Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

S. T., appelante

Derry Rangin, représentant juridique de l’appelante

Raheleh Niroomand, parajuriste autorisé (observateur)

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 30 avril 2014. L’intimé a rejeté la demande au stade initial ainsi qu’à l’étape du réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision en réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] L’audience dans le cadre de l’appel a été tenue par téléconférence pour les motifs suivants :

  1. Il manquait de l’information ou il était nécessaire d’obtenir des précisions.
  2. Ce mode d’audience satisfait à la condition énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[5] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être considérée comme étant invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] La PMA n’est pas en litige, car les parties s’entendent à cet égard; le Tribunal conclut que la date qui marque la fin de la PMA est le 31 décembre 2013.

[7] Dans la présente affaire, le Tribunal doit déterminer si l’appelante était vraisemblablement atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

Question préliminaire

[8] Le 4 juillet 2016, le Tribunal a reçu un ajout aux observations de l’intimé daté du 29 juin 2016 (GD-9). Il l’a reçu après l’expiration du délai prescrit pour déposer des documents et une réponse, et l’appelante n’en a reçu aucune copie avant la date d’audience. Le membre a informé le représentant juridique de l’appelante qu’il admettait la pièce GD-9 en preuve et a offert à l’appelante d’ajourner l’audience afin qu’elle puisse recevoir et examiner une copie de la pièce GD-9. Le membre a dit être disposé, subsidiairement, à résumer le contenu de la pièce GD-9 et à permettre au représentant juridique de l’appelante de présenter des observations de vive voix en réponse. Le représentant juridique de l’appelante a accepté cette dernière option, de sorte que le membre du Tribunal a résumé le contenu de la pièce GD-9 aux fins du dossier.

Preuve

Preuve documentaire

[9] Dans le Questionnaire relatif au RPC, daté du 23 avril 2014, l’appelante a indiqué qu’après avoir terminé sa treizième année, elle a obtenu un baccalauréat au terme de trois années d’études et un baccalauréat en éducation (un an). Elle a travaillé en tant qu’enseignante entre le 1er septembre 2004 et le 22 janvier 2013, et a arrêté de travailler parce qu’elle souffre du syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Elle a été incapable de travailler pour cette raison à compter du mois de février 2013. Elle a expliqué l’origine de la maladie. Des événements récents (une fusillade dans une école) ont déclenché ses symptômes. Elle est devenue anxieuse, elle se sent physiquement malade et elle est émotive. Elle va à la selle à une fréquence excessive si elle est exposée à des endroits et à des objets associés au SSPT. Il lui arrive parfois d’avoir de la difficulté à suivre des conversations et à parler en suivant un ordre chronologique en raison de ses problèmes de mémoire. Elle n’a pas beaucoup de mémoire à court terme et à long terme. Sa capacité de concentration est limitée. Son sommeil est sporadique et interrompu, en raison parfois de cauchemars. Tous les bruits semblent la réveiller. Lorsqu’elle est prise de panique et qu’elle ne peut travailler, cela devient difficile à gérer et elle se sent étourdie parce qu’elle respire irrégulièrement. Si elle conduit une auto, elle doit arrêter et faire une pause toutes les quinze minutes : le niveau de concentration requis lui donne des maux de tête et des nausées. Elle n’utilise pas le transport en commun en raison de ses problèmes d’anxiété et parce qu’elle craint les foules. Elle se fait prescrire 30 mg de Paroxetine et 2,5 mg d’Olanzapine. Elle est aussi suivie en psychothérapie. En dépit de ses efforts pour se rétablir ou pour atténuer les effets du SSPT, les symptômes sont réapparus à maintes reprises. Ils se sont aggravés progressivement, surtout lorsque l’appelante est exposée au lieu de travail. Si elle arrive à se présenter au lieu de travail, elle commence à paniquer, elle est incapable de gérer son anxiété et elle se met à vomir, va fréquemment à la selle, se sent étourdie et extrêmement bouleversée (se met à pleurer). Ses efforts pour se calmer, les changements apportés à sa médication et le counseling ont été vains.

[10] Dans le rapport médical du RPC daté du 22 avril 2014, le Dr Teehan, psychologue, indique qu’il connaît l’appelante depuis 15 ans. Il a commencé à la traiter pour son principal problème de santé en avril 1999. Il a posé le diagnostic de SSPT. Il a déclaré qu’en sa qualité de policière, l’appelante a été partie à une fusillade qui s’est mal terminée. Elle a ensuite été appelée à assurer seule la garde de la scène. Le service de police ne l’a pas aidée par la suite. En raison du SSPT grave dont elle souffre, elle est incapable de travailler et elle éprouve constamment beaucoup de difficulté à fonctionner dans la vie de tous les jours. Elle s’est fait prescrire de la Mylan-Paroxetine tous les jours depuis neuf ans et de l’Olanzapine (médicament antipsychotique au besoin) pendant les périodes de décompensation. Elle consulte son médecin de famille au besoin et dans la mesure où elle peut le tolérer. Le pronostic est sombre. Elle essaie tous les jours de surmonter les effets du SSPT, mais elle fait peu de progrès. Les symptômes persistants d’excitation accrue et d’évitement du déclenchement de stimulus et le fait de revivre des événements traumatisants, dont les environnements de travail, ont donné lieu à une déstabilisation et à une régression graves.

[11] Dans sa demande de réexamen datée du 12 septembre 2014, l’appelante a contesté l’affirmation de l’intimé selon laquelle elle prend les mêmes médicaments depuis neuf ans, ce qui confirme la stabilité de ses symptômes. Elle a déclaré qu’elle joignait une copie d’un imprimé de pharmacie dressant une liste de tous les médicaments qu’elle a pris depuis 2007. D’après l’appelante, cela indique qu’il y a eu d’importants changements de médicaments en ce qui concerne son SSPT pendant qu’elle était soignée par le Dr Michael. Ce dernier lui a prescrit un nouvel ISRS (inhibiteur spécifique du recaptage de la sérotonine) en 2008, après qu’il eut commencé à la soigner, car elle était de plus en plus anxieuse. L’on fait état d’une autre hausse de la médication en 2010 : la dose de Paroxetine a été portée de 20 à 30 mg. Au mois de février 2013, après qu’elle eut été incapable de continuer de travailler, elle s’est mise à souffrir d’anxiété excessivement grave. Elle s’est fait prescrire de la Co-Olanzapine, un antipsychotique. Ce médicament devait être pris en conjonction avec la Paroxetine. L’appelante a contesté également l’affirmation de l’intimé selon laquelle rien n’indiquait qu’il y avait détérioration de son état lorsqu’elle a arrêté de travailler en janvier 2013. Elle affirme que, peu de temps après avoir arrêté de travailler, elle a discuté avec le Dr Teehan, son psychologue, et a joint une note qu’il a rédigée, datée du mois de février 2013. Elle a aussi consulté le Dr Michael, qui savait qu’elle était traitée par un psychologue. L’appelante conteste l’affirmation suivante de l’intimé : « Rien n’indique que vous ayez dû être dirigée vers un psychiatre » [TRADUCTION]. Elle affirme que le Dr Michael savait déjà qu’elle consultait un spécialiste, ce qui explique pourquoi elle n’a pas obtenu une autre recommandation. L’appelante conteste également l’affirmation de l’intimé selon laquelle elle devrait être en mesure d’accomplir un certain type de travail. Elle affirme qu’après avoir obtenu un diagnostic de SSPT, elle a dû quitter les rangs de la police pour de nombreuses raisons, p. ex. harcèlement au travail, menaces de mort proférées par des collègues, etc. Elle a dû travailler fort pour obtenir un diplôme en enseignement et a entrepris une nouvelle profession. Elle a dû se débattre pour avoir un nouveau départ mais, en dépit de tous ses efforts, le SSPT dont elle souffre s’est emparé de son bien-être. Il s’est aggravé au point où elle ne peut fonctionner dans aucun lieu de travail parce que cela déclenche une anxiété associée au traumatisme qu’elle a vécu en tant que policière. Elle ne peut détenir aucune occupation durable et rémunératrice à ce moment-ci et depuis le mois de janvier 2013.

[12] Dans son avis d’appel, l’appelante déclare que sa lettre du 12 septembre 2014 n’a pas été suffisamment prise en considération. Bien qu’elle ait par le passé obtenu un certain traitement psychologique, ce n’est qu’après qu’elle a cessé de travailler que son état s’est aggravé. Ses médicaments témoignent de cette détérioration de son état.

[13] Le 14 mai 1999, le Dr Teehan, psychologue, a fait rapport de son évaluation de l’appelante au chapitre des difficultés qu’elle éprouvait au travail. Elle était bouleversée lorsqu’elle devait penser à retourner au travail. Au cours de son dernier quart de travail, elle s’est sentie physiquement malade lors d’une patrouille. Elle était perturbée par des événements qui s’étaient produits six mois plus tôt et a fait remarquer combien une fusillade au cours de laquelle des policiers ont tué un homme avait eu un impact profond sur elle. D’après le Dr Teehan, les sentiments d’horreur, une crainte intense et un sentiment d’impuissance étaient manifestes lorsque l’appelante parlait. Quelques jours après la fusillade, elle a dû assurer la garde de la résidence familiale où la fusillade s’était produite. Elle croyait que la famille allait revenir à la résidence pour obtenir vengeance et tirer sur quiconque se trouvait là. Après la fusillade, elle a eu l’impression qu’elle était moins concentrée et plus nerveuse. Elle trouvait plus difficile d’oublier la fusillade. Elle a vomis au cours de son dernier quart de travail et s’est sentie engourdie. Elle évitait les conversations et souhaitait rester à l’écart de la cour et du canton où la fusillade s’était produite par crainte pour sa sécurité. Elle a parlé de sentiments de détachement en ce qu’elle ne voulait aller nulle part avec d’autres policiers. Elle arrivait à s’endormir, mais elle se réveillait au « moindre bruit » et à 3 h le matin, sans égard à la quantité d’énergie qu’elle avait dépensée au cours de la journée. Elle se trouvait irritable et encline aux accès de colère, moins en mesure de se concentrer, plus hypervigilante, et elle sursautait plus facilement. Ces problèmes ayant persisté pendant plus d’un mois et ayant causé chez l’appelante une détresse et une incapacité importantes dans les domaines social et professionnel, le Dr Teehan a posé un diagnostic de SSPT chronique. Il a déclaré que l’appelante était incapable de retourner au travail à l’heure actuelle. Elle devait suivre une psychothérapie deux fois par semaine pour comprendre et tenter de surmonter ses difficultés. Il a déclaré en outre qu’elle était incapable de reprendre quelque travail de policière que ce soit à ce moment-là. Il faudrait attendre au moins trois mois avant qu’elle puisse faire une tentative à cet égard. Une nouvelle évaluation clinique devrait d’abord être faite. Le pronostic était prudent mais, grâce à un traitement, il deviendrait probablement plus positif.

[14] Le 13 août 1999, le Dr Teehan a envoyé une lettre au service des ressources humaines de la police régionale de Durham. Il a déclaré que l’appelante avait éprouvé de la difficulté avec un plan de retour au travail en raison du SSPT dont elle souffrait et de certains changements apportés au plan. Elle se trouvait excessivement sensible, surtout lorsqu’elle se retrouvait face à des situations tendues et devait utiliser la force. L’appelante a signalé que le travail de nuit compromettait grandement sa capacité de dormir lorsqu’elle ne travaillait pas. D’après le Dr Teehan, le travail de nuit aggravait l’état psychologique de l’appelante. Elle ne pouvait effectuer de quart de nuit à l’heure actuelle.

[15] Le 25 mai 2002, le Dr Teehan a indiqué à l’appelante qu’il appuyait son projet de fréquenter un collège d’enseignement cet automne-là. Il a noté qu’il était très difficile pour elle de surmonter le SSPT qu’elle avait développé à la suite de la fusillade et du harcèlement sexuel provocateur et autoritaire dont elle alléguait avoir été victime par ses collègues de travail.

[16] Le 28 février 2013, le Dr Teehan a déclaré que l’appelante souffrait d’un très important SSPT, dont les symptômes étaient aggravés par une anxiété accablante associée à des événements de longue date et récents qui l’empêchaient de continuer à travailler. En dépit de ses efforts pour prendre des médicaments, elle avait été terrorisée encore une fois par une grave réaction à un médicament qui a mené, on le comprend bien, à une aversion à essayer de nouveaux médicaments à ce moment-là. La nouvelle consternante de fusillades dans un autobus scolaire n’a fait que hausser son niveau d’anxiété, laquelle est restée active sous une apparence calme et que des années de formation l’ont aidée à dissimuler. Elle a eu besoin de se reposer pendant six mois et de passer du temps avec ses enfants afin de rétablir ses sentiments d’espoir et de résilience, et elle a eu besoin d’un counseling et d’un soutien financiers avant d’avoir le sentiment qu’elle s’était rétablie.

[17] Le 22 juillet 2014, le Dr Michael a signalé que l’appelante n’avait pas d’historique médical avant le diagnostic d’anxiété causée par le SSPT qu’a posé le Dr Teehan en 1999. D’après le Dr Michael, le Dr Teehan a posé le diagnostic de l’appelante et discuté régulièrement avec cette dernière. Le Dr Michael a déclaré qu’il a reçu l’appelante en consultation à des fins de renouvellement de prescription seulement. Il n’avait tiré après examen aucune conclusion se rapportant au SSPT. Il a déclaré que le Dr Teehan était davantage en mesure d’accomplir cette tâche. Il a noté que l’appelante avait été sous ses soins au cours des 14 dernières années. Il ne savait pas si elle avait consulté un psychiatre ou participé à une thérapie collective.

[18] Le 7 septembre 2014, le Dr Teehan a décrit un incident survenu au travail au cours d’un quart de nuit en 1998, lequel s’est révélé traumatisant pour l’appelante et en raison duquel elle est devenue accablée, psychologiquement, par un sentiment de crainte et de panique. À la suite de cet incident, au cours duquel elle a dû assurer seule la garde d’une propriété pendant des heures après une fusillade policière qui a entraîné le décès du propriétaire de la maison, l’appelante a montré des signes manifestes du SSPT, dont des souvenirs envahissants de l’événement. Il lui est arrivé souvent de penser que la fusillade pourrait se reproduire lors d’autres appels. Lorsqu’elle donnait suite à des appels, il lui arrivait souvent de vomir dans l’auto et de passer d’un sentiment de panique accablant à un engourdissement. Elle évitait les pensées, les sentiments et les conversations concernant l’événement. Toutefois, d’autres policiers continuaient d’en discuter. Elle a perdu tout intérêt à l’égard de son environnement, s’est éloignée de ses collègues policiers, a continué de se sentir engourdie, était irritable avec elle-même et avec autrui, et a trouvé qu’elle manquait de sentiments tendres. Elle a développé une sensibilité accrue aux stimulus, une irritabilité et un comportement d’évitement, une hypervigilance, une suspicion à l’égard d’autrui et une réaction de sursaut accrue. Il lui arrivait souvent de se sentir étourdie, d’aller à la selle, de vomir, de transpirer à profusion, de trembler de peur, de fondre en larmes et d’éprouver une envie irrépressible de fuir. Elle avait de la difficulté à se concentrer et éprouvait des problèmes de mémoire. Au cours de la première année qui a suivi la fusillade, elle a été plus malade qu’à l’habitude. Au mois d’avril 1999, elle a manifesté un fonctionnement psychologique sérieusement compromis sous pression et un faible niveau de santé mental, compatible avec un niveau de fonctionnement psychotique. Elle a été transférée à l’extérieur de sa division, est tombée physiquement malade en raison du stress et a dû rentrer à la maison. D’après l’appelante, son nouveau supérieur a indiqué qu’il ne croyait pas ce qu’elle avait dit au département et il l’a traitée de manière dénigrante et dégradante. Ses collègues de travail ne l’ont pas appuyée. Un policier lui a fait des avances sexuelles et lui a dit que le groupe la tuerait si elle repoussait ses avances. Lorsqu’elle a décidé de demander l’aide de son association policière, elle s’est fait dire de « se ressaisir » et a été congédiée. Elle a retenu les services d’un conseiller juridique pour protéger ses droits. Immédiatement après, des supérieurs au sein du service ont commencé ce qu’elle a décrit comme étant une série d’activités de provocation destinées à enfreindre ses droits de la personne, l’intimidant et la terrorisant. Elle a réalisé qu’elle se sentait très malade chaque fois qu’elle se trouvait dans un poste de police. Elle souffre de crises de panique répétées. Elle éprouve encore des craintes la nuit et elle est incapable de regarder des programmes de télévision qui contiennent des scènes de crimes violents ou des armes à feu. Elle est en outre incapable de rester calme lorsqu’elle se trouve dans une situation de responsabilité assujettie à l’examen serré d’un supérieur, et le seul fait de penser à une telle situation déclenche les symptômes en force. Elle est incapable de retourner à X ou à tout endroit où elle a vécu une situation traumatisante sans être saisie de panique grave. Lorsqu’elle voit un policier ou un véhicule de patrouille, elle arrive à peine à garder son calme et même alors, il lui arrive parfois de fondre en larmes et de se mettre à trembler. Elle ne peut survivre en présence de foules. Elle se sent coincée et ressent le besoin de fuir. Elle évite les grands magasins et les grands espaces, à moins qu’elle n’ait pas le choix de s’y rendre. Elle ne peut supporter les altercations et les confrontations. Elle a dû prendre ses distances à l’égard d’un certain nombre de relations parce que le spectre du rejet a provoqué chez elle des réactions d’anxiété catastrophique à plein. Elle est une patiente du Dr Teehan depuis le mois d’avril 1999 et s’est fait dire qu’elle souffrait d’un important SSPT après la fusillade. Ce problème sérieux a été aggravé par la tourmente de provocations que lui ont fait ensuite vivre les autres policiers et supérieurs. Au cours des deux années et demie qui ont suivi, elle a pris des médicaments, a suivi une thérapie hebdomadaire et a essayé de se rétablir. Toutefois, les conflits constants avec le service n’ont fait qu’aggraver ses symptômes et ont approfondi son désespoir, sa dépression et ses souffrances émotionnelles. Ces symptômes ont persisté depuis la fusillade. En dépit d’un certain nombre d’essais de médicaments, d’un changement de profession, etc., elle fonctionne de moins en moins bien, à tel point qu’elle ne peut plus détenir aucune occupation en dépit de ses efforts considérables depuis de nombreuses années pour changer sa vie et reprendre le contrôle de ses pensées, de ses impulsions et de son anxiété. Elle a de la difficulté à dormir, elle est paranoïaque, et elle a de la difficulté à se concentrer et à penser clairement. Elle demeure à la fois instable sur le plan émotionnel et susceptible d’un effondrement émotionnel sous l’influence d’événements stressants, aussi insignifiants soient-ils. Elle souffre de la maladie mentale chronique qu’est le SSPT et, après près de 15 ans, elle arrive à peine à fonctionner. Le Dr Teehan a déclaré qu’il ne connaissait aucun autre traitement qui puisse vraisemblablement changer substantiellement le profil clinique de l’appelante. Cette dernière ne pourra probablement pas reprendre un travail, quel qu’il soit. Son SSPT continuera de compromettre ses efforts, et l’on ne pourrait s’attendre à aucun changement important même en modifiant le travail.

[19] Le 6 novembre 2014, le Dr Mehta, psychiatre, a reçu l’appelante en consultation d’urgence. Il a indiqué qu’elle était une ex-policière âgée de 41 ans. Elle s’est présentée elle-même au service d’urgence, expliquant qu’elle s’était fait arrêter par la police quelques semaines plus tôt parce qu’elle n’avait pas apposé un autocollant valide sur son véhicule. Cet événement a déclenché son SSPT, son anxiété et son manque de sommeil. Elle s’est présentée à l’urgence pour obtenir de l’aide. Elle a nié avoir l’intention de s’infliger des blessures ou d’en infliger à autrui. Elle a indiqué avoir souffert de SSPT en rapport avec son travail. Elle n’avait jamais été admise dans un hôpital psychiatrique, ni n’avait à quelque moment que ce soit consulté un psychiatre. Elle prenait 30 mg de Celexa et avait pris auparavant du Paxil. Elle s’était fait prescrire également de l’Olanzapine, dont la dose avait été portée à 5 mg. Elle a dit que ce médicament ne lui avait été d’aucune aide et qu’il l’avait rendue anxieuse et un peu somnolente. Elle a déclaré qu’elle avait encore de la difficulté à dormir. Le Dr Mehta lui a recommandé de prendre un seul médicament (de diminuer le Celexa et de cesser de prendre de l’Olanzapine immédiatement) et a déclaré qu’il lui prescrirait 25 mg de Seroquel le soir avant le coucher. Il a expliqué que la pierre angulaire de la thérapie pour SSPT est la thérapie psychologique. Il a déclaré que l’appelante ferait l’objet d’un suivi par les travailleurs de l’équipe d’intervention de la clinique d’urgence. Il a indiqué qu’il donnerait son congé à l’appelante de l’urgence et noté que la consultation régulière d’un psychiatre lui serait bénéfique.

[20] Le 12 novembre 2014, le Dr Mehta a déclaré qu’il avait revu l’appelante au service d’urgence. Il a indiqué qu’elle avait nié avoir quelque intention que ce soit de s’infliger des blessures. Elle s’est plainte d’une démangeaison causée par le Seroquel et d’un manque d’appétit. Il a noté qu’elle prenait encore du Celexa, qu’il lui avait demandé de cesser de prendre lentement. Comme elle s’est plainte de démangeaison, il lui a conseillé de cesser de prendre le Seroquel et lui a donné son congé du service d’urgence. Il a prescrit 50 mg de Trazadone et lui a donné une prescription de 30 jours. Il a noté qu’elle a indiqué que son médecin de famille avait porté la dose de Quetiapine de 25 mg à 50 mg. Le Dr Mehta a déclaré qu’il a cru comprendre qu’un renvoi à un psychiatre avait été mis en marche.

[21] Le 10 février 2015, le Dr Paramsothy, psychiatre, a fait rapport de sa rencontre en consultation avec l’appelante le 5 janvier 2015. Il a déclaré qu’elle était une femme âgée de 42 ans, qu’elle était séparée, qu’elle était alors sans emploi en tant qu’enseignante depuis le mois de janvier 2013 et qu’elle avait deux enfants, âgés de 9 et de 10 ans, qu’elle manifestait des symptômes sous-jacents de dépression grave assortie de crises de panique, et qu’elle souffrait de SSPT. Elle prenait alors 75 mg de Trazodone. Ses symptômes de dépression prennent la forme d’humeur déprimée assortie de fatigue et de niveaux élevés d’anxiété approchant la panique; elle n’a pas de pensées suicidaires, elle est crispée, tendue la plupart du temps, elle a une capacité d’attention et de concentration de courte durée, un manque d’intérêt pour les activités, s’isole socialement et éprouve un sentiment de désespoir et de manque d’estime de soi. Le facteur de stress psychologique précipitant et perpétuant sa dépression avec SSPT est un incident qui est survenu en 1998, au cours duquel, en tant que policière, elle a été appelée à assurer seule la garde d’une propriété la nuit, après une fusillade au terme de laquelle un policier a tué le propriétaire. L’on savait que la famille était violente et qu’elle avait proféré des menaces. Le fait d’être de garde et d’assurer la protection de la scène de crime était traumatisant, car l’appelante ne pouvait pas bien voir dans le noir. Craignant les représailles, elle a été prise de crainte et de panique. Elle a donc dû prendre congé et elle a ensuite quitté les rangs après avoir été critiquée, isolée et mal vue par ses collègues de travail pendant une certaine période. Elle avait pris auparavant du Celexa, du Paxil et de l’Effexor. Sur le plan mental, elle était une femme larmoyante et déprimée souffrant d’anxiété approchant la panique, elle n’était pas suicidaire, elle avait une capacité d’attention et de concentration diminuée et une intuition adéquate. Le Dr Paramsothy a prescrit du Pristiq (40 mg) ainsi que du Clonazepam. Il a indiqué qu’une psychothérapie de soutien était offerte à l’appelante et que cette dernière était renvoyée à la clinique de soins d’urgence et à une courte thérapie. Un Questionnaire sur l’état de santé du patient (PHQ-9) a donné pour résultat une note de 20, ce qui témoigne d’une grave dépression. Le médecin a conclu dans les termes suivants : « Cette dame n’est pas apte au travail à l’heure actuelle » [TRADUCTION].

[22] Le 23 octobre 2015, le Dr Paramsothy a déclaré que l’appelante souffre de dépression grave assortie d’éléments de panique et aussi de SSPT. Le facteur de stress psychosocial qui a précipité et perpétré sa dépression est un événement traumatisant survenu le 28 décembre 1998. Elle travaillait alors comme policière et assurait la garde, la nuit, d’une résidence où le décès du propriétaire était survenu. Le fait d’assurer la garde seule était accablant. La crainte de représailles est devenue parfaitement réelle. Elle prenait alors de la Trazodone et manifestait une humeur déprimée, des niveaux élevés d’anxiété approchant la panique, une fatigue marquée, une capacité d’attention et de concentration de courte durée, un isolement et un sentiment de désespoir et un manque d’estime de soi. Elle avait précédemment pris plusieurs antidépresseurs et n’avait obtenu qu’un résultat partiel. Elle prenait alors 60 mg de Cymbalta et son humeur continuait de s’améliorer. Son niveau d’énergie, son estime de soi et sa motivation demeuraient faibles. Elle se conformait au traitement et souhaitait retourner au travail.

[23] Le 19 novembre 2015, le Dr Paramsothy a expliqué que l’appelante prenait alors 60 mg de Cymbalta par jour et du Lorazepam (1 mg) sublingual au besoin, et qu’elle n’avait pas utilisé ce médicament régulièrement du fait d’une meilleure humeur. Elle se conformait aux modalités de son traitement. Elle demeurait atteinte d’une invalidité et elle n’était apte à détenir aucun emploi. Elle ne prenait pas de Trazadone.

[24] Le 25 mai 2016, le Dr Paramsothy a signalé que l’appelante avait été reçue en consultation initialement le 5 janvier 2015 et qu’elle avait été examinée régulièrement. Elle souffre de dépression grave avec éléments de panique et aussi de SSPT. Ses maladies psychiatriques sont graves et prolongées et ont compromis sa capacité de détenir une occupation véritable ainsi que sa qualité de vie. Elle a de la difficulté à sortir de X en raison de ses symptômes de panique et de ses symptômes continus de SSPT d’hypervigilance et d’hypersensibilité.

Témoignage de vive voix

[25] La maladie mentale de l’appelante a pris naissance à la suite d’une fusillade survenue en 1998. Elle n’a eu avant 2008 aucun épisode associé à une maladie mentale.

[26] Après la fusillade, elle est restée à la maison pendant approximativement deux mois. Elle a ensuite repris des tâches légères et elle n’est jamais retournée sur la route.

[27] Lorsqu’elle a pris congé pendant deux mois, elle a utilisé ses congés annuels. La CSPAAT (Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail) a assumé les frais de sa thérapie.

[28] L’appelante a commencé à travailler à la réception et à y accomplir des tâches légères. Elle a été menacée et harcelée par ses superviseurs et d’autres collègues de travail. Elle a ensuite été transférée au Children’s Safety Village, où elle a enseigné la sécurité routière aux enfants. Elle n’y a pas été victime d’intimidation.

[29] Elle a quitté la force policière au mois d’août 2002. Elle avait obtenu la possibilité d’obtenir une formation d’enseignante, et la force policière a offert d’assumer les coûts de ce recyclage.

[30] Elle a d’abord pris congé pour se remettre du traumatisme qu’elle avait vécu et elle a obtenu un report d’un an du collège d’enseignement. Elle a entrepris ses études au collège d’enseignement en 2003 et a obtenu son diplôme au mois de juin 2004. Au cours de ses études, elle a fait l’objet de certaines mesures d’adaptation. Elle a suivi le programme en tant qu’étudiante identifiée comme étant atteinte d’un trouble psychologique, à savoir le SSPT. Elle a été autorisée à prendre certains cours par correspondance, car elle avait à l’époque de la difficulté à s’accommoder de la présence d’autres personnes.

[31] Elle s’est sentie mieux en 2004. Elle a cru que ses efforts pour retourner au travail avaient été fructueux. Elle s’est sentie pleine d’espoir et a cru qu’elle serait en mesure de s’en sortir. Elle était satisfaite de ses progrès.

[32] Elle a fait de la suppléance pendant neuf ans pour deux conseils scolaires. Elle a travaillé deux ou trois jours par semaine, jusqu’au mois de janvier 2013.

[33] Au mois de janvier 2013, elle a eu des crises de panique et a manqué des jours d’école. Elle vomissait et éprouvait des problèmes gastriques incontrôlables. Ses symptômes ont été déclenchés par une fusillade survenue à l’école Sandy Hook, au cours de laquelle des enfants ont été tués. Cet événement a fait naître chez elle un sentiment d’anxiété parce qu’il était associé à des armes à feu. La fusillade faisait la manchette partout, et il était difficile d’en faire abstraction.

[34] Au cours de la période de deux ans qui a précédé son départ en congé au mois de janvier 2013, elle a commencé à se sentir déprimée. Son mariage était violent et a été rompu. Elle a dû déclarer faillite. En outre, un diagnostic d’autisme a été posé pour l’un de ses enfants.

[35] Au mois de janvier 2013, l’état de l’appelante était pire que lorsqu’elle avait cessé de travailler en 2002. En 2002, elle pouvait encore se déplacer et elle était capable de fonctionner beaucoup mieux qu’elle peut le faire aujourd’hui. Elle n’était pas déprimée et elle n’avait pas à faire face à une faillite, au diagnostic de son fils ou à la violence de son conjoint, qui ont eu pour effet de beaucoup aggraver les choses. Son thérapeute croit que, lorsqu’elle a fait une rechute, beaucoup de choses ont « débordé » et sont revenues à la surface avec plus de force encore.

[36] L’appelante a consulté le Dr Teehan peu de temps après avoir arrêté de travailler en 2013. Le médecin avait été par le passé son psychologue et connaissait ses antécédents. La CSPAAT avait déjà assumé le coût du traitement par le médecin. En 2013, l’appelante a dû payer de sa poche pour consulter le médecin, à savoir 200 $ par séance. Elle ne l’a consulté qu’une seule fois, car elle n’avait pas les moyens de le consulter régulièrement. En outre, elle ne pouvait se déplacer pour le voir, car elle était incapable de sortir de chez elle.

[37] Son médecin de famille a cru comprendre qu’elle était soignée par le Dr Teehan. En outre, obtenir un rendez-vous chez un psychiatre prend beaucoup de temps à X. Elle espérait que son état s’améliore, mais il n’en fut rien. Le Dr Michael l’a dirigée vers un psychiatre. Elle croit que c’était au printemps de 2014, car son état ne s’améliorait pas, même après qu’elle eut essayé divers médicaments.

[38] Ses médecins de la clinique médicale sont devenus de plus en plus frustrés et lui ont suggéré de se rendre à l’hôpital, où elle pourrait consulter un psychiatre et se faire prescrire des médicaments différents.

[39] À l’hôpital, les médecins ont essayé de changer la médication de l’appelante. Elle en a subi des effets secondaires graves, dont des pensées suicidaires. Ses médicaments ont été modifiés une semaine plus tard.

[40] L’appelante a été dirigée vers le Dr Paramsothy. Son rendez-vous était prévu au mois de mai 2015, mais elle a pu le voir en janvier parce qu’un autre patient avait annulé son rendez-vous.

[41] Le Dr Paramsothy a changé ses médicaments deux ou trois fois.

[42] L’état mental de l’appelante est le même aujourd’hui qu’il était en janvier 2013. L’appelante continue de se sentir accablée et elle ne peut penser ou se concentrer comme elle pouvait le faire par le passé. Si l’on se reporte à ce qui s’est produit au sein de la force policière, elle peut très difficilement accepter le pouvoir et le jugement, même s’il est juste. Elle n’aime pas la confrontation. Elle fond en larmes à la moindre chose. Elle est d’humeur sombre. Elle éprouve des craintes débilitantes. Elle veut sortir et suivre une thérapie d’exposition, mais elle est prise de panique. Elle évite les éléments déclencheurs comme la télévision et la lecture de certaines choses. Elle reste à la maison tout le temps et doit demander à des personnes de faire des choses pour elle et ses enfants. Ses amis et son ex-conjoint se chargent d’amener ses enfants à certains endroits. Ces derniers ne comprennent pas pourquoi elle est toujours craintive. Elle a des crises de panique et des rappels d’images, et elle est sensible à la lumière et au bruit.

[43] Le Tribunal a souhaité poser quelques questions à l’appelante.

[44] Après qu’elle eut arrêté de faire de la suppléance en janvier 2013, elle a été jugée inadmissible à des prestations d’invalidité à court terme ou à long terme, ainsi qu’à des prestations visant à assumer le coût d’un counseling.

[45] Elle a consulté le Dr Teehan en 2013 et elle a dû payer ce dernier de sa poche. Elle a subséquemment discuté avec lui au téléphone et a demandé qu’il lui remette un rapport.

[46] En 2013, le Dr Teehan a recommandé à l’appelante d’obtenir un counseling sous le régime de l’assurance-santé de l’Ontario ou par d’autres moyens, car il savait qu’elle n’avait pas les moyens de payer ses services. Il lui a recommandé de suivre des cours de counseling gratuits, de se rendre au Centre pour femmes et de participer à divers programmes en consultation externe. Or, elle ne pouvait sortir de la maison et elle pouvait en faire très peu sans devoir appeler quelqu’un. Elle s’est efforcée de s’occuper de sa médication, car elle avait beaucoup de problèmes.

[47] L’appelante ne se rappelle pas si elle a eu une mauvaise réaction à l’Olanzapine à l’époque à peu près où elle a consulté le Dr Teehan au mois de février 2013. Une partie de ses symptômes du SSPT tiennent dans une perte de mémoire.

[48] À l’époque où elle a consulté le Dr Mehta en novembre 2014, ce dernier l’a dirigée vers une équipe de crise en clinique d’urgence. Il n’y a pas eu de suivi. Toutefois, en janvier 2015, le Dr Paramsothy lui a recommandé une unité ambulatoire à l’hôpital Southlake. En raison de la liste d’attente, elle n’a pu avoir un rendez-vous qu’au mois de mai 2015. Elle a obtenu à peu près quatre séances, mais elle n’était pas suffisamment stable pour poursuivre la TCC (thérapie cognitivo-comportementale) individuelle avec un thérapeute comportemental dialectique. Elle avait des problèmes avec sa médication et elle n’avait pas les mécanismes d’adaptation requis. Elle fondait constamment en larmes et le thérapeute avait des préoccupations au sujet de son traumatisme sous-jacent. L’appelante a raconté au Dr Paramsothy ce qui s’était produit. Au mois de novembre 2015, elle a été mise en contact avec le centre de traumatologie à Sharon. Elle a entrepris un traitement là-bas en 2016. Ils essaient de stabiliser son état et, le cas échéant, elle pourra suivre une thérapie EMDR (thérapie de désensibilisation et retraitement par mouvements oculaires). Elle se rend au centre de traumatologie deux fois par mois et consulte un personnel soignant, dont un thérapeute en traumatologie. Elle suit une thérapie TCC.

[49] Elle consulte encore le Dr Paramsothy environ une fois par mois. Il passe ses médicaments en revue et lui demande comment elle va.

[50] Elle ne peut dire avec certitude si elle a été dirigée vers le Dr Paramsothy pour la première fois au printemps de 2014. Elle nie l’affirmation de l’intimé selon laquelle elle a été dirigée vers le médecin pour la première fois en novembre 2014, après avoir consulté le Dr Mehta. Elle se rappelle que le Dr Michael a fait le renvoi à une date antérieure.

[51] Au mois de décembre 2013, elle vivait avec ses deux enfants, qui étaient âgés approximativement de neuf et de huit ans.

[52] Elle demandait aux gens de faire l’épicerie pour elle et ses enfants.

[53] Elle pouvait accomplir les tâches ménagères à l’intérieur de la maison, mais il lui fallait plus de temps pour y arriver parce qu’elle se fatigue rapidement. Il lui arrive parfois de passer plusieurs jours au lit sans en sortir. Lorsque cela se produit, elle demande à une amie de venir l’aider.

[54] Au mois de décembre 2013, elle pouvait s’habiller et prendre soin d’elle-même.

[55] C’est une amie qui la conduit à ses rendez-vous. Il lui arrive parfois de lui dire de se retourner si elle est prise de panique.

[56] Lorsqu’elle va au centre de traumatologie ou qu’elle a un rendez-vous chez le Dr Paramsothy, elle demande à quelqu’un de l’y amener en voiture. Si elle fait une thérapie d’exposition, elle demande à quelqu’un de l’accompagner. Elle ne sort pas seule. Le son d’une ambulance ou de la police est un élément déclencheur.

[57] Son père est malade et se meurt du cancer. Elle ne peut aller lui rendre visite. Ce serait au-dessus de ses forces.

[58] Elle ne voyage pas et elle a perdu plusieurs de ses amis. Ses enfants lui demandent pourquoi elle ne peut les amener à certains endroits. Elle reste confinée chez elle la plupart du temps. Elle ne peut pas beaucoup s’éloigner de la maison, car elle est alors prise de panique.

[59] Des amis l’amènent à la banque pour qu’elle puisse y faire ses transactions.

[60] Depuis qu’elle a travaillé pour la dernière fois, il n’y a aucun autre emploi qu’elle puisse détenir. Elle ne peut quitter la maison. Elle a beaucoup essayé par le passé et s’est orientée vers l’enseignement.

[61] À l’heure actuelle, elle prend du Cymbalta et du Lorazepam.

[62] Le personnel du centre de traumatologie et le Dr Paramsothy vont continuer de la soigner.

[63] Elle est âgée à l’heure actuelle de 43 ans.

[64] Elle reste éveillée toute la nuit.

[65] Habituellement, à son réveil, elle prépare les enfants pour l’école, puis retourne au lit. Elle se lève plus tard et se promène pendant un moment. Il lui arrive à l’occasion de s’asseoir dans la noirceur, car il y a beaucoup d’éléments déclencheurs. Il lui arrive aussi de parler au téléphone avec ses amies pour obtenir du soutien. Elle n’aime pas que la lumière entre dans la pièce. La nuit, elle n’arrive pas à dormir. Elle pleure, ce qui l’amène à se fâcher contre elle-même. Ses enfants en sont témoins. Ils vont se rappeler que leur mère ne pouvait fonctionner. Elle pense qu’elle va devoir faire en sorte qu’eux aussi aient un counseling.

Observations

[66] L’appelante a fait valoir qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. Elle a été traitée par son psychologue, le Dr Teehan, à la date marquant la fin de sa PMA. Dans son rapport daté du 28 février 2013, le médecin a indiqué qu’elle souffre d’un très important SSPT, aggravé par une anxiété accablante associée à des événements de longue date et récents qui l’ont rendue incapable de continuer à travailler aujourd’hui.
  2. Son état n’a pas changé; il est resté le même. Il l’empêche d’occuper quelque type d’emploi rémunérateur que ce soit. Le fait que ses médicaments n’ont pas été modifiés ne signifie pas que ses symptômes n’ont pas été traités. Cela signifie qu’ils sont maintenus. Le fait que sa médication est constante ne signifie pas qu’elle est en mesure de reprendre un emploi rémunérateur.
  3. Le SSPT dont elle souffre est la raison pour laquelle elle est incapable de continuer de travailler. La date de la fin de sa PMA est 2013 et il lui incombe de fournir des renseignements médicaux, mais elle ne connaissait pas les règles parfaitement. En outre, elle souffrait de perte de mémoire importante, d’insomnie, de manque de concentration et de crises de panique. Elle souhaitait obtenir un traitement. Il semble y avoir un manque de documents médicaux datés de 2013, mais il y a de nombreux rapports médicaux, datés de 2014, qui décrivent la nature de son état en 2013 et qui relèveraient de la PMA. Les documents médicaux datés de 2014 devraient avoir autant de poids que ceux qui sont datés de 2013, car ils renvoient au même problème invalidant.
  4. Dans son rapport daté du 10 février 2015, le Dr Paramsothy, psychiatre, a indiqué que l’appelante souffrait de dépression majeure assortie de crises de panique, et du SSPT. Il a indiqué en outre qu’elle était incapable de reprendre quelque emploi rémunérateur que ce soit, et l’a dirigée vers une clinique de soins d’urgence. Son diagnostic est identique à celui qu’a posé le Dr Teehan, qui traitait l’appelante à la date marquant la fin de sa PMA.
  5. L’intimé n’a pas pris en considération le rapport du 7 septembre 2014 du Dr Teehan. Le médecin y discutait de l’état de l’appelante à la date à laquelle elle a arrêté de travailler, date qui relève de sa PMA. Il a formulé des remarques sur sa dépression majeure et décrit ses symptômes. À son avis, il n’y avait aucune possibilité qu’elle puisse reprendre quelque emploi que ce soit.
  6. Si l’appelante a été évaluée par le Dr Paramsothy après la date marquant la fin de sa PMA, elle a cependant essayé d’obtenir un rendez-vous avant cette date. Son médecin de famille était chargé de la recommander au psychiatre, et il y avait une très longue liste d’attente. Dans l’intervalle, elle a été traitée et suivie par le Dr Teehan. Le Dr Paramsothy a continué de la traiter une fois qu’il a commencé à la soigner. Il l’a traitée pour le problème pour lequel le Dr Teehan l’a traitée au cours de la PMA.
  7. L’intimé n’a fait aucun commentaire sur le rapport du Dr Paramsothy daté du 19 novembre 2015. Dans ce rapport, le médecin a corrigé une erreur au niveau de la posologie et déclaré que l’appelante demeurait invalide et qu’elle n’était pas apte à occuper quelque emploi que ce soit.

[67] L’intimé fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. L’intimé reconnaît l’existence du rapport médical initial soumis par le Dr Teehan. Dans ce rapport, le médecin fait état d’un diagnostic de SSPT qui dure depuis 15 ans. Bien qu’il pose un pronostic sombre, il ne mentionne aucune hospitalisation, ni aucune autre investigation, ni aucun autre renvoi à un psychiatre à cette époque. L’appelante a pris les mêmes médicaments psychiatriques pendant plusieurs années, ce qui permet de penser que son problème était traité et géré efficacement.
  2. L’appelante s’est fait dire en 1999 qu’elle souffrait d’un important SSPT, mais elle a quand même fréquenté un collège d’enseignement à l’automne de 2002, après avoir arrêté de travailler comme policière, et obtenu son diplôme d’enseignante. Elle a travaillé comme enseignante pendant huit ans, jusqu’à ce que ses symptômes soient aggravés par des événements récents. Le psychologue a signalé en février 2013 qu’elle avait besoin de prendre congé pendant six mois pour se remettre et pour passer du temps avec ses enfants, mais sa médication n’a pas changé au cours des 15 mois qui ont suivi, et elle n’a eu besoin d’une intervention en situation de crise ou d’un renvoi à un psychiatre qu’à la fin de 2014, près d’un an après la date marquant la fin de sa PMA.
  3. Elle a été reçue en consultation au service d’urgence en novembre 2014 parce qu’elle présentait des symptômes d’anxiété liés au SSPT, après avoir été arrêtée par un policier parce qu’elle n’avait pas apposé un autocollant valide sur son véhicule. Sa médication a été rajustée et une consultation psychiatrique a été envisagée à l’époque, mais c’était près de six mois après la date marquant la fin de sa PMA. Le fait que son état s’est détérioré après la PMA n’a aucune pertinence.
  4. En janvier 2015, l’appelante a été évaluée par le Dr Paramsothy parce qu’elle avait des symptômes de dépression et de SSPT. Le médecin a indiqué qu’elle n’était pas apte à cette date à occuper un emploi. Il n’a exposé au terme d’un examen aucune conclusion grave qui l’empêcherait d’occuper quelque emploi que ce soit lui convenant.
  5. Son état est demeuré le même au cours des 15 dernières années, pendant lesquelles elle a été soignée par son psychologue, son médecin de famille prescrivant principalement un médicament psychiatrique de 2010 au mois d’août 2014. La preuve n’établit pas que son problème s’est aggravé à un point tel qu’il ne puisse être contrôlé et traité grâce à un traitement approprié.
  6. Les renseignements médicaux supplémentaires couvrant la période du mois de janvier 2014 au mois de novembre 2015 sont postérieurs à la PMA, et ils ne confirment pas l’existence d’un problème psychiatrique grave à la date marquant la fin de la PMA et de façon continue par la suite. Le Dr Paramsothy a évalué l’appelante bien après la date marquant la fin de sa PMA et indiqué que le Cymbalta, qu’elle prenait depuis le mois d’août 2015, continuait d’améliorer son humeur. Le médecin a indiqué qu’elle se conformait au traitement et qu’elle était motivée à retourner au travail.
  7. Si le problème de l’appelante était grave, il y aurait une preuve médicale confirmant l’existence de son invalidité à la date marquant la fin de sa PMA. Ses médicaments psychiatriques n’ont pas changé au cours des 15 mois pendant lesquels elle a consulté le Dr Teehan. L’on pourrait raisonnablement s’attendre à ce que le Dr Teehan ait recommandé une consultation psychiatrique et un examen médical si son problème avait été grave.
  8. Son état de santé n’était pas continuellement grave, car elle a fréquenté un collège d’enseignement en 2002 et a enseigné entre le mois de septembre 2004 et le mois de janvier 2013. Le SSPT dont elle souffre était traité par son médecin de famille. Elle a arrêté d’enseigner parce que ses symptômes ont été déclenchés en raison de la fusillade survenue dans une école, mais la preuve médicale ne permet pas de soutenir que les symptômes de l’appelante sont si graves qu’elle aurait été incapable d’effectuer un autre travail à la date marquant la fin de la PMA et continuellement par la suite.
  9. Bien que le représentant juridique de l’appelante affirme que cette dernière n’a été reçue en consultation par un psychiatre qu’après la date marquant la fin de sa PMA parce que le médecin de famille était celui qui devait la recommander à un psychiatre et que la liste d’attente pour obtenir un rendez-vous avec le Dr Paramsothy était très longue, le Dr Mehta a évalué l’appelante au mois de novembre 2014 parce que ses symptômes de stress post-traumatique avaient été déclenchés après qu’elle eut été arrêtée par un policier pour avoir enfreint le Code de la route. Le Dr Mehta a indiqué que l’appelante avait le sentiment que consulter un psychiatre lui serait bénéfique et il a déclaré qu’il laisserait au Dr Michael le soin de décider s’il convenait de diriger l’appelante vers un psychiatre. Lorsqu’elle a été traitée au service d’urgence six jours plus tard en raison d’une démangeaison, le Dr Mehta a indiqué qu’un renvoi à un psychiatre était envisagé conformément à sa recommandation antérieure. La preuve médicale permet de conclure que le rendez-vous avec le Dr Paramsothy en janvier 2015 (trois mois seulement après la recommandation) a été fixé plus d’un an après la date marquant la fin de la PMA. Si le Dr Mehta a apporté des rajustements médicaux et expliqué que la pierre angulaire de la thérapie pour SSPT est de nature psychologique, il n’a fait cependant mention d’aucune conclusion tirée par suite d’un examen sur l’état mental de l’appelante, ni d’aucun symptôme confirmant l’existence d’un problème grave de santé mentale.

Analyse

[68] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de la PMA ou avant cette date.

Invalidité grave

[69] Le Tribunal est convaincu, sur le fondement du dossier médical et du témoignage de l’appelante, que cette dernière souffre du SSPT et qu’elle est donc incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[70] Le dossier médical explique clairement qu’un événement déclencheur est survenu dans la vie de l’appelante à la fin des années 1990, lorsqu’elle travaillait comme policière, ce qui a donné lieu à un SSPT grave et une invalidité sur le plan fonctionnel.

[71] Bien que l’appelante ait en bout de ligne recouvré sa fonction, ce qui lui a permis de retourner à l’école, d’obtenir son baccalauréat en éducation, et de travailler comme enseignante entre le mois de septembre 2004 et le 22 janvier 2013, le Tribunal est convaincu qu’elle a souffert d’une récurrence du SSPT à la suite de la nouvelle dans les médias qu’une fusillade était survenue dans une école. Le Dr Teehan, un psychologue accrédité, qui a traité l’appelante longuement et qui connait bien son dossier, a indiqué au mois de février 2013 que l’appelante souffre d’un très important SSPT, dont les symptômes sont aggravés par une anxiété accablante associée à des événements de longue date et récents qui ont fait qu’il est impossible pour l’appelante de continuer de travailler à l’heure actuelle. Bien qu’il ait indiqué qu’elle avait eu besoin de six mois de repos et de temps avec ses enfants pour retrouver son sentiment d’espoir et de résilience, le dossier médical ne permet pas de conclure que l’appelante s’est suffisamment remise pour pouvoir retourner au travail.

[72] Le 22 avril 2014, seulement quatre mois après la date marquant la fin de la PMA, le Dr Teehan a indiqué que le pronostic était sombre. Il a déclaré que l’appelante avait essayé tous les jours de surmonter les effets du SSPT, mais que ses progrès étaient minimes. Les symptômes persistants d’excitation accrue et d’évitement du déclenchement de stimulus et le fait de revivre des événements traumatisants, dont les environnements de travail, ont donné lieu à une déstabilisation et à une régression graves.

[73] Dans son rapport daté du 7 septembre 2014, le Dr Teehan a déclaré qu’il n’était au courant d’aucun traitement susceptible de changer considérablement le profil clinique de l’appelante et qu’il n’y avait aucune possibilité qu’elle soit capable de reprendre quelque emploi que ce soit.

[74] Le Dr Mehta, psychiatre, a indiqué en novembre 2014 que l’appelante s’est présentée au service d’urgence le jour suivant celui où elle a indiqué avoir été arrêtée par la police quelques semaines auparavant parce qu’elle n’avait pas d’autocollant valide sur son véhicule, ce qui confirme davantage que l’appelante avait une déficience continue depuis la réapparition du SSPT au début de 2013. Fait important, bien que le Dr Mehta ait noté la thérapie passée de l’appelante par la médication et recommandé certains changements, il a expliqué également que la pierre angulaire de la thérapie pour le SSPT est une thérapie psychologique, que, le Tribunal remarque-t-il, l’appelante ne pouvait se payer avec le Dr Taheen à la suite de la réapparition de ses symptômes.

[75] Le Dr Paramsothy, psychiatre, a signalé dans son évaluation du mois de février 2015 que l’appelante souffre de dépression avec SSPT, ce qui prouve davantage que l’appelante est atteinte d’une déficience grave et importante au niveau fonctionnel, associée au SSPT. Elle souffre d’anxiété approchant la panique et elle manque d’attention et de concentration. Il a déclaré qu’elle n’était pas apte à occuper un emploi à l’heure actuelle. Le Tribunal considère le rapport du Dr Paramsothy comme étant une preuve non pas de la détérioration de l’état psychologique de l’appelante après la PMA, mais de son invalidité continue depuis qu’elle a cessé de travailler en janvier 2013.

[76] Le Tribunal est convaincu que le dossier médical et le témoignage crédible et incontesté de l’appelante corroborent l’existence d’une grave déficience mentale invalidante sur le plan fonctionnel au mois de janvier 2013, date à laquelle l’appelante n’était plus capable de travailler comme enseignante en raison de la réapparition du SSPT. Son invalidité est demeurée grave au sens du RPC à la date marquant la fin de la PMA, et le Tribunal est convaincu qu’elle le demeurera pendant une période indéterminée par la suite.

Invalidité prolongée

[77] Tout bien considéré, le Tribunal est convaincu que le SSPT dont l’appelante souffre est prolongé. Il remonte à 1999 et il persiste depuis longtemps. Il est réapparu au début de 2013, après avoir été rémittent pendant de nombreuses années. En dépit du fait qu’elle est retournée consulter le Dr Teehan, psychologue, une fois et, plus récemment, le Dr Paramsothy, psychiatre, l’appelante continue de manifester des symptômes invalidants sur le plan fonctionnel.

[78] Pendant que l’appelante suit une TCC au centre de traumatologie et obtient les soins psychiatriques du Dr Paramsothy, ses symptômes pourraient à un moment donné diminuer et lui permettre encore une fois de retourner sur le marché du travail. Toutefois, à l’heure actuelle et pendant une période indéterminée à l’avenir, le Tribunal est convaincu que l’appelante continuera de souffrir de symptômes invalidants sur le plan fonctionnel qui la rendent incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[79] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2013. Aux termes de l’article 69 du RPC, la pension est payable à compter du quatrième mois suivant le mois où le requérant devient invalide. Les paiements commencent au mois de mai 2013.

[80] L’appel est accueilli.

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