Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La demande d’accorder une prorogation du délai est refusée.

Introduction

[1] Dans une décision datée le 13 novembre 2015, la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale du Canada a conclu qu’une pension du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse parce qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) qu’elle a déterminée être le 31 décembre 2013.

[2] Le 10 mars 2016, la demanderesse a déposé une demande de prorogation du délai d’appel auprès de la division d’appel (DA) du Tribunal de la sécurité sociale. Le 18 avril 2016, elle a déposé une lettre de demande de permission d’interjeter appel; cette demande ne respectait pas le délai prescrit à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS).

Question en litige

[3] Il me faut déterminer s’il y a lieu d’accorder une prorogation de délai pour la présentation de la demande de permission.

Droit applicable

LMEDS

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision.

[5] La DA doit examiner et soupeser les critères énoncés dans la jurisprudence. Dans l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. GattellaroNote de bas de page 1, la Cour fédérale a établi les critères suivants :

  1. a) Le demandeur fait preuve d’une intention constante de poursuivre l’appel;
  2. b) Le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. c) La cause est défendable;
  4. d) La prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6]   Le poids qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Gattellaro variera et, dans certains cas, d’autres facteurs aussi seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice cf. Canada (Procureur général) c. LarkmanNote de bas de page 2.

[7] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel devant la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS les seuls motifs d’appel sont les suivants :

  1. a) La DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence.
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition du fond de l’affaire. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui — ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

[10] Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie a une cause défendable en droit revient à se demander si elle a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique. Cf. Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. HogervorstNote de bas de page 3 et. Fancy c. Canada (Procureur géné4ral), (2010) CAF 63Note de bas de page 4

RPC

[11] L’alinéa 44(1)b) du Régime de pensions du Canada énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) À moins de 65 ans;
  2. b) Ne touche pas de pension de retraite du RPC;
  3. c) Est invalide;
  4. d) À versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

[12] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[13]  Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime de pensions du Canada, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Observations de la demanderesse

[14] Dans sa lettre du 10 mars 2016, la Demanderesse a reconnu que le délai pour déposer une demande de permission d’en appeler est échu, mais elle a demandé une prorogation parce qu’elle était « à la recherche de soutien juridique » et que « des circonstances imprévues (une blessure) » l’avaient empêché de la déposer dans le délai prescrit.

[15] La demanderesse a présenté sa demande de permission d’en appeler dûment complétée le 18 avril 2016, soit 152 jours après l’envoi de la décision à son adresse postale et bien après l’expiration du délai de 90 jours pour la présentation de la demande. Dans sa lettre, la demanderesse allègue qu’en lui refusant des prestations d’invalidité du RPC, la DG a manqué à un principe de justice naturelle en négligeant de prendre en considération « l’information la plus pertinente et spécialisée. » Elle allègue notamment que :

  • La DG a fondé sa décision en partie sur le commentaire de son médecin de famille, à savoir qu’elle était stable, mais que le rapport du Dr Jones daté le 25 juillet 2012 indiquait que son état était « instable » et qu’elle « courait un risque important de rechute. »
  • La DG n’a pas examiné en détail les éléments de preuve médicale de son état dégénératif physique. Bien qu’elle ait suivi des formations et qu’elle pourrait continuer de la faire, sa capacité professionnelle en est affectée quant à sa capacité de travailler de longues heures, de gérer sa douleur et de s’adonner aux activités de la vie courante.
  • L’un de ses relevés d’emploi indique que son état de santé avait été la cause de son congédiement.

[16] La demanderesse était d’avis que son appel avait une chance raisonnable de succès étant donné la quantité de documentation médicale qu’elle avait déposée à l’appui de sa condition d’invalidité grave et prolongée.

Analyse

[17] Je confirme que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. La demanderesse a reconnu que le dépôt de sa demande de permission d’en appeler était en retard, la DA ne l’a reçue que le 18 avril 2016, deux mois après la date limite pour la déposer.

[18] Pour déterminer s’il convenait d’accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et soupesé les quatre facteurs énoncés dans l’arrêt Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[19] Le 10 mars 2016, la demanderesse écrivait qu’elle accusait un retard pour déposer sa demande de permission d’en appeler parce qu’elle était à la recherche de soutien juridique et qu’elle avait subi une blessure imprévue qui l’avait empêchée de la déposer à temps.

[20] Bien que la demanderesse ait soumis sa demande de prorogation environ deux semaines après l’expiration du délai, je suis d’accord pour admettre qu’elle avait l’intention constante de poursuivre l’appel de la décision de la DG. Puisqu’il ne s’est passé que peu de temps avant que la demanderesse contacte la DA, je suis convaincue qu’elle n’avait pas l’intention de laisser tomber l’affaire.

Explication raisonnable du retard

[21] La demanderesse prétend que ce sont des problèmes de santé qui sont la cause de son retard pour déposer sa demande de permission. Toutefois, elle n’a déposé aucune preuve médicale indépendante pour confirmer qu’elle avait subi une blessure qui l’aurait empêchée de remplir et d’envoyer la documentation nécessaire.

[22] La demanderesse a également mentionné qu’elle éprouvait de la difficulté à trouver un soutien juridique; cependant, je note que malgré le temps additionnel qu’elle a pris, elle ne semble pas avoir retenu les services d’un représentant juridique; de plus, il n’est pas évident que sa demande de permission ait été préparée avec une assistance quelconque.

[23] Somme toute, je considère son explication comme n’étant pas raisonnable.

Cause défendable

[24] La demanderesse allègue que la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle en négligeant de prendre en considération « l’information, la plus pertinente et spécialisée » concernant son état de santé. Plus précisément, la demanderesse allègue que la DG a écarté ou n’a pas accordé suffisamment de poids au rapport du Dr Jones du mois de juillet 2012 et au relevé d’emploi qui citait son trouble médical comme étant la cause de son congédiement.

[25] D’abord, je note que la DG a déterminé incorrectement que la période minimale d’admissibilité (PMA) de la demanderesse se terminait le 31 décembre 2013, alors que, à la lumière du relevé d’emploi que le défendeur avait inclus dans ses observations du 27 octobre 2015, celle-ci aurait dû être revue pour se terminer le 31 décembre 2015. Malgré cette erreur, je conclus que cette information n’était pas essentielle à la décision de la DG, puisque les deux années additionnelles de rémunération de la demanderesse (2 013 et 2 014) ont joué de façon prépondérante dans la décision de la DG de rejeter l’appel. Qui plus est, un survol rapide du dossier de l’audience indique qu’il ne contient aucune documentation médicale postérieure à l’année 2012.

[26]  Le rapport du 25 juillet 2012 préparé par le Dr Barry Jones était disponible au moment de l’audience, mais il semble que la DG ait cru bon d’accorder plus de poids à d’autres facteurs qu’à cette évaluation psychiatrique. Dans le dossier de l’audience, je n’ai pas aperçu le relevé d’emploi que mentionne la demanderesse; de toute façon, un appel devant la DA n’est pas l’occasion de soumettre ou de se référer à des éléments de preuve qui auraient pu être mis à la disponibilité de la DG avant l’audience. Peu importe, puisqu’un tribunal administratif est réputé avoir pris en considération tous les éléments de preuve dont il était saisi, et que la DG a agi selon sa compétence en soupesant la preuve, en déterminant les faits, s’il en était, qu’elle choisissait de considérer avant d’en venir à une décision basée sur son interprétation et sur son analyse des documents devant elle. Dans l’affaire Simpson c. CanadaNote de bas de page 5, la Cour d’appel fédérale a conclu que

le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée.

[27] Essentiellement, la demanderesse me prie de tenir une audience de novo et d’en venir à une décision en sa faveur. Il m’est impossible de le faire, car en vertu du paragraphe 58(1), j’ai seulement le pouvoir de déterminer si l’un de ses motifs d’appel des demandeurs se rattache à l’un des moyens d’appel invoqués, et si l’un d’entre eux a une chance raisonnable de succès. Ainsi, j’estime que ce motif n’a pas une chance raisonnable de succès, puisqu’il découle du fait que la DG a décidé d’accorder plus ou moins d’importance à certains éléments de preuve d’une façon différente que celle que la demanderesse juge adéquate.

Préjudice à l’autre partie

[28] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis que l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, soit indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Conclusion

[29] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. La demanderesse n’a pas présenté d’explication plausible pour son retard de deux mois pour la présentation de sa demande de permission d’en appeler, quoiqu’on puisse raisonnablement présumer qu’elle avait l’intention persistante de poursuivre l’appel en dépit de son retard. Il est également vrai que les intérêts du défendeur ne subiraient pas de préjudice si un délai supplémentaire était accordé. Deux des quatre facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro sont favorables à la demanderesse, mais étant donné l’absence d’une cause défendable de sa part,. je suis d’avis que cela ne suffit pas. Je n’ai trouvé aucun motif, découlant d’un manquement à la justice naturelle ou d’une erreur de droit ou d’une erreur de fait, qui confère à l’appel de la demanderesse une chance raisonnable de succès.

[30] D’après les facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuserais d’accorder une prorogation du délai pour interjeter appel aux termes du paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS.

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