Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

M. M.: appelante

F. M.: représentant de l’appelante

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 14 avril 2014. L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant le Tribunal de la sécurité sociale le 1er mai 2015.

[2] L’audience de cet appel a été tenue par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante est la seule partie qui participe à l’audience.
  2. Aucun service de vidéoconférence n’est offert à une distance raisonnable de la résidence de l’appelante.
  3. Il y a des lacunes dans l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications.
  4. Ce mode d’instruction est conforme à la disposition du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’article 44(1)(b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, une partie requérante doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[5] L’article 42(2)(a) du RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si cette invalidité la rend régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] Le Tribunal constate que la date qui marque la fin de la PMA est le 31 décembre 2012 (voir le registre des gains, GD2-60).

[7] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard à la date d’expiration de la PMA.

Contexte

[8] L’appelante était âgée de 46 ans le 31 décembre 2012, date d’expiration de la PMA. Elle est maintenant âgée de 50 ans. Ses antécédents de travail comprennent des emplois dans des X, un emploi de X à Terre-Neuve, en X et en X en Alberta. Elle n’a pas travaillé depuis qu’elle a subi un accident de travail en septembre 2010. Elle fonde sa demande de prestations d’invalidité sur une blessure au dos subie lors d’un accident de travail et le syndrome de douleur chronique.

Documents à l’appui de la demande

[9] Dans son questionnaire relatif aux prestations d’invalidité du RPC, signé le 9 avril 2014, l’appelante a écrit qu’elle avait terminé sa 6e année et que son dernier emploi avait été comme X pour X à X du 15 juin 2009 au 25 septembre 2010. Elle a déclaré avoir cessé de travailler à la suite d’un accident de travail (GD2-107).

[10] L’appelante a affirmé qu’elle était invalide depuis le 25 septembre 2010. Elle a déclaré qu’elle ne pouvait plus travailler à cause de son incapacité à se tenir debout ou à s’asseoir, à marcher pendant plus de 10 minutes et à soulever des objets sans ressentir une douleur intense. Elle a fait remarquer qu’elle avait un bombement discal, des lésions nerveuses et de l’arthrite, et que son incapacité suscitait des préoccupations chez les employeurs relativement à la productivité et à la sécurité au travail. Elle a aussi fait remarquer qu’elle n’effectuait plus de travaux ménagers et que le gouvernement lui fournissait des services de soins à domicile.

[11] L’appelante a décrit les difficultés ou les limitations fonctionnelles auxquelles elle se heurtait au moment de se tenir debout, de s’asseoir, de marcher, de soulever ou de transporter des charges, de s’étirer et de se pencher; elle a affirmé qu’elle bénéficiait de soins à domicile et qu’elle avait besoin d’aide pour tous ses soins personnels; qu’elle avait des problèmes intestinaux; qu’elle ne pouvait pas effectuer des travaux d’entretien ménager; qu’elle manquait de concentration, selon l’intensité de sa douleur; qu’elle devait prendre des somnifères; qu’elle ne pouvait pas conduire et qu’elle avait besoin d’aide pour prendre le transport en commun (GD2-110).

[12] Un rapport daté du 7 mai 2014 rédigé par la Dre Dumka, la médecin de famille de l’appelante, était joint à la demande faite au titre du RPC. Le rapport établissait un diagnostic de discopathie dégénérative L-S au niveau de la colonne vertébrale; d’empiètement du bombement discal pluriétagé des L4-5 sur la racine nerveuse du côté gauche; de racines nerveuses conjointes au niveau des L4-5; d’obésité et de fumeuse. Le pronostic de la Dre Dumka en ce qui concerne la possibilité de réadaptation et de rétablissement était [traduction] « extrêmement faible ». Elle a affirmé que l’appelante n’avait pas la capacité de se recycler pour occuper un emploi différent de celui d’X; qu’elle était atteinte d’une discopathie dégénérative pluriétagée de la colonne lombaire, accompagnée de douleur radiculaire des L4-5 du côté gauche qui devient plus intense lors d’activités qui comprennent un mouvement de la colonne lombaire; qu’elle était obèse et qu’elle fumait; qu’elle avait suivi des traitements de physiothérapie et du counseling pour arrêter de fumer et pour perdre du poids, tous deux ayant été infructueux; qu’elle était inemployable et qu’elle avait besoin de soins à domicile (GD2-99).

Demandes précédentes

[13] Il s’agit de la troisième demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelante.

[14] L’intimé a estampillé la demande initiale de l’appelante le 30 janvier 2012 et il a refusé cette demande le 7 avril 2012. L’appelante n’a pas demandé de révision.

[15] Un rapport daté du 23 janvier 2012, rédigé par la Dre Jansma, la médecin de famille de l’appelante à X, accompagnait la demande initiale. Le rapport établissait un diagnostic de lombalgie chronique. Le pronostic était réservé en raison du retard dans le traitement initial et du niveau d’incapacité que l’appelante percevait. La Dre Jansma a affirmé que l’appelante axait beaucoup son attention sur la douleur et qu’elle croyait que toute douleur aggravait l’état de son dos; qu’on avait constaté qu’elle avait des racines nerveuses conjointes au niveau des L4-L5 du côté droit; qu’elle était convaincue qu’il s’agissait de la cause de sa douleur; qu’elle insistait sur le fait qu’elle continuerait de ressentir de la douleur jusqu’à ce que cela soit corrigé et qu’elle avait refusé d’avoir recours aux antidépresseurs et au soutien psychologique (GD2-141).

[16] L’intimé a estampillé la deuxième demande de pension d’invalidité présentée par l’appelante au titre du RPC le 26 février 2013 et l’a rejetée le 26 mai 2013. L’appelante n’a pas demandé de révision.

[17] Un rapport de la Dre Dumka daté du 26 février 2013 accompagnait la deuxième demande. Le rapport établissait un diagnostic de lombalgie chronique depuis 2010; d’arthrose et de modifications dégénératives pluriétagées des articulations facettaires et des disques intervertébraux, accompagnées de racines nerveuses conjointes au niveau des L4-L5, du côté droit; de carence en vitamine B12; d’obésité morbide; de luxation bilatérale de la rotule et d’asthme causé par les mollusques. Le pronostic était sombre. La conclusion du rapport était la suivante :

[traduction]

Elle est une personne honnête et sincère dans une situation difficile en raison d’une blessure au dos, que l’Alberta Worker’s Compensation [indemnisation des accidentés du travail de l’Alberta] n’a pas considéré comme un accident de travail. Elle a fait peu d’études et est incapable d’obtenir un autre emploi, et n’a pas la capacité physique de travailler en raison des limitations causées par sa lombalgie chronique. Elle est atteinte de luxation bilatérale des rotules et est devenue obèse en raison de l’inactivité et du stress. Elle commence à avoir des symptômes de dépression en raison de la situation sociale. (GD2-120)

Preuve orale

[18] L’appelante a fait un compte rendu de ses études et de ses antécédents professionnels. Elle a affirmé qu’elle avait quitté l’école à 15 ans. Elle a alors travaillé dans la X d’une X jusqu’à ce qu’elle ferme en 1992 à cause du X. Elle est alors retournée à l’école pour deux mois et a passé son test GED. Elle n’a reçu aucune autre éducation ou formation depuis. Elle a ensuite travaillé dans une X pendant quatre ans jusqu’à ce qu’elle soit licenciée. Elle a alors travaillé comme X durant un an jusqu’à ce que le X ferme ses portes. En 2003, elle a déménagé en Alberta où elle a travaillé en X pendant cinq ou six ans. Puis, elle a travaillé dans le domaine de X, où elle s’occupait du X, de la X, de travail de main-d’œuvre et de l’utilisation d’une X.

[19] Elle n’avait aucun problème de santé important avant septembre 2010. Elle a expliqué dans quelles circonstances elle s’était blessée au dos. Elle a affirmé qu’elle avait utilisé une X défectueuse et qu’à la fin de la journée elle ressentait une douleur au dos qui s’étendait du bas du dos jusqu’au cou et qui descendait aussi dans sa jambe droite. Cela s’est produit un samedi et elle a pris un congé de maladie le lundi suivant. Le mercredi suivant, elle est allée à l’hôpital. Elle a consulté le médecin d’entreprise le lendemain matin et il l’a mise en congé. Elle n’est pas retournée au travail depuis sa blessure au dos.

[20] Elle a été traitée avec des médicaments, puis a suivi des traitements de réadaptation et une thérapie grâce à l’assureur du syndicat, la Sun Life. Elle a reçu une indemnisation pour les accidentés du travail de l’Alberta pendant un mois, mais elle a cessé de recevoir de l’argent, car il a été décidé qu’elle n’avait pas droit aux prestations de la Worker’s Compensation Board (WCB) [commission d’indemnisation des accidentés du travail]. La Sun Life a arrêté de lui verser ses prestations d’invalidité de longue durée en janvier 2012, parce que la police avait expiré. Par la suite, elle a obtenu du soutien au revenu de l’Alberta.

[21] L’appelante a affirmé qu’elle avait postulé d’autres emplois en Alberta, y compris dans un X, comme X, dans un X et dans un X. Elle a participé à des entrevues, mais lorsqu’elle a mentionné qu’elle avait des problèmes de dos, personne ne voulait l’engager. L’appelante a déclaré qu’elle ne savait pas si elle aurait été capable d’effectuer les tâches liées à ces emplois si elle avait été engagée. Elle a demandé à son syndicat de lui confier des tâches allégées, mais il ne voulait pas la reprendre. Elle a déposé un grief, mais celui-ci a été rejeté. Le syndicat a fait en sorte qu’elle puisse bénéficier du programme d’assurance du syndicat avec la Sun Life.

[22] Elle est retournée à Terre-Neuve en septembre 2012, parce qu’elle n’avait pas d’emploi en Alberta et voulait se rapprocher de sa famille. Peu après son retour à Terre-Neuve, elle a essayé de se trouver un emploi, mais aucun emploi n’était disponible.

[23] Son état s’était détérioré en décembre 2012 et elle reçoit maintenant des services de soins à domicile, qui comprennent les travaux ménagers, la cuisine, l’habillement et la douche. Elle vit seule en appartement dans une maison et est incapable de faire la cuisine, les travaux ménagers, etc. Elle passe la majeure partie de son temps à regarder la télévision ou à faire la sieste. Elle sort parfois dans la cour pour une [traduction] « courte » promenade. Elle marche avec une canne.

[24] Initialement, elle consultait la Dre Dumka mensuellement à son retour à Terre-Neuve. Elle a affirmé que les médecins lui avaient prescrit beaucoup de médicaments, mais qu’aucun n’était efficace. Lorsque la note clinique de la Dre Dumka, datée du 11 avril 2013 a été mentionnée, l’appelante a déclaré qu’elle avait refusé de prendre du Lyrica, car cela avait provoqué de graves effets indésirables lorsqu’elle en avait pris en Alberta. Elle a nié avoir demandé de l’OxyContin ou des analgésiques narcotiques et a affirmé que son désaccord avec la Dre Dumka provenait du fait que cette dernière voulait qu’elle prenne du Lyrica. L’appelante a déclaré qu’après sa dispute avec la Dre Dumka à propos des médicaments, elle a commencé à voir la Dre Elliot. La Dre Elliot est sa médecin depuis avril 2015 et elle la voit habituellement toutes les six semaines. La Dre Elliot lui prescrit des médicaments, mais les services sociaux de Terre-Neuve ne payent pas pour toutes les prescriptions.

[25] Lorsqu’on lui a parlé du rapport de la Dre Jansma, daté de janvier 2012, qui mentionnait qu’elle avait refusé les antidépresseurs et le soutien psychologique, l’appelante a affirmé que cela faisait seulement référence à son refus de prendre du Lyrica et que la Dre Jansma n’avait jamais recommandé qu’elle prenne des antidépresseurs. Elle a aussi nié avoir refusé de suivre un traitement psychologique et a déclaré qu’elle avait été placée sur une liste d’attente, mais qu’on ne l’avait jamais rappelée. Elle a ensuite soutenu qu’elle n’aurait pas pu suivre des traitements psychologiques, parce qu’elle n’en avait pas les moyens. Elle fume toujours un paquet de cigarettes par jour, et elle a affirmé qu’elle n’arrêterait jamais, car la cigarette l’aidait à se détendre. Elle a fait valoir qu’elle suivait un régime spécial afin de perdre du poids d’elle-même.

[26] L’appelante a soutenu qu’elle avait été incapable de travailler depuis septembre 2010 en raison de sa douleur chronique. Elle a affirmé qu’elle ressentait de la douleur incessamment; que certains jours étaient pires que d’autres; que trois ou quatre jours par semaine, elle ne parvenait même pas à sortir du lit; que la douleur s’étendait du sommet de sa tête jusqu’à ses pieds; qu’elle ressentait même de la douleur dans ses oreilles; qu’elle était toujours stressée et qu’elle voulait pleurer. Elle a soutenu qu’elle ressentait une douleur constante dans tout son corps depuis septembre 2010 et que cela s’aggravait.

Documents supplémentaires

[27] Après avoir entendu le témoignage de vive voix, le Tribunal a procédé à l’ajournement administratif de l’audience, selon les modalités suivantes :

  1. L’appelante devait soumettre au Tribunal des copies des documents du WCB de l’Alberta et des lettres de la Sun Life d’ici le 25 juillet 2016.
  2. Ces documents seraient partagés avec l’intimé, et l’intimé aurait jusqu’au 25 août 2016 pour présenter des observations supplémentaires en réponse à ces documents, s’il y a lieu.
  3. Lorsqu’il recevrait les documents et observations supplémentaires, s’il y avait lieu, le Tribunal déterminerait si une autre audience était requise.
  4. Si aucune autre audience n’était requise, le Tribunal prononcerait les motifs de sa décision.

[28] Le 25 juillet 2016, l’appelante a présenté les documents supplémentaires suivants :

  1. Une lettre provenant de la Financière Sun Life datée du 8 juillet 2011 avisant l’appelante qu’elle ne satisfaisait pas à la définition d’invalidité complète pour occuper un emploi en rapport avec ses capacités, et que par conséquent, elle ne serait pas admissible à des prestations au-delà du 22 janvier 2012 (GD8-2).
  2. Une décision de l’instance responsable de l’examen des règlements des différends du WCB de l’Alberta, datée du 13 janvier 2011, qui avait déterminé selon la preuve médicale et les renseignements de l’employeur que la demande de l’appelante relative à un accident de travail ne pouvait pas être attribuée à son emploi (GD8-4).
  3. Une décision de la commission d’appel du WCB de l’Alberta datée du 14 août 2013 qui a rejeté la demande de révision de l’appelante, parce qu’elle ne se conformait pas aux conditions d’admissibilité à une révision établies par les Appeal Rules [règlement relatif aux appels] du WCB (GD8-11).
  4. Une décision de la Commission d’appel du WCB de l’Alberta datée du 15 février 2015 confirmant la décision de rejeter sa demande de révision (GD8-17).

[29] Le 26 juillet 2016, l’intimé a déposé un addenda aux observations (GD9) et a soutenu que les éléments de preuve additionnels ne permettaient pas de conclure que l’appelante était invalide au sens du RPC à l’expiration de sa PMA en décembre 2012, avant cela et de façon continue après cela. L’intimé a fait valoir que l’affirmation de l’appelante selon laquelle elle avait subi une blessure incapacitante au dos en 2010 qui l’empêchait d’occuper tout emploi n’a été aucunement prouvée, après que le WCB de l’Alberta et la Financière Sun Life ont examiné minutieusement la preuve. L’intimé s’est fondé sur la preuve objective qui démontrait que l’appelante avait conservé la capacité d’effectuer des tâches légères.

Preuve médicale

[30] Le Tribunal a examiné soigneusement toute la preuve médicale qui figurait dans le dossier de l’audience. Les extraits qui suivent sont ceux que le Tribunal juge les plus pertinents.

Avant l’expiration de la PMA

[31] Le 19 février 2002, le Dr Noftall, chirurgien orthopédiste, a déclaré que l’appelante était atteinte de luxation bilatérale des rotules, plus grave du côté gauche. Il a affirmé que la situation ne s’améliorerait pas sans chirurgie (GD2-124).

[32] Le 19 février 2002, le Dr Duguid, pneumologue, a étudié les symptômes de toux et de respiration sifflante que l’appelante avait éprouvés lorsqu’elle travaillait à l’X, et il a conclu qu’il semblait que quelque chose à l’X affectait ses voies respiratoires (GD2-125).

[33] Le 22 octobre 2010, un examen d’imagerie par résonance magnétique de la colonne lombaire a permis de révéler l’existence d’une légère scoliose lombaire à gauche; la conservation des espaces intervertébraux; une modification spondylolitique mineure dans la région lombaire médiane, mais aucune autre anomalie osseuse ou articulaire importante (GD2-127).

[34] Dans une évaluation interdisciplinaire effectuée par le Life Mark Health Institute le 11 avril 2011, on a recommandé que l’appelante participe à un programme d’activités interdisciplinaires de huit semaines (GD2-147).

[35] Un rapport d’étape de Life Mark daté du 27 mai 2011 révélait que l’appelante fonctionnait alors au niveau léger de la Classification nationale des professions (CNP). L’équipe chargée du traitement a travaillé avec l’appelante afin de créer un curriculum vitae pouvant être envoyé à des employeurs possibles et l’appelante avait été dirigée vers Emplois Canada et d’autres sites de recherche d’emplois possibles pour l’aider à trouver un emploi convenable. Le rapport mentionnait que l’appelante avait affirmé qu’à la fin du programme elle serait prête à retourner sur le marché du travail et que son but était d’être à nouveau X (GD2-154).

[36] Des radiographies des colonnes dorsale et lombaire datées du 28 juin 2011 étaient normales (GD2-55).

[37] Le 22 septembre 2011, le Dr Naidu, physiatre, a noté un important comportement douloureux et des conclusions non organiques après avoir examiné l’appelante. Il a émis un diagnostic de syndrome de la douleur chronique. Il était d’avis que, sur le plan purement physique, elle pouvait sans problème accomplir des tâches sédentaires et allégées de façon continue, et que l’emploi qui représenterait le meilleur équilibre serait celui qui lui offrirait l’occasion d’alterner entre les positions assise et debout. Il a recommandé qu’elle soit traitée comme une personne atteinte de la forme non organique du syndrome de la douleur chronique; qu’elle reçoive un important soutien psychologique; que ses médicaments pharmacologiques soient revus, car elle prenait trop de Tylenol no 3, et qu’elle suive un programme d’exercice actif et de réadaptation. Le pronostic du Dr Naidu était le suivant : [traduction] « En raison de son comportement axé sur la douleur, un pronostic de retour au travail complet est réservé. Toutefois, cela ne découle pas de blessures physiques. Cela est causé par les aspects psychologiques de son syndrome de la douleur chronique. » (GD3-62)

[38] La note du physiothérapeute du CBI Health Group [groupe de santé CBI] datée du 12 janvier 2012 révélait qu’il semblait y avoir un fondement psychosocial aux symptômes de l’appelante et que le pronostic est hautement réservé étant donné qu’elle devra suivre un programme de traitement interdisciplinaire (GD2-59).

Les notes cliniques de la Dre Dumka

[39] Les notes cliniques de la Dre Dumka pour la période du 1er octobre 2012 au 31 décembre 2013 ont été jointes aux observations du ministre datées du 28 juin 2016. Les notes révélaient 26 consultations durant cette période, y compris quatre visites en octobre 2012, une en novembre 2012, deux en décembre 2012, deux en janvier 2013 et trois en février 2013 (GD6-16 à GD6-27). La note datée du 11 avril 2013 mentionnait que l’appelante avait refusé de prendre du Lyrica, car il avait provoqué de graves effets indésirables lorsqu’elle en avait pris en Alberta; que l’orthopédiste consulté avait jugé que l’appelante n’était pas une candidate à la chirurgie et que la Dre Dumka avait refusé de lui prescrire des analgésiques narcotiques (GD6-20). La note datée du 21 décembre 2012 révélait que l’appelante était atteinte d’une douleur lombaire chronique; qu’elle prenait trop d’Atasol lors des mauvaises journées et que la Dre Dumka avait refusé de lui prescrire de l’OxyContin, malgré le fait que l’appelante le lui avait demandé (GD6-24). La note datée du 9 juillet 2013 mentionnait que l’appelante était atteinte de douleur lombaire chronique; qu’une scintigraphie osseuse était normale; que l’appelante avait été informée qu’il n’y avait aucune preuve physique qui démontrait qu’elle soit dirigée vers une clinique de traitement de la douleur chronique et que l’appelante avait déclaré ce qui suit : [traduction] « Je ne comprends pas; je sais si je ressens de la douleur. » (GD6-19)

Après la PMA

[40] Un tomodensitogramme de la colonne lombaire effectué le 29 novembre 2013 a révélé des modifications dégénératives pluriétagées à la colonne et aux disques; un bombement discal, accompagné d’une légère déviation vers la gauche au niveau des L4-L5 et de multiples foyers ponctués sclérosés qui représentent vraisemblablement des îlots osseux condensant (GD2-106).

[41] Le 4 décembre 2013, J. H., la gestionnaire des services de soutien pour Eastern Health, a confirmé que la demande de l’appelante pour recevoir 35 heures par semaine de services de soutien avait été approuvée (GD3-70).

[42] Le 16 septembre 2014, Sharon Benson, une infirmière-conseil de Eastern Health, a confirmé qu’après un examen annuel, la poursuite des services de soutien à domicile, au même nombre de 35 heures par semaine, avait été approuvée (GD3-71).

[43] Le 9 décembre 2014, le Dr Engelbrecht, un neurochirurgien, a affirmé que l’appelante souffrait de douleur intense au dos depuis environ quatre ans et qu’elle avait suivi des traitements de physiothérapie et essayé différents analgésiques, mais en vain. En plus de sa douleur au dos, l’appelante a affirmé que la douleur s’étend tout le long de sa colonne jusqu’à sa tête et ses oreilles, ce qui lui cause souvent de la douleur dans les bras et les doigts. L’appelante a aussi mentionné une douleur bilatérale aux jambes. L’appelante a obtenu des résultats positifs au test de Waddell et a déclaré ressentir une douleur atroce lors de tout mouvement. Le Dr Engelbrecht a fait remarquer que le tomodensitogramme de 2013 ne présentait pas vraiment de particularité. Il a conclu qu’il ne pouvait rien faire du point de vue de la neurochirurgie et a recommandé que l’appelante soit dirigée vers une clinique de traitement de la douleur (GD2-82).

Observations

[44] F. M. a soutenu que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle est incapable régulièrement de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis son accident de travail le 25 septembre 2010.
  2. Les rapports d’accident de travail du WCB de l’Alberta mentionnent que l’appelante n’est pas apte à travailler.
  3. L’appelante a reçu un diagnostic de syndrome de la douleur chronique en septembre 2011 et le rapport du Dr Naidu daté de septembre 2011 révèle que le pronostic relatif à un retour au travail complet est réservé en raison des aspects psychologiques de son syndrome de la douleur chronique.
  4. En décembre 2013, l’appelante a été jugée admissible à 35 heures par semaine de services de soins à domicile dans le cadre d’un programme offert par Eastern Health, qui fournit entre autres des services de soins personnels, d’entretien ménager simple, de préparation des repas, de nettoyage et d’administration de médicaments.
  5. Le Tribunal devrait procéder à une analyse « réaliste » pour déterminer si l’appelante est invalide.
  6. Le problème de santé de l’appelante est grave et prolongé, et va en s’aggravant.

[45] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Bien que l’appelante ne soit peut-être plus capable d’accomplir son travail habituel dans l’industrie de la construction en raison de sa douleur chronique subjective, elle n’a pas essayé d’occuper un autre emploi avec des tâches allégées.
  2. La preuve médicale ne fait état d’aucune pathologie ou incapacité grave empêchant l’appelante de faire un travail lui convenant et respectant ses limites.
  3. L’appelante a refusé de recourir aux antidépresseurs et au soutien psychologique; elle n’a pas suivi les recommandations normales des médecins relatives au syndrome de la douleur chronique, recommandations qui auraient le potentiel d’améliorer son fonctionnement.
  4. L’appelante avait 46 ans lors de l’expiration de la PMA. Bien qu’elle ait eu une éducation postsecondaire limitée, elle a de bons antécédents d’emploi et de nombreuses compétences transférables pouvant lui servir à explorer différentes options de travail offrant des tâches allégées.

Analyse

[46] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au plus tard le 31 décembre 2012.

Caractère grave

[47] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent à l’article 42(2) du RPC, où il est mentionné qu’une invalidité doit être à la fois « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse faire. Une invalidité n’est « prolongée » que si l’on considère qu’elle va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[48] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante qui doit établir que, selon la prépondérance des probabilités, au plus tard le 31 décembre 2012, elle était invalide conformément à la définition établie. Le critère de gravité doit être analysé selon une approche réaliste (Villani, 2001 CAF 248). Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie, au moment de déterminer l’« employabilité » d’une personne à l’égard de son invalidité.

[49] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du demandeur d’occuper son emploi habituel, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer tout travail (Klabouch, 2008 CAF 33).

[50] En l’espèce, il est important de se concentrer sur la date d’expiration de la PMA de décembre 2012.

[51] Le rapport d’étape de Life Mark daté du 27 mai 2011 (voir le paragraphe 35, ci-dessus) révèle que l’appelante fonctionnait alors au niveau léger de la CNP et qu’elle avait été dirigée vers Emplois Canada et d’autres sites de recherche d’emploi pour l’aider à trouver un emploi convenable. Cela laisse entendre que l’appelante a la capacité physique d’occuper un autre emploi adapté à ses limitations. Dans son rapport daté du 22 septembre 2011 (voir le paragraphe 37 ci-dessus), le Dr Naidu était d’avis que l’appelante était atteinte d’une douleur intense d’origine non organique et il a fait remarquer que l’appelante avait besoin d’un important soutien psychologique. Il a soutenu que, d’un point de vue physique, l’appelante pouvait sans danger effectuer des tâches sédentaires ou allégées et que son pronostic relatif à un retour au travail complet était réservé en raison des aspects psychologiques de son syndrome de la douleur chronique.

[52] Même si l’appelante ne pouvait pas reprendre son emploi précédent qui était exigeant physiquement, les rapports médicaux laissent entendre qu’elle avait conservé la capacité physique de détenir un emploi différent, avec des tâches allégées et qui convenait à son état de santé. L’obstacle principal à son retour au travail semble avoir été l’aspect psychologique de son syndrome de la douleur chronique. Toutefois, l’appelante a refusé de suivre les recommandations médicales modérées et raisonnables de suivre un traitement psychologique. Dans son rapport daté de janvier 2012 à l’appui de la demande initiale de pension d’invalidité du RPC (voir le paragraphe 15, ci-dessus), la Dre Jansma a mentionné que l’appelante avait refusé d’avoir recours aux antidépresseurs et au soutien psychologique. Aucune preuve dans le dossier d’audience ne démontre que l’appelante a fait des efforts pour aborder l’aspect psychologique de son syndrome de la douleur chronique.

[53] Non seulement doit-il y avoir une preuve médicale attestant l’allégation selon laquelle l’invalidité est « grave » et « prolongée », mais il faut également prouver que des efforts ont été déployés afin d’obtenir un emploi et d’améliorer son état de santé (Klabouch, 2008 CAF 33; Angheloni, 2003 CAF 140).

[54] En n’entreprenant pas les démarches nécessaires pour améliorer son état psychologiques, l’appelante a omis de déployer les efforts raisonnables pour gérer son état de santé. Dans la preuve orale présentée, l’appelante a affirmé que le refus de prendre des antidépresseurs invoqué par la Dre Jansma était en fait un refus de prendre du Lyrica, qu’elle avait accepté de suivre des traitements psychologiques et qu’elle avait été placée sur une liste d’attente. Cependant, le Tribunal n’estime pas que ce soit crédible, compte tenu de la déclaration claire et sans ambiguïté de la Dre Jansma. Le Tribunal fait également remarquer qu’il n’y a aucune preuve démontrant que l’appelante ait jamais pris des antidépresseurs ou suivi des traitements psychologiques.

[55] L’appelante a déclaré que, alors qu’elle se trouvait encore en Alberta, elle avait cherché un emploi différent, comme dans un X, comme X, dans un X ou dans un X, mais que personne n’avait voulu l’engager lorsqu’elle leur avait dit qu’elle avait un problème de dos. Les rapports médicaux démontrent qu’elle a la capacité physique de détenir un emploi différent et convenable et sa preuve orale relative aux efforts déployés pour trouver un tel emploi révèle qu’elle avait aussi la capacité psychologique de le faire. Il semblerait que, en mettant l’accent sur ses limitations durant les entrevues d’emploi, ce qu’elle n’est pas obligée de faire légalement, l’appelante a nui de façon importante à sa possibilité d’obtenir un emploi à l’étape de l’entrevue. L’incapacité à se trouver un emploi différent ne correspond pas à l’incapacité régulière de détenir un emploi différent.

[56] L’appelante a déménagé de nouveau à Terre-Neuve en septembre 2012, parce qu’elle n’avait pas d’emploi en Alberta et qu’elle voulait se rapprocher de sa famille. Elle a soutenu qu’elle avait continué à chercher un emploi en Alberta jusqu’à avant son départ et que quand elle est retournée à Terre-Neuve, elle a rapidement recommencé sa recherche d’emploi, mais aucun travail n’était offert. Les facteurs socioéconomiques, comme les conditions du marché du travail, ne sont toutefois pas pertinents au moment de déterminer si une personne est invalide au sens du RPC (Rice, 2002 CAF 47). Cet élément de preuve laisse entendre que l’appelante a continué de conserver la capacité de détenir un emploi différent lorsqu’elle est retournée à Terre-Neuve en septembre 2012.

[57] Au moment de déterminer quand une invalidité a commencé et quand elle est devenue grave, il faut tenir compte des faits. Dans certains cas, la gravité peut survenir instantanément. Dans d’autres cas, une invalidité peut mettre des mois ou des années à devenir grave au sens du RPC (Forrester c MDRH (3 novembre 2003), CP 20789 (CAP)).

[58] Il semble que l’état de santé de l’appelante se soit détérioré après son retour à Terre-Neuve et que, au moment où elle a présenté sa demande de pension d’invalidité du RPC en avril 2014, cela était rendu au point où elle dépendait d’un service provincial de soutien à domicile 35 heures par semaine. On en a la confirmation dans les lettres de Eastern Health datées du 4 décembre 2013 et du 16 septembre 2014 (voir les paragraphes 41 et 42 ci-dessus), ainsi que dans le rapport de la Dre Dumka daté de mai 2014 (voir le paragraphe 12 ci-dessus), qui révèlent que le pronostic de réadaptation et de rétablissement est extrêmement sombre, que l’appelante est inemployable et qu’elle a besoin de soins à domicile. Cependant, la détérioration de l’état de l’appelante après l’expiration de la PMA ne démontre pas qu’elle était atteinte d’une invalidité grave durant la PMA.

[59] Le Tribunal a également noté que l’appelante avait seulement 46 ans au cours de sa PMA (elle avait 44 ans la dernière fois qu’elle a travaillé), qu’elle semblait avoir atteint un niveau raisonnable d’éducation et qu’elle avait des antécédents variés de travail dans des X, comme X, en X et en X, ce qui laisse entendre qu’elle a une capacité à s’adapter à un nouvel emploi et à se recycler pour un emploi différent.

[60] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante, et le Tribunal a conclu qu’elle n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave selon les critères du RPC à la fin de sa PMA en décembre 2012.

Caractère prolongé

[61] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire qu’il se prononce sur le critère de l’invalidité prolongée.

Conclusion

[62] L’appel est rejeté.

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