Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Comparutions

J. M., appelante

David Green, représentant de l’appelante

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 24 septembre 2013.

[2] Dans sa demande de prestations d’invalidité, l’appelante a indiqué qu’elle a arrêté de travailler comme directrice commerciale dans un magasin de fournitures de bureau le 27 juin 2011 en raison d’une blessure au dos, d’une fibromyalgie et d’une hernie discale découlant d’un accident de voiture survenu au mois de décembre 2010.

[3] L’intimé a refusé la demande au stade initial ainsi qu’au terme d’un nouvel examen. L’appelante a interjeté appel de la décision en réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[4] Au départ, l’instruction de l’appel a été fixée au 20 avril 2016, mais l’appelante a demandé un ajournement au motif que son représentant avait un conflit d’horaire et afin de veiller à ce que des rapports médicaux à jour soient disponibles à temps. L’ajournement a été accordé.

[5] L’audience dans le cadre de cet appel a été tenue par vidéoconférence pour les motifs suivants :

  1. les audiences peuvent être tenues par vidéoconférence à une distance raisonnable de la région où habite l’appelante;
  2. il y avait de l’information manquante ou il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  3. ce mode d’audience est celui qui convient davantage pour traiter des incohérences relevées dans la preuve;
  4. ce mode d’audience satisfait à l’obligation, énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de procéder de façon aussi informelle et rapide que possible dans la mesure où les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Questions préliminaires

[6] Le 19 juillet 2016, avant qu’il ne mette la dernière main à sa décision, le Tribunal a reçu de l’intimé des documents concernant l’emploi de l’appelante au mois de décembre 2014. Le Tribunal a refusé d’admettre les documents au motif que le délai prescrit pour les déposer était depuis longtemps expiré, que ces documents ne se rapportaient pas aux questions en litige et qu’ils n’étaient donc pas pertinents, et qu’il n’y avait aucune raison convaincante de les admettre dans l’intérêt de la justice.

Droit applicable

[7] L’alinéa 44(1)b) du RPC établit les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une pension d’invalidité, un demandeur doit :

  1. a) avoir moins de soixante‑cinq ans;
  2. b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[8] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[9] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être considérée comme étant invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[10] Aux termes de l’alinéa 70(1)a) du RPC, une pension d’invalidité cesse d’être payable avec le paiement qui concerne le mois au cours duquel le bénéficiaire cesse d’être invalide.

Question en litige

[11] La PMA n’est pas en litige, car les parties s’entendent à cet égard; le Tribunal conclut que la date qui marque la fin de la PMA est le 31 décembre 2013, la date de fin de la PMA calculée au prorata étant le 28 février 2014.

[12] Dans la présente affaire, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de la PMA ou avant cette date.

Preuve

[13] L’appelante est âgée de 43 ans et habite en Nouvelle‑Écosse. Elle a achevé une douzième année et a fréquenté un collège pendant un semestre. Son registre des gains indique qu’elle a travaillé et versé des cotisations au RPC chaque année de 1990 à 2011. Elle a un fils, né en février 1995.

[14] L’appelante a témoigné qu’elle a souvent occupé plusieurs emplois à la fois. De 2006 à 2009, elle a travaillé comme gérante du comptoir de charcuterie chez Sobeys. En 2009, elle a été embauchée par Staples, où elle a travaillé comme directrice commerciale. Ce travail l’amenait à être debout toute la journée, à assurer le fonctionnement de la trésorerie et à travailler au service à la clientèle.

[15] Au mois de décembre 2010, l’appelante a été impliquée dans un accident de voiture au cours duquel elle a subi des blessures aux tissus mous du cou et du dos. Elle avait été impliquée dans plusieurs accidents similaires par le passé, mais celui‑ci lui a causé d’importantes difficultés. En plus de ses blessures lui causant des maux de tête, des douleurs dans tout le corps, et des engourdissements dans les jambes, elle avait des problèmes préexistants, notamment des douleurs au bas du dos et un reflux gastroœsophagien pathologique (GERD). Elle avait de la difficulté à maintenir son poids et a alors pris plus de poids parce qu’elle était incapable de faire quelque type d’exercice que ce soit. Ses douleurs ont ainsi été aggravées, et elle s’est mise à souffrir d’hypertension artérielle.

[16] L’appelante a témoigné qu’elle a essayé de retourner au travail immédiatement après l’accident, mais qu’elle y est restée moins d’une semaine. Elle y est retournée de nouveau au mois d’avril 2011 suivant un programme de retour au travail graduel prévoyant des tâches allégées, sur recommandation de son médecin de famille, le Dr Roy. Au départ, elle a travaillé entre 10 et 15 heures par semaine, puis elle a haussé le nombre d’heures jusqu’à ce qu’elle travaille à temps plein au mois de juin 2011. Elle éprouvait cependant des douleurs importantes et devait prendre des analgésiques pendant qu’elle travaillait, ce qui lui donnait l’impression d’avoir le cerveau embrouillé. Elle a cru qu’elle ne pourrait s’y faire et a donc cessé de travailler le 27 juin 2011. Elle a témoigné que les gains qui ont été inscrits dans son registre des gains après cette date tenaient à une paye de vacances et à des retraits de sa pension et indiqué qu’après le mois de juin 2011, elle n’a pas travaillé jusqu’au mois de décembre 2014, ainsi qu’il est expliqué ci‑après.

[17] L’appelante a témoigné qu’elle souhaitait ardemment retourner travailler chez Staples ou obtenir un autre type de travail, mais qu’elle était incapable de faire quoi que ce soit dans ce sens. Elle a témoigné que, pendant les trois années qui ont suivi, elle avait eu très peu de mobilité en raison des restrictions attribuables aux douleurs qu’elle ressentait. Elle a essayé plusieurs types différents d’analgésiques et a développé une accoutumance à l’Hydromorph Contin. En effet, lorsqu’elle était entre deux doses, elle ressentait des symptômes de sevrage et avait notamment des tremblements et des vomissements, et elle était « dopée » et incapable de se concentrer pour cette raison et parce qu’elle prenait d’autres analgésiques. Elle ne pouvait dormir, car ses douleurs l’empêchaient de s’allonger sans bouger. Chaque jour, elle était épuisée, d’où son sentiment d’avoir le cerveau embrouillé. Elle s’en remettait à son partenaire, qui était préposé à des soins personnels, pour s’occuper d’elle. Elle dormait dans un lit spécial et utilisait un fauteuil roulant. Elle était incapable de s’occuper de la maisonnée. Son fils, adolescent, préparait ses propres repas et faisait sa propre lessive. Elle a témoigné que, pendant cette période, le Dr Roy avait conclu qu’elle souffrait de dépression.

[18] Au mois de janvier 2012, l’appelante pesait 220 livres, alors qu’elle avait pesé 140 livres lorsqu’elle était une jeune adulte. L’année précédente, elle avait consulté plusieurs spécialistes concernant son problème de GERD et son obésité; elle a donc subi une chirurgie bariatrique le même mois.

[19] L’appelante a témoigné qu’après avoir subi cette intervention chirurgicale, elle a entrepris un long processus visant à essayer de perdre du poids et à réapprendre à affronter la vie de tous les jours. Au cours des deux années qui ont suivi, elle a perdu 100 livres au total. Toutefois, elle a constaté que cette perte de poids n’avait pas atténué ses douleurs ni accru sa mobilité. En raison de l’intervention chirurgicale qu’elle avait subie, elle a commencé à avoir un problème de vessie irritable.

[20] L’appelante a témoigné qu’elle avait été désemparée de ne pouvoir travailler, car elle avait travaillé presque sans arrêt depuis l’âge de 17 ans. Elle touchait des prestations d’invalidité à long terme de la Sun Life et, vers le mois de juin 2013, elle a consulté un conseiller de la Sun Life pour discuter d’emplois possibles et de domaines dans lesquels elle pourrait se recycler. Elle a témoigné qu’elle et le conseiller n’avaient pu penser à aucun emploi qu’elle aurait pu occuper. Elle ne pouvait exécuter des tâches physiques, ni rester assise sans bouger, ni se concentrer. Pour cette raison, la Sun Life a refusé de lui verser une somme d’argent à des fins de recyclage.

[21] L’appelante a témoigné qu’elle avait suivi tous les traitements qui lui avaient été recommandés. Elle a suivi une physiothérapie par intermittence pendant deux ans et demi, sans succès. Elle s’est présentée pour la dernière fois à de telles séances du mois de juillet au mois de septembre 2013, après quoi la physiothérapeute lui a dit qu’il n’y avait rien qu’elle puisse faire, si ce n’est laisser le temps faire les choses. Elle a continué d’utiliser un neurostimulateur transcutané (NSTC) et de faire les exercices qui lui avaient été suggérés lorsqu’elle en était capable.

[22] L’appelante a demandé une pension d’invalidité du RPC en septembre 2013. Elle a témoigné que la Sun Life avait exigé qu’elle le fasse et que, si elle avait connu l’existence de la prestation, elle en aurait fait la demande plus tôt.

[23] L’appelante a rempli un questionnaire le 18 septembre 2013 et a soumis celui‑ci dans le cadre de sa demande de prestations d’invalidité. Dans ce questionnaire, elle a fait mention de ses importantes limitations dans tous les domaines, causées par une fatigue extrême, une fibromyalgie, des lésions à la moelle épinière, des lésions nerveuses et une hernie discale au dos. Elle avait de la difficulté à s’asseoir et à se tenir debout en raison d’engourdissements, de raideurs et de douleurs extrêmes. Elle a indiqué qu’elle souffrait d’anxiété importante et qu’elle était incapable de s’acquitter des tâches de gérante. Elle ne marchait plus avec ses amis; il était très difficile de s’acquitter des tâches ménagères, et elle s’en remettait à cet égard à son fils de 18 ans. Elle a déclaré qu’elle avait mis fin à ses activités ou avait réduit celles‑ci considérablement en raison de l’accident qu’elle avait subi au mois de décembre 2010. Elle prenait des médicaments sur ordonnance qui compromettaient son jugement et sa capacité de se concentrer. Elle a indiqué qu’elle a assuré un suivi auprès du Dr Roy toutes les deux semaines pour gérer ses douleurs, son hypertension artérielle et sa thérapie; et qu’elle était en attente d’un renvoi à une autre clinique de la douleur pour traiter sa fibromyalgie.

[24] En janvier 2014, la Sun Life a cessé de verser à l’appelante des prestations d’invalidité à long terme au motif qu’elle était capable d’occuper un certain type d’emploi.

[25] Dans une lettre datée du 10 février 2014, l’appelante a demandé le réexamen de cette décision et déclaré qu’elle continuait d’éprouver beaucoup de difficultés à se débrouiller dans la vie de tous les jours. Les traitements n’avaient donné lieu à aucune amélioration. Elle a ajouté ceci :

[Traduction]
Je me réveille le cerveau embrouillé en raison des analgésiques que je prends sur ordonnance tous les jours. J’ai beaucoup de difficulté à me concentrer sur une seule tâche. Je prends beaucoup de temps à m’extirper du lit. Je ne peux dormir pendant plus de 30 à 40 minutes à la fois, parce que cela devient extrêmement inconfortable. Je me lève plusieurs fois la nuit. Je porte un NSTC tous les jours pour essayer d’exécuter certaines tâches, notamment préparer un repas ou faire la vaisselle. J’ai besoin d’aide pour faire la lessive; je ne peux lever une charge de vêtements ni monter ou descendre les escaliers. Par la suite, je suis trop fatiguée et je ne peux pas faire beaucoup d’autres choses. Les activités de la vie quotidienne ont subi le coup de ces problèmes de santé. C’est très déprimant de vivre de cette façon. Je n’éprouve aucun plaisir à participer à des événements sociaux et je les évite souvent, et je me sens confuse en présence d’un grand nombre de personnes. Le stress, quelle qu’en soit la mesure, provoque des douleurs supplémentaires et des raideurs, et c’est très inconfortable. Les analgésiques m’ont apporté très peu de soulagement et ils ne réussissent pas à atténuer les douleurs. J’ai dû essayer à plusieurs reprises d’écrire la présente lettre, car rester en position assise ou debout pendant un certain moment est très difficile et douloureux. D’autres méthodes de thérapie, comme la massothérapie ou la physiothérapie, m’ont apporté très peu de soulagement à courte terme, voire aucun. Mon état ne s’est pas amélioré. Avec le temps, il n’a fait que s’aggraver.

[26] L’appelante a témoigné que, pendant plusieurs années, elle a tenté sans succès de rajuster ses médicaments antidouleurs et qu’au début de l’année 2014, elle a cessé de prendre de l’Hydromorph Contin. Elle a vécu une période difficile de sevrage qui a duré plusieurs mois. Elle se rappelle que, pendant trois semaines au mois d’avril 2014, elle n’a fait rien d’autre que de s’allonger sur le divan après avoir cessé complètement de prendre le médicament. Elle a continué d’éprouver de la difficulté par la suite, car elle a alors commencé à prendre du Tylenol 3 ou du Tylenol extra‑fort, et occasionnellement de l’amitriptyline. Elle continue de prendre ces médicaments.

[27] L’appelante a témoigné que la combinaison de la perte de poids et de l’élimination des médicaments de son système l’a grandement aidée, de sorte qu’à l’été de 2014, elle a très graduellement commencé à faire des exercices ainsi que la recommandation lui en avait été faite. Elle avait beaucoup de peau flasque et aucun tonus musculaire, et elle trouvait cela difficile. Elle a d’abord marché sur une distance très limitée, qu’elle a haussée graduellement.

[28] À la fin de l’automne de 2014, l’appelante a cru qu’elle devrait essayer de travailler, bien qu’elle ne sache pas du tout si elle réussirait. Elle ne se sentait pas prête à effectuer un retour, mais elle a pensé qu’elle pourrait se mettre à l’épreuve. Elle a témoigné que le Dr Roy lui a dit qu’il ne croyait pas qu’elle soit en mesure physiquement de faire quoi que ce soit, mais il a admis qu’essayer de travailler pourrait peut‑être améliorer son état mental. Elle a communiqué avec Sobeys, où elle avait travaillé en 2009, et a été embauchée comme gérante à temps partiel du comptoir de charcuterie. Sa date d’embauche officielle était le 23 novembre 2014, et elle a commencé à travailler le 1er décembre 2014. Elle gagnait 13,13 $ l’heure.

[29] Dans le cadre de ce travail, l’appelante a pu étaler ses heures de travail. Si elle se sentait incapable de travailler, elle pouvait faire un échange avec les autres employés. Elle avait la liberté de bouger, de sorte qu’elle pouvait s’asseoir ou se tenir debout, et elle n’était pas tenue de soulever des objets de plus de dix livres. Elle pouvait déléguer des tâches à d’autres employés au besoin. Elle a témoigné que cette flexibilité était très importante pour elle, car elle ressentait encore des douleurs chroniques graves. Elle a lentement haussé le nombre de ses heures et, au mois de mai 2015, elle a pu commencer à travailler à temps plein.

[30] L’appelante a témoigné qu’entre le mois de décembre 2010 au moins et la date de son retour au travail, elle a consulté le Dr Roy toutes les deux ou trois semaines. Elle a consulté différents spécialistes de deux à quatre fois par mois. Aucun professionnel de la santé ne lui a donné à quelque moment que ce soit une date à laquelle elle pourrait retourner sur le marché du travail, ni ne lui a dit si elle serait en mesure de le faire. Elle n’a jamais eu l’impression qu’elle pourrait travailler à quelque moment que ce soit, jusqu’à ce qu’elle retourne effectivement au travail au mois de décembre 2014.

Rapports médicaux

[31] Une imagerie diagnostique de la colonne lombaire de l’appelante et de ses articulations sacro‑iliaques faite en février et en mars 2012 a révélé de légers changements dégénératifs et une petite hernie discale para‑centrale au niveau L4-L5.

[32] Le 20 juillet 2012, le Dr Doucette du Dartmouth Centre for Pain Management a évalué l’appelante pour ses douleurs chroniques au bas du dos. Cette dernière a indiqué au Dr Doucette qu’elle souffrait de douleurs au bas du dos depuis le début des années 2000 et que ces douleurs s’étaient aggravées au cours de la dernière année, à la suite d’une collision par l’arrière. Grâce à une gastrectomie longitudinale, elle avait perdu 60 livres, mais elle avait aussi développé une vessie irritable. Elle avait essayé la physiothérapie pendant six mois, notamment une neurostimulation transcutanée et des exercices d’étirement, mais [traduction] « malheureusement, ses douleurs sont maintenant un événement quotidien ». Ce douleurs étaient pires lorsqu’elle restait en position assise ou debout pendant de longues périodes ou lorsqu’elle montait les escaliers. Ses symptômes s’amélioraient grâce à des étirements, à des changements de position fréquents, et à la chaleur. Elle prenait à ce moment‑là de l’amitriptyline en soirée, ce qui causait une sédation le matin. Elle avait pris précédemment du Celebrex, de la cyclobenzaprine et de la crème Oxybutynin (pour vessie active).

[33] Le Dr Doucette a procédé à un examen physique, qui a révélé de légères douleurs lorsque l’appelante était appelée à se pencher le plus possible sur le côté ou à se toucher les orteils. L’appelante était capable de s’étirer le dos, de faire un mouvement de rotation au niveau du rachis lombaire, et de se pencher vers l’avant pour se toucher les genoux sans éprouver de douleur. Un examen neurologique a donné des résultats normaux. Il n’y avait aucun point sensible permettant de poser un diagnostic de fibromyalgie, ni aucun signe d’inflammation des articulations périphériques des mains et des poignets. Il a conclu que les douleurs chroniques de l’appelante au bas du dos étaient le résultat d’une discopathie dégénérative du rachis lombaire. Il a recommandé à l’appelante d’essayer de l’Ultram (tramadol). L’appelante devait retourner à la clinique une couple de semaines plus tard.

[34] Le 24 juin 2013, le Dr Roy a fait une mise à jour de l’état et des progrès de l’appelante. Il a déclaré que ses douleurs persistaient et qu’elles étaient continues. L’appelante se sentait frustrée et se sentait incapable de faire un travail l’obligeant à s’asseoir et à rester debout constamment, car elle ne pouvait faire ni l’un ni l’autre pendant une longue période avant de devoir bouger. Il a noté que l’appelante était très coopérative dans son programme de traitement et qu’elle avait fait de la physiothérapie lorsque les séances étaient payées. Elle avait alors été dirigée vers la Dr E. Shaw, rhumatologue. Cette dernière a noté qu’en dépit de sa perte de poids, l’appelante était incapable de faire les exercices requis pour perdre plus de poids. Elle était limitée pour ce qui est d’accomplir ses tâches ménagères.

[35] L’appelante a consulté la Dr Shaw le 18 juillet 2013. Elle a signalé qu’elle avait ressenti [traduction] « des douleurs de la tête aux pieds » pendant environ deux ans et demi. Ses symptômes fluctuaient chaque jour dans une certaine mesure, mais elle ressentait un inconfort extrême tous les jours. Ses douleurs s’aggravaient avec l’activité et elles la réveillaient souvent la nuit. À son avis, la physiothérapie n’avait pas été utile. Elle avait obtenu un certain soulagement temporaire grâce à la massothérapie. Elle prenait de l’Hydromorph Contin, qui avait été utile au début, mais qui ne faisait plus aucune différence. Elle avait haussé graduellement la dose et conclu que, lorsqu’il était temps de prendre la dose suivante, elle avait des symptômes de sevrage – notamment de l’anxiété, une transpiration et des tremblements. Elle avait pris de l’amitriptyline par le passé, mais elle avait cessé d’en prendre pendant un an environ. Elle n’avait pas essayé le Gabapentin, le Lyrica ou le Cymbalta. Bien qu’elle ait perdu entre 80 et 90 livres depuis son pontage gastrique, ses symptômes de douleurs ne s’étaient pas améliorés. Elle ne faisait aucun exercice régulier.

[36] La Dr Shaw a conclu, après un examen physique, que l’appelante ressentait une sensibilité diffuse à tous les points de fibromyalgie. Elle a déclaré que les symptômes de l’appelante de douleurs musculo‑squelettiques diffuses et de sommeil non réparateur étaient compatibles avec la fibromyalgie, et elle croyait que l’appelante avait vraisemblablement souffert de fibromyalgie avant cela, bien que ses symptômes aient repris et se soient aggravés depuis la PMA du mois de décembre 2010. La Dr Shaw a formulé les recommandations suivantes :

[Traduction]
J’ai passé en revue le diagnostic de fibromyalgie avec elle aujourd’hui. Je lui ai remis un dépliant préparé par la Société de l’arthrite. J’ai cependant oublié de mentionner le programme d’éducation sur la fibromyalgie que mène le département de physiothérapie du Halifax Infirmary. Si, à votre avis, elle pourrait en bénéficier, peut‑être pourriez‑vous songer à la diriger vers ce programme. Sinon, je lui ai suggéré d’essayer de recommencer à prendre de l’Amitriptyline, mais d’en prendre régulièrement dans l’espoir que cela l’aide à dormir un peu plus profondément et peut‑être à atténuer ses douleurs. J’ai prescrit 10 mg le soir pour commencer, et vous pourriez titrer la dose en fonction de sa réaction au médicament. Vous pourriez songer aussi à essayer d’autres médicaments, dont le Gabapentin, le Lyrica et le Cymbalta; je laisserai cela à votre discrétion. Sinon, je l’ai encouragée à essayer d’incorporer certains exercices cardiovasculaires dans sa routine quotidienne. Ces exercices peuvent certainement jouer un rôle et peuvent contribuer, de manière générale, à atténuer les symptômes de douleurs.

[37] Le Dr Roy a rempli un rapport médical à l’appui de la demande de prestations d’invalidité de l’appelante. Le rapport, daté du 23 août 2013, indique que le médecin a commencé à traiter l’appelante en décembre 2010. Elle éprouvait des douleurs chroniques constantes au cou et au bas de dos par suite de l’accident de voiture qu’elle avait subie le 22 décembre 2010, et souffrait en conséquence de fibromyalgie; de hernie discale para‑centrale au niveau L4‑5; de GERD chronique et du syndrome de Barrett; d’obésité, nécessitant une gastroduodénoscopie et une gastrectomie longitudinale par laparoscopie; et de fatigue et de sommeil non réparateur. Il a noté qu’elle éprouvait manifestement des douleurs, que son amplitude de mouvement du cou et du bas du dos était limitée, et qu’elle avait des points sensibles. Il a noté que l’appelante voulait retourner au travail, mais [traduction] « qu’il n’y avait aucune chance qu’elle puisse faire le travail comme elle le faisait auparavant comme gérante et qu’elle avait besoin de se recycler, etc. ». Il a déclaré que l’appelante avait essayé du Celebrex, de la cyclobenzaprine et du Tylenol extra‑fort, ainsi que la physiothérapie, l’acupuncture, la massothérapie et des exercices à la maison. Elle prenait alors les médicaments suivants : Hydromorph Contin, Nexium et amitriptyline.

[38] Le Dr Roy a déclaré dans ce rapport que le pronostic de l’appelante était incertain. Elle était déterminée à cesser de prendre des narcotiques [traduction] « et travaillera à un moment donné vers l’atteinte de cet objectif mais, à l’heure actuelle, elle est très limitée ». Il a indiqué que l’appelante avait une attitude remarquable dans son désir de retourner sur le marché du travail et de se trouver un emploi pour lequel elle pourrait se recycler et qu’elle pourrait accomplir.

[39] Dans une lettre datée du 16 janvier 2014, le Dr Roy a déclaré que l’appelante souffrait de douleurs chroniques au cou et au bas du dos depuis le 22 décembre 2010 et qu’il en découlait une fibromyalgie et de la fatigue. Il a déclaré qu’il avait espéré améliorer son état suffisamment pour qu’elle puisse occuper un certain type d’emploi, mais qu’avec le temps, il était devenu évident qu’elle était incapable de le faire en raison des douleurs et des restrictions qui l’empêchaient d’achever ses activités de la vie quotidienne dans un délai raisonnable, ce qui aggravait ses douleurs et son insomnie. Elle était incapable de s’asseoir devant un ordinateur pendant une période suffisamment longue pour être productive. Il a déclaré que, [traduction] « compte tenu de ses progrès à ce jour, je ne peux tout simplement pas voir comment elle pourrait occuper un emploi rémunérateur ou suivre un programme de recyclage dans un avenir prévisible ».

[40] Le Dr Roy a signalé le 26 avril 2016 que l’appelante avait été sa patiente depuis de nombreuses années. Il a indiqué que lors de l’accident survenu en décembre 2010, elle avait subi des blessures au cou, au bas, au milieu et au haut du dos, et à l’épaule. Il a donné des détails du rétablissement de l’appelante et de ses médicaments ainsi qu’ils ont été exposés dans des rapports antérieurs, ajoutant qu’en plus de ses douleurs, le GERD et son poids avaient commencé à lui causer des ennuis, lesquels avaient été aggravés par l’amitriptyline et son incapacité de faire des exercices, et par les symptômes d’une vessie hyperactive. L’appelante a subi une intervention chirurgicale à la vessie au mois de juin 2012, laquelle a été suivi de différents médicaments qui ont été inefficaces. Elle a continué d’avoir un côlon irritable et une diarrhée persistante.

[41] Le Dr Roy a indiqué que l’appelante avait participé religieusement à une thérapie et qu’elle s’était fait diriger vers la clinique de traitement de la douleur au mois de juillet 2012. Le Dr Doucette lui a fait essayer l’Ultram, mais il lui a ensuite fait prendre de l’Hydromorph Contin au mois de novembre 2012 et a continué de hausser la dose. Il en a résulté une constipation, des cauchemars et une insomnie, et aucune réduction de ses douleurs. L’appelante était alors encore incapable de retourner au travail ou d’exécuter des tâches ménagères, ou de s’asseoir pendant une certaine période, quelle qu’elle soit, pour faire un travail.

[42] Le Dr Roy a déclaré que l’appelante avait recommencé à prendre de l’amitriptyline à la suggestion de la Dr Shaw, mais en y ajoutant du Lyrica. Cela a commencé à causer des problèmes, car elle avait besoin de hausser la dose, ce qui faisait obstacle à sa perte de poids. En raison des difficultés que l’appelante éprouvait avec l’Hydromorph Contin, le Dr Roy a travaillé avec elle dans le but de réduire la dose de manière qu’elle puisse cesser complètement d’en prendre au mois d’avril 2014.

[43] Le Dr Roy a déclaré que, jusqu’elle retourne au travail au mois de novembre 2014, l’appelante avait été incapable de faire quelque travail que ce soit, dont un travail à temps partiel.

Observations

[44] L’appelante a fait valoir qu’elle était atteinte d’une invalidité physique et psychologique grave et prolongée qui l’a empêchée de retourner au travail à quelque titre que ce soit entre le mois de juin 2011 et le mois de novembre 2014; ou entre le mois de décembre 2010 et le mois de novembre 2014.

[45] L’intimé a fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité parce que la preuve médicale ne révèle l’existence d’aucune pathologie ou déficience grave qui l’empêcherait de faire un travail lui convenant compte tenu de ses limitations; plus particulièrement :

  1. l’imagerie diagnostique n’a donné aucune preuve d’un problème grave;
  2. seul un traitement conservateur a été recommandé, notamment des essais de médicaments, une éducation, une physiothérapie et des exercices quotidiens, et il n’y a aucune preuve que l’appelante a donné suite à ces recommandations;
  3. il n’y aucun renvoi, investigation ou consultation pour les problèmes au cou signalés par le Dr Roy, et il n’en est pas fait mention non plus sur évaluation par le spécialiste de gestion de la douleur;
  4. il n’y a au dossier aucune preuve indiquant que l’appelante a obtenu un counseling ou un traitement pour sa dépendance alléguée aux médicaments sur ordonnance;
  5. il n’y a aucune preuve que l’appelante s’est fait diriger vers un psychiatre ou un fournisseur de soins en santé mentale pour anxiété ou dépression, ou qu’elle prenait des médicaments pour ces problèmes;
  6. l’appelante n’a pas épuisé toutes les formes de traitement des douleurs;
  7. il n’y a aucune preuve objective que l’appelante ne pouvait se recycler, car elle est jeune et elle détient un diplôme d’études secondaires et possède des compétences transférables du fait de son poste de gestion;
  8. l’appelante a demandé des prestations d’invalidité du RPC uniquement après avoir été pressée de le faire par son assureur d’ILT et non en 2011, date à laquelle elle soutient être devenue invalide;
  9. les gains de l’appelante en 2015 indiquent qu’elle a conservé sa capacité de travailler après la date marquant la fin de sa PMA;
  10. le RPC n’est pas destiné à offrir des prestations d’invalidité dans des situations temporaires.

Analyse

[46] L’appelante doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 28 février 2014 ou avant cette date.

[47] La conclusion tirée par la Sun Life au mois de janvier 2014 selon laquelle l’appelante était capable d’accomplir un certain type de travail est pertinente, si tant est qu’elle le soit. Il n’y a aucun renseignement sur le critère ou la politique que la Sun Life a appliqués, ou sur la preuve sur laquelle la décision a été fondée.

[48] Le fait que l’appelante n’a fait une demande de pension d’invalidité au titre du RPC qu’au mois de septembre 2013 n’est pas une preuve qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité avant cette date, comme l’indique l’intimé. L’appelante ignorait que ces prestations existaient jusqu’à ce que la Sun Life exige qu’elle en fasse la demande. Même si elle en avait connu l’existence, la raison qui l’a poussée à en faire la demande lorsqu’elle l’a fait a peu de pertinence par rapport aux autres éléments de preuve.

[49] Le Tribunal a conclu que l’appelante était crédible. Elle a répondu aux questions avec soin et sensibilité. Elle n’a rien embelli. L’intimé n’a pas contesté la véracité de son témoignage écrit et n’a pas assisté à l’audience pour contre‑interroger l’appelante. Les rapports médicaux confirment le témoignage de l’appelante. Le Tribunal ne voit aucune raison d’écarter quelque partie que ce soit de sa preuve.

[50] L’appelante était soignée par son médecin de famille, le Dr Roy, qui a déterminé son traitement, l’a dirigée vers des spécialistes et a rajusté sa médication. Les rapports du Dr Roy reposent sur les dossiers de l’appelante et ne cherchent pas à défendre ses intérêts. Il est évident qu’il connaissait bien toutes les options de traitement de l’appelante et leurs résultats. Le Tribunal accepte ses rapports comme étant un récit fiable des blessures de l’appelante, de son traitement et de son rétablissement; notamment le traitement par des spécialistes et autres, dont les rapports ne figurent pas au dossier.

Invalidité grave

[51] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau de scolarité, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[52] Les conclusions assez peu importantes de l’imagerie diagnostique de l’appelante au début de 2012 ne portent pas un coup fatal au présent appel. Son allégation d’invalidité repose principalement sur l’existence de douleurs chroniques. Les douleurs chroniques sont des douleurs qui persistent au‑delà de la période de guérison normale de la blessure sous‑jacente ou qui sont disproportionnées par rapport à la blessure, et dont l’existence n’est pas appuyée par des conclusions objectives. Les tribunaux et la profession médicale reconnaissent que les douleurs chroniques sont un problème légitime (Nouvelle‑Écosse (Worker's Compensation Board) c. Martin, [2003] CSC 54).

[53] Les douleurs chroniques, le syndrome de fatigue chronique et la fibromyalgie sont des problèmes qui sont assortis d’une forte composante subjective. Leur effet sur chaque personne varie. Le Tribunal doit se concentrer sur l’effet du problème sur l’appelante, et doit prendre en considération non seulement la preuve médicale, mais l’évaluation subjective par l’appelante de son problème (Thawer c. MDRH 2003 CP 18204).

[54] Le témoignage de l’appelante a porté aussi sur l’existence d’autres problèmes, comme la dépression, le GERD et la vessie irritable, lesquels, a‑t‑elle fait valoir, ont contribué à son invalidité. Si, certes, ces problèmes ont ajouté à ses difficultés, le Tribunal est d’avis que la preuve de douleurs chroniques et de fibromyalgie est suffisante en soi pour soutenir une conclusion selon laquelle l’état de l’appelante était « grave » au 22 décembre 2010, pour les motifs qui suivent.

[55] À la suite de l’accident survenu au mois de décembre 2010, l’appelante a ressenti des douleurs au cou et au dos ainsi que des engourdissements à la jambe. En dépit de constatations objectives minimes, ses douleurs ont persisté et sont devenues chroniques. Cela l’a empêché de reprendre un emploi véritablement rémunérateur, comme en fait foi sa tentative infructueuse d’accomplir des tâches allégées entre le mois d’avril et le mois de juin 2011. Elle a suivi une physiothérapie et essayé divers médicaments, dont aucun n’a amélioré son état. Ses douleurs l’ont empêchée d’être active, ce qui, en conjonction avec son utilisation de l’amitriptyline, a causé une importante prise de poids. Ses douleurs l’ont empêchée de dormir d’un sommeil réparateur, ce qui a mené à une inactivité accrue et à un manque de concentration. Elle s’est fait prescrire des doses accrues d’un opioïde qui a créé ses propres problèmes sans réduire sensiblement ses douleurs.

[56] L’intimé a fait valoir que l’appelante avait omis d’épuiser toutes les formes de gestion de la douleur; et que son traitement ne permettait pas de conclure que son état était grave. Il signale l’absence de renvois pour ses problèmes au cou ou sa dépression; la recommandation d’un traitement conservateur seulement; l’absence d’un counseling pour sa dépendance; et l’absence de médication pour dépression.

[57] Ainsi qu’il a été indiqué précédemment, le Dr Roy est celui qui connaissait le mieux l’appelante et il était le mieux placé pour coordonner son traitement. Les méthodes de traitement employées par le Dr Roy indiquent qu’il essayait continuellement de traiter plusieurs problèmes de santé. Il a conclu qu’une physiothérapie, une perte de poids et une médication seraient dans l’intérêt de l’appelante. Il a dirigé cette dernière vers d’autres spécialistes parce que son état ne s’était pas amélioré. Il a rajusté sa médication ainsi qu’il l’a jugé opportun. Il a prescrit une intervention chirurgicale et a supervisé sa perte de poids, laquelle était l’élément clé lui permettant de devenir active et d’améliorer son état de santé.

[58] Il n’y avait aucune raison que l’appelante suive une thérapie pour dépendance. Elle n’abusait pas des médicaments sur ordonnance. Elle a constaté que, lorsqu’elle les prenait ainsi qu’ils étaient prescrits, leurs effets secondaires – dont les symptômes de sevrage qu’elle manifestait entre les doses – étaient invalidants. Avec l’aide du Dr Roy, elle a en bout de ligne été capable d’arrêter de prendre des opioïdes.

[59] Le Tribunal signale que les recommandations formulées par la Dr Shaw ont été transmises au Dr Roy, qui devait y donner suite s’il croyait que l’appelante en tirerait profit, ou à sa discrétion. D’après la preuve qu’il a produite, le Dr Roy a donné suite à certaines de ces recommandations. Il est évident qu’il supervisait de près l’état de l’appelante et qu’il a pris des décisions éclairées sur les soins à lui prodiguer. Ceux‑ci pourraient ne pas avoir inclus toute méthode concevable de traitement qu’une personne dans la situation de l’appelante pourrait recevoir, mais les choix du Dr Roy n’indiquent d’aucune manière que l’état de l’appelante n’était pas grave ou qu’il a omis de lui suggérer des méthodes de traitement évidentes. L’intimé n’a produit aucune preuve à l’appui d’une conclusion selon laquelle les soins prodigués par le Dr Roy à l’appelante n’étaient pas raisonnables.

[60] Lorsqu’il y a une preuve d’une capacité de travailler, une personne doit démontrer que ses efforts pour obtenir et maintenir un emploi ont été vains en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117). L’appelante a de bons antécédents de travail. Elle était motivée à retourner au travail, mais elle n’y est pas arrivée. Elle a tenté en vain de travailler au début de 2011. Pendant plusieurs années, elle a été incapable de s’asseoir ou de se concentrer pendant une période suffisamment longue pour que l’on puisse s’attendre de façon réaliste à ce qu’elle s’acquitte de ses tâches au travail.

[61] En 2013, le Dr Roy a suggéré à l’appelante de se recycler, mais le ton de son rapport indique qu’il ne commentait pas sur la capacité actuelle de l’appelante, mais qu’il espérait qu’elle soit un jour en mesure de le faire. Aucun autre élément de preuve n’indique que l’appelante aurait réussi à occuper quelque type d’emploi que ce soit. Elle n’avait aucune capacité de travailler à compter du mois de décembre 2010 et pendant les 47 mois qui ont suivi.

[62] Le Tribunal conclut que l’appelante était incapable de régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur au 22 décembre 2010. La preuve indique qu’à compter de cette date, elle a éprouvé des problèmes persistants sous forme de douleurs, d’insomnie et de fatigue qui l’ont empêchée de reprendre son travail, d’occuper un autre travail ou de se recycler. Ses symptômes n’ont pas réagi aux efforts raisonnables de traiter son état complexe.

[63] Ce n’est qu’au mois de novembre 2014 que l’appelante a pu retourner occuper un emploi véritablement rémunérateur. Le Tribunal conclut qu’à cette date, son état n’était plus « grave » au sens où ce terme est défini dans le RPC. Le tribunal signale que, bien que l’appelante n’ait commencé à travailler effectivement qu’au mois de décembre 2014, c’est en novembre qu’elle a déterminé – à juste titre – que ses symptômes s’étaient suffisamment résorbés pour qu’elle puisse faire une tentative.

Invalidité prolongée

[64] La question de savoir si l’état de l’appelante était prolongé se rapporte à la question de savoir si elle peut obtenir des prestations pour une période fermée ou temporaire. L’intimé soutient qu’elle ne le peut pas, alors que l’appelante soutient le contraire.

[65] Le RPC ne prescrit pas expressément qu’une invalidité ne peut être temporaire. En fait, il envisage ce scénario à l’alinéa 70(1)a), qui prescrit qu’une pension d’invalidité cesse d’être payable lorsque le bénéficiaire cesse d’être invalide. L’appelante n’est pas tenue de prouver que son état était permanent. Elle doit prouver qu’il était prolongé.

[66] L’alinéa 42(2)a) du RPC prescrit qu’une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[67] Dans l’affaire Ministre du Développement des ressources humaines c. Henderson, 2005 CAF 309, la Cour d’appel fédérale a conclu que le prestataire ne pouvait toucher une pension d’invalidité pour la période d’un peu moins de trois ans allant de la date à laquelle son état a été déclaré grave et la date à laquelle il a subi une intervention chirurgicale aux genoux. D’après la preuve médicale produite dans cette affaire, l’on s’était attendu avant l’opération à ce que celle‑ci améliore l’état du prestataire. La Cour a statué que l’invalidité n’était pas prolongée parce qu’elle ne devait pas durer pendant une période indéfinie. Elle a établi une distinction d’avec des décisions antérieures de la Commission d’appel des pensions, où une pension avait été accordée pour une période fermée avant le rétablissement au motif que, dans ces affaires, « l'avis médical, antérieur au traitement prescrit, sur les chances de guérison des réclamants et sur leur aptitude ultérieure à travailler était beaucoup moins clair ».

[68] Dans l’affaire Litke c. Ministre des Ressources humaines et du Développement social Canada, 2008 CAF 366, la Cour a encore une fois refusé d’accorder des prestations pendant une période fermée. Dans cette affaire, l’invalidité de l’appelante a été jugé être « clairement d’une nature définie », mais la Cour n’a pas précisé sa pensée. Il convient de noter que la Cour a statué qu’il n’était pas nécessaire qu’une invalidité soit permanente pour qu’elle soit prolongée.

[69] Ces décisions indiquent clairement qu’il pourrait y avoir des circonstances dans lesquelles une invalidité temporaire est prolongée au sens du RPC. Les faits dans ces affaires peuvent se distinguer de ceux de la présente affaire. Un examen des rapports médicaux ici indique une incertitude quant à la date ou à la question de savoir si l’appelante se rétablirait, même si elle était capable de donner suite à toutes les recommandations qui ont été formulées à son intention. Aucune voie n’a été tracée pour son rétablissement. Elle a dû surmonter des obstacles considérables afin d’être capable de retourner au travail, et sa réussite est attribuable à sa persistance hors du commun. À la fin du mois de février 2014, elle faisait encore état d’absence de progrès et de douleurs et limitations importantes, qui se sont poursuivies jusqu’au mois de novembre 2014, date à laquelle elle a conclu qu’elle était en mesure de revenir sur le marché du travail et a été embauchée par Sobeys.

[70] Le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante devait vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie du mois de décembre 2010 au mois de novembre 2014.

Conclusion

[71] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au mois de décembre 2010, date à laquelle elle a été blessée au cours d’un accident de voiture. Aux fins du paiement, une personne n’est pas réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue au mois de septembre 2013; l’appelante est donc réputée avoir été atteinte d’une invalidité au mois de juin 2012. Conformément à l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date réputée de déclaration d’invalidité. Les paiements commenceront au mois d’octobre 2012.

[72] Le Tribunal conclut que l’appelante a cessé d’être invalide au mois de novembre 2014. Sa pension d’invalidité cesse avec le paiement effectué pour le même mois.

[73] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.