Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale (DG) du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 27 janvier 2016. La DG a tenu une audience en personne et a déterminé que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (Loi) après avoir conclu que son invalidité n’était pas « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2014.

[2] Le 27 avril 2016, dans les délais prescrits, la demanderesse a présenté à la division d’appel (DA) une demande de permission d’en appeler précisant ses motifs d’appel.

[3] Pour accueillir cette demande, je dois être convaincu que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Aperçu

[4] La demanderesse avait 56 ans au moment où elle a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), le 16 septembre 2016. Dans sa demande, elle a indiqué qu’elle souffrait d’une dépression majeure et du diabète de type 2, et a prétendu que ces affections la rendaient incapable de travailler. Elle a quitté son dernier emploi en mars 2011 pour prendre un congé de maladie, alors qu’elle exerçait des fonctions d’adjointe de direction au sein d’un organisme caritatif.

[5] À l’audience tenue devant la DG le 12 août 2015, la demanderesse a témoigné à propos de sa scolarité et de son expérience professionnelle. Elle a également décrit son problème de santé et les symptômes associés, et a expliqué comment ils l’empêchaient progressivement de fonctionner à la maison comme au travail. Il a dit avoir cherché à suivre un traitement psychiatrique et prendre des antidépresseurs et des anxiolytiques pour limiter les effets. Son état s’était aggravé depuis son dernier épisode dépressif en 2011.

[6] Dans sa décision datée du 27 janvier 2016, la DG a rejeté l’appel de la demanderesse après avoir conclu, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle ne souffrait pas d’une invalidité grave à la date de sa PMA. Selon la DG, la preuve médicale disponible suggérait que la demanderesse avait une capacité résiduelle qui ne l’empêchait pas d’effectuer des tâches légères. La DG avait également conclu qu’elle ne s’était pas acquittée de son obligation de chercher un emploi de substitution ou d’envisager de se recycler.

Droit applicable

[7] Comme le prescrivent les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la DA sans permission et la DA accorde ou refuse cette permission.

[8] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la DA rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la DG n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) la DG a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) la DG a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’un motif d’appel susceptible de donner gain de cause à l’appel soit présenté : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a établi qu’une cause défendable en droit revient à déterminer si un appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique  : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est moins important que celui auquel elle devra faire face lors de l’instruction de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[12] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Observations

[13] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse a soutenu que la DG a commis les erreurs suivantes en concluant qu’elle n’était pas invalide :

  1. La DG a affirmé que le rapport du psychiatre de septembre 2011 [traduction] « ne faisait état d’aucune restriction ou complication relative à une déficience fonctionnelle découlant d’un trouble dépressif majeur qui, d’après ce que la demanderesse prétend, la rend invalide ». Cependant, dans le rapport qu’il a rédigé à l’intention de La Great-West, le Dr Prince a conclu que la demanderesse ne serait probablement jamais employable et que sa note à l’évaluation globale de fonctionnent (EGF) révélait des symptômes sévères.
  2. La DG a conclu que la demanderesse avait un employeur qui lui avait offert de modifier son travail, et qu’elle n’avait pas cessé de travailler en raison de son état de santé mais bien parce qu’elle souhaitait obtenir un emploi avec un salaire plus élevé et de meilleurs avantages sociaux. Cependant, la preuve indique que, au moment où elle a changé de poste, la demanderesse avait déjà de la difficulté à travailler en dépit des changements apportés à ses tâches. Elle travaillait essentiellement à l’encontre des ordres de son médecin et n’y parvenait pas. Elle a essayé ce nouveau poste mais s’est vite rendu compte qu’il ne lui convenait pas davantage et elle n’était pas capable de faire face à ses responsabilités. Elle a essayé de remédier à la situation et ses efforts devraient être applaudis.
  3. La DG a conclu que la demanderesse n’avait pas essayé de trouver un emploi de substitution ou de se recycler, ignorant ainsi la preuve voulant qu’elle ne s’en [traduction] « sentait pas capable » en raison de son trouble dépressif majeur. La demanderesse soutient que la DG a banalisé sa dépression et qu’elle n’a pas tenu compte de son état dans son ensemble, alors qu’elle souffrait aussi d’une colite et de troubles cognitifs, entre autres. La DG a également fait fi du critère « réaliste » énoncé dans Villani c. CanadaNote de bas de page 3, qui requiert de tenir compte des caractéristiques personnelles d’un requérant.
  4. La DG a conclu que la preuve médicale n’indiquait aucunement pourquoi et de quelle façon le dernier épisode dépressif de la demanderesse était considérablement différent des autres, après lesquels elle avait réussi à récupérer et à retourner au travail. En tirant une telle conclusion, la DG a ignoré des rapports et des notes de ses médecins traitants, indiquant que chaque épisode dépressif était pire que le précédent, et qu’il lui devenait de plus en plus difficile de réintégrer la population active. [Traduction] « Après la troisième fois, c’était devenu impossible. C’était la dernière goutte qui a fait déborder le vase. »

Analyse

[14] Je ne vais aborder en détail que le premier motif d’appel de la demanderesse. La teneur de ses observations portant sur ce motif est que la DG a mal interprété les conclusions de son psychiatre. La DG a dédié quatre paragraphes de sa décision à une analyse des rapports du Dr Prince. Les voici :

[Traduction]

[37] Dans un rapport daté du 13 septembre 2011, le Dr Prince a fait état des limitations et des signes physiques pertinents de l’appelante, et a indiqué qu’elle n’avait que « très peu de soutien de sa famille ». Il a ensuite raconté les difficultés auxquelles l’appelante faisait face relativement à son époux et à ses deux fils adultes, desquels elle devait s’occuper et auxquels elle devait accorder son attention.

[38] Dans une lettre datée du 23 février 2012, le Dr Prince a noté que les épisodes dépressifs de l’appelante s’aggravaient, qu’ils duraient plus longtemps et qu’ils étaient plus fréquents ainsi que plus rapprochés. Il était d’avis qu’elle incapable d’occuper tout emploi qui en vaille la peine et qui générerait un revenu qui lui permettrait de subvenir à ses propres besoins et d’aider ses deux fils.

[39] Quoique la lettre de février 2012 du Dr Prince appuie la tentative de l’appelante d’obtenir une pension d’invalidité, il n’est pas pertinent de savoir si l’appelante peut travailler d’une façon à ce qu’elle puisse générer un revenu qui l’aide à gérer la situation touchant ses deux fils; il importe uniquement de déterminer si elle peut détenir une occupation qui soit véritablement rémunératrice.

[40] Les limitations et les signes physiques dont a fait état le Dr Prince en septembre 2011 ne soulèvent aucune déficience, restriction ou complication sur le plan fonctionnel qui touchent le trouble dépressif majeur en raison duquel l’appelante allègue être invalide.

[15] La DG a, en partie, fondé sa décision sur l’absence de restrictions fonctionnelles dans le questionnaire médical du RPC rempli par le Dr Prince en date du 13 septembre 2011. Cependant, je remarque que le Dr Prince a fait mention de restrictions fonctionnelles précises dans d’autres rapports, notamment dans les Mises à jour des médecins traitants pour Manuvie datées du 30 mars 2009 et du 1er avril 2009 ([traduction] « difficultés à se concentrer ») et du 4 juin 2009 ([traduction] « déficience de toutes les fonctions cognitives »), ainsi que dans des lettres datées du 18 juin 2009 ([traduction] « elle souffre de déficiences cognitives et fonctionnelles majeures ») et du 23 février 2012 ([traduction] « tout prochain emploi lui causerait [sic] stress majeur et sa capacité à affronter la situation serait très limitée »). Je note également qu’aucune mention n’est faite, dans la décision de la DG, de la Déclaration initiale du médecin traitant à l’intention de La Great-West faite par le Dr Prince, dans laquelle celui-ci faisait état de notes précises à l’EGF pouvant avoir une importance quant à la capacité de la demanderesse à travailler. D’après ces documents, j’estime qu’il existe une cause défendable au motif que la DG a tiré une conclusion de fait erronée dans son interprétation de l’évaluation du Dr Prince sur les aptitudes fonctionnelles de la demanderesse.

[16] La DG a également écarté la lettre du 23 février 2012 du Dr Prince, puisque la question de savoir si l’appelante était incapable de travailler d’une façon qui soit suffisante pour générer un revenu qui lui permette de gérer la situation touchant ses deux fils [traduction] « n’était pas pertinente »; il importait uniquement de déterminer si elle pouvait détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, le Dr Prince a également conclu sa lettre avec la déclaration suivante, moins équivoque [traduction] : « Mme D. F. est déprimée et souffre d’un trouble chronique récurrent et elle est incapable de travailler. » Ce propos était sans réserve, et il semble incompatible avec l’interprétation qu’a donnée la DG à l’affirmation précédente. Si la demanderesse allègue que la DG a été déraisonnablement sélective dans son choix des affirmations faites par le Dr Prince, elle soulève au moins une cause défendable grâce à ce motif.

[17] Enfin, je tiens à soulever que le défendeur semble avoir retiré certaines parties de la preuve documentaire présentée à la DG. Plus précisément, la réponse inscrite par le Dr Prince à la case 6B du rapport médical du RPC (p. GT1-69) a été modifiée de façon à y enlever des précisions concernant les problèmes de santé de fils de la demanderesse, dont elle est apparemment la seule personne à prendre soin. Il est possible que ces renseignements aient été pertinents à la demande de pension d’invalidité de la demanderesse, particulièrement compte tenu du fait qu’elle et son psychiatre ont soutenu qu’elle vivait un stress psychologique et que ses responsabilités familiales contribuaient à sa dépression et à son anxiété. Étant donné que la DG a fondé sa décision, du moins en partie, sur ce qui ne se trouvait pas à la case 6B, j’estime que toute censure du rapport médical du RPC constitue un manquement possible à un principe de justice naturelle. Même si la DG n’a pas mentionné ces modifications dans sa décision (en fait, je ne suis pas certain si le membre de la GD les avait même remarquées), je conclus qu’il existe au moins une cause défendable au motif que le défendeur a omis de fournir des renseignements pertinents.

Conclusion

[18] Comme le premier motif d’appel présenté par la demanderesse a une chance raisonnable de succès, la permission d’en appeler est accordée. Quoique j’estime qu’il n’est pas nécessaire de les aborder en détail à ce stade-ci, j’accorde également la permission d’en appeler sur les autres motifs présentés.

[19] J’invite les parties à déposer des observations sur la question qui consiste à savoir si le défendeur n’a pas observé les principes de justice naturelle en omettant de fournir tous les renseignements pertinents qu’il possédait.

[20] J’invite aussi les parties à déposer leurs observations sur la pertinence de tenir une nouvelle audience et, si une audience s’avère nécessaire, sur le type d’audience qui convient.

[21] Cette décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement de l’issue de l’appel sur le fond du litige.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.