Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La demande pour accorder une prorogation du délai est refusée.

Introduction

[1] Dans une décision datée du 31 juillet 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu qu’une pension du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse parce qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) du 31 décembre 2013.

[2] Le 6 janvier 2016, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler incomplète à la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale, après le délai prescrit à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et le Développement social (LMEDS). Le 13 avril 2016, en réponse à une demande d’information supplémentaire, la demanderesse a présenté une lettre pour développer ses motifs pour en appeler.

Question en litige

[3] Il me faut déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai pour la présentation de la demande de permission.

Droit applicable

LMEDS

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[5] La DA doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans Canada (MDRH) c. GattellaroNote de bas de page 1, la Cour fédérale a établi que les critères sont les suivants :

  1. a) le demandeur fait preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel;
  2. b) le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. c) la cause est défendable;
  4. d) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6] Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Gattellaro variera et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’attribution d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice : Canada (Procureur général) c. LarkmanNote de bas de page 2.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel devant la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver ses arguments.

[10] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique – Canada (MDRH) c. HogervorstNote de bas de page 3; Fancy c. Canada (PG)Note de bas de page 4.

RPC

[11] L’alinéa 44(1)b) du RPCénonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) à qui aucune pension de retraite n’est payable;
  3. c) qui est invalide;
  4. d) qui a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[12] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[13] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle est susceptible de durer pendant une période longue, continue et indéfinie, ou d’entraîner le décès.

Observations de la demanderesse

[14] La demanderesse a présenté sa demande de permission d’en appeler le 6 janvier 2016, soit 149 jours après avoir reçu la décision à son adresse résidentielle le 10 août 2015, bien après l’expiration du délai de 90 jours pour la présentation de la demande. Dans le formulaire de demande, les requérants doivent indiquer la date à laquelle ils ont reçu la décision de la DG et fournir les raisons expliquant le retard de leur demande, le cas échéant. En réponse, la demanderesse a écrit avoir égaré les formulaires en raison de sa condition. Elle a donc dû demander une nouvelle copie. Dans sa lettre de suivi du 13 avril 2016, elle a écrit [traduction] :

Je m’excuse du retard de ma réponse. J’ai vécu des épisodes sporadiques de maladie et je suis demeurée au lit pendant les mois de janvier, février et mars 2016. J’étais très faible et je n’avais pas l’énergie pour répondre compte tenu de l’information manquante en lien avec mon appel.

[15] La demanderesse a également expliqué pourquoi elle croyait que son appel avait une chance raisonnable de succès. Elle a cité les moyens du paragraphe 58(1) et a affirmé que sa condition est demeurée la même, comme mentionné par ses fournisseurs de soins de santé dans la documentation déjà présentée. Elle a ajouté, après qu’on lui ait demandé de développer ses moyens d’appel :

  • L’exercice n’atténue pas la douleur causée par la fibromyalgie. Elle souffre toute la journée et n’est soulagée que si elle ajuste constamment sa position, qu’elle soit assise, debout, penchée ou couchée.
  • Sa narcolepsie ne s’est pas guérie. Elle continue à s’endormir quand elle est assise et elle doit ajuster sa position fréquemment pour éviter d’accentuer les symptômes de fibromyalgie.
  • Malgré le fait qu’une étude du sommeil a révélé un excellent contrôle, son apnée du sommeil varie quotidiennement.
  • Ses problèmes de santé lui causent des crises d’anxiété et des épisodes de dépression.
  • Son médecin de famille lui a récemment conseillé d’ajuster davantage son mode de vie pour gérer l’apparition de diabète, d’un taux élevé de cholestérol et d’excédents d’acide urique.

Analyse

[16] Je juge que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. La demanderesse a déclaré avoir reçu la décision de la DG le 10 août 2015. Elle a présenté sa demande à la DA le 6 janvier 2016, presque deux mois après l’expiration du délai.

[17] Pour décider s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs énoncés dans Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[18] La demanderesse a écrit avoir présenté sa demande de permission d’en appeler en retard parce qu’elle a égaré les formulaires en raison de sa condition, et elle a ensuite été alitée pendant janvier, février et mars 2016.

[19] Le délai de 90 jours dont la demanderesse disposait a expiré le 8 novembre 2015, et elle affirme avoir été physiquement incapable de fonctionner, depuis janvier 2016. Je ne trouve pas au dossier une indication que la demanderesse aurait demandé des formulaires de remplacement, mais si elle l’a fait, c’était sûrement vers la fin de la période d’appel, ou quelque temps après son expiration. Je reconnais les affirmations de la demanderesse sur le fait que ses problèmes physiques ont affecté sa santé mentale de façon négative, mais la chronologie des évènements suggère plutôt qu’elle aurait simplement oublié son droit d’appel après avoir reçu la décision de la DG.

[20] Je trouve invraisemblable que la demanderesse ait eu une intention continue d’interjeter appel à l’encontre de la décision de la DG.

Explication raisonnable du retard

[21] La demanderesse cite ses conditions médicales comme raison principale d’avoir égaré son formulaire de demande et d’avoir ensuite été gardée au lit. Toutefois, elle n’a pas présenté d’information médicale indépendante pour confirmer que son état de santé s’est détérioré pendant les récents mois comparativement à la période où elle poursuivait son appel devant la DG.

[22] La demanderesse a précédemment affirmé être faible et avoir des pertes de mémoire à l’occasion, mais elle n’a pas présenté de preuve de difficultés physiques ou cognitives importantes qui expliquerait le délai. Somme toute, je considère son explication comme n’étant pas raisonnable.

Cause défendable

[23] J’ai révisé la décision et je ne trouve pas d’indication sur le fait que la DG aurait manqué au principe de justice naturelle ou commis une erreur de droit ou de fait.

[24] De façon plus significative, les moyens d’appel allégués par la demanderesse sont si vastes qu’ils représenteraient la récapitulation de la preuve qui était devant la DG. Le paragraphe 58(1) de la LMEDS établit des moyens d’appel très restreints, et la DA ne peut pas évaluer sur le fond une demande de réévaluation de la preuve au soutien de l’invalidité prétendue d’un demandeur. La DA peut seulement déterminer si les motifs d’un demandeur pour en appeler d’une décision de la DG correspondent aux moyens spécifiés et s’ils ont une chance raisonnable de succès. Après avoir présenté des motifs génériques d’en appeler dans sa demande de permission, il a été demandé à la demanderesse de fournir des occurrences spécifiques où elle croyait que la DG avait commis une erreur; elle a répondu par une variation des mêmes observations présentées à la DG.

[25] Par conséquent, je ne crois pas que les moyens d’appel mentionnés dans les observations transmises par la demanderesse aient une chance raisonnable de succès.

Préjudice à l’autre partie

[26] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis que l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, soit indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Conclusion

[27] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. Je n’étais pas convaincu de l’intention continue de la demanderesse de poursuivre l’appel, et je considère son explication comme n’étant pas raisonnable. Certes, les intérêts du défendeur ne subiraient pas de préjudice si un délai supplémentaire était accordé, mais les autres facteurs de l’affaire Gattellaro étaient éclipsés, selon moi, étant donné l’absence d’une cause défendable : je n’ai trouvé aucun motif—découlant d’un manque au principe de justice naturelle ou d’une erreur de droit ou de fait—qui confère à l’appel de la demanderesse une chance raisonnable de succès.

[28] D’après les facteurs énoncés dans Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuserais d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 57(2) de la LMEDS.

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