Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Décision

[1] La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) accorde la demande de permission d’en appeler.

Introduction

[2] Le demandeur souhaite obtenir la permission de porter en appel la décision rendue par la division générale du Tribunal le 30 octobre 2015. La décision de la division générale avait conclu que le demandeur n’était pas admissible à la pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

Motifs d’appel

[3] L’avocat du demandeur a soutenu que la division générale avait commis des erreurs de fait et de droit en négligeant de considérer les facteurs concrets (de la cause du demandeur), notamment, son niveau d’instruction et son trouble d’apprentissage, lorsqu’elle a suggéré qu’il suive une formation au travail. L’avocat du demandeur a également soutenu que la division générale avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. (AD1-1)

Question en litige

[4] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Dispositions législatives applicables

[5] Les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS) régissent l’obtention de la demande de permission d’appeler. Aux termes du paragraphe 56(1) de la Loi sur le MEDS, la permission de porter en appel une décision de la division générale du Tribunal constitue une étape préliminaire d’un appel devant la division d’appel. Selon le paragraphe 56(1) : « Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission ». Le paragraphe 58(3) prévoit que la division d’appel doit accorder ou refuser cette permission.

[6] Pour obtenir la permission d’en appeler, un demandeur doit, conformément au paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS, convaincre la division d’appel que son appel aurait une chance raisonnable de succès; autrement, la division d’appel doit refuser la demande de permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[7] Un demandeur convainc la division d’appel que son appel a une chance raisonnable de succès en soulevant une cause défendable dans sa demande de permission d’en appelerNote de bas de page 1. Dans les arrêts Canada (ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, (2007) CAF 41, et Fancy c. Canada (Procureur général), (2010) CAF 63, il a été établi qu’une chance raisonnable de succès signifie qu’une cause est défendable.

[8] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] L’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), (2015) CF 1 300, confirme que lors de l’évaluation d’une demande de permission d’en appeler, la division d’appel doit d’abord déterminer si les moyens d’appel du demandeur correspondent à l’un des moyens d’appel énoncés.

Analyse

La division générale n’a pas pris en considération les facteurs concrets de la cause.

[10] On entend par facteurs concrets les éléments que doit considérer un décideur lorsqu’il détermine si une personne qui demande une pension d’invalidité est incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ces facteurs sont énoncés dans l’arrêt Villani c. Canada (A.G.) (2001) CAF 238. Ce sont, notamment, l’âge, le niveau d’instruction, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[11] L’avocat du demandeur a fait valoir que « le dossier ainsi que le témoignage de M. S. B. indiquent qu’il est atteint d’un trouble d’apprentissage et que son niveau d’instruction se limite à la neuvième année. » (AD1-2). Il a soutenu que ces facteurs auraient une importance considérable sur l’incapacité de reconversion du demandeur. Par conséquent, en n’invoquant que son jeune âge, la division générale avait erré en affirmant que le demandeur « devrait pouvoir être reconverti ». (AD1-2).

[12] La division d’appel n’est pas convaincue par cette observation. À ses yeux, cette déclaration doit être lue dans son contexte et dans son entièreté. Voici la déclaration complète. [Traduction] « Le Tribunal a noté que l’appelant n’avait fait que du travail dur et physiquement exigeant par le passé, mais il a également noté que l’appelant était encore jeune et qu’il devrait pouvoir être reconverti dans un travail qui convient mieux à ses limites. » Lorsqu’on lit ainsi la déclaration, il devient clair que la division générale avait à l’esprit plus que le jeune âge du demandeur. Qui plus est, il devient également clair que la division générale avait à l’esprit les limites du demandeur. La division générale a noté au dossier, au paragraphe [8], que le demandeur avait déclaré son trouble d’apprentissage et ses limites physiques dans son témoignage. À la lumière de cela, la division d’appel conclut que ces observations ne donnent lieu à aucun moyen d’appel susceptible d’avoir une chance raisonnable de succès.

La division générale a déformé des éléments de preuve

[13] L’avocat du demandeur soutient que la division générale a déformé la preuve lorsqu’elle a conclu qu’on pouvait écarter la possibilité d’un grave problème psychologique. Il a souligné que la division générale avait déterminé que le rapport de la Dre Wendling n’indiquait aucun problème de santé mentale, alors que le rapport mentionnait nommément des diagnostics d’anxiété et de dépression chez le demandeur.

[14] Les déclarations dont se plaint l’avocat du demandeur se trouvent au paragraphe [48] de la décision de la division générale.

[48] [Traduction] Dans son rapport initial en novembre 2012, la Dre Wendling ne fait état d’aucun problème de santé mentale. En janvier 2012, le Dr Hussain, psychiatre, note que l’appelant ne semble pas être en détresse ni excessivement anxieux. En fait, dans son témoignage oral, l’appelant a affirmé qu’il n’était pas déprimé. Cela écarterait tout problème psychologique grave qui l’empêcherait de travailler. De plus, l’association pour la santé mentale a fermé son dossier puisqu’il n’y avait plus d’inquiétude.

[15] Les observations de l’avocat au sujet du rapport de la Dre Wendling sont justes. Au casier no 3 du rapport médical du RPC, la Dre Wendling énumère chez le demandeur une fibromyalgie, une discopathie dégénérative lombaire, une dépression, de l’anxiété, ainsi qu’une arthropathie dégénérative des deux genoux et un syndrome sévère des jambes sans repos. (GD3-371). En déclarant que la Dre Wendling n’avait pas mentionné de problèmes de santé mentale dans son rapport du mois de novembre 2012, la division générale a erré puisque cette déclaration écarte un élément de preuve dont elle était saisie. Par conséquent, le demandeur a invoqué un moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès.

[16] Toutefois, dans ses affirmations au sujet des commentaires du Dr Hussain, la division générale n’a pas erré. Voici le texte intégral (GD3-259) des déclarations du Dr Hussain au sujet de la santé mentale du demandeur :

[Traduction] État mental : un homme de 33 ans, qui paraît plus âgé que son âge déclaré; bon contact visuel; ne semblait pas en détresse ou excessivement déprimé; surtout préoccupé par ses problèmes d’ordre physique et par le fait que personne ne puisse lui venir en aide pour ces problèmes. Il aimerait se mettre en invalidité, mais sa dépression n’est pas sévère au point qu’il ne puisse plus travailler. S’il devait se mettre en invalidité, ce serait à cause de son mal de dos et son incapacité de travailler. Il a nié avoir des idées suicidaires. Il s’oriente dans le temps, dans l’espace et quant aux personnes. Il a dit que le suicide est toujours présent à son esprit, mais qu’il n’a pas le courage de passer à l’acte à cause de son épouse qui encaisse encore, et parce qu’il ne se croit pas capable de donner suite à ces pensées, il ne prépare aucun plan. Il sent qu’aucun soutien n’est disponible pour lui; il aimerait bien exposer ses problèmes et en discuter afin d’apprendre à composer avec eux.

Diagnostic :

Axe I — dépression, trouble sévère de l’humeur, amélioration
Axe II — différé
Axe III — douleur dorsale chronique
Axe IV — stress psychosociaux modérés

E.G.F. 45-50 (évaluation globale du fonctionnement)

Je lui ai dit que je le dirigerais vers le counselling, il a répondu qu’il serait bien d’accord pour y tenter sa chance. Je le verrai à nouveau dans quelques mois.

[17] L’avocat du demandeur a prétendu que la division générale avait cité le commentaire du Dr Hussain hors contexte, qu’en fait, le rapport « décrivait un incident récent où le demandeur s’était rendu aux urgences de l’hôpital parce qu’il avait envie de se tuer. » Cela est juste dans la mesure où le rapport ne précisait pas quand cette visite à l’hôpital avait eu lieu; de plus, à la lecture de ce rapport, il n’est pas clair aux yeux de la division d’appel qu’une intervention a été nécessaire. Quoi qu’il en soit, la division d’appel est d’avis qu’en regard du rapport du Dr Hussain, la division générale a pu écarter des éléments qui avaient été portés à sa connaissance. La permission d’en appeler est accordée à cet égard.

La division générale a erré en ce qui concerne les limites fonctionnelles du demandeur

[18] L’avocat du demandeur a présenté un certain nombre d’observations par la division générale au sujet des éléments de preuve médicale qui, selon lui, constituaient des erreurs de la part de celle-ci. Notamment ses conclusions au sujet du programme de soins du demandeur, qui n’était pas, selon lui, de nature conservatrice, comme l’avait décrit la division générale. Il a soutenu que la division générale n’avait peut-être pas considéré qu’il n’existait aucune autre option de soins pour le demandeur. En l’espèce, la division d’appel n’est pas convaincue que la division générale ait erré puisqu’elle s’était penchée sur les traitements qu’avait réellement subis le demandeur.

[19] Il a également fait valoir que la division générale avait mal interprété le rapport du rhumatologue et n’avait pas expliqué pourquoi elle avait préféré ce dernier plutôt que celui de la Dre Wendling concernant son diagnostic de fibromyalgie. Au sujet d’un diagnostic de fibromyalgie dans le rapport médical du RPC, la division d’appel estime que, en négligeant de faire référence au rapport initial du RPC, la division générale a probablement erré dans ses conclusions, à savoir que le Dr Pope n’avait pas diagnostiqué de fibromyalgie chez le demandeur.

[20] L’avocat du demandeur a également soutenu que la division générale avait erré en omettant de citer certains rapports de 2 013, qui étaient favorables au demandeur, alors qu’elle s’était fondée sur des rapports antérieurs, qui ne l’étaient pas. Pour des raisons semblables, la division d’appel conclut que la division générale avait probablement erré en ne tenant pas compte des rapports de 2 013 dans son analyse.

[21] De plus, l’avocat du demandeur a soutenu que la division générale n’avait pas pris en considération l’idée d’une « main-d’œuvre compétitive » et qu’elle n’avait pas tenu compte des limites fonctionnelles du demandeur lorsqu’elle évoquait son aptitude à effectuer n’importe quel travail qui pourrait exister chez cette « main-d’œuvre compétitive ». La division d’appel ne saisit pas parfaitement ce qui l’avocate du demandeur entend quand il fait allusion à une « main-d’œuvre compétitive ». Elle note que dans l’affaire Atkinson c. Canada (Procureur général), (2014) CAF 187, la Cour d’appel fédérale a discuté de ce concept dans le contexte d’accommodements qu’avait concédés un employeur bienveillant.

[22] Il est évident que l’avocat du demandeur soutient que les nombreux problèmes de santé du demandeur le rendent régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et que la division générale n’a pas tenu compte de ces éléments de preuve. Toutefois, la division d’appel conclut qu’il y est tout autant question du poids que la division générale a accordé à la preuve. Étant donné le témoignage oral du demandeur au sujet de son aptitude au travail, la division d’appel refuse de conclure que la division générale a erré à cet égard. La permission d’en appeler ne sera pas accordée sur cette base, à savoir que la division générale a omis de prendre en compte la capacité du demandeur de travailler au sein d’une « main-d’œuvre compétitive ».

Conclusion

[23] L’avocat du demandeur a soutenu que la division générale avait commis des erreurs de droit et avait aussi fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. La division d’appel a conclu que la demande a soulevé un certain nombre de moyens qui ont une chance raisonnable de succès en appel. Par conséquent, la demande est accordée.

[24] La permission d’en appeler est accordée.

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