouver un autre emploi, car il n’est tout simplement pas fiable en raison de sa douleur.

[24] L’appelant recevait un salaire de 15 $ de l’heure, mais Monsieur A. P. a augmenté son taux horaire à 17 $ de l’heure, car il savait que la famille de l’appelant peinait toujours à joindre les deux bouts. Il a indiqué que le taux de rémunération était approprié, mais qu’il ne pouvait pas le payer plus cher parce qu’[traduction] « il n’[était] tout simplement pas capable d’accomplir le travail ». Il a indiqué que le fait d’embaucher l’appelant lui a apporté des difficultés financières, malgré le fait que c’était une année bien remplie. Il a fait des heures supplémentaires pendant les fins de semaine pour que l’appelant puisse accumuler les heures dont il avait besoin, et il payait parfois l’appelant pour l’aider à effectuer des tâches qu’il aurait pu effectuer tout aussi facilement sans l’appelant. Il a indiqué qu’il a même mis à pied d’autres travailleurs compétents afin d’être en mesure de garder l’appelant jusqu’à ce qu’il ait suffisamment de semaines d’accumulées.

[25] Monsieur A. P. indique que c’était une [traduction] « lutte constante » de s’assurer que l’appelant se présente au travail et qu’il allait le chercher presque tous les jours et qu’il le reconduisait à la maison par la suite. Il a indiqué qu’il savait que l’appelant agissait ainsi, car il éprouvait de la douleur, il était fatigué ou il était triste parce qu’auparavant, il était capable d’en faire plus. Il a indiqué que l’appelant éprouvait de la douleur au moins la moitié de ses journées de travail et que l’appelant se forçait à aller au travail afin de subvenir aux besoins de sa famille.

[26] Monsieur A. P. a indiqué que la condition de l’appelant semblait s’améliorer pendant qu’il travaillait, mais que le progrès était très lent. Il a indiqué qu’il croyait que l’appelant faisait de son mieux et qu’il travaillait à sa capacité maximale, mais qu’il a fini par en payer le prix en éprouvant de la douleur.

[27] L’appelant a témoigné que lorsqu’il rentrait du travail, il devait prendre une douche et s’allonger avec une compresse chaude. Parfois, il allait directement au lit et d’autres fois, il souffrait de migraines qui le rendaient malade physiquement. Il a indiqué que lorsqu’il travaillait, il ne pouvait pas faire des travaux d’entretien de la maison.

[28] L’appelant a gagné 16 160 $ en 2015. Un relevé d’emploi lié au travail de l’appelant pour Monsieur A. P. indique que sur 31 périodes de paie, c’est-à-dire du 20 avril 2015 au 20 novembre 2015 (31 semaines), l’appelant n’a gagné aucun revenu au cours des semaines 5, 6, 7, 9, 16, 18 et 25. La plupart des semaines au cours desquelles il a travaillé, il gagnait 680 $ par semaine (40 heures à 17 $ de l’heure).

[29] L’appelant a témoigné qu’il ne pensait pas qu’il y avait un emploi qu’il pourrait exercer dans sa communauté, mais qu’il pourrait y avoir plus de choix dans la ville. Cependant, il a indiqué qu’il ne croyait pas être capable d’occuper un emploi sur une base régulière, car il trouve cela difficile chaque jour. Il a témoigné qu’autour de sa maison, il ne peut pas nettoyer, lever des objets ou tondre le gazon.

Demandes d’assurance-emploi

[30] En ce qui concerne les demandes d’assurance-emploi, l’appelant a témoigné qu’il a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi lorsqu’il a arrêté de travailler en 2011 et une autre en novembre 2015. Lorsque la représentante de l’intimé lui a demandé pourquoi il n’a pas présenté de demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi plutôt qu’une demande de prestations régulières d’assurance-emploi, l’appelant a indiqué qu’il ne connaissait pas la différence entre les deux types de prestations et que lorsqu’il a arrêté de travailler en 2011, il ne se cherchait pas activement du travail.

[31] Il y a des éléments de preuve au dossier démontrant que l’appelant a commis diverses infractions en vertu du régime d’assurance-emploi au fil des ans où il n’a pas déclaré des emplois qu’il a exercés, comme la loi l’exige. Les incidences de ses violations étaient qu’à un moment donné, il devait accumuler un nombre d’heures d’emploi assurable supplémentaire pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

Preuve médicale

[32] En mai 2012, le Dr Brien, chirurgien orthopédique, a noté que l’appelant souffrait de douleurs musculosquelettiques et neurologiques depuis sa chute en décembre 2010. Il souffrait de migraines et de douleurs au dos, au cou et à une jambe. La douleur constante qu’il ressentait dans son cou et dans son épaule gauche était accentuée par ses douleurs au dos et des spasmes intermittents au dos et le long de sa jambe. Il a noté que, parfois, l’appelant n’était même pas capable de faire des activités minimales ou de jouer avec ses enfants, et que parfois, il avait de la difficulté à marcher. Le Dr Brien a indiqué qu’il était [traduction] « évident » que l’appelant souffrait de douleur chronique à la suite de sa chute en décembre 2010. Il a recommandé qu’il fasse plus d’activités physiques et qu’il participe à de la physiothérapie ou à un programme de conditionnement physique.

[33] L’appelant fait de la physiothérapie, mais il trouvait que cela augmentait ses symptômes.

[34] En juin 2012, le Dr Watt (médecine physique et de réhabilitation) a indiqué que l’appelant avait un problème de douleur chronique sans problème physique spécifique pouvant être traité pour régler ses plaintes. Il a indiqué que l’appelant pourrait augmenter sa dose d’amitriptyline à 100 mg au coucher et essayer de la gabapentine ou du Lyrica. Il a encouragé fortement l’appelant à rester actif et a indiqué que cela ne lui ferait pas de mal.

[35] Selon son médecin de famille, le Dr Aucoin, en juillet 2012, l’appelant prenait de l’amitriptyline (100 mg) au coucher.

[36] En septembre 2012, le Dr Aucoin a indiqué que l’état de l’appelant s’était nettement amélioré, mais qu’il demeurait invalide.

[37] En février 2013, le Dr Aucoin a indiqué qu’il connaissait l’appelant depuis juin 2011 et qu’il souffrait de douleur chronique à l’épaule et au bas du dos en raison d’une blessure de type coup de fouet cervical, que sa douleur était chronique et qu’il était très peu probable que de la thérapie ou des traitements lui permettent de retourner exercer un certain type d’emploi.

[38] En avril 2013, un ergothérapeute a fait passer une évaluation d’entretien ménager à l’appelant. Le rapport indiquait qu’il prenait de l’Elavil et du Cymbalta à l’époque. Il a signalé de la douleur constante au cou qui est référée dans les deux bras par intermittence, des maux de tête (plusieurs par semaine), de la douleur du côté gauche du bas du dos, de la douleur constante à sa hanche gauche avec de la douleur intermittente référée le long de sa jambe gauche jusqu’au pied, de la douleur à la hanche droite suscitée par la marche prolongée et de la douleur intermittente à l’épaule gauche. Le rapport indiquait que l’appelant utilisait une compresse chaude et prenait des douches chaudes pour contrôler sa douleur, et que lorsque la douleur devient intense, il devient nauséeux. Le rapport indiquait qu’il pouvait effectuer de légères tâches ménagères, mais qu’il devait y aller à son rythme, et qu’il ne faisait pas certaines choses telles que nettoyer les planchers, pelleter, tondre le gazon, peinturer ou rénover.

[39] En avril 2013, le Dr Bond a dit être d’avis que l’appelant était incapable d’exercer les tâches substantielles de tout type d’occupation à temps plein qui lui conviendrait raisonnablement compte tenu de sa scolarité, de sa formation et de son expérience, et ce, en raison de la douleur qu’il ressent. Il a confirmé qu’exercer un emploi n’aggraverait pas ses blessures, mais qu’il n’était pas capable de travailler en raison de la douleur qu’il ressentait lorsqu’il restait debout ou assis pendant un certain temps et lorsqu’il exerçait toute activité exigeant un effort physique. Il a ajouté que l’ampleur de la douleur que l’appelant devrait endurer serait déraisonnable s’il retournait exercer tout type de travail. Le Dr Bond a indiqué qu’il estimait que le rapport subjectif de l’appelant était sincère et crédible. Le Dr Bond a indiqué que la condition de l’appelant devrait être considérée comme permanente.

[40] En février 2014, le Dr Aucoin a indiqué que la blessure au dos de l’appelant le rendait totalement invalide, qu’il souffrait de douleur à l’épaule postérieure gauche irradiant le long de son dos du côté gauche et que sa douleur augmentait lorsqu’il se tenait debout ou qu’il marchait, même pendant de courtes périodes. Le Dr Aucoin a indiqué que l’appelant a essayé d’effectuer des travaux légers, et ce, sans succès. Au cours de l’audience, l’appelant a indiqué qu’il croyait que le Dr Aucoin faisait référence au travail qu’il a fait en 2011, lorsqu’il préparait des devis pour des travaux de construction, qu’il mettait le site Web à jour et qu’il effectuait des tâches de nettoyage. L’appelant a gagné 5 640 $ en 2011.

[41] En juillet 2015, le Dr Aucoin a écrit à l’avocat de l’appelant. Il a indiqué que l’appelant souffrait de douleur neuropathique dans son épaule et son bras gauches depuis son accident survenu en 2010. Il a indiqué que l’appelant n’était pas employable à cause de ses symptômes limitant significativement ses activités la plupart du temps. Il a indiqué qu’il n’avait aucune raison de croire que les symptômes de l’appelant n’étaient pas réels.

[42] En janvier 2016, le Dr Bond (traitement des douleurs chroniques et anesthésie) a indiqué avoir observé quelques améliorations mineures au niveau des fonctions cliniques et de la douleur de l’appelant depuis sa dernière évaluation, et que bien qu’il ait entrepris des travaux pour un employeur compatissant, il demeurait persuadé que l’appelant n’était pas capable de retourner à l’emploi qu’il exerçait avant sa blessure.

[43] Le Dr Bond a indiqué que la capacité de l’appelant à effectuer des travaux sédentaires ou légers serait limitée par ses capacités fonctionnelles réduites si le travail nécessitait qu’il dépasse son niveau de capacités démontré en vertu de l’évaluation des capacités fonctionnelles effectuée en décembre 2015.

[44] Le Dr Bond a indiqué qu’il n’y avait toujours pas de restriction clinique ou psychologique pour ce qui est de la capacité de l’appelant à travailler et que le travail ne causerait pas de blessure ou n’aggraverait pas ses blessures. Il a indiqué ce qui suit : [traduction] « [L]a dégradation de sa capacité à travailler est causée par la douleur qu’il ressent lorsqu’il se tient en position debout, assise, qu’il s’étire ou se penche,peu importe la période de temps et le type d’activité nécessitant un effort physique. »

[45] Le Dr Bond a indiqué que l’appelant ressentirait une douleur plus intense s’il retournait exercer tout type d’emploi. Il était d’avis que le rapport subjectif de l’appelant était sincère et crédible.

Évaluations des capacités fonctionnelles

[46] L’appelant a participé à deux évaluations des capacités fonctionnelles (ÉCF), une en mars 2013 et une autre en décembre 2015.

[47] L’ÉCF datant de 2013 indique qu’il est important de tenir compte des aptitudes de l’appelant pour exercer des activités qui ne requièrent pas d’efforts, car celles-ci seraient nécessaires pour exercer des tâches sédentaires et légères. Il a été noté que l’appelant avait des restrictions provoquées par des activités qui ne requièrent pas d’efforts, notamment lorsqu’il doit s’étirer et effectuer des tâches de manutention, se pencher, s’agenouiller et s’accroupir. Il est indiqué que puisque ses activités qui ne nécessite pas d’efforts sont restrictives, l’appelant possède de l’expérience de travail très restreint et que ses capacités fonctionnelles réduites l’empêchent d’exercer des emplois sédentaires ou même des tâches légères si les exigences de cet emploi qui ne requière principalement pas d’efforts vont au-delà des capacités qu’il a démontrées. Il a été noté qu’à cause de ses restrictions provoquées par des activités qui ne requièrent pas d’efforts, notamment ses restrictions pour ce qui est de s’étirer ou manipuler des objets, sa tolérance de travail était de 2,5 à 3 heures par jour. Le rapport indique que les tolérances de l’appelant pour ce qui est de s’assoir (30 minutes), se tenir debout et marcher (5 minutes) révèlent une tolérance de travail qui se situe entre 4 et 6 heures à un degré d’efforts allant de léger à moyen, et permettant une souplesse posturale alternant entre une mise en charge et des positions assises.

[48] L’évaluation des capacités fonctionnelles réalisée en décembre 2015 indique que l’emploi de l’appelant en 2015 allait au-delà des capacités fonctionnelles qu’il avait démontrées et que par conséquent, il avait des niveaux élevés de douleurs et une diminution de fonctions pour les tâches effectuées en dehors du travail. Autrement, les résultats de l’appelant étaient semblables à ceux qu’il avait eus en 2013, à l’exception de ses activités liées au haut du corps, car il était en mesure d’en faire moins en 2015 qu’en 2013. Des restrictions ont été notées lorsqu’il doit s’étirer, faire des tâches de manutention, se pencher, s’agenouiller et s’accroupir.

Observations

[49] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Les documents médico-légaux au dossier sont fiables, car les médecins se doivent de fournir une opinion et une évaluation justes;
  2. Le Dr Watt et le Dr Bond ont fourni des avis médicaux, et par conséquent, l’absence de commentaires au sujet de l’employabilité ne devrait pas être interprétée à l’encontre de l’appelant. Ils ont tous deux appuyé une conclusion selon laquelle l’appelant souffrait de douleur chronique;
  3. Monsieur A. P. était un employeur bienveillant, et il ressort clairement de la preuve que l’appelant n’était pas un employé constant ou fiable;
  4. L’appelant habite dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse, et l’on ne devrait pas lui tenir rigueur du manque d’accès à des traitements;
  5. Les certificats dont il avait besoin étaient nécessaires pour qu’il ait accès au chantier.

[50] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Il ne suffit pas à l’appelant de prouver qu’il souffre de douleur chronique. Il doit également démontrer que cela l’empêche de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice, qu’il a cherché à obtenir un traitement et qu’il a déployé des efforts pour gérer sa douleur. De plus, le Dr Brien et le Dr Watt ont indiqué qu’il n’y a aucune restriction médicale empêchant l’appelant de travailler et ils recommandent qu’il demeure actif.
  2. L’appelant n’a pas déclaré ses activités professionnelles à l’intimé comme il est exigé, il reçoit des prestations régulières d’assurance-emploi et ces incohérences signalées à deux ministères différents sont des éléments de preuve de sa capacité à travailler. De plus, il a obtenu des certificats autour de l’année 2012, ce qui suggère qu’il avait conservé une capacité de travail. À la lumière de cette capacité de travail et puisqu’il n’a pas tenté de se recycler ou d’exercer des travaux légers, il ne satisfait pas au critère établi dans la décision Inclima.
  3. Les évaluations des capacités fonctionnelles révèlent qu’il a une tolérance de travail qui se situe entre 4 et 6 heures par jour, et l’on devrait accorder à celles-ci un poids considérable.
  4. La preuve ne vient pas appuyer une conclusion selon laquelle Monsieur A. P. était un employeur bienveillant parce que l’appelant exerçait un travail adapté à ses limitations et a arrêté de travailler lorsque l’emploi a pris fin, et non pas pour des raisons médicales.

Analyse

[51] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2012 ou avant cette date.

Caractère grave

[52] Le Tribunal conclut que l’appelant souffrait de douleur chronique en se fondant sur les rapports du Dr Brien (mai 2012), du Dr Aucoin (février 2013) et du Dr Watt (juin 2012). Ces rapports indiquent une régularité dans les diagnostics de douleur chronique de l’appelant.

[53] La douleur chronique de l’appelant fait en sorte qu’il a des limitations fonctionnelles lorsqu’il doit s’assoir, se tenir debout, s’étirer et effectuer des tâches de manutention, ainsi que lorsqu’il doit se pencher, s’agenouiller et s’accroupir.

[54] Le Tribunal a examiné soigneusement les évaluations des capacités fonctionnelles (ÉCF) datant de mars 2013 et de décembre 2015. Le Tribunal accuse réception de l’observation de l’intimé selon laquelle ces rapports indiquent que l’appelant a démontré une tolérance de travail se situant entre 4 et 6 heures par jour, mais il n’est pas d’accord avec l’interprétation qu’il a faite de ces rapports.

[55] Les ÉCF indiquent que la durée maximale pendant laquelle l’appelant pouvait rester assis était de 30 minutes avec un déplacement occasionnel du poids et il a démontré que la durée maximale pendant laquelle il pouvait rester debout était de 5 minutes. Il a été noté que l’appelant a signalé des niveaux de tolérance semblables. Les rapports d’ÉCF indiquent qu’en raison des aptitudes de l’appelant à s’assoir et à se tenir debout, il aurait une tolérance de travail se situant entre 4 et 6 heures par jour à un degré d’efforts léger, à condition qu’il soit en mesure d’alterner entre une position debout et une position assise. Sans ses mesures d’adaptation, le niveau de tolérance par quart de travail de l’appelant serait moindre. Cependant, le rapport ne s’arrête pas là. Il révèle plus loin que sa tolérance par quart de travail serait d’autant plus limitée s’il exerçait un travail sédentaire ou léger en raison de ses restrictions liées à des tâches qui ne demandent même pas d’efforts telles que s’étirer, manipuler, se pencher, s’agenouiller et s’accroupir. Avec ces restrictions, l’appelant avait une tolérance de travail de 2,5 à 3 heures par jour.

[56] L’appelant a tenté de travailler à un degré d’efforts allant de léger à moyen en 2011 lorsqu’il effectuait des travaux d’installation et de nettoyage sur des chantiers de construction et il n’a pas été pas capable de maintenir ce niveau de travail. Il a dû arrêter de travail avant d’être en mesure d’accumuler suffisamment de semaines pour obtenir des prestations d’assurance-emploi.

[57] Le Tribunal estime que les restrictions énoncées dans les ÉCF limitent à tel point l’appelant que les tolérances de travail signalées ne concordent avec aucun emploi réel que pourrait exercer l’appelant dans un contexte réaliste. L’appelant peut rester assis pendant seulement 30 minutes, rester debout pendant 5 minutes et est d’autant plus limité lorsqu’il doit s’étirer, manipuler, se pencher, s’agenouiller et s’accroupir. Le Tribunal conclut qu’aucun employeur n’embaucherait l’appelant dans un contexte réaliste compte tenu de ces restrictions. Dans un contexte commercial réaliste, les employeurs ne veulent pas gérer des employés qui souffrent de limitations fonctionnelles aussi extrêmes. L’appelant n’est pas employable dans le cadre des réalités commerciales qui existent en raison des limitations causées par sa douleur chronique.

[58] La Cour fédérale a indiqué, dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, que le caractère grave doit être évalué dans un contexte réaliste et que le critère de gravité comporte un aspect d’employabilité, lequel existe selon le contexte des réalités commerciales et la situation particulière de l’appelant, ce qui englobe des facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, les compétences linguistiques, l’expérience de vie et l’expérience de travail.

[59] Le Tribunal a tenu compte de l’appelant dans un contexte réaliste et a pris en considération qu’il était relativement jeune et qu’il possédait une 12e année, ainsi que sa maîtrise de l’anglais et son expérience de travail dans le cadre d’emplois manuels. Le Tribunal conclut que malgré les facteurs en sa faveur (âge, scolarité et langue), les limitations causées par sa douleur le rendent incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[60] Le Tribunal note que dans l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers' Compensation Board) c. Laseur, [2003] 2 RCS 504, 2003 CSC 54, la Cour suprême du Canada a reconnu ce qui suit : « En réalité, malheureusement, il arrive souvent que le meilleur traitement disponible n’empêche pas la douleur chronique de devenir un état permanent et débilitant. ».

[61] Le Tribunal conclut que cela est le cas pour l’appelant. Les rapports médicaux n’indiquent aucune condition pouvant être traitée et confirment le diagnostic de douleur chronique de l’appelant. Les rapports indiquent que ses déclarations subjectives de douleur et de limitations sont réelles et que les efforts qu’il a déployés lors de ses évaluations sont raisonnables.

[62] Le médecin de famille de l’appelant a indiqué qu’aucune thérapie et qu’aucun traitement n’aiderait l’appelant à retourner travailler. Malgré cela, l’appelant a essayé la physiothérapie ainsi que des analgésiques, mais ceux-ci n’ont apporté aucune véritable amélioration. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant s’est conformé de façon raisonnable aux traitements recommandés.

[63] Le Tribunal a tenu compte des antécédents de travail de l’appelant avant sa PMA ainsi que les gains considérables qu’il a réalisés en 2015. Le Tribunal a soigneusement examiné l’affidavit de Monsieur A. P. et a conclu que Monsieur A. P. était ce que l’on appelle parfois un « employeur bienveillant ». Le simple fait que l’appelant ait été capable de gagner un certain revenu en 2015 n’empêche pas automatiquement l’appelant d’être admissible à une pension d’invalidité. L’appelant devrait être félicité pour avoir essayé de retourner sur le marché du travail même si un certain nombre de jours, son employeur voyait clairement qu’il souffrait grandement en étant au travail et qu’il n’était pas capable de faire quoi que ce soit lorsqu’il rentrait à la maison.

[64] L’expression « employeur bienveillant » n’est pas définie pas le RPC. Cependant, au paragraphe 7 de l’arrêt Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, la Cour d’appel fédérale a écrit ce qui suit :

Le site Web du gouvernement du Canada propose aussi un « Cadre d’évaluation de l’invalidité du Régime de pensions du Canada » pour venir en aide aux décisionnaires du RPC dans l’interprétation et l’application des dispositions du paragraphe 42(2) du RPC. Fait important en l’espèce, ce document explique que des personnes au service d’un « employeur bienveillant » pourraient encore être considérées comme étant atteintes d’une invalidité grave au sens du sous-alinéa 42(2)a)(i), même si elles travaillent selon un horaire régulier et reçoivent des revenus considérés comme étant « véritablement rémunérateurs ». Voici la définition que ce document donne de l’expression « employeur bienveillant » :

Un « employeur bienveillant » est quelqu’un qui variera les conditions de travail et modifiera ses attentes à l’égard de l’employé, en raison de ses limitations. Les exigences liées au travail peuvent varier, la principale différence étant que le rendement, le résultat ou le produit attendu du client est considérablement moindre que le rendement usuel, le résultat ou le produit attendu des autres employés. Cette capacité réduite de s’acquitter de fonctions à un niveau concurrentiel est acceptée par l’employeur « bienveillant », et le client est régulièrement incapable d’occuper un emploi dans un marché de travail compétitif. Le travail effectué pour un employeur bienveillant n’est pas considéré comme étant une « occupation » aux fins de l’admissibilité ou de l’admissibilité continue aux prestations d’invalidité du RPC.
(http://www.edsc.gc.ca/fra/invalidite/prestations/evaluation.shtml).

[65] La Commission d’appel des pensions, dans l’affaire MDRH c. Bennett (20 juillet 1997) CP 4757, a conclu qu’il n’était pas raisonnable de demander à un employeur d’être d’apporter un soutien avec un horaire de travail flexible ou des exigences souples en matière de productivité compte tenu du marché de travail concurrentiel actuel. La Commission a indiqué que dans d’autres cas, un tel employeur est appelé un « employeur philanthrope ». Elle a conclu que si une personne devait recevoir l’aide d’une telle personne bienveillante pour retourner sur le marché du travail, alors il est raisonnable d’affirmer qu’une telle personne est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

[66] Il ressort clairement de la preuve au dossier que la performance et le rendement de l’appelant n’étaient pas les mêmes que ceux attendus des autres travailleurs. Le travail fait par l’appelant était un vrai travail, mais celui-ci ne respectait pas la norme exigée par un employeur qui n’était pas compatissant avec la situation personnelle de l’appelant. Seulement un employeur compatissant conduirait son employé, récolterait de l’argent pour des cadeaux de Noël, lui donnerait de l’huile et de l’argent pour son épicerie, essayerait de l’aider sur un plan spirituel et ferait des heures supplémentaires pour que l’employé puisse accumuler suffisamment d’heures et de semaines pour être admissible à l’assurance-emploi. Il ressort clairement de la preuve au dossier que Monsieur A. P. était guidé par des motifs purement altruistes, et bien qu’il ait bénéficié du travail fait par l’appelant, le travail n’était pas d’un niveau de qualité ou de productivité attendu et exigé d’un employé dans un contexte commercial réaliste. Monsieur A. P. était un « employeur bienveillant »; tout autre employeur devant composer avec la réalité d’une entreprise commerciale n’embaucherait pas l’appelant, car il n’est pas capable de faire un travail constant et fiable, y compris un travail sédentaire ou des charges légères ou moyennes de travail.

[67] Le Tribunal conclut que l’insinuation de l’intimé selon laquelle l’appelant pourrait réussir à effectuer des travaux légers est contraire aux limitations objectives prévues dans les ÉCF de 2013 et de 2015, lesquelles indiquent que la capacité de l’appelant à effectuer des travaux légers est non seulement limitée par ses limitations à rester assis (30 minutes), mais également par ses limitations qui ne sont pas provoquées par l’effort. Les rapports médicaux indiquent clairement que l’appelant est limité par sa douleur et que les déclarations de l’appelant sont réelles. Le Tribunal conclut qu’un emploi sédentaire avec des tâches légères n’est pas une solution raisonnable pour l’appelant en raison de sa douleur et des limitations que cela entraîne.

[68] Le Tribunal note les observations de l’intimé concernant les déclarations incohérentes de l’appelant, par exemple, indiquant qu’il était prêt et apte à travailler, et capable de travailler lorsqu’il a présenté une demande d’assurance-emploi, et indiquant qu’il était incapable de travailler lorsqu’il a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC. Le Tribunal note également que dans les demandes d’assurance-emploi de l’appelant qui se trouvent au dossier, on lui a demandé la question suivante : [traduction] « Pourquoi ne travaillez-vous pas? et dans tous les cas, il a indiqué que c’était en raison d’un manque de travail. L’une des autres options était une maladie, une blessure ou une chirurgie. Le Tribunal a également noté les violations en vertu du régime d’assurance-emploi pour revenu non déclaré.

[69] Le Tribunal reconnait que l’appelant cherchait à devenir admissible à l’assurance-emploi lorsqu’il a rempli ses demandes, et par conséquent, il n’a accordé aucun poids aux déclarations faites dans ses demandes, selon lesquelles il était prêt et apte à travailler, et capable de travailler.

[70] Lorsqu’il a évalué la crédibilité de l’appelant, le Tribunal a tenu compte de ces déclarations contradictoires, des violations de l’appelant en vertu du régime d’assurance-emploi, et il a tenté de déterminer à quel point la preuve médicale ainsi que d’autres éléments de preuve venaient appuyer l’élément de preuve selon lequel la douleur chronique de l’appelant l’empêchait de travailler. Le Tribunal a également tenu compte du fait que les médecins de l’appelant avaient conclu qu’il était sincère lorsqu’il déclarait qu’il éprouvait de la douleur et qu’il avait des limitations fonctionnelles. Sur l’ensemble de la preuve qui avait été présentée au Tribunal, celui-ci accepte la preuve de l’appelant à l’appui de ses limitations fonctionnelles causées par sa douleur chronique.

[71] Le Tribunal note l’observation de l’intimé selon laquelle l’appelant n’a pas arrêté de travailler en 2015 en raison de sa condition médicale, mais plutôt parce que son travail a pris fin. Le Tribunal conclut que cela n’est pas un facteur pertinent compte tenu de la nature bienveillante de sa relation d’emploi, dont le but principal était de permettre à l’appelant d’accumuler suffisamment de semaines pour pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi. Aucun élément de preuve présenté au Tribunal ne vient appuyer le fait que l’appelant aurait travaillé plus longtemps que nécessaire afin d’obtenir des prestations d’assurance-emploi.

[72] En ce qui concerne l’observation de l’intimé selon laquelle l’appelant avait démontré une capacité de travail, le Tribunal conclut, après avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve qui lui avait été présentée, qu’aucun élément de preuve ne vient appuyer une capacité de travail après le mois de juin 2011. Voici les raisons de cette conclusion :

  1. Comme il est décrit précédemment, les ÉCF n’indiquent pas que l’appelant pourrait effectuer un travail réel dans un contexte réaliste, car les restrictions ne sont pas réalistes dans notre réalité commerciale;
  2. L’appelant n’aurait pas été capable de travailler en 2015 si ce n’était de son employeur bienveillant.

[73] En ce qui concerne les attestations que l’appelant a obtenues depuis 2011, le Tribunal conclut que ces cours ne représentent pas une capacité de travailler, car ce sont des cours d’une journée qui ne permettent pas de déterminer que l’appelant serait régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il y a seulement des éléments de preuve indiquant qu’il est capable d’être en salle de classe une journée à la fois, et ce, pour une période de quatre à huit heures. Il ne s’agit pas d’élément de preuve selon lequel il serait fiable et capable d’être présent régulièrement dans un véritable environnement de travail.

[74] De plus, s’il y avait eu des éléments de preuve à l’appui d’une capacité de travailler, le Tribunal aurait conclu que l’appelant a respecté le critère prévu dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117 (lorsqu’il y a des éléments de preuve à l’appui d’une capacité de travail, une personne doit démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santé) dans le cadre de son emploi en 2015. Le travail exercé par l’appelant en 2015 ne constituait pas des travaux lourds. Le travail de l’appelant a été décrit comme étant celui [traduction] « d’assistant » ou de [traduction] « coureur de chantier », pour lequel il distribuait les outils et branchait les câbles. Il soulevait quelques charges, mais il ne soulevait pas de poids lourds (page 6 de l’affidavit de Monsieur A. P.). Il s’agissait de tâches légères à moyennes avec de fréquents changements de position avec aucune longue période en position assise et aucune charge lourde à soulever. Cependant, selon son employeur, l’appelant n’était pas capable d’exercer cet emploi en raison de sa douleur; il s’est beaucoup absenté, pendant des semaines d’affilée, et il ne pouvait rien faire à la fin de ses journées de travail. L’appelant a essayé de retourner travailler, mais il n’était pas capable d’être efficace à cause de ses problèmes de santé.

[75] Le Tribunal note que l’appelant vie dans une région économiquement éprouvée. Cependant, puisque les facteurs socioéconomiques, comme les conditions du marché du travail, ne sont pas pertinents au moment de déterminer si une personne est invalide au sens du RPC (Canada(MDRH) c. Rice, 2002 CAF 47), le Tribunal n’a pas tenu compte de tels facteurs dans sa décision.

[76] Compte tenu de l’ensemble de la preuve qui lui avait été présentée, le Tribunal conclut que l’appelant souffrait d’une invalidité grave en vertu du RPC depuis juin 2011, laquelle est toujours présente aujourd’hui.

Caractère prolongé

[77] Le Dr Bond a indiqué qu’il croyait que la condition de l’appelant était permanente, et le Dr Aucoin a indiqué qu’aucune thérapie et qu’aucun traitement ne permettrait à l’appelant de retourner travailler.

[78] Certaines déclarations au dossier faites par le Dr Aucoin et Monsieur A. P. au dossier indiquent que la condition de l’appelant pourrait s’améliorer. Cependant, rien au dossier n’indique que la condition de l’appelant s’améliorera à tel point qu’elle ne sera plus grave.

[79] À la lumière de l’ensemble de la preuve qui lui avait été présentée, y compris les pronostics du Dr Bond et du Dr Aucoin, le Tribunal conclut que l’appelant souffre d’une invalidité prolongée en vertu du RPC.

Conclusion

[80] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en juin 2011, lorsqu’il a cessé de travailler.

[81] Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en février 2013; l’appelant est donc réputé invalide en date de novembre 2011.

[82] En vertu de l’article 69 du RPC, les versements commencent à compter du quatrième mois qui suit la date prétendue du début de l’invalidité. Les prestations seront donc versées à compter de mars 2012.

[83] L’appel est accueilli.

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