Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] Le demandeur sollicite la permission d’interjeter appel de la décision rendue par la division générale le 29 décembre 2015. La division générale a déterminé que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada puisqu’elle avait conclu qu’il n’était pas atteint d’une invalidité « grave » à la date à laquelle sa période minimale d’admissibilité (PMA) a pris fin, soit le 31 décembre 2014. Le 11 mars 2016, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler, alléguant que la division générale avait manqué à un principe de justice naturelle, avait commis une erreur de droit et avait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. L’intimé n’a toutefois pas remis d’observations. Pour accorder cette demande, je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès ?

Observations et analyse

[3] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) indique que les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) La division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) Elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) Elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent à l’un des moyens d’appel admissibles et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a confirmé cette approche dans la décision Tracey c. Canada (Procureur général), (2015) CF 1300.

a) Opinion d’une infirmière autorisée

[5] Le demandeur prétend que la division générale a violé un principe de justice naturelle en accordant plus de poids à l’opinion de Madame G. U., une infirmière autorisée, qu’à celle de son médecin de famille et celle de spécialistes.

[6] Madame G. U. a préparé des observations au nom de l’intimé (GD6). Elle n’a pas examiné le demandeur et elle ne lui a pas prodigué de soins. De plus, elle n’a pas fourni de preuve.

[7] La division générale a présenté les observations des parties. Un examen de la section ANALYSE révèle que la division générale a considéré les opinions médicales déposées devant elle. Il n’y est fait aucune mention ou référence à une quelconque opinion ou argument de la part de Madamde G. U. Au paragraphe [54], la division générale a indiqué qu’elle « avait soupesé les divers rapports médicaux » et, bien qu’elle ait noté que le médecin de famille était favorable au demandeur, la division générale a indiqué qu’elle « accordait plus de poids aux rapports des Spécialistes (sic), notamment les Drs MacInnes et Franan, sur Mark Westmacott, physiothérapeute, et Hafeez Lalji, kinésiologue. » Par conséquent, on ne peut pas dire que la division générale ait accordé du poids à l’opinion de Madame G. U. Premièrement, cette dernière n’a pas fourni de preuve; deuxièmement, la division générale a bien établi la preuve et les opinions auxquelles elle avait accordé du poids. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de succès.

b) Poids de la preuve

[8] Le demandeur prétend que la division générale a erré en ce qu’elle aurait dû accorder plus d’importance à l’opinion de son médecin de famille et à l’opinion du rhumatologue, à savoir qu’il souffre de fibromyalgie. Il soutient que, sur la base de sa fibromyalgie seule, il devrait être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. Il fait valoir que, de l’avis de son médecin de famille, le demandeur est inapte à tout travail. Il ajoute que son état de santé se détériorer progressivement.

[9] La Cour d’appel fédérale a déjà abordé la question du poids à accorder aux éléments de preuve. Dans l’affaire Simpson c. Canada (Procureur général), (2012) CAF 82, l’avocate de la requérante a fait valoir que, selon elle, la commission d’appel des pensions avait écarté, mal compris ou mal interprété un certain nombre de rapports, ou qu’elle y avait accordé trop d’importance. La Cour d’appel fédérale a refusé d’annuler la décision, estimant que le poids accordé à la preuve relevait du « juge des faits ». Bien que la décision Simpson ait été rendue dans le contexte d’un contrôle judiciaire, je suis d’accord que la division générale, à titre de juge des faits, est la mieux placée pour évaluer les éléments de preuve dont elle est saisie et déterminer le poids qu’il convient de leur accorder. Contrairement à son prédécesseur la Commission d’appel des pensions, la division d’appel n’instruit pas les appels de novo, et les moyens d’appel sont limités à ceux énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[10] Essentiellement, le demandeur cherche une réévaluation de la question à savoir s’il souffrait d’une invalidité grave avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, et a-t-il été invalide de manière continue depuis lors. Comme la Cour fédérale l’a établi dans l’affaire Tracey, le rôle de la division d’appel n’est pas d’apprécier de nouveau la preuve ni de soupeser de nouveau les facteurs pris en compte par la division générale. Dans le contexte d’une demande de permission d’en appeler, son rôle est plutôt de déterminer si la division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit ou de fait ou n’a pas observé un principe de justice naturelle tel que prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Cet article de la Loi sur le MEDS ne prévoit pas la possibilité d’une réévaluation.

[11] Compte tenu des moyens d’appel, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

c) Le paragraphe 52

[12] Le demandeur prétend que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Au paragraphe [52], il conteste la conclusion du membre de la division générale, à savoir qu’il n’existe aucune preuve d’une maladie inflammatoire des articulations et que la plupart de ses symptômes « ne concordent pas avec ceux d’une sténose lombaire ». Il soutient qu’à la lecture de ses résultats, son taux de CRP (protéine C réactive), qui est un marqueur du degré d’inflammation, est de douze fois supérieur à la moyenne. Il ajoute que des radiographies indiquent qu’il souffre d’une sténose du canal rachidien.

[13] Le paragraphe 52 se lit comme suit :

[52] [Traduction] Le Tribunal confirme que le 7 juillet 2014, le Dr R. Offer, rhumatologue, a indiqué que l’appelant se plaint de douleurs aux talons (ou tendons d’Achille), au coude gauche et au poignet droit. Interrogé s’il y avait enflure, il a déclaré que son épouse avait confirmé qu’il y avait « un tout petit peu d’enflures » au poignet droit. Cela tranche nettement avec le niveau d’invalidité qu’il rapporte. Selon lui, il n’a plus de poigne, ne peut se raser et il a de la difficulté à s’habiller quand il sent une poussée de douleur au poignet. L’appelant a indiqué qu’il souffrait d’une étrange combinaison de spondylarthrite ankylosante, de polyarthrite rhumatoïde et de fibromyalgie. Cependant, aujourd’hui, mon examen ne révèle aucun indice d’arthropathie inflammatoire. Autre qu’une diathèse des grands droits (faiblesse de la paroi abdominale), mon examen général ne révèle rien d’anormal. Il ne présente aucun signe de maladie inflammatoire des articulations. La plupart de ses symptômes ne concordent pas avec un diagnostic de sténose lombaire. Il présente des points douloureux là où on les rencontre typiquement dans les cas de fibromyalgie. Mon impression clinique indique une fibromyalgie associée à un sommeil non réparateur, un SCI (syndrome du côlon irritable), des migraines, et les symptômes du SADAM (syndrome algodysfonctionnel de l’appareil manducateur). Il ne semble pas avoir de symptômes de claudication neurogène lorsqu’il fait ses promenades quotidiennes. Il comprend les bienfaits de l’exercice sur une base régulière, du conditionnement physique, de l’augmentation de la force globale et des étirements. Le Dr Offer a indiqué qu’un congé d’invalidité ne fournit aucun bienfait médical à la plupart des patients atteints de fibromyalgie et qu’ils font mieux d’être actifs dans la société s’ils veulent demeurer fonctionnels plus tard. Ils tolèrent mal des occupations sédentaires, uniquement physiques ou répétitives. (Non souligné dans l’original)

[14] Les déclarations « aujourd’hui, mon examen ne révèle aucun indice d’arthropathie inflammatoire », « Il ne présente aucun signe de maladie inflammatoire des articulations », et « La plupart de ses symptômes ne concordent pas avec un diagnostic de sténose lombaire. » sont tirées directement du rapport du rhumatologue dans le dossier de l’audience (GD4-7 à GD4-9). Cela aurait peut-être dû sauter aux yeux, étant donné qu’on se réfère à une évaluation du jour même, puisque la division générale n’aurait pas entrepris une évaluation de l’état de santé du demandeur. Puisque la division générale a adopté l’opinion du rhumatologue, il existait bel et bien un fondement probatoire sur lequel la division générale a tiré ses conclusions. Je ne suis pas convaincue qu’un appel fondé sur ce moyen a une chance raisonnable de succès.

d) Le paragraphe 55

[15] Le demandeur prétend que la division générale a erré en déclarant qu’il n’existait aucun bilan clinique de la part du médecin de famille alors que celui-ci avait déposé plusieurs rapports. Le membre de la division générale a écrit : [Traduction] « Il n’y a pas de notes cliniques à la suite de consultations régulières chez le médecin de famille. » Il fait valoir que ni l’intimé ni la division générale n’auraient pu évaluer correctement son appel en l’absence d’un dossier médical complet.

[16] Il existe une distinction entre des notes cliniques et un des rapports médicaux. Les notes cliniques sont les notes prises par le médecin de famille au moment de la consultation ou peu après. En général, ces notes font état des plaintes du patient et des observations et conclusions du médecin; tandis qu’un rapport médical se présente sous forme d’une narration où les symptômes, l’historique et les antécédents sont énumérés, où l’on retrouve le diagnostic, le traitement et les résultats ainsi que l’état de santé actuel du patient. Il s’agit d’un résumé factuel de l’information au dossier. Il est évident que le dossier de l’audience comprenait les rapports médicaux du médecin de famille. Après tout, la division générale y a fait référence dans son analyse.

[17] L’examen du dossier de l’audience montre qu’en effet, la division générale a erré en déclarant qu’il n’y avait aucune note de la part du médecin de famille. Les notes de ce dernier se trouvent parmi les éléments de preuve GD3-18 à GD3-20 et GD13-2 et GD13-3. Elles couvrent six consultations entre le 18 février 2013 et le 26 août 2013, puis trois consultations entre le 18 novembre 2014 et le 16 avril 2015.

[18] Quelques-unes de ces notes cliniques se présentent en style télégraphique et affichent des abréviations. Elles documentent les plaintes du demandeur au sujet de douleurs au dos, au cou, et de migraines. Le médecin de famille a posé un diagnostic de polyarthralgie et de douleur chronique. Il y a également proposé un plan de soins qui comprenait une référence vers un rhumatologue. Le médecin de famille a produit pas moins de trois rapports médicaux qui comprenaient les plaintes du demandeur, son diagnostic et une description des soins qu’il recommandait. À ce titre, il est possible que le les notes cliniques n’ajoutent pas grand-chose au dossier, cependant, il semble que la division générale a pu fonder sa décision sur le fait qu’il n’y avait aucune note clinique de la part du médecin de famille. Pour ce motif, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

e) Le rapport médical mis à jour

[19] Le demandeur a déposé un rapport médical mis à jour par son médecin de famille. Toutefois, la Cour fédérale a statué, dans l’affaire Canada (Procureur général) c. O’Keefe, (2016) CF 503, qu’un appel devant la division d’appel ne permet pas la présentation de nouveaux éléments de preuve et que l’appel est limité aux trois moyens énoncés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Rien n’indique que ce rapport médical mis à jour soulève un des moyens d’appel, et à ce titre il n’y a aucun fondement sur lequel je pourrais le prendre en considération à cette étape.

Conslusion

[20] La demande de permission d’en appeler est accordée.

[21] Cette décision qui accorde la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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