Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accorde la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) portant sur la décision de la division générale du Tribunal rendue le 31 octobre 2015 et qui a conclu que la demanderesse n’était pas admissible à la pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC).

Motifs de la demande

[3] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit, et indique ce qui suit [traduction] : « si la membre avait appliqué le critère approprié à une invalidité grave et prolongée au sens du RPC et si elle avait interprété correctement les faits dont elle était saisie, elle aurait conclu que Mme I. D.  a souffert d’une invalidité grave et prolongée à l’époque où elle travaillait. »

[4] Dans l’annexe de sa demande, le représentant de la demanderesse a consolidé les motifs qui précèdent et a indiqué que la division générale a non seulement commis une erreur de droit, mais elle a également fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées et a commis des erreurs mixtes de fait et de droit (AD1-20 et suivantes).

Question en litige

[5] Est-ce que l’appel a une chance raisonnable de succès ?

Droit applicable

[6] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Lois sur le MEDS) régissent l’autorisation d’interjeter appel. Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. » Ainsi, la demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale du Tribunal est une étape préliminaire au dépôt d’un appel devant la division d’appel.

[7] Le paragraphe 58(3) prévoit que « la division d’appel doit accorder ou refuser cette permission ». Pour obtenir l’autorisation d’interjeter appel, un demandeur doit convaincre la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès. Autrement, la division d’appel doit rejeter la demande de permission d’en appelerNote de bas de page 1.

[8] Un demandeur convainc la division générale que son appel aurait une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appelerNote de bas de page 2. Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41 et dans Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 FCA 63, une cause défendable a été associée à une chance raisonnable de succès.

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence ;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] L’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, appuie l’avis selon lequel la division d’appel doit d’abord, lors de son évaluation d’une demande de permission d’en appeler, déterminer si les motifs d’appel du demandeur correspondent à l’un ou l’autre des moyens énumérés.

Analyse

[11] Le représentant de la demanderesse a présenté plusieurs observations selon lesquelles la division générale a commis une erreur de fait et de droit lorsqu’elle a conclu que la demanderesse ne répondait pas à la définition d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. Ces observations comprennent l’absence d’une analyse adéquate dans un contexte réaliste ainsi que des conclusions abusives au sujet des traitements de la demanderesse.

La division générale a commis une erreur de droit.

[12] Le représentant de la demanderesse a fait valoir que, bien que la division générale ait cité l’affaire Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, elle n’a pas appliqué correctement l’analyse « réaliste » aux éléments de preuve. Le fait de ne pas citer ou de ne pas d’effectuer une analyse conformément aux principes énoncés dans l’affaire Villani est une erreur de droit : Garrett c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 84.

[13] Au paragraphe 35 de sa décision, la division générale a cité l’affaire Villani, précisant les facteurs qui y sont énoncés et dont un décideur doit tenir compte lorsqu’il se prononce sur la question d’invalidité. Cependant, elle ne pousse pas son analyse pour expliquer la relation entre ces facteurs et les circonstances personnelles de la demanderesse. La division d’appel est d’accord que, sans plus, cela constituerait une erreur de droit, tel que décrit dans l’affaire Garrett. Cependant, la Cour d’appel fédérale (CAF) a indiqué dans sa décision Giannaros c. Canada (Développement social), 2005 CAF 187, que dans certaines circonstances, l’analyse « réaliste » de Villani peut ne pas être nécessaire. La CAF a émis les commentaires suivants sur la question [traduction] :

[14] Je traiterai maintenant de la dernière prétention de la demanderesse, laquelle est fondée sur l’arrêt rendu par la Cour dans Villani, précité. La demanderesse prétend plus particulièrement que la Commission a commis en erreur en ne tenant pas compte de ses caractéristiques personnelles, comme son âge, sa formation, ses connaissances linguistiques, sa capacité de se recycler, etc. À mon avis, cette prétention doit être rejetée dans les circonstances de l’espèce. Dans Villani, précité, la Cour a affirmé sans équivoque (au paragraphe 50) qu’un requérant doit toujours être en mesure de démontrer qu’il souffre d’une invalidité grave et prolongée qui l’empêche de travailler :

[50] Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Un demandeur doit malgré cela être en mesure de démontrer qu’il est atteint d’une invalidité grave et prolongée qui le rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi. Bien entendu, il sera toujours possible, en contre-interrogatoire, de mettre à l’épreuve la véracité et la crédibilité de la preuve fournie par les requérants et d’autres personnes.

[15] Comme la Commission n’était pas convaincue que la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 1995, il n’était pas nécessaire, à mon avis, qu’elle applique la méthode fondée sur le contexte « réaliste ».

[14] En ce qui concerne la décision de la division générale, la membre a résumé et a effectué une analyse approfondie du témoignage et de la preuve médicale de la demanderesse concernant ses problèmes de santé et sa capacité de travailler. La division générale a conclu, selon la prépondérance des probabilités, que la demanderesse ne s’était pas acquittée de la charge qui lui incombait d’établir qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC. Par conséquent, conformément à l’affaire Giannaros, il n’était pas nécessaire que la division générale applique l’approche « réaliste » de Villani.En conséquence, cette observation ne révèle pas un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

La décision de la division générale se fonde sur une conclusion de fait erronée.

[15] Le représentant de la demanderesse a fait valoir que la division générale a commis plusieurs conclusions de fait erronées, lorsqu’elle a conclu des faits suivants :

  1. La demanderesse a reçu un traitement conservateur qui consistait en des Tylenol. En se référant au paragraphe 19 de la décision, le représentant a fait valoir que la preuve indiquait que la demanderesse était traitée au moyen de plusieurs autres médicaments.
  2. Puisque la demanderesse recevait un traitement conservateur qui consistait en des Tylénol, rien ne l’empêchait d’effectuer un travail léger ou sédentaire tenant compte de ses limitations. Le représentant a fait valoir que la division générale a associé le traitement « conservateur » de la demanderesse qui consistait en des Tylenol avec la capacité de la demanderesse à travailler.
  3. Aucun élément de preuve ne démontrait que la demanderesse recevait des injections dans son épaule droite, malgré la preuve manifeste qu’elle en recevait.
  4. La demanderesse n’a pas cherché ou reçu de traitement d’un spécialiste alors que la preuve démontrait clairement le contraire.

[16] En ce qui concerne le fait que la demanderesse recevait un traitement qui consistait seulement en des Tylenol, le représentant de la demanderesse a référé la division d’appel au paragraphe 19 de la décision. La division d’appel note que la division générale a fait référence au problème à l’épaule gauche de la demanderesse, à sa discopathie dégénérative, à son arthrose au niveau du rachis lombaire, à sa dépression chronique et à son anxiété, à son syndrome bilatéral du canal carpien, à son hypothyroïdie, à son hypercholestérolémie, à ses douleurs pelviennes et à son apnée du sommeil. La division générale a également mentionné que la demanderesse avait reçu des prescriptions pour les médicaments suivants : Paxil, Celebrex, Synthroid et Lipitor. Le rapport médical est daté du 8 août 2012. (GT1-42)

[17] Au paragraphe 38, la division générale a fait mention des principales maladies qui, selon la demanderesse, l’empêchaient de travailler. C’était au sujet de ces maladies ainsi que de la douleur de la demanderesse à l’épaule que la division générale a noté qu’elle [traduction] « recevait un traitement conservateur qui consistait en des Tyleno ». La division d’appel note que la division générale a fait référence à l’épaule « droite » de la demanderesse. Cependant, toutes les références sont de l’épaule gauche de la demanderesse dans le dossier du tribunal, ce qui pourrait bien soulever une conclusion de fait erronée en ce qui a trait aux médicaments prescrits à la demanderesse.

[18] La division d’appel n’est pas convaincue par observations selon lesquelles la division générale a associé le traitement « conservateur » de la demanderesse consistant en des Tylenol, avec la capacité de travailler de la demanderesse. Selon la division d’appel, cette observation déforme le sens de la décision de la division générale. D’après la division d’appel, la division générale a tiré la conclusion en lien avec les conditions médicales de la demanderesse et non pas avec son traitement médical. Donc, il ne s’agit pas d’un moyen d’appel ayant une chance raisonnable de succès.

[19] Les deux dernières observations qui ont été présentées par le représentant de la demanderesse indiquent que la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve, notamment ceux indiquant que la demanderesse avait reçu des injections et avait consulté des spécialistes. Après avoir révisé le dossier du tribunal, la division d’appel conclut qu’il y avait des éléments de preuve aux pages GT6-3 et GT6-4 qui portaient sur les injections de la demanderesse et leurs résultats, ainsi que sur les traitements qu’elle recevait de spécialistes. Compte tenu de ces éléments, la division générale pourrait bien avoir tiré des conclusions de fait erronées.

[20] Après avoir tiré cette conclusion, la division d’appel conclut que la demanderesse a soulevé un motif qui constitue un fondement suffisant pour accueillir l’appel.

[21] Le représentant de la demanderesse a également soutenu que la division générale a tiré une conclusion erronée en ce qui a trait à l’anxiété et à la dépression de la demanderesse, car elle a rejeté les éléments de preuve de la demanderesse ainsi que ceux de médecins. D’autres observations comprenaient le fait que la division générale n’a pas précisé la preuve sur laquelle elle s’est appuyée pour tirer sa conclusion que la demanderesse aurait été adressée plus tôt à un spécialiste de la santé mentale si sa condition avait été grave, qu’elle n’a pas analysé et tenu compte de l’ensemble des conditions médicales de la demanderesse et qu’elle n’a pas non plus fourni de motifs pour lesquels elle n’a pas tenu compte de la preuve médicale. Elle a commis une erreur mixte de fait et de droit lorsqu’elle n’a pas suffisamment tenu compte des difficultés cognitives de la demanderesse.

[22] Il a été clairement établi que la demanderesse n’a besoin de soulever qu’un seul moyen qui aurait une chance raisonnable de succès en appel afin que la demande de permission d’en appeler lui soit accordée. Ayant conclu que la demanderesse a soulevé des moyens d’appel concernant le traitement de la division générale en ce qui a trait à ces médicaments prescrits, la division d’appel conclut qu’il n’est pas nécessaire de se pencher sur ces autres observations pour l’instant.

Conclusion

[23] Pour les motifs susmentionnés, la division d’appel est convaincue que la demanderesse a présenté une cause défendable qui a une chance raisonnable de succès en appel.

[24] La demande est accueillie.

[25] La présente décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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