Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

J. B. (appelant)

Tami Cogan (représentante de l’appelant)

K. S. (observatrice)

Introduction

[1] L’intimé a estampillé la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant le 23 septembre 2014. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’à l’étape du réexamen. L’appelant a interjeté appel de la décision au stade du réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (« le Tribunal »). L’appelant avait déjà demandé une pension d’invalidité au titre du RPC en juillet 2009. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’après réexamen.  L’appelant n’avait pas interjeté appel de la décision de réexamen précédente.

[2] L’audience dans le cadre de cet appel a été tenue par conférence téléphonique pour les motifs suivants :

  1. Il manquait de l’information ou il était nécessaire d’obtenir des précisions.
  2. La façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC établit les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une pension d’invalidité, un demandeur doit :

  1. a) avoir moins de soixante-cinq ans;
  2. b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[4] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[5]  L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Question en litige

[6] La date de la PMA n’est pas contestée, car les parties conviennent et le Tribunal constate que la PMA a pris fin le 31 décembre 2006. Le Tribunal doit donc déterminer si l’appelant était vraisemblablement atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

Preuve

[7] L’appelant est âgé de 58 ans et jusqu’à la fin de juin, a vécu avec sa femme pendant la période pertinente à X, en Ontario. Ils ont déménagé récemment dans la maison des parents de sa femme à X, en Alberta, car sa femme a perdu son emploi à temps plein à la Société des loteries de l’Ontario en avril 2016. Elle y avait travaillé à temps plein tout le temps qu’elle a résidé à X. L’appelant avait une treizième année et un diplôme de deux ans en fondements des services policiers du Seneca College ainsi qu’une formation d’agent de bord acquise en 1996 au ministère des Transports.

[8] Dans les documents qui accompagnent sa demande de 2014 en vue d’obtenir des prestations d’invalidité au titre du RPC, l’appelant a indiqué qu’il souffre de douleurs graves et prolongées au dos et à l’épaule. Les documents accompagnant sa demande de 2009 indiquaient qu’il avait subi un certain nombre de fusions lombaires et cervicales en raison de disques rompus lors d’un accident de voiture, d’une séparation permanente au troisième degré de l’épaule gauche, et d’une intervention chirurgicale à venir pour retirer un os mort dans sa main gauche. Il indiquait dans ses deux demandes qu’il n’était plus en mesure de travailler à cause de son état de santé le 28 février 2002.

Historique

[9] L’ensemble de la preuve documentaire et de la preuve orale a été pris en compte; cependant, seuls les éléments de preuve les plus pertinents sont expressément invoqués ici.

[10]  L’appelant a travaillé comme premier répondant et membre du groupe tactique d’intervention à la Police d’Edmonton de 1979 à 1993. Il a démissionné de son poste en raison de la tension subie. Au même moment, son premier mariage a été rompu. Il estime que son travail dans la police a été l’élément principal de sa carrière qu’il a préféré. Il a ensuite été agent de bord chez Royal Air pendant environ 18 mois; cet emploi a pris fin à la suite d’une réorganisation lorsque la compagnie a été vendue. L’appelant affirme qu’il a ensuite travaillé chez Goodlife Fitness. Les documents relatifs à la demande de l’appelant révélaient qu’il a commencé à travailler chez Goodlife le 1er juin 2000.

[11] L’appelant a vécu un moment crucial de sa vie lorsqu’il a eu un grave accident de voiture en 1998. Il a affirmé que son côté droit était paralysé et qu’il ne pouvait se servir de son bras droit. Il avait des hernies discales à la moelle épinière et des problèmes au bas du dos. Il a subi une intervention chirurgicale au cou à Sudbury, mais sa blessure au bas du dos a été traitée avec prudence. Il affirme qu’il a pris du Celebrex comme anti-inflammatoire jusqu’à ce que ce médicament mette en péril le fonctionnement de ses reins. Il dit qu’il était ensuite incapable de marcher sans béquilles ou sans une canne et qu’il a été cloué au lit pendant des périodes de 3 à 4 semaines jusqu’à ce que son dos « débloque ». En une occasion, il a dû se rendre à l’hôpital en ambulance et il a dû être aiguillé vers le Dr Yen (description plus détaillée ci-après).

[12] D’après les documents liés à la demande de l’appelant, il est demeuré au service de Goodlife jusqu’au 28 février 2002, date à laquelle il n’a pu terminer son quart de travail en raison de douleurs. Toutefois, à l’audience, l’appelant a affirmé que son dernier jour de travail a eu lieu en 2003, année au cours de laquelle il a travaillé pendant deux mois chez Gananoque Chevrolet Oldsmobile. Il s’agissait d’un travail de bureau qui amenait l’appelant à contacter les clients dont les paiements de voiture prenaient fin : sa tâche consistait à les amener à acheter une autre voiture. Il dit avoir mis fin à cet emploi en raison de douleurs chroniques. Le sommaire des gains et des cotisations présenté par l’intimé révèle que l’appelant a gagné 35 928 $ en 2002 et 5 787 $ en 2003.  Le questionnaire de l’appelant indiquait un salaire de 40 000 $ chez Goodlife; à l’audience, il a précisé qu’il était rémunéré essentiellement à commission, mais qu’il bénéficiait également d’un salaire de base.

[13] L’appelant a nié avoir occupé un autre emploi ou avoir réalisé d’autres gains après 2003, outre une brève tentative d’une durée de trois semaines pour travailler à temps partiel au Club de golf Glen Lawrence à l’été 2015. À cette époque, il exploitait le barbecue chez « Snack Shack » et était toujours assis; il a affirmé que ses quarts de travail ne duraient jamais plus de deux heures. Il a affirmé qu’un ami l’a aidé dans ses tentatives de travailler. On ne l’a pas rappelé au travail après une absence de 1 à 2 mois en raison d’une blessure.

[14] À l’audience, l’appelant a déclaré que, vers 2004, sa femme a acquis un immeuble comportant de l’espace résidentiel et une entreprise appelée Gananoque Family Fitness. Il a mentionné qu’elle possédait et dirigeait l’entreprise, en plus de son emploi à temps plein, car ils voulaient générer un deuxième revenu pour la famille vu qu’il ne travaillait pas. Le centre de conditionnement physique semble avoir été exploité par l’intermédiaire d’une société dont la femme de l’appelant était présidente. Il a indiqué qu’il ne jouait aucun rôle dans l’entreprise et qu’elle en retirait tous les bénéfices; en revanche, il a également affirmé qu’il recevait des dividendes annuellement. Il ne se souvenait pas quand le dividende était versé. Il a également affirmé que l’entreprise était dirigée par des employés embauchés à raison d’un à la fois. Cependant, au fil des ans, il y en a eu un total d’environ vingt. Il a indiqué que l’entreprise a été vendue environ un an avant qu’ils quittent l’Ontario en juin 2016.

[15] La première preuve médicale est un rapport daté du 14 décembre 2005 du Dr Yen (chirurgien orthopédique), qui a reçu l’appelant qui présentait des symptômes au dos et à la jambe droite. Le Dr Yen a indiqué que l’appelant [traduction] « est un entraîneur personnel et que sa femme gère le casino local ». L’appelant a déclaré des problèmes persistants et progressifs de douleurs au bas du dos qui irradiaient dans la jambe droite jusqu’au pied, ainsi que de l’engourdissement dans le mollet et le pied droits. La douleur s’aggravait après de longues périodes en position debout ou assise ou après de longues marches et il a affirmé avoir constamment besoin d’alterner entre les trois. L’appelant boitait. Comme une IRM récente a révélé des problèmes vertébraux, le Dr Yen a proposé une décompression lombaire postérieure à deux niveaux, une discectomie et une fusion à un niveau. L’appelant a accepté cette proposition et une intervention chirurgicale a été réalisée le 9 février 2006. À ce moment-là, le médecin a établi un diagnostic de spondylose lombaire.

[16] Lorsque l’appelant a été interrogé au sujet de la mention « entraîneur personnel » à l’audience, il a indiqué qu’il a pu obtenir son attestation alors qu’il travaillait encore chez Goodlife. Il a dit qu’il l’a fait uniquement pour suivre sa propre thérapie personnelle. Il a nié qu’il travaillait comme entraîneur personnel, affirmant qu’il ne pouvait pas aider les gens à lever des poids. Il affirme qu’il a acheté une machine TENS et de l’équipement de massothérapie pour ses soins personnels; il faisait une thérapie par lui-même pour économiser.

[17] Le 12 février 2006, l’appelant a obtenu son congé du Dr Yen et s’est fait dire qu’il pouvait être debout, s’asseoir et marcher dans la mesure où il pouvait le tolérer, mais qu’il devrait éviter les exercices pour son dos et l’usage marqué ou répétitif de sa colonne lombaire pour les trois prochains mois. Deux mois plus tard, soit le 4 avril 2006, le Dr Yen a confirmé que ces restrictions devraient demeurer en place pendant un mois. L’appelant a alors déclaré que ses symptômes à la jambe s’étaient améliorés depuis l’intervention chirurgicale, mais qu’il ressentait encore des douleurs au dos lorsqu’il exerçait certaines activités; il convient cependant de noter qu’il avait cessé de prendre ses médicaments. Il marchait sans boiter et le Dr Yen a écrit qu’il réalisait des progrès constants dans son rétablissement.

[18] Le prochain document médical est un rapport de consultation en orthopédie daté du 15 novembre 2006 du Dr Andrew Pickle. Le Dr Pickle a reçu l’appelant pour une blessure à l’épaule gauche subie 5 ans auparavant lorsqu’un ami costaud de l’appelant l’a attrapé et est tombé directement sur son épaule. L’appelant a dit que les choses se sont bien déroulées pendant trois ans (pendant ses traitements de physiothérapie), mais qu’il a ensuite commencé à ressentir de plus en plus d’inconfort. Il ne pouvait pas dormir sur cette épaule en raison de la douleur. Le Dr Pickle a mentionné qu’[traduction]« il possède son propre gymnase et soulève beaucoup de charges et qu’il doit restreindre ses activités en raison de son épaule ». Le Dr Pickle a diagnostiqué une séparation articulaire acromio-claviculaire chronique et a dit qu’il devrait voir les radiographies avant de déterminer si l’intervention chirurgicale constituait une option. Dans la négative, il recommanderait à l’appelant la physiothérapie afin qu’il fasse des exercices d’étirement pour récupérer le reste de son amplitude de mouvement. Cependant, il n’y a pas eu de suivi du Dr Pickle dans le dossier.

[19] L’appelant a été interrogé à l’audience au sujet de la mention faite par le Dr Pickle selon laquelle l’appelant possédait son propre gymnase et levait de nombreuses charges. Il a répondu qu’il a dit au Dr Pickle qu’il devait s’entraîner tous les jours dans le cadre de son travail précédent dans la police et qu’il avait donc levé beaucoup de charges dans sa vie. L’appelant a également soutenu que comme sa femme possédait un gymnase, il se vantait d’en être également propriétaire (comme il était son mari). En ce qui concerne l’absence de suivi documenté, l’appelant a affirmé que le Dr Pickle était incapable de faire l’intervention chirurgicale nécessaire et a renvoyé l’appelant au Dr  Bicknell, quoiqu’il n’y a pas de documents du Dr Bicknell dans le dossier. L’appelant a dit que le Dr Bicknell a fini par remplacer l’épaule gauche en 2010 et entendait remplacer également l’épaule droite de l’appelant après son soixantième anniversaire. L’appelant a également mentionné qu’il a subi une intervention chirurgicale de reconstruction du poignet en 2006 ou en 2007.

[20] À l’audience, l’appelant a dit qu’à la fin de 2006, il pouvait à peine se servir de ses bras ou de sa main droite, qu’il utilisait des béquilles ou une canne pour marcher, et qu’il était alité à l’occasion pendant 3 à 4 semaines à la fois avant de pouvoir marcher de nouveau. Il a dit que tout lui posait problème et qu’il ne pouvait demeurer en position assise que pendant 4 à 5 minutes à la fois avant de devoir changer de position, qu’il pouvait dormir une heure à la fois avant de devoir se réveiller et changer de position, et qu’il pouvait faire seulement 30 pas avant de ressentir de la douleur. Il devait s’étirer pour faire cesser la douleur et devait sans cesse prendre une nouvelle position. Il a dit que ses symptômes subsistent à ce jour quoiqu’ils étaient pires en 2006.

[21] Il n’y a pas eu d’autres documents médicaux avant une IRM de la moelle épinière faite en octobre 2008. Celle-ci a révélé une discopathie dégénérative légère de L3-4 à L5-S1, de l’arthrose facettaire bilatérale sévère à L3-4, une sténose spinale centrale acquise de modérée à sévère à L3-4, une protrusion discale focale latérale de gauche à ce niveau avec compression de la racine nerveuse L3, des ruptures de l’annulus touchant les disques L4-5 et L5-S1, et une protrusion discale focale à L5-S1 dans le récessus latéralisé gauche avec compression du nerf S1. Quand l’appelant a été interrogé au sujet de l’écart constaté entre novembre 2006 et octobre 2008, il a dit qu’il se rendait dans une clinique de la douleur pour recevoir des injections épidurales et qu’il passait d’un chirurgien à l’autre parce que le Dr Yen ne l’aidait pas.  L’appelant a dit qu’il a envisagé le suicide au cours de cette période.

[22] L’appelant a consulté de nouveau le Dr Yen le 22 janvier 2009 et s’est surtout plaint de douleurs au bas du dos. Il a également parlé des engourdissements au bas du dos. Ses douleurs à la jambe droite sont devenues des douleurs à la jambe gauche après l’intervention chirurgicale de 2006. Le Dr Yen a observé une démarche normale. Il croyait être surtout en présence de douleurs au dos et de douleurs sciatiques intermittentes; il privilégiait un traitement sans opération. Le rapport médical du 4 avril 2009 de la Dre Dubois (médecin de famille) comportait un diagnostic de discopathie dégénérative à L3-4 avec douleur sciatique intermittente. Selon son pronostic, il s’agissait d’un état chronique et l’appelant aurait des douleurs chroniques persistantes accompagnées de poussées intermittentes et de douleurs sciatiques.

[23] Dans un questionnaire daté du 15 septembre 2009, l’appelant écrivait qu’il ne pouvait pas s’asseoir ou demeurer debout pendant une certaine période, ne pouvait rien lever, ne pouvait pas lever son bras gauche au-dessus de son épaule, ressentait de vives douleurs à la main droite en raison d’un os mort (opération prévue en octobre 2009) et de vives douleurs dans le bas du dos et dans le cou.

[24] Après des tomodensitogrammes de la moelle épinière réalisés en août 2010, l’appelant a consulté de nouveau le Dr Yen le 16 novembre 2010. Il s’est plaint de douleurs au bas du dos et de poussées de douleurs à la sciatique du côté gauche qui surviennent tous les mois [traduction] « et qui sont tellement sévères qu’il est essentiellement alité 2 semaines à la fois. » Le Dr Yen a constaté que l’appelant a subi une intervention chirurgicale à l’épaule en avril 2010 et qu’il ressent de la douleur et des spasmes (constants) au cou depuis. Le Dr Yen a alors écrit que malgré ces problèmes, l’appelant [traduction] « continue de travailler à la réception de son entreprise ». Cependant, le Dr Yen a préféré de nouveau s’abstenir d’opérer. Il a écrit que l’appelant a demandé un aiguillage vers une clinique de traitement de la douleur, quoique l’appelant l’ait nié avec véhémence à l’audience. Les documents révèlent que l’appelant a commencé à consulter le Dr David Smith au Kingston Orthopedic Pain Institute en décembre 2011; l’appelant n’était pas certain de la date à laquelle il a entrepris le traitement. Il a déclaré qu’il arrivait difficilement à se souvenir de l’ordre exact des événements en raison du grand nombre d’interventions chirurgicales et de médicaments.

[25] Lorsque l’appelant a été interrogé à l’audience au sujet de son travail « à la réception de son entreprise », il a nié y travailler. Il a dit que c’était l’entreprise de sa femme et qu’elle se trouvait dans le même immeuble que celui où ils vivaient. Il a dit qu’il pouvait voir l’employé à l’accueil sur l’écran d’une caméra de sécurité installé à son lit. Il a nié avoir déjà été employé.

[26] Malgré l’opinion du Dr Yen formulée en 2010, le Dr McBroom (chirurgien orthopédique) s’est dit d’avis le 18 septembre 2013 que l’intervention chirurgicale représentait une option et que l’appelant semble avoir subi une décompression lombaire avec fusion et instrumentation au début de décembre 2013. Bien que ce ne soit pas indiqué dans ladocumentation, l’appelant a affirmé que le Dr McBroom a décrit son cas comme le [traduction] « pire cas de sténose qu’il a vu en tant que chirurgien ». Il a ajouté que seuls les antécédents athlétiques de l’appelant lui ont permis de demeurer actif.

[27] Le 23 mai 2014, le Dr Faris (clinique de l’électromyogramme) a déclaré que l’appelant a pu être bien soulagé de sa douleur chronique au dos et à la jambe après l’intervention chirurgicale de 2013, quoique il se soit retrouvé avec un nouveau problème de douleur au cou (et d’irradiation dans l’épaule, les membres supérieurs et les doigts) quand l’appelant s’est réveillé après l’intervention chirurgicale. Le Dr Faris a observé que l’appelant était [traduction] « un homme qui avait vraiment l’air en forme comme s’il avait un entraîneur personnel » et qu’il avait bien conservé sa musculature aux membres supérieurs sans perte de muscle focal.

[28] Le 21 juillet 2014, la Dre Dubois a fourni un autre rapport médical pour appuyer la demande actuelle de prestations d’invalidité au titre du RPC. Elle a établi un diagnostic de discopathie dégénérative sévère et de multiples interventions chirurgicales, ainsi que des douleurs chroniques aux jambes et au dos et des restrictions importantes qui en ont résulté sur le plan des activités de la vie quotidienne. Elle a indiqué que son sommeil était interrompu par la douleur, qu’il ne pouvait marcher ou rester debout longtemps, et qu’il ne pouvait transporter des charges de plus de 5 livres. Elle estimait que son pronostic était mauvais après de nombreuses interventions chirurgicales.

[29] Il n’y a pas de rapports médicaux subséquents. Cependant, dans son questionnaire du 26 juin 2014, l’appelant mentionnait qu’il n’avait pas travaillé au cours des cinq dernières années. Dans un questionnaire sur le travail du RPC daté du 23 novembre 2014, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas travaillé depuis 2002, qu’il n’était pas travailleur autonome et qu’il ne possédait pas sa propre entreprise. À l’audience, il a indiqué qu’il a subi cinq interventions chirurgicales majeures et qu’en calculant seulement le temps de rétablissement, il aurait été en dehors du marché du travail pendant 3 à 4 ans.

[30] L’appelant a affirmé qu’il a maintenant des tremblements et que l’on soupçonne la maladie de Parkinson, bien que ce ne soit pas confirmé. À cet égard, il a dit qu’il n’a pas de motricité fine. Il a continué à se rendre à la KOPI Pain Clinic, surtout pour recevoir des injections pour ses douleurs discales, jusqu’à ce qu’il déménage en Alberta. Il a également continué à consulter la Dre Dubois jusqu’à ce moment-là. Il la rencontrait une fois par mois pour faire renouveler son ordonnance de narcotiques. L’appelant n’a pas encore de médecin de famille ni de médecin spécialiste en Alberta. Il convient cependant de préciser qu’il a reçu sa carte d’assurance-santé la veille de l’audience. Ses médicaments actuels comprennent le Bupropion (antidépresseur), l’Hydrochlorothiazide (pression sanguine), le Baclofen (douleurs et spasmes musculaires), l’OxyNeo (douleurs), l’Oxycocet (pics de douleur), le Senokot (laxatif), l’acétominophène (arthrite), le Tamsulocin (prostate), et le Pregabalin (Lyrica).

Observations

[31] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. Malgré le fait qu’il a subi des traitements complets et de nombreuses interventions chirurgicales et qu’il a participé à toute la réadaptation recommandée, il a obtenu peu de soulagement de ses afflictions chroniques.
  2. Son état est progressif, l’amélioration postérieure à l’intervention chirurgicale s’est révélée négligeable, et ses médicaments lui causent des restrictions supplémentaires.
  3. Il est incapable de travailler régulièrement à quelque titre que ce soit et on ne peut compter sur lui comme employé.
  4. Il n’a pas travaillé pendant 14 ans, il n’a obtenu son attestation d’entraîneur personnel que pour se soigner lui-même, et son pronostic est considéré mauvais; il a donc une invalidité prolongée.

[32] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. Il n’avait pas de déficits neurologiques et le traitement sans opération était recommandé.
  2. La médecin de famille n’a pas mentionné de problèmes aux épaules dans son rapport médical d’avril 2009 et la preuve médicale du chirurgien orthopédique n’étayait pas une pathologie ou une déficience sévère dans ses rapports de 2009 et 2010.
  3. Son intervention chirurgicale de décembre 2013 ne l’a pas soulagé de ses douleurs chroniques au dos et à la jambe.
  4. L’information soumise révélait qu’il dirigeait un gymnase et qu’il travaillait malgré ses restrictions après sa période d’admissibilité.

Analyse

[33] L’appelant doit prouver selon la prépondérance des probabilités qu’il avait une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2006 ou avant cette date.

Invalidité grave

[34] Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La gravité de l’invalidité doit être évaluée dans un contexte « réaliste » (Villani c. Canada (P.G.), 2001 CAF 248). Ainsi, pour évaluer la gravité de l’invalidité d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie.

[35] Il y a beaucoup de documents sur la période postérieure à la PMA (dont seulement quelques-uns sont résumés de façon explicite précédemment) qui concernent les symptômes et le traitement de l’appelant. L’appelant a également soumis à l’audience une preuve complète sur ses restrictions et a indiqué que ces restrictions existaient avant la date de sa PMA. Cependant, avant qu’une conclusion puisse être tirée au sujet de la gravité de l’état de l’appelant, il faut régler des contradictions importantes dans la preuve de l’emploi de l’appelant après 2002.

Emploi après 2002

[36] Dans chacune de ses deux demandes, l’appelant a indiqué qu’il a cessé de travailler le 28 février 2002. De plus, dans un questionnaire sur le travail rempli le 23 novembre 2014, il a indiqué qu’il n’a pas travaillé après 2002, qu’il n’était pas travailleur autonome et qu’il ne possédait pas sa propre entreprise.

[37] Il a indiqué que l’emploi ayant pris fin le 28 février 2002 était un poste de directeur des ventes chez Goodlife à un salaire annuel de 40 000 $ par année. Par ailleurs, le relevé de ses gains et de ses cotisations révélait des gains de 35 928 $ en 2002 et de 5 787 $ en 2003. À l’audience, l’appelant a indiqué que dans les faits, il avait également occupé pendant deux mois un emploi de bureau chez Gananoque Chevrolet Oldsmobile en 2003. Bien que cette information n’a pas été fournie avant l’audience, le Tribunal accepte que l’appelant ait travaillé chez Gananoque Chevrolet Oldsmobile en 2003, car ce renseignement est plus cohérent avec ses gains et ses cotisations. Le Tribunal conclut également que l’appelant a vraisemblablement travaillé pendant plus de deux mois en 2002, car ses gains pour cette année-là reflètent un emploi pour presque une année complète. Le Tribunal ne tire aucune conclusion sur le lieu de cet emploi et il n’est pas nécessaire de le faire.

[38] Il existe une contradiction plus délicate entre l’affirmation ferme de l’appelant selon laquelle (outre une brève tentative en 2015) il n’a pas travaillé après 2003 et la preuve médicale (avant et après la PMA) qui laisse croire à autre chose.

[39] Le 14 décembre 2005, le Dr Yen a indiqué que l’appelant [traduction] « est un entraîneur personnel et que sa femme gère le casino local ». Le 15 novembre 2006, le Dr Pickle a mentionné qu’[traduction]« il possède son propre gymnase et soulève beaucoup de charges et qu’il doit restreindre ses activités en raison de son épaule ». Le 16 novembre 2010, le Dr Yen a écrit que l’appelant [traduction] « continue de travailler à la réception de son entreprise » malgré ses restrictions. Le 23 mai 2014, le Dr Faris a écrit que l’appelant était [traduction] « un homme qui avait vraiment l’air en forme comme s’il avait un entraîneur personnel » et qu’il avait bien conservé sa musculature aux membres supérieurs.

[40] L’appelant a témoigné au sujet de ces contradictions à l’audience et a en effet laissé entendre que chacun des médecins en cause n’a pas fait état avec exactitude de la réalité de la situation. Il a affirmé qu’il n’est devenu entraîneur personnel que pour se traiter lui-même à un coût réduit, et qu’il n’a jamais offert de services d’entraînement à qui que ce soit d’autre. Il a mentionné que c’est sa femme qui possédait le gymnase, qu’il n’était pas du tout impliqué dans son exploitation, et qu’il a dit être propriétaire seulement pour se vanter. Il a dit que ses commentaires sur la levée de lourdes charges ont été faits en référence à sa carrière précédente de policier. Enfin, il a soutenu qu’il ne travaillait pas à la réception du gymnase, mais plutôt qu’il observait l’employé du bureau d’accueil sur une caméra de sécurité qu’il pouvait voir de son lit.

[41] Dans chaque cas, le Tribunal préfère le compte-rendu contenu dans la documentation médicale objective. Il est extrêmement peu probable que de nombreux médecins spécialistes dénaturent, séparément et considérablement, sur une période étalée sur de nombreuses années, ce qui leur a été rapporté par l’appelant au sujet de ses activités de conditionnement physique et de son emploi. Leurs comptes-rendus sont également objectifs et contemporains, tandis que la réponse directe de l’appelant à leurs comptes-rendus n’a été donnée que lors de l’audience comme telle. Enfin, les explications de l’appelant sont tout simplement difficiles à accepter. Par exemple, on peut difficilement comprendre pourquoi une personne qui prétend ne pas participer à l’entreprise aurait du matériel de surveillance vidéo installé dans sa chambre afin de pouvoir surveiller l’entreprise. Le Tribunal conclut donc que l’appelant était un entraîneur personnel pour davantage que ses propres traitements, qu’il possédait un gymnase/centre de conditionnement physique en 2006, qu’il a levé beaucoup de charges en 2006, et qu’il travaillait à la réception du centre de conditionnement physique en 2010.

[42] Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’effectuer une analyse complémentaire sur cette question, le Tribunal note que l’autre témoignage de l’appelant au sujet du centre de conditionnement physique n’était pas non plus convaincant et ne l’a pas aidé. L’appelant a soutenu que le centre de conditionnement physique a été acheté pour procurer un revenu additionnel à la famille parce qu’il ne pouvait plus travailler. Toutefois, l’appelant a dit qu’il n’était pas impliqué du tout et que tous les revenus ont été versés à sa femme (qui avait déjà un emploi à temps plein). Du point de vue de la fiscalité et de la gestion, c’était à tout le moins difficile à concilier. De plus, l’appelant a prétendu ne pas être propriétaire ni n’avoir eu d’autre rôle à jouer dans l’entreprise, mais il a reconnu avoir reçu des dividendes au cours d’une année. On ne sait pas très bien pourquoi des dividendes seraient versés à une personne qui ne possède pas d’entreprise ni n’a de rôle à jouer dans celle-ci. Il n’est pas non plus facile d’accepter que l’appelant n’avait aucun lien avec l’entreprise : tandis que sa femme était employée à temps plein dans un domaine non relié, il possédait déjà de l’expérience de travail dans un centre de conditionnement physique, une attestation d’entraîneur personnel, avait reconnu s’en tenir à un régime physique intensif (au moins pendant son emploi de policier), et qu’aussi tardivement que 2014, il avait encore une musculature impressionnante cohérente avec son statut d’entraîneur personnel.

Évaluer la gravité à la date de la PMA

[43] Les conclusions qui précèdent n’empêchent pas nécessairement l’appelant d’établir la gravité avant la PMA et de continuer jusqu’à la date de l’audience. Il se peut que son travail au centre de conditionnement physique ait été tellement limité qu’il ne démontrait pas une capacité régulière de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, comme l’appelant soutient qu’il n’a pas travaillé du tout, il est difficile d’accorder quelque valeur probante que ce soit à son propre témoignage à l’appui d’un tel argument. L’on accepte que l’appelant n’ait pas déclaré de revenus après 2003, mais il a également témoigné que l’entreprise était constituée en société et que tout l’argent qu’elle générait était versée à sa femme. Ainsi, l’absence objective de revenus documentés n’a pas une grosse valeur probante.

[44] Il est également vrai que l’appelant lui-même a rapporté des restrictions physiques importantes avant la date de sa PMA, soit le 31 décembre 2006. Toutefois, compte tenu de la difficulté du Tribunal avec le reste de la preuve de l’appelant ayant trait à cette période, le Tribunal préfère s’en remettre à la documentation médicale objective. Le Tribunal fait observer qu’aucun de ces éléments de preuve ne traite explicitement de l’incapacité substantielle de travailler : en ce qui concerne le travail, la preuve pré-PMA indiquait simplement que l’appelant était un entraîneur personnel, qu’il possédait son propre gymnase, et qu’il soulevait beaucoup de charges, mais qu’il était limité à cet égard en raison de problèmes à l’épaule.

[45] Bien que la preuve présentée par le Dr Yen en 2005 et au début de 2006 appuie l’existence de douleurs au dos et d’irradiation dans la jambe, les symptômes dans la jambe semblent avoir été réglés au moyen de l’opération chirurgicale subie au début de 2006. Les derniers documents antérieurs à la PMA du Dr Yen qui datent d’avril 2006 renvoient simplement à des douleurs au dos après certaines activités, mais décrivent également des progrès réguliers sur le plan du rétablissement de l’appelant après son intervention chirurgicale au dos. Le Dr Yen a relevé l’existence d’une restriction applicable aux exercices pour le dos et à l’usage marqué ou répétitif de sa colonne lombaire, mais cette restriction devait prendre fin en mai 2006.

[46] Le Dr Pickle a brièvement mentionné une restriction dans l’amplitude du mouvement liée à une fusion touchant la colonne cervicale de l’appelant à la fin de 2006, mais pour l’essentiel, il n’a traité que de l’état de son épaule. De fait, il n’existe pas de preuve objective qui soit directement liée au dos à partir du 4 avril 2006, et ce jusqu’à l’IRM du 5 octobre 2008.  L’appelant a soutenu qu’il se rendait dans une clinique de traitement de la douleur au cours de cette période, mais les documents révèlent qu’il ne l’a pas fait avant 2011; il a également prétendu qu’il a consulté d’autres chirurgiens parce que le Dr Yen ne l’aidait pas, mais il consultait encore le Dr Yen en 2009 et en 2010.  De plus, il convient de noter que le rapport médical du 4 avril 2009 de la Dre Dubois à l’appui de la première demande de l’appelant porte essentiellement sur les douleurs au dos de l’appelant et ne mentionne même pas de douleur à l’épaule. En outre, des preuves subséquentes portent essentiellement sur les douleurs au dos de l’appelant. En ce qui concerne l’état de l’appelant à la date de la PMA, le Tribunal conclut qu’il ressentait vraisemblablement certaines douleurs au dos, mais ce n’était pas suffisant pour l’empêcher de travailler. La seule restriction professionnelle qui était formulée à ce moment-là avait trait à son épaule.

[47] Il incombe à l’appelant d’établir une invalidité grave à la date de sa PMA qui se poursuit jusqu’à la date de l’audience. Le Tribunal n’est pas convaincu selon la prépondérance des probabilités que l’appelant, qui exploitait un gymnase en novembre 2006, était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice au 31 décembre 2006. Les activités d’haltérophilie affectant son épaule peuvent lui avoir été interdites à ce moment-là, mais en raison de ses antécédents scolaires et professionnels solides, ses options ne se limitaient aucunement à un travail aussi exigeant physiquement. En outre, il est établi que l’appelant a continué à travailler au moins jusqu’au 16 novembre 2010. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir une invalidité grave à la date de sa PMA ou avant cette date.

[48] Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire que le Tribunal se penche davantage sur la preuve substantielle couvrant la période postérieure à la PMA. Il est certes possible que l’appelant ait rempli les conditions de la gravité à une date ultérieure. Par exemple, au moment où le Dr Faris a rédigé sa lettre du 23 mai 2014, il semble que les activités professionnelles de l’appelant étaient choses du passé. Il semble y avoir également eu une tentative de retour au travail non réussie en 2015. Toutefois, dans le cas d’un prestataire qui présente un relevé des gains et des cotisations comme celui de l’appelant, la loi sur le RPC exige que l’on prouve une invalidité grave en date du 31 décembre 2006. L’appelant n’a pas satisfait à cette exigence.

Invalidité prolongée

[49] Puisqu’il a conclu que l’invalidité n’était pas grave, le Tribunal n’est pas tenu de se prononcer sur le caractère prolongé de l’invalidité.

Conclusion

[50] L’appel est rejeté.

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