Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) refuse la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] C'est la deuxième fois que la division d'appel étudie la demande de permission d'en appeler du demandeur à l'encontre d'une décision de la division générale qui a refusé de proroger le délai prévu pour déposer l'avis d'appel de la décision, découlant de la révision, rendue le 16 janvier 2014. Le 30 septembre 2015, un autre membre de la division d'appel avait accordé au demandeur la permission d'en appeler. Cependant, le 4 mai 2016, la Cour fédérale a infirmé cette décision. La Cour fédérale a renvoyé l'affaire à la division d'appel pour un nouvel examen. Il s’agit d’un nouvel examen de la demande de permission d’en appeler.

Historique des procédures

[3] Le demandeur a commencé à toucher une pension partielle de retraite en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) en juin 2012 (GD3-6). Ensuite, il a continué à travailler pendant plusieurs mois. Il a travaillé pour Rod’s Auto Salvage Company, en tant que travailleur saisonnier, entre mai 2012 et le 24 août 2012, puis il a commencé à recevoir des prestations régulières d'assurance-emploi. Le demandeur a été hospitalisé le 13 novembre 2012. À cette époque, on a diagnostiqué chez lui une insuffisance cardiaque congestive (GD3-30). Il a présenté une demande de prestations d'invalidité en se fondant sur son état de santé. Il a affirmé que l’insuffisance cardiaque congestive le rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[4] L’intimé a rejeté sa demande et a maintenu son refus après révision. L'intimé a déduit qu'en tant que personne qui touche une pension de retraite au moment de présenter une demande de pension d'invalidité, le demandeur pouvait remplacer la pension de retraite uniquement s'il était réputé être devenu invalide avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher sa pension de retraite (GD3-90).

[5] Le demandeur a tenté d’interjeter appel de cette décision en révision devant le Tribunal. Il a déposé un premier avis d'appel, incomplet. Le 10 septembre 2014, le Tribunal a avisé le demandeur que son avis d'appel avait été déposé en retard et lui a demandé de fournir l'information manquante. Le demandeur a complété son avis d'appel bien au-delà du délai de 90 jours prévu à la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). Le Tribunal a reconnu avoir reçu l'avis d'appel complet dans une lettre du 14 septembre 2014. Le 30 octobre 2014, le Tribunal a reçu une lettre du demandeur qui énonçait les raisons pour lesquelles on devait lui accorder une prorogation du délai prévu pour déposer un avis d'appel.

[6] Le 31 juillet 2015, la division générale a rendu une décision dans laquelle elle refusait d'accorder la prorogation de délai pour interjeter appel. On doit retenir de la décision de la division générale la conclusion selon laquelle le demandeur n'avait pas de cause défendable.

Moyens d’appel

[7] Le demandeur a cité les retards administratifs et les erreurs de calcul figurant au registre des cotisations au Régime de pensions du Canada comme motifs pour lesquels on devait lui accorder une prorogation du délai pour déposer l'avis d'appel. Il prétend que ces erreurs et ces retards ne devraient pas exister pour lui causer plus de stress et de tension. Il n'a lié son appel à aucun des moyens d'appel prévus à l'article 58 de la Loi sur le MEDS.

Question en litige

[8] La division d’appel doit déterminer si l’appel aurait une chance raisonnable de succès.

Dispositions législatives applicables

Que doit établir le demandeur dans sa demande de permission d’en appeler ?

[9] Dans sa demande de permission d'en appeler, le demandeur doit convaincre la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Un demandeur convainc la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permissionNote de bas de page 1. Une cause défendable a été assimilée à une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2.

[10] La Loi sur le MEDS énonce les moyens d'appel au paragraphe 58(1). Il s'agit des seuls moyens d'appel. L’article est ainsi libellé :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] Pour que la demande soit accordée, la division d'appel doit déterminer si les motifs du demandeur correspondent à l’un des moyens d’appel énoncés ci-dessus.

Critères à respecter pour l’octroi d’une prorogation de délai

[12] Selon le paragraphe 52(2) de la Loi sur le MEDS, la division générale a compétence pour proroger le délai pour interjeter appel.

(2) Délai supplémentaire – La division générale peut proroger d’au plus un an le délai pour interjeter appel.

[13] Le critère de common law a été exprimé dans l'affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 833, puis a été développé dans l'affaire (Canada) Procureur général c. Larkman 2012 CAF 204 pour tenir compte de l'intérêt de la justiceNote de bas de page 3. Dans Gattellaro, la Cour fédérale énonce quatre critères à prendre en compte et à soupeser pour déterminer si la prorogation de délai au-delà de 90 jours pour déposer la demande de permission d'en appeler doit être accordée. Ces critères sont les suivants :

  1. il y a intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. la cause est défendable;
  3. le retard a été raisonnablement expliqué;
  4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

Observations

[14] Le demandeur a présenté les mêmes observations que celles qu'il avait présentées devant la division générale.

[15] L'intimé n’a présenté aucune observation.

Analyse

[16] Dans son analyse, la division générale a confirmé trois des quatre critères de l'affaire Gattellaro en faveur du demandeur. Le seul critère qu'elle n'a pu confirmer était la cause défendable. Le raisonnement de la division générale se trouve au paragraphe 12 de sa décision. La division générale a déclaré ce qui suit :

[12] [traduction] Le Tribunal estime que le cas du demandeur n'a aucune chance raisonnable de succès.  Une personne peut être admissible à une pension de retraite du RPC ou à une pension d'invalidité du RPC, mais ne peut toucher qu'une seule des deux pensions. Une pension de retraite peut être remplacée par une pension d'invalidité seulement si le bénéficiaire est réputé être devenu invalide avant le mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite. En l'espèce, le demandeur aurait dû être considéré comme invalide en mai 2012, au plus tard. Le demandeur a continué à travailler après cette date, et jusqu'en août 2012, ce qui démontre qu'il était capable de travailler après être devenu admissible à une pension d'invalidité du RPC. Il a reçu des traitements de son médecin, pour des problèmes cardiaques, à partir de novembre 2012. Cela démontre que le problème de santé qui l'empêchait de travailler s'est manifesté après que le demandeur eut déclaré qu'il recevait une pension de retraite anticipée.

[17] La division d'appel estime que ce paragraphe reflète une bonne interprétation du paragraphe 42(2) et des articles 44 et 66.1 du Régime de pensions du Canada, les dispositions législatives applicables en l'espèce. L'article 66.1, qui porte sur le moment où la pension de retraite peut être remplacée par une pension d'invalidité, est particulièrement pertinent.

66.1. Demande de cessation de prestation – (1) Un bénéficiaire peut demander la cessation d’une prestation s’il le fait de la manière prescrite et, après que le paiement de la prestation a commencé, durant la période de temps prescrite à cet égard.

(1.1) Exception - Toutefois, le bénéficiaire d’une prestation de retraite ne peut remplacer cette prestation par une prestation d’invalidité si le requérant est réputé être devenu invalide, en vertu de la présente loi ou aux termes d’un régime provincial de pensions, au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite.

[18] Ainsi, comme l'a conclu la division générale, le demandeur aurait dû être considéré comme invalide au plus tard avant le mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite. Il s'agit du mois de juin 2012, dans le cas du demandeur. Personne ne conteste que le demandeur fût capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au cours de l'été 2012. Personne ne conteste non plus qu'il occupait un emploi saisonnier et qu'à la fin de cet emploi, il était admissible aux prestations régulières d'assurance-emploi. Le versement des prestations d'assurance-emploi a été retenu pour indiquer que le demandeur avait la capacité de détenir tout emploi véritablement rémunérateur : Gall c. MEI (18 juin 1996) CP 3567. Bien que cette décision ne constitue pas un précédent, je la trouve convaincante. Tous ces éléments militent en faveur d'une absence d'erreur de la part de la division générale puisque, selon la division d'appel, l’insuffisance cardiaque congestive n'a pas empêché le demandeur de détenir une occupation véritablement rémunératrice bien au-delà du moment où il a commencé à toucher ses prestations de retraite.

[19] Le dossier du Tribunal offre un appui supplémentaire à cette position. D'après ce dossier, le médecin de famille du demandeur a commencé à traiter l'insuffisance cardiaque congestive du demandeur en novembre 2012 (GD3-130), une date bien au-delà de la date du début du versement de la pension de retraite du demandeur. Conséquemment, le paragraphe 66.1(1.1) s'applique pour priver le demandeur des effets de l'article 66.1. Ce dernier aurait permis le remplacement de la prestation de retraite par une prestation d'invalidité si le demandeur avait été considéré comme invalide avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher sa prestation de retraite. La division générale a donc bien interprété les dispositions législatives et a bien appliqué le droit à la situation personnelle du demandeur.

Conclusion

[20] La permission d’en appeler est refusée.

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