Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

C. C. : Appelant

D. C. : Témoin

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité de l’appelant au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) le 25 février 2104.

[2] Dans sa demande, l’appelant a déclaré que son dernier emploi a été un poste de gestionnaire de propriétés résidentielles et qu’il a cessé de travailler en janvier 2013 quand l’immeuble a été vendu. Il a déclaré qu’il était incapable de travailler depuis le 6 novembre 2013 en raison d’une discopathie dégénérative de la colonne cervicale, d’engourdissements, d’une paralysie et de tremblements dans son bras droit, de douleurs chroniques et de crampes musculaires et de douleurs chroniques et sévères au cou et au dos. Il a déclaré qu’il était incapable de demeurer debout, de marcher ou de s’asseoir pendant une certaine période et de tenir des objets de façon sécuritaire. Il a ajouté que le tremblement de sa main nuisait à sa capacité d’écrire et de taper. Il a déclaré que sa douleur limitait également sa mobilité et sa capacité de vaquer à des occupations ménagères et affectait sa concentration et son sommeil.

[3] L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (le Tribunal).

[4] L’appel a été entendu par téléconférence pour les motifs suivants :

  1. Les questions portées en appel ne sont pas complexes.
  2. La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[5] L’alinéa 44(1)b) du RPC établit les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une pension d’invalidité, un demandeur doit :

  1. a) avoir moins de soixante-cinq ans;
  2. b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[6] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[7] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable d’avoir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[8] La PMA n’est pas en litige, car les parties s’entendent à cet égard; le Tribunal conclut que la date qui marque la fin de la PMA est le 31 décembre 2009.

[9] En l’espèce, le Tribunal doit déterminer s’il est plus probable qu’improbable que l’appelant ait été atteint d’une invalidité grave et prolongée en date du 31 décembre 2009 ou avant cette date.

Preuve

[10] L’appelant était âgé de 56 ans au moment de l’audience et de 49 ans quand sa PMA a pris fin. Il est né et a été élevé à X, en Colombie-Britannique. Il a abandonné l’école après sa dixième année afin d’occuper un poste de poseur de moquettes; par la suite, il a généralement travaillé dans la construction. Sa femme, D. C., avait un emploi dont les conditions étaient souples et elle pouvait être mutée en divers endroits, ce qui fait qu’ils ont déménagé d’un lieu à l’autre dans la province selon l’endroit où il était en mesure de trouver du travail.

[11] En 2002, l’appelant a commencé à travailler comme grutier et conducteur de chariot élévateur à fourche dans une cour à bois se trouvant à X. Il a commencé à ressentir de la douleur au dos et au cou, ainsi que de la douleur, des engourdissements et une faiblesse au bras droit. Il croyait que des années de travail physique en étaient la cause. Au début de l’année 2003, il a consulté un neurologue, le Dr Johnston, et a commencé à prendre de la gabapentine. Il a ensuite consulté un neurochirurgien, le Dr Zwimpfer, qui lui a recommandé une chirurgie pour traiter sa radiculopathie de la vertèbre C7.

[12] En mai 2003, l’appelant a subi une discectomie antérieure et fusion de C6 et C7. Un rapport de suivi du Dr Zwimpfer après une période de six mois indiquait que l’appelant avait complètement réglé la douleur et les fourmillements dans son bras droit et amélioré la faiblesse dans son bras droit. Il ne restait que certains engourdissements dans l’avant-bras. Il devait porter un collier cervical au cours du mois suivant, après quoi il pourrait reprendre le travail. L’appelant a déclaré qu’il a été en arrêt de travail pendant un total de deux ou trois mois. Il a repris le travail à temps plein avec modification de ses tâches et au bout d’un mois, il a repris ses fonctions dans la grue et le chariot élévateur à fourche.

[13] L’appelant a déclaré que la chirurgie n’a pas été une réussite complète. Au début de 2007, il a commencé à ressentir dans le bras droit de la douleur, des engourdissements et de la faiblesse. Il a de nouveau consulté le Dr Johnston en septembre de cette année-là.

[14] Une IRM de la colonne cervicale de l’appelant faite le 17 septembre 2007 a révélé une discopathie dégénérative modérée de C4-5 et légère de C5-6 et une sténose du canal central aux trois niveaux, et peut-être une irritation des racines nerveuses sortantes à droite de C5 et C6.

[15] Le rapport du Dr Johnston daté du 19 septembre 2007 révélait qu’en plus de sa douleur au bras, l’appelant ressentait de la douleur au cou parce qu’il regardait vers le haut en conduisant la grue au travail; il a également constaté un tremblement de sa main droite. Il prenait de la gabapentine, ce qui atténuait quelque peu la douleur, mais le Dr Johnston a diminué le dosage de moitié. Il a constaté que l’appelant subissait une compression importante du nerf médian de son poignet droit et lui a proposé d’utiliser une attelle au poignet la nuit durant les semaines suivantes.

[16] L’appelant a eu une chirurgie du syndrome du canal carpien en janvier 2008. Il a déclaré que la chirurgie a allégé la douleur et les picotements dans son bras droit, mais que les tremblements de sa main droite ont empiré. Celle-ci s’est mise à trembler sans cesse. Depuis, il ne peut prendre un objet sans avoir de crampe à la main. Il échappe facilement des objets et éprouve de la difficulté à écrire.

[17] L’appelant éprouve encore de la douleur au cou et au dos ainsi que des engourdissements et une faiblesse au bras droit. Suivant les conseils de son médecin, il a cessé de prendre de la gabapentine par crainte de devenir dépendant. Il a commencé à prendre du Tylenol 3 et du Tylenol extra-fort. Comme il prenait de puissants analgésiques, il ne pouvait plus conduire de la machinerie lourde.

[18] L’appelant a témoigné que son patron était un ami qui était très compréhensif et qu’ils ont tenté ensemble de trouver des tâches différentes que l’appelant pourrait exécuter. Il a cessé de conduire et de lever des poids lourds et a tenté d’occuper des postes en ventes et en gestion au commerce de bois; toutefois, il ne pouvait occuper ces emplois, car il était incapable d’écrire.

[19] L’appelant a déclaré qu’en date du printemps 2008, il avait manqué passablement de jours de travail en raison de ses douleurs et de ses rendez-vous chez le médecin. Il avait pris un mois de congé pour tenter de récupérer et deux semaines après être revenu au travail, il s’est senti incapable de continuer. Son médecin de famille, le Dr Waite, lui a dit qu’il devrait cesser de travailler. L’appelant a parlé à son patron qui était d’accord.

[20] L’appelant était protégé par une assurance-invalidité privée après avoir cessé de travailler. Il a déclaré qu’il a continué à prendre divers médicaments à l’essai pour maîtriser la douleur, mais que ceux-ci ont eu peu d’effet. Il ne pouvait se souvenir de leur nom, car le Dr Waite les lui a donnés comme échantillons, et ils ne figuraient donc pas sur sa liste de médicaments. Certains d’entre eux lui ont causé des effets secondaires importants sur le plan cognitif et il a cessé de les prendre.

[21] La femme de l’appelant a témoigné qu’il ressentait de vives douleurs et qu’il a fait de nombreuses visites chez des médecins. Il s’est fait dire que ses symptômes n’étaient pas assez graves pour justifier une chirurgie. Selon elle, les médecins de son mari croyaient et croient encore qu’il valait mieux tenter de maîtriser la douleur de l’appelant que de risquer une chirurgie.

[22] L’appelant a demandé une pension d’invalidité au titre du RPC en mars 2009. Dans sa demande, il déclarait avoir été incapable de travailler depuis le 15 mai 2008 en raison des mouvements restreints de son cou, de l’engourdissement de son bras, de crampes musculaires et de douleurs chroniques. Il affirmait en outre qu’il n’était pas en mesure de lever des charges lourdes ou de façon répétitive ni de faire quoi que ce soit qui lui occasionnait des tensions au cou. Il a dressé la liste de ses limitations fonctionnelles liées à la position debout, à la marche et à la levée de charges et à son sommeil perturbé amélioré par les médicaments. Il prenait de la gabapentine et des médicaments pour sa pression sanguine élevée et son reflux gastro-œsophagien pathologique (GERD). Il a mentionné qu’on lui avait prescrit de la physiothérapie, mais qu’il ne pouvait pas se permettre de s’y présenter et qu’à l’heure actuelle, on ne croyait plus que ce serait profitable. Il a déclaré qu’il travaillait au programme Triumph, un programme d’emploi pour personnes handicapées, pour tenter de se recycler.

[23] L’appelant a témoigné qu’il éprouvait de plus en plus de difficulté à s’asseoir depuis sa chirurgie en 2003. Il n’a pas pensé à inclure ce renseignement dans sa demande de 2009 parce que cela ne nuisait pas à sa capacité d’occuper son poste le plus récent, dans le cadre duquel il était debout la plupart du temps.

[24] Le Dr Waite a dressé un rapport médical en date du 24 décembre 2008 pour appuyer la demande de prestations d’invalidité de l’appelant. Il a déclaré que l’appelant avait une discopathie dégénérative de la colonne cervicale avec radiculopathie de droite. Il avait des pincements récurrents au cou ainsi que de la douleur, une faiblesse et des engourdissements répétés et persistants dans son bras droit, que le travail physique a aggravé. Aucune autre consultation ni aucun autre examen n’étaient prévus. L’appelant prenait de la gabapentine qui atténuait légèrement ses douleurs et faisait de la physiothérapie à la maison, ce qui l’aidait à conserver son amplitude de mouvements. Le Dr Waite a déclaré que l’appelant avait une maladie dégénérative chronique qui pourrait empirer. Il ne pouvait continuer à faire du travail lourd et devait se recycler dans un emploi plus sédentaire.

[25] La demande de l’appelant a été rejetée. Il se souvenait que la lettre de décision mentionnait qu’il pouvait exercer un emploi sédentaire. Sa femme a témoigné qu’ils ont décidé de ne pas porter ce refus en appel parce que l’appelant était encore dans la quarantaine et « ne voulait pas abandonner ». Il pensait qu’il pourrait peut-être se recycler pour faire un travail sédentaire et il était prêt à essayer. Sa femme a déclaré qu’il lui a fallu environ deux ans après avoir cessé de travailler pour maîtriser sa douleur et pouvoir ensuite envisager du travail sédentaire. Elle ne se souvenait pas s’il avait consulté des spécialistes au cours des quelque trois années suivantes parce qu’il n’y avait rien à faire pour lui.

[26] L’appelant a témoigné que le programme Triumph l’a envoyé voir un physiothérapeute pour faire évaluer ses capacités. Il a été décidé qu’il continuerait à travailler comme gestionnaire immobilier dans un édifice à logements, car le travail n’était pas constant et sa femme pourrait l’aider. Il a fait sa onzième année à l’éducation aux adultes, ce qui lui a permis  de s’inscrire à un cours de gestion immobilière.

[27] L’appelant a témoigné que le cours l’intéressait parce qu’il était en ligne et qu’il pouvait le faire à la maison à son rythme. Il ne se croyait pas capable de s’asseoir dans une salle de cours. Il a déclaré qu’il consacrait environ huit heures par jour au cours, dont 90 % pour étudier, ce qu’il faisait surtout alors qu’il était couché sur le dos sur le plancher. Il prenait des pauses d’études pour changer de position ou pour se déplacer. Il se souvenait qu’il lui a fallu environ six semaines pour achever le cours; sa femme croyait qu’il lui a plutôt fallu trois mois. Quoi qu’il en soit, il a terminé le cours au début de 2011, en moins de temps que ce qui lui avait été recommandé. Il a obtenu une note de 100 %.

[28] Peu après, l’appelant a été recruté par Meicor Property Management à titre de gestionnaire immobilier aux appartements Cygnet and China Creek Apartments, un complexe comportant deux immeubles de X. Le complexe comprenait 43 unités, mais bon nombre d’entre elles n’étaient pas louées parce qu’elles étaient en mauvais état. Sa femme et lui vivaient sur place.

[29] La femme de l’appelant a témoigné qu’elle et son mari ont tous deux été interviewés par Meicor et ont été recrutés en tant que couple. Elle s’est rendue à X pour suivre la formation donnée par l’employeur parce qu’elle n’avait pas suivi de cours de gestion immobilière. Ils se sont réparti les tâches entre eux. Elle faisait presque tout le travail physique, comme la vadrouille et le nettoyage, et elle s’occupait de la paperasserie. L’appelant répondait au téléphone lorsque des locataires éventuels appelaient, il répondait à la porte lorsque des locataires apportaient des chèques de loyer, il faisait visiter des appartements et les inspectaient lorsque des locataires déménageaient, et il apportait les dépôts à la banque une fois que sa femme avait préparé les bordereaux de dépôt. Comme le roulement et les logements libres étaient limités, ce travail était limité et ne nécessitait pas une attention régulière.

[30] L’emploi comportait un salaire de 25 000,00 $ par année, sur lequel était prélevée la somme mensuelle de 550,00 $ pour la location de l’appartement dans lequel l’appelant et sa femme vivaient. Elle a témoigné qu’on leur a dit que seul l’appelant serait rémunéré, parce qu’il avait suivi un cours de gestion immobilière. Il n’était pas venu à leur esprit que l’appelant aurait pu la payer pour son travail, car ils utilisaient tous deux l’argent conjointement de toute façon.

[31] L’appelant a témoigné qu’à ses débuts, il a tenté d’exécuter quelques tâches différentes pour voir ce dont il était capable. Il a tenté de faire des travaux légers de nettoyage, mais il ne pouvait travailler pendant plus de 30 minutes. Il ne pouvait pas faire de tenue de livres ou accomplir d’autres tâches de bureau parce que sa main tremblait trop. Sa femme a témoigné qu’elle remplissait les reçus et que l’appelant les signait, parce qu’il ne pouvait pas écrire beaucoup et que son écriture était presque illisible. Ses capacités en informatique sont limitées, ce qui fait qu’elle générait les formulaires nécessaires à partir du site Web Residential Tenancy Branch et disait à l’appelant comment les remplir. Elle a déclaré qu’à son point de vue, les difficultés de son mari dans ce domaine étaient une combinaison de compétences et d’expérience insuffisantes et de douleurs physiques.

[32] Ils ne faisaient pas de suivi de leurs heures hebdomadaires. La femme de l’appelant a déclaré qu’elle faisait tout le nettoyage les fins de semaine et que si elle était incapable de s’en occuper, l’appelant embauchait quelqu’un parce qu’il ne pouvait pas s’en occuper lui-même. Il y avait beaucoup de paperasserie, mais cette tâche devait être accomplie seulement au début du mois. Elle a déclaré qu’à l’époque, elle travaillait au gouvernement provincial selon un horaire de quatre jours de service suivis de cinq jours de congé et qu’elle avait cinq semaines de vacances par année. Elle pouvait ainsi effectuer presque tout le travail à l’appartement. Elle estimait qu’elle accomplissait 95 % de ce qui était exigé. L’appelant a déclaré qu’il a fait quelques réparations mineures lorsqu’elles pouvaient être effectuées en un court laps de temps et à son propre rythme, mais qu’il embauchait habituellement quelqu’un d’autre pour exécuter le travail qu’il payait à même son revenu.

[33] L. S., de China Creek Apartments, a rempli un questionnaire de l’employeur pour l’intimé le 28 juillet 2014. Elle a déclaré que l’appelant a commencé à travailler comme gestionnaire résident pour l’organisation en octobre 2011 et qu’il a cessé lorsque l’immeuble a été vendu en janvier 2013, parce que les conditions de la vente exigeaient que tous les employés soient licenciés. Son emploi consistait à [traduction] « louer des suites, percevoir des loyers, et assurer la maintenance et le nettoyage de l’immeuble » à un salaire annuel de 25 000,00 $. Elle a évalué qu’il travaillait de 25 à 30 heures par semaine, qu’il avait un bon taux de présence, qu’il ne s’est pas absenté pour des raisons médicales et que la qualité de son travail était satisfaisante. Il n’avait pas besoin d’aide de collègues de travail, d’équipement spécial ni d’arrangements particuliers. En outre, son état de santé n’affectait aucunement sa capacité de satisfaire aux exigences du poste.

[34] L’appelant a témoigné que Mme L. S. était sa patronne chez Meicor et qu’elle se trouvait à Courtenay. Outre le fait qu’elle l’a interviewé et qu’elle l’a vu à quelques reprises lors d’événements de la compagnie, ni lui ni sa femme ne l’ont vue. Elle ne participait pas au fonctionnement quotidien de l’immeuble et ignorait tout de la répartition des tâches entre l’appelant et sa femme. Il a témoigné que le propriétaire de Meicor effectuait une visite toutes les trois à quatre semaines et qu’il ignorait généralement qui exécutait le travail.

[35] La femme de l’appelant a déclaré qu’après la vente de l’immeuble à appartements en janvier 2013, l’appelant et elle ont posé leur candidature à des centaines de postes similaires dans toute la province mais n’ont obtenu aucune entrevue. Ils ont déménagé de X au X, où ils vivent maintenant dans une remorque que les parents de la femme de l’appelant ont aidé à acheter.

[36] La femme de l’appelant a déclaré qu’elle et son mari ont trouvé un médecin de famille, le Dr B. Yong, tout de suite après leur déménagement dans la région de Vancouver, et qu’ils continuent à le consulter. Le Dr Yong a appris à l’appelant qu’il avait une maladie au foie et lui a dit de cesser de prendre des produits Tylenol. Il a également référé l’appelant au Dr Johnston, neurologue, qui n’a pu le recevoir qu’au bout de presque un an.

[37] Le Dr Yong a rempli un rapport médical qui accompagnait la demande de prestations d’invalidité de l’appelant en février 2014. Il a déclaré qu’il connaissait l’appelant depuis six mois lorsqu’il a commencé à le traiter pour de graves douleurs chroniques au bas du dos et pour des douleurs chroniques au cou. Il a noté les résultats de l’IRM de 2007 mentionnée précédemment et a indiqué qu’une radiographie de la colonne lombaire faite en 2013 révélait une fracture antérieure par tassement de L1. Il a relevé que l’appelant montrait des symptômes de douleur chronique au cou et dans le bas du dos, des tremblements du bras droit et une paresthésie ainsi que des crampes au bras droit, qui se poursuivent tous malgré une thérapie manuelle et la prise d’analgésiques.

[38] Le Dr Yong a constaté lors de l’examen physique que l’appelant avait une sensibilité des muscles paradorsaux cervicaux, thoraciques et lombaires s’accompagnant de raideurs et de spasmes, ainsi qu’une amplitude de mouvement très réduite et un test de Spurling positif du côté droit. Il a déclaré que l’appelant [traduction] « ne peut même pas exercer des fonctions sédentaires, car il est incapable de s’asseoir, de rester debout ou de marcher pendant une période acceptable. Il ressent constamment de la douleur et ne peut participer à des activités récréatives. » Il devait consulter le Dr Johnston, neurologue, en septembre 2014.

[39] Le Dr Yong a déclaré que le pronostic de l’appelant était mauvais, parce qu’il ressent depuis plus de 10 ans une douleur chronique que les médicaments, la chirurgie et la physiothérapie ne sont pas parvenus à régler. Il a déclaré [traduction] « il est très improbable que son état s’améliore beaucoup dans l’avenir. »

[40] Dans un rapport daté du 2 juillet 2014, le Dr Waite a déclaré que l’appelant n’était plus son patient, parce qu’il est déménagé l’été précédent. Il a déclaré que la plupart des données médicales qu’il possédait au sujet de l’appelant sur la période ayant débuté en décembre 2009 avaient trait à ses problèmes de santé chroniques de diabète de type 2, d’hypertension, de syndrome métabolique s’accompagnant d’une stéatose hépatique, de reflux gastro œsophagien pathologique, d’obésité morbide et de psoriasis. Il a déclaré que l’invalidité de l’appelant :

[traduction] est davantage liée à sa discopathie dégénérative de la colonne cervicale pour laquelle il a subi une discectomie et fusion de C6-C7 en mai 2003; il a constamment des symptômes depuis qui se traduisent par de la douleur, une faiblesse et un engourdissement du bras droit. [L’appelant] a essayé de reprendre le travail en avril 2008 après une tentative de réadaptation à la suite de sa chirurgie (discectomie et fusion), mais le travail lourd, y compris opérer de l’équipement lourd ou effectuer du travail manuel lourd, avaient tendance à amplifier la douleur, l’engourdissement et la faiblesse dans son bras droit.

[41] Le Dr Waite a déclaré qu’il a incité l’appelant à se recycler dans un travail plus sédentaire et il croyait qu’il avait repris son emploi de gestionnaire d’appartements qui était également trop exigeant vu ses symptômes au cou et au bras.

[42] L’appelant a consulté le Dr Johnston et a subi une IRM en septembre 2014. D’après la femme de l’appelant, le Dr Johnston leur a dit que rien ne pouvait être fait pour améliorer son état et qu’il devrait envisager d’utiliser des opiacés pour contrôler la douleur.

[43] L’appelant a déclaré qu’il continue à consulter le Dr Yong environ une fois par mois au sujet de ses problèmes de maîtrise de la douleur ou d’autres problèmes qui pourraient survenir. Il a refusé de prendre des analgésiques parce que ces médicaments ont trop d’effets secondaires sur ses capacités cognitives et causent des nausées. Il a pris du tramadol au cours des derniers mois et estime que ce médicament ne fait qu’alléger un peu la douleur, sans plus. Il détient également un certificat qui l’autorise à consommer de la marijuana à des fins médicales, et il s’en est remis à cela pendant plusieurs années. La marijuana et le tramadol rendent sa douleur supportable, mais n’ont pas augmenté sa mobilité ou sa capacité de s’asseoir ni n’ont maîtrisé les symptômes qui affectent son bras droit et sa main.

[44] L’appelant a déclaré qu’il passe la journée à tourner en rond dans sa maison et à promener le chien. Il ne peut s’arrêter nulle part pour une certaine période en raison de sa douleur. Il peut regarder la télévision ou faire une sieste, mais il ressent beaucoup de douleur lorsqu’il se lève. Il avait comme passe-temps de construire des modèles, mais il a abandonné à peu près en même temps qu’il a arrêté de travailler en 2008 en raison des tremblements dans sa main. Il allait à la pêche, mais il a cessé vers la même période parce qu’il ne peut demeurer assis dans un bateau. Il peut conduire son camion pendant environ une heure, mais il opère constamment des transferts de son poids et il ressent une grande douleur lorsqu’il arrête. Il ne peut faire de travaux dans la cour pour sa maison mobile. Il accomplit quelques tâches domestiques comme la cuisine et la vaisselle s’il s’asseoit et ne consacre que peu de temps à ces tâches. Il est en mesure de passer l’aspirateur à son propre rythme. Il a déclaré qu’il dort environ quatre heures par nuit avant que la douleur le réveille. Puis, il se lève et erre dans la maison, après quoi il peut généralement retourner dormir pendant quelques heures de plus.

Observations

[45] L’appelant soutient qu’il est admissible à une pension d’invalidité parce qu’il a une invalidité grave et prolongée depuis une date antérieure au 31 décembre 2009.

[46] L’intimé soutient que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité parce que la preuve médicale n’étaye pas la conclusion selon laquelle son état était tellement grave qu’il ne pouvait exercer un travail convenable de façon continue depuis décembre 2009. Plus particulièrement :

  1. le Dr Waite a déclaré en décembre 2008 que l’appelant pourrait se recycler pour occuper un emploi sédentaire convenant à l’état de sa colonne cervicale;
  2. la preuve médicale révèle que l’état de l’appelant s’est détérioré après la fin de la PMA, et qu’il était en état de faire un travail moins physique auparavant;
  3. l’appelant a démontré sa capacité de travail après avoir satisfait aux exigences d’admissibilité à une pension d’invalidité la dernière fois.

Analyse

[47] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il était atteint d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2009 ou avant cette date.

Invalidité grave

[48] La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[49] En présence d’une preuve de capacité de travailler, la personne doit démontrer que ses efforts en vue de trouver un emploi et de le conserver ont été infructueux en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[50] Le Tribunal conclut que l’appelant et sa femme sont dignes de foi. Ils ont répondu aux questions de façon spontanée et leur exposé était habituellement cohérent avec les rapports médicaux présentés précédemment. Le Tribunal accepte que leur témoignage représente un compte rendu exact des symptômes et des limitations de l’appelant en tout temps.

[51] L’appelant a un historique de douleurs et de limitations qui remontent à 2002. Il a subi une chirurgie et est retourné travailler malgré que certains de ses symptômes soient demeurés et qu’il en a développé de nouveaux. Un test d’imagerie médicale réalisé en 2007 a révélé une dégénérescence de la colonne cervicale, une spondylose et la compression de nerfs. L’appelant a eu une chirurgie du canal carpien en 2008. Il a continué à avoir des problèmes de douleurs, d’engourdissements et de faiblesses dans son cou et dans son bras droit et sa main droite.

[52] Une autre chirurgie n’a pas été recommandée. L’appelant a suivi les traitements recommandés. Son hésitation à prendre certains types d’analgésiques est raisonnable compte tenu de leurs effets secondaires importants. Vraisemblablement, ces médicaments ne permettraient pas à l’appelant de travailler, car ils lui donnent la nausée et affectent ses connaissances.

[53] Le Tribunal a tenu compte de l’absence de preuve au sujet des douleurs dorsales de l’appelant pendant ou avant sa PMA. L’appelant se souvient qu’il avait des douleurs au dos alors qu’il travaillait encore, mais il ne semble pas les avoir signalées à son médecin et il ne semble pas y avoir eu d’examens approfondis sur leur cause. En 2013, une fracture par tassement a été découverte. On ne sait pas depuis combien de temps elle existe ni si c’était la cause des douleurs au dos de l’appelant.

[54] Le Tribunal convient que les douleurs au dos de l’appelant remontent à 2003, selon les souvenirs de celui-ci, mais ne peut conclure qu’elles ont joué un rôle important dans son incapacité de travailler pendant ou avant sa PMA. Aucune preuve n’établit ce fait. Toutefois, le Tribunal accepte également les souvenirs qu’a l’appelant de ses limitations et son explication des motifs pour lesquels il n’a pas indiqué dans sa demande de 2009 qu’il avait de la difficulté à s’asseoir. Le Tribunal convient que la combinaison des problèmes éprouvés par l’appelant au cou, au bras droit et à la main droite qui sont documentés lui ont occasionné de la douleur, des limitations et un inconfort extrême qui l’ont amené à cesser de travailler en mai 2008.

[55] La preuve médicale de 2008 révélait qu’à cette époque, le Dr Waite ne croyait pas que l’appelant était capable de faire un travail physique. Il a soutenu que l’appelant devait se recycler pour faire un travail sédentaire. Il n’a pas effectué d’analyse fonctionnelle ni déterminé que l’appelant était en mesure de faire un tel travail. De fait, l’appelant a passé deux ans à tenter de récupérer, après quoi il a suivi un cours en ligne dans des conditions très adaptées à sa situation. Par la suite, lui et sa femme ont été recrutés pour accomplir un travail qu’elle exécutait en majeure partie. On exigeait très peu de l’appelant. Les commentaires de L. S. révélaient que la femme de l’appelant faisait bien le travail. Le Tribunal accepte la preuve de l’appelant selon laquelle les commentaires de Mme L. S. ne s’appliquaient pas à lui.

[56] La capacité de l’appelant de se recycler et de trouver du travail comme gestionnaire immobilier dans ces circonstances n’indique pas qu’il était régulièrement capable d’occuper un emploi rémunéré. L’expérience de l’appelant depuis qu’il a cessé de travailler en mai 2008 révèle que la suggestion ou l’opinion du Dr Waite selon laquelle il devrait se recycler était erronée.

[57] Le Tribunal a examiné la question de savoir si l’appelant était en mesure de faire un travail plus sédentaire. Il n’a pas terminé ses études secondaires et a passé toute sa vie professionnelle à occuper des emplois physiques. Il a un usage limité de sa main dominante. Il a tenté d’occuper des postes en gestion et en ventes avant de cesser de travailler en 2008. Il était incapable d’occuper de tels postes. Il ne pouvait non plus s’occuper de la paperasserie rattachée au poste en gestion immobilière de 2011 à 2013. Ces problèmes se poursuivent.

[58] Dans sa demande de pension d’invalidité, l’appelant a déclaré qu’il ne pouvait plus travailler depuis le 6 novembre 2013. Dans des notes explicatives jointes à la demande, il a indiqué que c’est à ce moment que son médecin et lui ont décidé que son état de santé avait empiré au point où il n’était plus du tout en mesure de travailler. Le Tribunal ne considère pas qu’il s’agit d’un aveu que l’appelant était apte à travailler avant ce moment. L’ensemble de la preuve établit manifestement que la santé de l’appelant était en péril bien avant novembre 2013. Cette date revêt de l’importance, car c’est à ce moment-là qu’il a cessé de tenter de trouver un autre emploi. Le Tribunal constate qu’en novembre 2013, le Dr Yong ne connaissait l’appelant que depuis quelques mois. Rien ne prouve qu’il pensait auparavant que l’appelant était apte à travailler et qu’il a alors changé d’avis.

[59] Le Tribunal est convaincu selon la prépondérance des probabilités que l’appelant était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice en mai 2008, lorsqu’il a dû cesser de travailler à la cour à bois. Il n’a pu travailler du tout pendant plusieurs années par la suite, et n’a pu gagner un revenu plus tard qu’en occupant un emploi souple dont les fonctions étaient essentiellement exercées par d’autres.

Invalidité prolongée

[60] L’état de l’appelant a continué à se détériorer depuis qu’il a cessé de travailler. Aucune chirurgie ni aucun traitement n’a été recommandé autre que la maîtrise de la douleur et la physiothérapie, et le caractère profitable de ceux-ci s’est révélé limité. Comme l’a déclaré le Dr Yong, l’appelant a vécu avec ses symptômes pendant de nombreuses années et son état ne devrait pas s’améliorer. Il devrait donc vraisemblablement être continu et de durée indéfinie.

Conclusion

[61] Le Tribunal conclut que l’appelant avait une invalidité grave et prolongée en mai 2008, tel qu’exposé précédemment. Aux fins du versement de la pension, une personne n’est réputée être devenue invalide qu’à une date antérieure de plus de quinze mois à la date de réception de la demande de pension d’invalidité par l’intimé (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en février 2014; par conséquent, l’appelant est réputé invalide depuis novembre 2012. Conformément à l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date réputée de déclaration de l’invalidité. Les paiements commenceront au mois de mars 2013.

[62] Le RPC établit clairement que la rétroactivité est limitée à 11 mois à compter de la date d’une demande. Tel est le cas même lorsque, comme dans le cas qui nous occupe, une personne a présenté une demande plus tôt sur la base du même état et a essuyé un refus. L’appelant avait la possibilité de porter en appel la décision du refus de sa demande de 2009. Il ne l’a pas fait. Malheureusement, le Tribunal n’a pas compétence pour antidater la pension d’invalidité de l’appelant à la date de sa première demande.

[63] L’appel est accueilli.

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